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30 juin 2013

L’hypocrisie des Echos

Dans un édito des Echos, Dominique Seux juge « hypocrite » les pistes que semble (a priori) privilégier le gouvernement Ayrault pour réformer le système des retraites,  suite au rapport de la commission Moreau sur l’avenir de ce dernier. Il parle même de « réforme cachée et perverse ».

Ainsi pour Dominique Seux, augmenter à nouveau la durée de cotisation (aujourd’hui de 41,5 ans) reviendrait à « faire le choix implicite de la dégradation cachée des pensions et cela constitue une remise en cause perverse et non assumée du contrat de confiance entre les Français et leur système de retraite ». (1)

« Peu nombreux sont les salariés qui accepteront de travailler jusqu'à 67 ans s'ils ont par exemple commencé à travailler autour de 23 ans. Ils cesseront leur activité plus tôt et subiront une décote sur leur pension dont ils ne prendront conscience que tardivement » (2)

Il estime que « le risque est que les plus jeunes ne voient plus l'intérêt de cotiser si le niveau de leur retraite s'annonce diminué » (3). Par ailleurs il juge que l’allongement de la durée de cotisation « est défavorable aux cadres, dont le taux de remplacement est déjà maigrelet » (4).

L’éditorialiste des Echos ne pouvait évidement pas conclure son article sur les retraites sans une petite pique sur les régimes spéciaux « Enfin, qui peut comprendre que les bénéficiaires d'un certain nombre de régimes spéciaux continuent à partir en retraite à 59, 57, voire 55 ans ? Evidemment, personne. » (5).

(1) La garantie d’un niveau de pensions « convenable » est un vrai sujet et Dominique Seux a bien raison de soulever le risque que ne se dégrade le niveau de pensions des futurs retraités. Pourtant, les réformes qu’il appelle de ses vœux (ou disons le journal pour lequel il officie) ou celles qu’il a pu approuver dans le passé, entérinent, sans le dire, la baisse des pensions.

Rappelons les axes de la réforme Balladur : l’allongement progressif de la durée de cotisation (passage de 37,5 à 40 annuités) dans le secteur privé ; le calcul des pensions se fait sur les 25 meilleures années au lieu des 10 ; l’indexation des retraites sur l’évolution des prix et non plus sur celle des salaires ; une décote par année de cotisation manquante.

Selon une étude de la Caisse nationale de l'assurance vieillesse des travailleurs salariés publiée en 2008, « pour six retraités sur dix, la réforme Balladur a conduit au versement d'une pension moins importante que celle à laquelle ils auraient pu prétendre sans la réforme ». Concernant l’indexation, l’écart de pouvoir d’achat entre retraité et salariés se creuserait d’autant plus lorsque les retraités vieillissent.

La réforme Fillon prolonge la réforme Balladur. Plus récemment, l’accord du 13 mars 2013 entre les partenaires sociaux a prévu une moindre revalorisation des retraites complémentaires pour les trois ans à venir. Là ce n’est pas une baisse du pouvoir d’achat lointaine mais immédiate.

Et le souhait de revoir le calcul pour les agents publics (passer de 6 mois à 10 ans voir à 25 ans), alors que le niveau de pension est comparable à ceux des salariés du privé et que les primes ne sont pas comptabilisées, n’est-ce pas programmer une baisse des pensions du public ?

(2) J’avoue que je trouve ce passage très savoureux. On ne cesse de nous dire qu’il faut travailler plus longtemps en raison de l’allongement de l’espérance de vie, de la tendance démographique, du problématique financement du système.

Les mêmes encouragent les gouvernants à ne pas tenir compte des corporatismes et des oppositions à une réforme en profondeur du système des retraites. Et tout à coup, on s’interroge sur l’acceptabilité d’une telle réforme ?

Il est évident que tout le monde ne pourra pas travailler jusqu’à 67 ans, surtout parmi les générations qui s’approchent de la retraite, étant donné la pénibilité de certains métiers, les interruptions subies des carrières professionnelles de moins en moins linéaires.

(3) Dominique Seux raisonne ici en termes de « contrat social rousseauiste », autrement dit ici un consensus implicite fondé sur la solidarité intergénérationnelle. Les jeunes acceptent de cotiser pour payer les pensions des retraités, parce qu’ils savent que les générations suivantes payeront la leur.

Or dans la pratique, notre système d’assurance publique ne requiert pas l’avis de cotisants. Il n’y a pas d’alternative sur ce plan, tout changement de régime de retraites nécessiterait une phase transitoire. Chaque individu arbitrera son départ à la retraite selon les modalités du système au moment où il décidera de quitter la vie active et selon ses aspirations et sa condition de santé.

Même si beaucoup reste à faire pour améliorer l’information des assurés sur leur futur niveau de pension, la réforme Fillon a crée un groupement d’intérêt public Info Retraite pour faciliter l’information sur la situation de chaque assuré. Avec notamment l’envoie d’un bilan vers 45 ans et un point sur la situation individuelle tous les cinq ans.

