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29 février 2012

Quelle politique industrielle pour la France aujourd’hui ?

En 2011, le déficit du commerce extérieur de la France s’élevait à un peu plus de 70 milliards d’euros, ce qui constitue un nouveau record depuis 2004, date où le solde de la balance commerciale est devenu négatif.

La France souffre d’un déficit conséquent de compétitivité dans ses échanges de biens et services avec ses partenaires européens et internationaux, signe d’un affaiblissement de son secteur industriel.

Malmené par un euro fort dans un contexte de guerre monétaire et surtout par une spécialisation économique défavorable (positionnement sur des produits en moyens et bas de gamme), le secteur industriel français s’est beaucoup rétréci cette dernière décennie.

Or l’apport de l’industrie dans l’activité économique et son dynamisme reste central, en particulier à l’heure de la mondialisation. Les pouvoirs publics ont donc intérêt à repenser la politique industrielle. Dès lors, on peut se demander quelle politique industrielle il convient de mener en France aujourd’hui.

Nous verrons d’abord que la désindustrialisation relative de la France est une conséquence des mutations économiques et d’un changement de politique économique à partir des années quatre-vingt.

Puis nous expliquerons que pour remédier au déficit de compétitivité de l’économie française, il convient de privilégier une politique d’innovation et de développement à une politique défensive, notamment centrée sur les coûts.

La France est marquée par un phénomène de désindustrialisation, conséquence des mutations économiques et d’un changement de politique économique à partir des années quatre-vingt.

Les mutations économiques qui ont marqués l’industrie.

Depuis les années quatre-vingt, l’emploi industriel en France a considérablement diminué. Cela s’explique pour une part par les restructurations opérées dans les secteurs du textile, de la sidérurgie et de la métallurgie dans les années quatre-vingt. Mais la mécanisation et l’automatisation ont aussi contribué à réduire l’emploi industriel.

Une étude de la Direction du Trésor et de la Politique économique daté de janvier 2010 explique la chute de l’emploi industriel en partie par le phénomène d’externalisation. De nombreuses entreprises se sont alors recentrées sur leur cœur de métiers en sous-traitant certaines activités, transformant ces emplois industriels en emplois de service.

En outre, le poids croissant de la concurrence internationale suite à l’ouverture des échanges, et la financiarisation des stratégies d’entreprises suite à la libéralisation du marché des capitaux, ont favorisé le phénomène de délocalisation et les investissements financiers (au détriment des investissements productifs).

Les entreprises vont installer tout ou partie de leurs productions dans des pays où la main-d’œuvre est moins chère et dont le dynamisme économique offre de nouveaux débouchés. Le positionnement moyen-bas de gamme de la production française l’expose clairement à la concurrence étrangère, centrée sur les coûts compétitifs.

Un changement de politique économique à l’égard de l’industrie.

De 1950 à la fin des années soixante-dix, la France a une politique industrielle très volontariste. La création après la guerre d’un Commissariat au Plan, établissant une planification indicative sur des secteurs stratégiques, en est l’exemple type.

Cette politique industrielle a favorisé la constitution de grandes entreprises publiques, jouissant d’une situation de monopole, et la réalisation de grands projets industriels (Airbus, Ariane, le nucléaire etc.). L’Etat était à la fois producteur (via les entreprises publiques), financeur (via le Trésor et la Caisse des dépôts et de consignation) et consommateur (dépenses militaires et autres).

A partir des années quatre-vingt et la signature de l’Acte unique européen, la construction du marché commun a changé la donne. La libéralisation des marchés financiers, l’ouverture de nombreux secteurs économiques à la concurrence, la consolidation d’un droit communautaire de la concurrence, a rendu difficile, si ce n’est impossible, de continuer la politique industrielle classique.

Les vagues de privatisation (1986, 1993, 1998) d’entreprises publiques constituent un autre paradigme de la politique industrielle, davantage centré sur les stratégies d’entreprise (acquisition, fusion etc) et une politique réglementaire (ouverture à la concurrence des marchés de réseaux et création d’agence de régulation). Le droit communautaire limite les aides publiques aux entreprises.

