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22 juillet 2007

Peintre en bâtiment

Voilà cinq ans maintenant que je passe mes étés à travailler dans le BTP (bâtiment et travaux publics) au sein de l’entreprise familiale d’un de mes oncles. Je précise familiale parce que mon oncle emplois à plein temps son frère, son beau frère et son neveu, en plus de quelques autres salariés. La petite entreprise est spécialisée dans la peinture et la pose du sol, ce qui n’empêche pas de temps à autre et selon les circonstances, de faire du placo ou du carelage.

Je me souviens encore de mes débuts dans l’entreprise. Il y a cinq ans de ça, le soir même des résultats du baccalauréat, mes parents m’achetèrent un billet de train à destination de Toulouse, pour rejoindre ma sœur et commencer à travailler pour mon oncle. J’ai eu les résultats le vendredi à 17h, et le lundi 9h, j’étais sur le chantier à poser du parquet.

Je n’avais jamais travaillé de ma vie, je ne savais rien faire de mes mains (au point que mon père dit toujours que j’ai « deux mains gauche et que des pouces ») mais ma mère ne concevait pas (et ne le conçoit toujours pas) qu’un adolescent ou jeune adulte, à partir de 17/18 ans donc, ne bosses pas l’été pour gagner son pain et affirmer ainsi son autonomie. Pour moi, il s’agissait surtout de subvenir à mes besoins durant l’année universitaire, ma mère aimant à répéter qu’elle n’est pas Rotchild. Je n’ai jamais discuté cette conception, cette valeur de mes parents pour le travail d’été et l’autonomie. Quelque part j'y souscrit, tout en respectant que d'autres ne la suivent pas.

En repenssant à ces cinq derniers étés, je me dis que l'expérience est formatrice et humainement enrichissante.

Je n'étais pas du tout bricoleur, à l'inverse de mon père qui a des "mains en or", et j'ai pu apprendre à peindre et à poser divers types de sols (parquet, dalles mocquettes, lino). Loin d'être devenu l'as de la peinture, mon expérience m'a quand même permi d'aider mon père à refaire la maison qu'ils ont achetés (peinture et sols) et à changer le sol de la maison d'une tante. Et je sais que si un jour j'ai l'occasion d'avoir ma maison, je serai capable de faire quelques petits trucs, ça sert toujours.

Actuellement étudiant et envisageant de travailler dans le secteur des services (publics) donc dans une activité "intellectuelle" (col blanc), le travail manuel (et notamment le sol et la peinture) a cette particularité de permettre à l'ouvrier de voir le résultat de son travail et de s'en satisfaire. On a le plaisir qu'on peut diront peut être certaines mauvaises langues, mais quel plaisir de voir une pièce terminée et de savoir le temps passés et les enmerdes qu'on a du se farcir !

C'est ma première grande expérience professionnelle. Bien que travaillant en famille, j'ai appris ce qu'était les contraintes du quotidien de la vie laborale. Je pense bien sur aux respects des horaires et des délais impartis, nous emmenant de temps à autre à rester plus tard sur le chantier qu'il nous faut terminer. Je pense aussi aux problèmes de circulation et de stationnement rencontrés (1). Je pense aussi aux conditions de travail pas toujours dès plus facile (travail en extérieur lorsqu'il fait bien chaud, absence de chiottes et d'eau (2)). Mais je pense surtout à l'apprentissage des contraintes humaines.

On est tous différents, on a tous notre caractère. Certaines personnes sont faciles à vivre, et d'autres moins. Famille ou pas d'ailleurs. Je n'ai jamais eu de problèmes avec les gens de ma famille avec qui je bosses, mais mes oncles/chefs d'équipe ont tous une pédagogie et un comportement différent. Pour l'un, diriger c'est gueuler dessus et te donner les tâches les plus ingrates, pour un autre, diriger c'est expliquer, montrer et faire confiance, pour un autre enfin, c'est donner les consignes et déléguer etc.

