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07 février 2011

Non au budgétarisme constitutionnel

Le rôle assigné à la dépense publique comme son impact sur l’activité économique est de ces sempiternelles controverses qui opposent les économistes entre eux, mais aussi les politiques, dès lors qu’on aborde la question de la dette publique.

Conceptualisé par l’économiste néolibéral James Buchanan, le budgétarisme constitutionnel consiste à l’adoption d’une règle à valeur constitutionnelle destiné à interdire, ou restreindre fortement tout au moins, le recours au déficit budgétaire.

Bayrou proposait une réforme de la Constitution en ce sens en 2007. En 2008, l’Allemagne a adopté une règle budgétaire constitutionnelle visant à plafonner le déficit structurel du gouvernement fédéral à 0,35% du PIB à partir de 2016 et ceux des Länder à partir de 2020.

Face au risque d’une crise des finances publiques en Europe, l’Allemagne suggère dans son « Pacte de compétitivité » l’adoption, par les autres Etats-membres de l’UE, d’une norme similaire. Sarkozy va dans ce sens et y travaille. Zapatero commence à en parler en Espagne.

L’idée c’est qu’en adoptant une telle norme, les gouvernements envoient un signal aux acteurs économiques (ménages, investisseurs institutionnels), pour les rassurer sur les engagements financiers de l’Etat, et par voie de conséquence, changer leurs comportements économiques.

Selon la théorie des anticipations rationnelles, les ménages seraient sensibles au niveau de dette publique. Plus la dette est importante, et plus l’effort fiscal/  budgétaire, pesant sur les ménages, pour la réduire sera important. En conséquence, les ménages épargneraient pour faire face aux ajustements futurs.

Les marchés financiers financent les émissions d’obligations des Etats, c'est-à-dire l’endettement public. Or plus la dette initiale est élevée et plus la dynamique de la dette nouvelle est importante, moins l’Etat apparait en mesure de faire face à ses engagements présents et à venir. Il en résulte une hausse des taux d’intérêt sur la dette, ce qui renchérit son coût.

Par ailleurs, en contraignant les Etats à mener des politiques budgétaires restrictives, l’idée est de stabiliser la politique économique dans le temps, et donc de faciliter les choix économiques des agents. Ce faisant on s’inspire des politiques monétaires de ciblage d’inflation menée par les Banques centrales à partir des années 80.

Pourtant, si la réduction des déficits publics est un objectif louable, je ne suis pas certain qu’un tel instrument soit pertinent. Avec le « Pacte de stabilité » (déficit limité à 3% du PIB), l’Europe a déjà adopté une norme de contrainte budgétaire, avec des résultats décevants pour la période 2002-2008.

Quand bien même la norme allemande distingue « déficit structurel », résultat de choix politiques et « déficit conjoncturel », dépendant de la situation économique du moment, une telle norme conduira in fine à des ajustements de grandes ampleurs, indépendamment de la conjoncture. Les plans de rigueur adoptés en Europe en ce moment, en pleine période de reprise fragile, risquent de retarder la sortie de crise.

Le déficit public permet un lissage des à-coups de la conjoncture économique et la réalisation d’investissements de moyen/long termes (le grand emprunt). Interdire les déficits risque d’enfermer la politique budgétaire de l’Etat dans une logique pro-cyclique et sur un horizon de court terme, affaiblissant le potentiel de croissance à moyen/long terme.

On ne sait pas encore très bien si cette norme s’appliquerait à l’ensemble des comptes publics (Etats, collectivité locales et organismes de sécurité sociale) ou seul le budget de l’Etat. Dans le cadre du financement de la sécurité sociale, interdire le recours à l’emprunt obligerait donc à stopper les dépenses de santé. La régulation du système de santé se ferait, comme en Angleterre, par la constitution de listes d’attentes.

