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30 novembre 2013

Nouvelle impasse

Pierre Larrouturou a donc décidé de quitter (une fois encore) le Parti Socialiste et de créer un nouveau parti, Nouvelle donne, qui devrait présenter des listes partout en France pour les élections européennes de juin prochain. Sa décision, que je désapprouve, n’est pas très surprenante. Ce qui est vraiment surprenant c’est qu’il y soit revenu…

J’ai découvert Larrouturou en 2006, via le blog de DSK. Un des commentateurs, Bebert pour ceux qui s’en souviennent, avait posté un lien ouvrant une vidéo qui retranscrivait une mini-conférence où intervenait cet ingénieur agronome. En 2006, il publiait « Urgences sociales » que j’avais lu avec beaucoup d’intérêt. C’était un discours réfléchi, original et rafraichissant.

Il dénonçait déjà ce mythe de la croissance que véhiculent dans leurs discours nos politiques, les dérives de cette économie financière qui déforme le partage de la valeur ajoutée et tend au sous emploi structurel. Et pour contrecarrer tout ça, entre autre, il prônait déjà (ou plutôt encore) la réduction du temps de travail, via la semaine de quatre jours.

Dans ce livre il dressait un portrait bien peu flatteur des responsables politiques de l’époque et pour beaucoup prétendants à la présidentielle. Tout en critiquant la politique que menait alors la droite, il était stupéfait du manque de réflexion et de travail programmatique dans les cercles socialistes, malgré l’urgence, malgré la cure d’opposition imposé par la défaite d’un certain 21 avril.

En 2007 Pierre Larrouturou souhaitait se présenter en disant aux gens « ne votez pas pour moi mais écoutez plutôt ce que j’ai à dire ». En 2008, il dépose une contribution lors du congrès du PS et, dans l’incapacité de déposer une motion, se rallie à celle portée par Benoit Hamon. Dans l’impasse, il finit par quitter le PS et rejoindre Europe Ecologie. Les Verts qu’il quittera deux ou trois ans plus tard pour revenir au PS…

C’est un peu à ce moment là que j’ai pris mes distances avec l’homme et ses idées. Ce cheminement politique chaotique révèle l’absence de vision politique concrète. Des idées sur la fin, pas sur les moyens. Quant aux idées, tous ses derniers livres ne sont qu’une copie d’Urgences sociales : les mêmes constats, les mêmes critiques, les mêmes exemples, les mêmes propositions… quasiment au mot près.

Il dit que le PS n’a pas beaucoup travaillé durant sa cure d’opposition pourtant ses 20 propositions n’ont pas bougées depuis bientôt 10 ans. Il préconise la semaine de 4 jours à partir du même exemple (MamiNova qui date de 1993/1994) et des prises de position de Patrick Artus de la même époque. Comme si rien n’avait changé depuis…

Il ne suffit pas de s’entourer de personnalités publiques, même de grandes figures morales, pour construire un projet politique dans la durée. Dépasser le PS en voix et créer un vrai rapport de force, certes mais après… Ne vous méprenez pas, je n’ai aucun mépris à l’égard de Larrouturou, que je crois sincère et dont le message doit porter, mais j’ai l’impression d’un gros gâchis… d’une nouvelle impasse.

00:45 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : larrouturou

02 février 2013

Rocard et la réforme des retraites

Michel Rocard était interviewé le 26 janvier dernier par le Journal du Dimanche. La sortie de son dernier livre – La gauche n’a plus le droit à l’erreur coécrit avec Pierre Larrouturou – crée l’occasion de reparler de la réduction du temps de travail (RTT) et de la réforme des retraites. Il faudra un jour que j’écrive une note sur la RTT. Mais sur les retraites, voilà ce qu’a dit Rocky : 