De même, avec les autres ouvriers (non de la famille eux) ou les intérimaires, il faut savoir composer avec la nature des gens: ceux qui vous posent des questions et ne vous écoutent pas, ceux qui vous parle de leur trucs et cherche à vous en mettre plein la vue, ceux qui te prennent de haut, ceux qui n'aiment faire qu'une tâche et te refilent les autres etc. Là par contre j'ai eu un problème avec un "saisonier" comme moi, qui me prenait de haut et croyait peut être qu'il s'agissait là d'un combat de coq. Enfin, il faut du savoir faire avec les clients, les architectes, d'autres corps de métier qu'on parfois très peu de respect pour le travail des autres (3).

Travailler dans le bâtiment et particulièrement dans la peinture c'est un insoupçonnable voyage dans la hiérarchie sociale et les divers milieux sociaux de sa propre ville. Autrement dit, on rencontre d'un quartier à l'autre, différents milieux sociaux. J'ai une assez bonne mémoire des endroits où j'ai travaillé tout au long de ces cinq derniers étés, je n'en dirai pas autant des noms des rues et du nom des clients (leur visage par contre). Nous avons travaillés dans des entrepros (4), dans des maisons de retraites et des crèches (5), dans des résidences en construction, dans des villa à la campagne (plutôt des jeunes cadres et classes moyennes aisées), dans des bureaux (6), dans des quartiers plus populaires (7), chez des particuliers (8) etc. Un bel panorama en miniature de la société et de ses composantes, dans une grande ville comme Toulouse.

J'y ais rencontré des gens intéressant (je pense notamment à R.B. dont j'ai toujours apprécié les discutions politiques en dépit de son extrémisme, de son catégorisme, JFT pour ses connaissances en informatique et toutes ces vieilles manies devenus rituels) des situations parfois douloureuses (humiliation, blaggue douteuse) mais aussi de très bon moments. C'est par respect pour tout ces gens là, et en mémoire à mon grand père, que j'envisage de travailler mon mémoire de 4ème année sur le secteur du BTP toulousain.

* *

(1) Pour le coup je me souviens d'un jour où je devais garder une place de parking vide le temps que mon oncle fasse le tour pour s'y garer, et une femme pressée en voiture, m'a demandé de la laisser se garer et m'a fait sortir de la place en m'intimidant par son forçage à la voiture. Je me souviens aussi d'une fois où avec mon oncle nous avions fait le tour d'un quartier 5,6 fois le temps qu'une place se libère.

(2) Lors de mon premier chantier, c'était dans une résidence en construction, nous devions poser le parquet dans une trentaire d'appartements et trois villas.  Plusieurs corps de métiers se cotoyaient, parmi lesquels des façadiers. A chaque fois que nous rentrions dans un appartement, il nous fallait garder notre respriration  au passage des toillettes car elles avaient été baptisées par un des façadier et comme il n'y avait pas de chasse. Le pire c'est que les gens refusent de nous mettre l'eau pour éviter qu'on use les toilettes et lavabos...

(3) Et comme le travail du peintre c'est généralement la finition, à nous de rattraper la merde des autres. Je vous parle même pas des incohérences lié à la non coordination des corps de métier, et surtout à leur non respect des délais.

(4) Certains en construction, dans l'un d'eux j'ai ballayé l'équivalent d'un terrain de foot), d'autres où on nous demande de corriger quelques merdes d'où la devise d'un de mes oncles "peinture sur merde = propreté".

