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17 juin 2008

Les moyens d'en sortir

livre-71-vr.jpgHasard de l’agenda politico- médiatique, au moment où l’on parle d’une n-ième réforme des 35 heures, puis tout récemment, de la décision prise par le conseil des ministres européens du travail sur un relèvement de la durée maximale de travail (aujourd’hui de 48h hebdomadaire, elle serait portée à 65 heures dans certains secteurs), je viens de finir de lire Les moyens d’en sortir, de Michel Rocard.

Au début des années quatre vingt dix, la France (et l’Europe et les pays développés en général) fait face à un chômage très important. Le taux de chômage atteint les 12% de la population active en 1993. En réponse à ce fléau social apparaît dans le débat économique et politique l’idée de réduire massivement le temps de travail.

C'est là que parait le livre de Michel Rocard en 1996. En faisant quelque part le point sur les discutions de l'époque, l'ancien premier ministre contribue également au débat en proposant une méthode de mise en oeuvre d'une politique de réduction du temps de travail.

Comme souvent dans les interventions et publications du député européen, les propos sont précis, fournis (en références d'enquêtes et publications), nuancés et rigoureux. C'est que l'homme du "parler vrai" tient à sa réputation. Il emprunte beaucoup au livre La fin du travail de Jeremy Rifkin, tout en l'adaptant au cas européen et surtout français. Il est intérressant de remarquer qu'à son tour, Pierre Larrouturou, auteur d'Urgence sociale, réutilise de nombreux raisonnements de Rocard et Rifkin.

Les trois premiers chapitres exposent le diagnostic de la situation économique et technologique des Trentes glorieuses jusqu'au années quatre vingt dix. La perspective historique de l'évolution économique et technologique des 50 dernières années est très instructive. Elle est complétée par une comparaison entre le Japon, les Etats-Unis et l'Europe en ce qui concerne les politiques adoptées face (à l'apparition du) chômage.

J'en retiens que la mécanisation, l'automatisation et récemment l'informatisation conduisent à réduire le temps nécessaire à l'acte de production. Si à cela on ajoute le fait que la tertiarisation de l'économie ne semble compenser ni quantitativement, ni qualitativement les emplois perdus par la désindustrialisation (mûe par le besoin de compétitivé et l'assechement des principaux marchés de biens de consommations), l'humain se voit confronté à un avenir sans travail. Ce qui n'est pas sans poser problèmes dans une société où l'identité sociale reste marquée par le travail que tout un chacun occupe à un moment donnée de sa vie. Il semble que cette étrange perspective ait été décelée par certains philosophes (Arendt) et économistes (Keynes).

Après avoir réalisé dans un quatrième chapitre un bilan des aides à l'emploi, principal paliatif auquel les sociétés ont recours contre le chômage, Rocard énumère une liste d'angoisses et d'obstacles auquel il tente de répondre. Il fait alors (entre autre) le point sur les expériences de réduction de temps de travail de 1936 (les 40 heures) et de 1981 (les 39 heures) et leur conséquences tant économiques que dans la nature et la teneur des relations entre partenaires sociaux. Il apporte aussi des éléments de réponses face aux inquiétudes économiques (qui finance une telle mesure?), méthodologiques (loi ou négociation ?) ou psychologiques (problèmes des qualifications et du recrutements).

Le chapitre 6 est centré sur la méthode à utiliser pour mener à bien une politique de réduction de temps de travail. Il est notamment question du coût d'une telle réforme et de la "négociation souple" comme outil préférentiel à sa mise en application. Le chapitre 7 apporte des compléments et des réponses aux différents arguments portés tour à tour par ce qu'il nomme les sceptiques (économistes libéraux), les volontaristes (une partie de la gauche et des syndicats) et les prudents (chefs d'entreprises et syndicalistes). Enfin le dernier chapitre pose la question de la finalité d'une telle mesure en terme de choix de société. Pour Michel Rocard, ce doit être l'occasion de lutter contre l'exclusion, assurer un développement durable, développer de nouvelles formes d'activités (là il aborde le tiers secteurs) et de récréer le lien politique.

C'est pas une nouveauté pour ceux qui me connaissent mais j'apprécie généralement les propos de Michel Rocard. Autant dire que le livre, de par sa qualité, m'a plu. Et si je persiste à croire que le diagnostic posé reste d'actualité, l'expérience des 35 heures (avec les effets économiques et sociaux non prévus et non désirés) laisse le doute sur l'efficacité et la tenabilité dans le temps d'une telle réforme et de ses bienfaits. Mais je doute encore plus que la politique visant à faire travailler plus ceux qui ont un boulot, améliore la situation de l'ensemble des citoyens.