« L’amputation du pouvoir d’achat (des pensions) est imbécile, alors que le pays a besoin de davantage de consommation. La seule solution est d’allonger la durée de cotisation, d’aller peut-être jusqu’à 43 annuités. La France est le seul pays développé qui a fixé un âge de droit au départ à la retraite. La réforme Sarkozy a fait passer au forcing les 62 ans… C’est décoratif, cet âge n’est pas une limite physique, ni individuelle. (…) Il faut dire la vérité aux Français, le vrai calcul se fonde sur la durée de cotisations, pas sur un droit lié à un âge borné et inutile. En conséquence, on peut aller jusqu’à 65 ans. C’est vivement souhaitable, à tous points de vue. Il y a une mortalité forte juste après 60 ans car le travail maintient en forme. Et travailler plus longtemps résoudrait le sous-emploi des seniors. Ce serait un apport considérable. »

Mes remarques :

Le gel des pensions retraites, piste sérieusement envisagée pour rééquilibrer les caisses de retraites complémentaires, se traduit du fait de l’inflation, par une perte de pouvoir d’achat. Si le geste peut effectivement faire économiser quelques millions/milliards d’euros, c’est aussi toucher à la consommation des ménages (ici retraités) alors que l’économie fait du surplace.

La France n’est pas le seul pays développé à avoir fixé un âge de droit au départ à la retraite. Comme dans d’autres domaines, il n’y a pas là non plus de « particularité française ». En Espagne il est (était ?) fixé à 65 ans et 35 ans de cotisations. En Allemagne, l’âge légal est de 67 ans. Hélas, je ne retrouve plus le tableau comparatif que j’avais trouvé sur le sujet.

Rocard a raison sur le fait qu’avec l’allongement de la durée de cotisation, l’âge de départ à la retraite perd progressivement et complètement de sens. Pour un jeune comme moi, qui a fait des études et qui est rentré plus tard sur le marché du travail, la retraite à 60 ans est hors de portée. Il en va autrement pour ceux, en activité, qui approchent du seuil en question (60/62).

Travailler plus longtemps résoudrait le sous emploi des seniors !? La France est marqué par un taux d’emploi des seniors (plus 55 ans) assez faible (30-35%). Améliorer ce taux, comme celui des jeunes, apporterait des ressources supplémentaires au système de retraites. Mais ce n’est évidemment pas si simple.

Le relèvement progressif de l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans contraint, de fait, les salariés en âge de partir, à retarder leur départ. Les statistiques ont d’ailleurs montré des départs moins nombreux suite à la réforme de 2010. Mais c’est valable pour des seniors encore en activité et en capacité à rester plus longtemps dans leurs emplois .

Le problème c’est pour ceux qui perdent leur travail au cours de la cinquantaine, et qui ont du mal à en retrouver. Dans ce cas, l’allongement de la durée de cotisation transforme des préretraités en chômeurs de longue durée ou, au vu des intentions de réformes du régime d’indemnité chômage, en bénéficiaires du RSA ou ASS,  avec in fine des pensions moindres. De quoi réduire à néant les progrès enregistrés ces dernières décennies en matière de niveau de vie des retraités (pouvoir d’achat).

Sur le taux de mortalité après 60 ans, les propos de Rocard mériterait d’être développés et précisés. Je ne sais pas d’où il sort ces chiffres/ cette tendance. Beaucoup de problématiques sont derrière tout ça : la pénibilité au travail, l’occupation de son nouveau temps-libre (loisirs, volontariat, bénévolat), la prise en charge des problèmes de santé arrivés à un âge certain (encore que je suis persuadé que ça se déclenche plus tard).

Tout ceci m’amène à parler de la réforme des retraites, mais c’est pour un nouveau billet.

10:40 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : rocard, larrouturou

12 décembre 2012

Hollande : comparaison n’est pas raison.