Le budget des collectivités locales est régi par une norme semblable. Elles ne peuvent s’endetter que pour financer des investissements. Mais il s’agit là moins d’investissements économiques que d’investissements patrimoniaux (genre piscine, complexe sportif etc.) qui engendrent par ailleurs des coûts de fonctionnement. Autrement dit, chercher à distinguer dépenses de fonctionnement et dépenses d’investissements est assez complexe.

S’attaquer à la question du déficit et de la dette ne peut passer par l’établissement d’une ou plusieurs normes interdisant ou encadrant les déficits. On sait très bien qu’à chaque règle se trouve une exception. Des pays ont montré qu’il était possible de réduire le niveau d’endettement sans s’enfermer dans une logique court-termiste et/ ou une contrainte constitutionnelle.

Pour réduire leur niveau d’endettement sans compromettre leur potentiel de croissance à venir, l’Union européenne aurait intérêt à se doter des ressources propres et/ou d’une capacité d’emprunt afin de financer les investissements communautaires porteurs (recherche publique, universités, secteurs en devenir) pendant que les Etats (une partie d’entre eux) réduiraient leurs déficits publics.

Commentaires

salut Pablo
j'ai fini le livre pour les amis et la famille mais pas pour toi je refais une version ....hum! différente (lol)
Quand a ton post je ne suis pas trop d'accord
financer les dépenses de fonctionnement du secteur public (état et collectivité local) est, pour le technicien de gestion que je suis , une aberration totale.
une règle constitutionnel en la matière obligerais a intervenir sur 2 variable qui laisse des marge considérable.
-la réduction des dépense non essentielle et prioritaire (cout de l'armé , train de vie de l'état , clientélisme ,mauvais gestion du personnel , saupoudrage en tout genre ect..
-augmentation des impôts (du moins provisoirement) pour tout ceux qui gagne plus que la moyenne national par l'augmentation de la CSG et la suppression de l'impôt sur le revenu.
l'augmentation de de la TVA pour tout les produit qui ne sont pas de première nécessite ou qui sont polluant ou énergivore (4/4 par exemple).
le problème ce n'est pas les solutions mais le courage politique
claude

Écrit par : claude | 14 février 2011

Salut Claude !

Sur le principe, oui il vaut mieux s'endetter pour investir que pour financer les dépenses courantes. C'est l'histoire du bon et mauvais cholesterol.

Le hic, c'est que la distinction dépenses de fonctionnement/ d'investissement n'est pas très claire en fait.

Un exemple. Construire un campus universitaire (bâtiments etc) c'est considéré (comptablemen parlant) comme un investissement. Mais l'enseignement que dispense un Quidam Lambda (lol) c'est des dépenses de personnel.

Alors que d'un point de vue économique, l'enseignement et l'apprentissage produit du "capital humain" (futur main d'oeuvre plus ou moins bien qualifiée).

Je fais une petite parenthèse sur l'armée. Il va de soi que si on avait une diplomatie puis une armée européenne, chaque Etat pourrait réduire ses frais militaires. Mais en France, depuis le début des années 90, la Défense nationale a profondément changé (professionnalisation, baisse des effectifs, révision de la carte militaire).

La question des déficits et de la dette dépend d'abord de facteurs conjoncturels (taux de croissance, taux d'intérêt, si le second est plus fort que le premier, la dette augmente mécaniquement...et inversement).

Après, tu le dis très bien, c'est aussi une question de courage et d'habileté politique. Loin d'en faire un modèle, en mai dernier en Angleterre, les travaillistes et les conservateurs se sont présentés devant les électeurs avec un projet d'austérité. La différence étant le rythme et le choix des dépenses à réduire.

En 2012, je ne me fais aucune illusion là dessus, quelque soit la majorité qui sera élue, il y aura un plan d'austérité. La droite fera l'essentiel de l'ajustement sur les dépenses. La gauche (le PS) va davantage jouer sur les impôts.

Mais je reste persuadé que sans une solution européenne, telle que je l'ai décrite plus haut, on est mal parti pour réduire notre endettement.

Tu penses l'avoir terminé cet été ton livre ?

Écrit par : Pablo | 15 février 2011

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