Commentaires

Les 35 h sont une évolution majeure pour le travail du salarié qui ne retire aucun avantage sur son efficacité à la tache.
Je ne débattrai plus la dessus cela devient fatiguant et épuisant. Si vous voulez travailler plus en tant que salarié ,libre à vous. Si vous êtes à votre compte libre à vous de travailler plus. Mais, je vous préviens vous ne gagnerez pas plus en travaillant plus!! Je l'ai bel et bien vécu !!! Ce sont des sornettes de patrons en mal de surbénéfices sur le dos des salariés. Vous n'allez pas tomber dans ce simplicisme panneau, tout de même!

Écrit par : den | 20 juin 2008

Une question de base, un peu vite évacuée à mon avis, est en quoi le travail est-il, fondamentalement, une valeur ?

L'impératif de l'homme, comme tout être vivant, est de survivre. Le travail n'a été qu'une rationalisation des activités de survie. Ce n'est pas là une valeur intrinsèque comme peuvent l'être le bien ou le mal, ou la justice.

Le travail, dans sa forme actuelle, n'est ni plus ni moins qu'un système de captation de richesse par les plus malins au détriment des moins malin. On reste dans le schéma classique de la nature ou le fort survit au faible. C'est ça le travail. Rien d'autre.

Dès lors que deux heures d'activité journalières suffisent à assurer la survie, pourquoi imposer à une majorité de gens de travailler plus ?

Moi je milite pour la semaine de 10 heures ... ;-)

Écrit par : Quidam LAMBDA | 21 juin 2008

le travail est aussi une forme de controle social
"le Belge"

Écrit par : Belgo4.0 | 21 juin 2008

Le slogan de Sarkozy a fait mouche parce que les français, et en premier lieux les plus modestes, connaissent la modération salariale depuis 1983.

"Du temps libre quand on n'a pas de revenu pour consommer, à quoi ça sert" voilà l'argument d'une société où l'identité sociale est faite sur le travail qu'on exerce et sur l'acte de consommation.

La logique économique du "travailler plus" repose sur le gain d'un point de croissance en plus, signe de richesse nationale, obtenu par l'augmentation du temps collectif passé au travail. Et cette hausse de la croissance serait ensuite redistribuée au sein de la société française, pas spécifiquement chez ceux qui font le plus d'efforts.

Mais a-t-on vraiment le choix ? Cela renvoi aux relations de pouvoirs au sein de l'entreprise. Je suppose que c'est ce que voulait dire Den.

Ce qui est intéressant c'est de voir que la valeur qu'on attribue au travail évolue dans le temps et dans l'espace.

Écrit par : Pablo | 22 juin 2008

Ha ça fait plaisir de lire ça :-)
Il y a une arnaque tellement flagrante derrière les symboles imposés, et une telle confusion entre travail et rémunération..
N'est ce pas ;-)

Écrit par : catherine | 24 juin 2008

Je reste assez critique sur la manière dont s'est faite le passage aux 35h, et le jour où on poussera vers les 32h, il faudra en tirer les leçons. Il vaut mieux diminuer en plusieurs années la durée de référence du travail, heure par heure (base de rémunération salariale), en augmentant le cout des heures sup de plus en plus. A partir de là, on pousse à la négociation sociale de branche et d'entreprise, et les choses se font à leur rythme.

Je vais me le procurer, ce bouquin. C'est toujours utile de lire a posteriori pour voir où on s'est planté et ce qu'il faut repenser.

Écrit par : Tonio | 02 juillet 2008

Une partie du problème vient du décalage entre le temps politique et le temps de la société civile.

Le politique est contraint par le temps (échéances électorales) et le besoin de symbolique (une loi = on s'occupe du problème), la société civile s'approprie à son rythme, à sa manière et avec plus ou moins de discrétion de telles politiques.

Quant au passage au 32h ou à la semaine de 4 jours, vu le niveau du débat sur le temps de travail aujourd'hui en France, je pense qu'on en attendra pas parler de si tôt.

Et sinon j'aime bien aussi (re)lire les livres bien après leur parution: certains ont mal vieillis (généralement les livres promos... ceux que je n'achètent généralement pas), d'autres sont toujours d'actualités.

"La flemme et la cendre" de DSK est de ceux là. C'est celui que je lis en ce moment...

Écrit par : Pablo | 02 juillet 2008

Tout à fait. C'est pour ça que je suis toujours très méfiant envers le mythe des cent premiers jours du gouvernement.

Écrit par : Tonio | 03 juillet 2008

Les commentaires sont fermés.