(5) Concernant les deux maisons de retraites, quelques anecdotes. De la première je me souviens de la directrice qui nous refusait tout (style laisser le vieux lino à l'entrée le temps d'une soirée) et nous mettait la pression sous prétexte pour qu'on avance afin d'éviter à tout prix l'accident d'une personne âgée, tout ça pour éviter qu'elle, elle soit enmerder. Je me souviens surtout d'une pauvre femme qui s'est mise à pleurer pendant que je changeais sa barre de seuil, me disant que ses petits enfants ne vennaient pas la voir. De la 2nde, plus folklorique, je me souviens des pensionnaires nous demandant dès qu'ils nous voyaient un "je peux passer ?" marrant, mais répétitif et lassant. Des pensionnaires "malades", l'une avait la phobie de la poussière et la peur de glisser (à tel point que vers la fin, on lui répondait dès qu'elle demander à passer, qu'elle allait vraiment tomber mais quelque chose de grave et là elle souriait et fermait sa porte violament...cette femme était instit à l'origine), l'autre qu'avait la phobie des cafars et qui refusait qu'on lui change de barre de seuil en me parlant de cafards volant etc, 2 personnes qui volaient les photos des autres, une pauvre femme qui apeurée en nous voyant, une femme touchée par l'alzeimer nous répétant qu'elle venait de telle ville... un vrai mouroir ces maisons de retraites!

(6) où avec mon cousin nous ne cessions de passer devant le bureau de jeunes femmes ma foi bien mignones, portant les cartons de mocquettes.

(7) Dans un appartement où il nous fallait tout repeindre et refaire le sol, moi je me suis tappé le nettoyage de la cuisine plein de tâches de graisses, et de la salle de bain. Soyons clair, je n'amalgame pas les classes populaires avec la crasse l'insalubrité etc, en réalité, ce sont des personnes à la limite de l'exclusion qui habitent dans cette rue. Mon oncle me raconte d'ailleurs que l'entreprise y retourne souvent, dès qu'un locataire est foutue dehors ou s'en va... .

23:35 Publié dans Récit de vie | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : bâtiment

Commentaires

Tiens, mon frère loue chez une Mme Duchécon, pleine aux as, et du genre à rafistoler un volet avec du scotch, ou a demander le mois de loyer précédent la remise des clés... Remarque, ça doit être pour ça que ces gens sont plein aux as. Sûr qu'ils gagnent plus comme ça qu'en étant honnêtes...
En tout cas, j'aime bien l'expression de ton père «deux mains gauche et que des pouces»...

Écrit par : Laurent | 26 juillet 2007

Dernière nouvelle!
Les gens qui travaillent physiquement vivent 7 années de moins que les autres! INSEE.
Ils gagnent bien (trés) souvent moins que les autres!
Ils ont une plus petite retraite que les ....
Ils côutent en fait moins que les ....
Mais quand donc en auront-ils marre de se faire mettre par les ....
Pablo tu as vu une certaine misère d'esprit qu'on les uns envers les autres. Pourquoi donc, les gens s'en prennent-ils toujours aux plus faibles, plutôt qu'aux plus fort! La machine humaine...

Écrit par : den | 26 juillet 2007

Salut Den,

Où as tu eu cette information ?

Tu parles de retraites et l'espérance de vie plus faibles des travailleurs physiques (encore faudrait-il le définir, même si j'ai ma petite idée, c'est pour ça que je te demande la source) inférieure à celle des plus aisés (notamment des cadres, si nous devons parlés CSP). Je crois que c'est l'économiste Thomas Piketty qui disait que notre système de retraite marchait sur la tête parce que du fait de l'espérance de vie des différentes catégories sociales, les ouvriers, en creuvant plus tôt, finançaient quelque part la retraite des plus aisés.

Quant à ce besoin de domination, c'est peut être un trait de la nature humaine... mais j'aime pas beaucoup cette expression car elle tend à dire que c'est quelque chose d'inné et qu'on n'y peut rien.

Écrit par : Pablo | 28 juillet 2007

J'ai vu cette enquête également, mais je ne sais plus où... en tout cas, ça fait plusieurs mois.
Ce besoin de domination n'est pas seulement humain, il est commun à beaucoup d'animaux, mais comme disait un certain Primo, les lois humaines sont là pour réfréner nos instincts animaux...

Écrit par : Laurent | 28 juillet 2007

Coucou Laurent,

Par rapport à la madame duchécon, ce qui est étrange c'est que les gens, plus ils sont riches et moins ils veulent lâcher. Ca je le vois souvent par rapport à nos chantiers.