(4) L’allongement de la durée de cotisation serait défavorable aux cadres, mais le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite (les 62 ans), qui a la préférence de Dominique Seux, pénalise ceux qui ont commencé à travailler tôt, en général les ouvriers et les salariés moins qualifiés, souvent exposés à des métiers pénibles. Rappelons que les ouvriers ont une espérance de vie bien inférieure à ceux des cadres. Un écart de près de 10 ans.

(5) Et qui peut comprendre que la presse puisse bénéficier d’un tas d’aides publiques (taux super réduit de TVA, subventions publiques, aide au réseau de distribution, déduction avantageuse pour les journalistes etc.) alors qu’une partie d’entre-elle stigmatise la dépense publique ? Ah oui, les coupes budgétaires, c’est bon pour les autres…

16:37 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0)

13 juin 2013

Débat sur la TVA sociale

Pour enrayer la perte de compétitivité des entreprises françaises, de nombreux responsables politiques (plutôt de droite, mais pas seulement) et économiques (PDG, journalistes, économistes) défendent avec force, la piste d’une TVA dite « sociale » (parfois encore appelée « anti-délocalisation »).

En faisant basculer une partie des cotisations sociales (part patronale et/ou part salariale), à la charge de l’entreprise, vers la TVA, impôt grevant la consommation, les biens et services produits en France regagneraient en compétitivité par rapport aux biens importés, non bénéficiaires des baisses de cotisations.

Ecartons la polémique sur le caractère « social » du dispositif. La TVA n’est pas un impôt redistributif car elle ne tient pas compte des capacités de revenus de chacun. Une étude du Conseil des Prélèvements Obligatoires a montré que les plus modestes supportaient, en proportion de leurs revenus, plus de TVA que les plus aisés.

La TVA est dite « sociale » parce qu’elle renvoie à la problématique du financement de la protection sociale. Assis à 70% sur les cotisations sociales - donc sur le travail - le financement de la protection sociale tend à se « fiscaliser » depuis la création de la CSG, de la CRDS et autres impôts et taxes.

Rappelons en outre que la TVA représente aujourd’hui près de 50% des recettes fiscales de l’Etat – c’est un impôt terriblement efficace car « indolore » et assis sur un base très large – et qu’un point de TVA en plus rapporte en moyenne entre 5 et 7 milliards d’euros supplémentaires.

Tout ceci étant posé, voici les trois raisons qui m’amènent à rejeter cette mesure :

Une mesure non coopérative au niveau européen.

Même si nous parlons beaucoup des pays émergents, l’essentiel de nos échanges commerciaux se font avec nos partenaires européens. L’adoption d’une monnaie unique prive les pays du taux de change comme outil de politique économique et de régulation interne (les fameuses dévaluations).

La TVA sociale apparait dès lors comme une forme de désinflation compétitive. On fait payer nos gains de compétitivité à nos voisins européens. C’est donc une forme de jeu à somme nulle et de concurrence fiscale, surtout si le dispositif est généralisé. Or le problème de compétitivité (hors coût) reste entier.

Une mesure mal calibrée à deux niveaux.

La TVA sociale entend jouer sur le coût du travail, jugé trop élevé en France, donc sur la compétitivité-prix. Mais face aux pays émergents qui disposent d’une main d’œuvre bon marché, le gain d’une telle mesure ne rendra jamais la main d’œuvre française suffisamment compétitive et attractive.

A l’heure de la mondialisation, le prix du travail est une donnée comme une autre pour la compétitivité des entreprises. Or la TVA sociale aidera autant les entreprises exposées à la concurrence que celles exerçant des activités peu délocalisables et peu soumises à la concurrence extérieure. Pourquoi aider ces dernières ?

La TVA sociale, le risque d’un « fusil à un coup ».

La TVA est un des rares impôts qui soit harmonisé au niveau européen. Différentes directives sont venues uniformiser les bases de la TVA et encadrer ses taux. Le taux normal peut ainsi varier en 15 et 25. Autant dire qu’avec un taux normal de 19,6% (relevé à 20% en 2014), la France ne dispose plus trop de marges de manœuvres.

Pour créer un choc de compétitivité, le taux de TVA devra suffisamment augmenter pour couvrir le transfert des charges des entreprises vers le consommateur, sans que la consommation s’en trouve trop pénalisée (et donc la croissance). L’augmentation espérée des marges des entreprises suffira-t-elle à améliorer leur compétitivité hors-prix ?

L’expérience allemande a justement montré que les effets de la TVA sociale s’estompaient avec le temps. Les hausses des prix finissent par être répercutés dans l’évolution des salaires. Le risque est donc grand que l’Etat brule en pure perte ses quelques cartouches.

23:34 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : économie, europe