Or la mise en concurrence des économies européennes et la constitution d’une monnaie unique sans contrepoids en matière de politique budgétaire communautaire, a favorisé la divergence entre les économies, c'est-à-dire qu’elle a renforcé les défauts de spécialisation de chaque économie (cf. Patrick Artus).

Pour remédier au déficit de compétitivité de l’économie française, il convient de privilégier une politique d’innovation et de développement à une politique défensive centrée sur les coûts.

Les politiques défensives, notamment centrées sur les coûts de production, sont insuffisantes.

Les politiques dites défensives peuvent avoir un volet fiscal mais aussi réglementaire. Nous entendons par volet réglementaire le souci des autorités publiques d’assurer une protection la plus large possible contre la contrefaçon des produits français. Cette lutte contre la contrefaçon est assurée par les services des douanes.

La constitution d’un label « produit industriel français » à l’issu des Etats généraux de l’Industriel en 2009 est une autre démarche défensive, centrée sur la défense et la promotion du « made in France » mais au final dépendant du « civisme » des entreprises et ménages.

La politique fiscale peut être une façon d'améliorer la compétitivité de nos industries. La suppression en 2009 de la taxe professionnelle (remplacée par la contribution économique territoriale) a été justifiée par son impact négatif sur les industries, porteuses d’investissements et employant beaucoup de main-d’oeuvre.

La TVA « sociale », « emploi », « anti-délocalisation » est également avancée comme un moyen de retrouver un peu de compétitivité. Elle prévoit l’augmentation du taux de TVA de quelques points et la baisse en contrepartie des cotisations patronales. Les biens importés sont renchérie relativement à la baisse des charges pesant sur les produits fait en France.

Mais cette TVA sociale pèse sur la consommation des ménages et touche les entreprises indistinctement de leur exposition ou non à la concurrence étrangère. Enfin les gains en terme de compétitivité-coûts seraient insuffisants par rapport au coût de main-d’œuvre des pays émergents.

Une politique d’innovation et de développement.

En 2006, le gouvernement Villepin a sélectionné un certain nombre de projets de pôles de compétitivité sur tout le territoire français. Inspiré du rapport Blanc « Pour un nouveau éco-système de croissance », le pôle de compétitivité vise l’éclosion de « clusters » par le rapprochement entre les unités de production, les centres de recherche et les centres de formation. Ces rapprochements et collaborations doivent permettre de créer un effet d’agglomération (A. Marshall) via l’innovation qui en découle.

En 2009, constatant l’accumulation d’un déficit d’investissements depuis deux décennies, le gouvernement Fillon a décidé la réalisation d’un « grand emprunt », destiné à financer des investissements d’avenir (recherche, université, ville de demain, énergie décarbonée, fibre optique etc), arrêtés par la commission Juppé-Rocard.

Par rapport à l’Allemagne, la France souffre d’un développement limité de ses PME, en particulier celles orientées à l’exportation. Un soutien au développement des PME pourrait passer par un « Small Business Act » européen, c'est-à-dire notamment un meilleur accès à la commande publique. Le soutien au PME peut être également d’ordre financier via le soutien de banques publiques d’investissements (CDC, Oséo, FSI)

Enfin, le développement d’une véritable stratégie d’intelligence économique peut être un atout pour les PME exportatrices, à travers une logique défensive (protection des données, marques, brevets) et une logique prospective (accompagnement à l’international).

*

La politique industrielle française a beaucoup évoluée du fait des transformations économiques et de la construction du marché commun. En conséquence, la France accumule un sérieux déficit de compétitivité, qui peut être corrigé si l’on privilégie une politique d’innovation et de développement des PME plutôt qu’une politique centré sur les coûts.

Mais une politique industrielle en France doit s’inscrire aujourd’hui dans une perspective européenne qu’il convient d’améliorer pour concrétiser les objectifs de l’Agenda de Lisbonne, fixés en 2000. Cela doit passer par des investissements communautaires et le financement de projets industriels à dimension européenne.

11:52 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : économie, europe, rocard

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