Ils sont souvent là à essayer de t'avoir "heu vous pourriez pas nous faire ceci s'il vous plait", et finallement mon oncle-patron leur fait un petit geste. Mon autre oncle-salarié m'avait raconté qu'une fois, il avait passé 11 couches de peinture dans une pièce chez des gens, parce qu'ils n'étaient jamais content de la teinte des murs. 11 couches mais juste 3 ont été payés... Et je t'assure qu'ils manquaient pas d'argent.

Mon oncle et cousin ont été bossé chez des gens (soit dit en passant de confecion juive), qui ont demandé à la dernière minute, de rajouter une pièce ou une dernière tâche. Mon oncle patron leur dit "ok, vous payerez directement mes hommes". Ils devaient donner 100 euros aux 2 ouvriers, ils en ont donné que 50 à chacun. Bien sûr, les salariés s'en sont rendus compte après...

Enfin chez une femme, dont le mari a été consul en Afrique si j'ai bonne mémoire, il nous fallait repeindre une porte dont la couleur peinte par mon oncle, ne plaisait pas à la madame. On arrive, elle commence à parler de la porte et la couleur en disant "on dirait la couleur des cercueils, et d'ailleurs y'a eu un decès dans ma famille récemment", comme si on en était responsable ! Nous, ben on encaisse, mon oncle peint la porte de la couleur souhaité mais aux angles extérieurs de la porte (porte avec des motifs en fait) on voyait que la peinture tenait mal. La femme arrive, et commence à donner des leçons à mon oncle "non monsieur faites comme ça, mettez un chiffon par terre, et le pinceau comme ça"... Et là mon oncle explose de colère "stop madame, je connais mon boulot, merci !".

En fait les gens veulent de plus en plus un boulot bien fait, pas très cher et vite fait. Et son les dérange pas, c'est encore mieux. Ca se comprend quelque part, mais on voit bien qu'on ne voit pas les choses de la m^me façon...

Écrit par : Pablo | 28 juillet 2007

L'info vient de l'Insee.

Ma belle-mère qui était dentiste,avait un mal fou à se faire payer lorsqu'elle était à son compte,alors qu'elle exercait dans une banlieue chic de Paris. Elle a finie par laisser tomber en exerçant uniquement en hopital.
Les rupains ont un mal fou à se délester de leur fric, exact! En plus, comme tu n'es pas de leur milieu, ils ont un certain mépris de ton existence. Même si, dentiste se trouve être ton métier.
Aussi, les gens qui connaissent tout, une vrai chiotte! De vrai animaux ;-))
L'exception confirme les règles, les hommes s'activent comme des fourmis, cependant ,certains sont nés avec le refus de la moutonnerie.
Même chez les abeilles, certaines ouvrières en ont raz le bol de servir et essaient de scouizer la reine. Ceci se trouve être rare!
L'évolution de l'homme et de tout autre être vivant ne s'effectue qu'avec les rebelles.
Rappel:
On tue un homme, directionb la prison.
On tue 10 hommes, direction l'asile d'aliénés.
On en tue des milliers, direction la quatrième étoile de Général en chef!

Écrit par : den | 29 juillet 2007

Interressant parralèle homme-fourmis.

J'ai aussi beaucoup aimé ton propos sur les rebelles. Ca me fait penser à cette règle sociologique qu'on nous enseigne:"la déviance d'aujourd'hui est la norme de demain".

Pour revenir au sujet du BTP, je voulais juste ajouter le commentaire de mon cousin concernant l'abscence de chiottes sur les chantiers. Il me dit que c'est de plus en plus comme ça, en rajoutant une chose qui m'a estomacqué: "mais si on doit attendre que tout est conforme aux normes, que tout se fait dans les règles, alors on travaillerait jamais".

Je lui ais répondu que c'était quelque chose d'important... pire, il en va de la dignité des gens quand même.

Écrit par : Pablo | 05 août 2007

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