Les média et politiques français adorent faire des comparaisons entre la France et ses partenaires étrangers, européens en particuliers. Et ce pseudo exercice de brainstorming se conclue généralement par une apologie d’un modèle extérieur, qui change au fil des années (Etats-Unis, Grande-Bretagne, Espagne, Allemagne) et qu’il conviendrait de copier en intégralité, et par contrecoup, par une auto-flagellation nationale.

Depuis son élection à la présidence de la République en mai dernier, François Hollande est quotidiennement comparé à des chefs d’Etat ou de gouvernement de sensibilité progressiste, socialiste ou social-démocrate, exerçant le pouvoir ou l’ayant exercé de nombreuses années. Ceux qui osent ce parallèle appellent le chef de l’Etat à suivre tel modèle et à fuir celui-ci, sous peine de laisser le pays s’enfoncer un peu plus dans le déclin : « moi ou le chaos » en somme.

Mélenchon l’a comparé à Papandréou, l’ancien premier ministre grec, pour lui reprocher de capituler face à l’ « Europe austéritaire ». Larrouturou et son collectif Roosevelt 2012 appelle à s’inspirer du père du New Deal pour sortir de la crise. Fressoz, journaliste au Monde, le met en garde contre le syndrome Zapatero qui a privilégié les réformes sociétales aux réformes économiques. Avant l’annonce du pacte de compétitivité, Schröder était l’exemple à suivre. Maintenant c’est Bill Clinton ou Mario Monti.

Evidemment les critiques adressées au nouvel exécutif ne sont pas sans fondements. Oui, Hollande aurait du aller plus loin dans le bras de fer avec Merkel, même s’il a obtenu des avancées sur la croissance et la taxe tobin. Oui, il est urgent de réformer le système bancaire et financier. Oui, la France souffre d’un problème de compétitivité mais Hollande a toujours dit qu’il fallait centrer nos efforts sur la qualité, la recherche, l’innovation. Oui, les réformes sociétales (mariage pour tous, vote des étrangers en situation régulière aux municipales) sont loin d’être prioritaires alors que l’économie stagne voir recule.

Mais quand on regarde à l’étranger, autant le faire le plus objectivement possible.

- On passe souvent sous silence que Clinton a relevé le salaire minimum et le niveau d’imposition durant son premier mandat, comme le fait que c’est sous sa présidence (mais majorité républicaine) qu’a été abrogé le Glass-Steagal Act (qui encadrait les activités bancaires). Enfin ses mandats coïncident avec la reprise économique liée aux NTIC.

- Plombée par les années Berlusconi, l’Italie avait grandement besoin d’un homme sérieux à sa tête. Européen convaincu, économiste et ancien commissaire européen à la concurrence, Mario Monti a donné un gage de sérieux et de crédibilité auprès des marchés. Mais il a gouverné sans aucune légitimité politique, avec une majorité parlementaire bricolée et donc fragile. Malgré un rythme de réformes très soutenues, l’Italie s’enfonce dans la récession et les primes de risques sur sa dette ont jouées au yoyo tout au long de l’année.

- Zapatero s’est beaucoup illustré sur les réformes de sociétés : mariage homosexuel, droit à l’adoption pour les couples homosexuels, la parité, la lutte contre les violences conjugales, loi sur la mémoire historique, réforme de l’avortement etc. La plus part de ces réformes ont été menées au moment où l’économie espagnole marchait à plein régime. Le bilan économique de son premier mandat est plutôt honorable.

- Le dynamisme allemand tient plus de son réseaux de PME (plus nombreuses et plus exportatrices qu’en France), de son positionnement vers le haut de gamme, qu’à une modération salariale, certes bien réelle, mais d’une portée limitée face aux pays émergents. Derrière le « miracle » allemand, se cache des réalités sociales très difficiles : quatre millions de personnes gagnent moins de 7 € bruts de l’heure, 11 % des travailleurs avec des CDI sont des travailleurs pauvres, 761 000 seniors complètent aujourd’hui leur pension avec un mini-job etc.

Il revient à Hollande et à notre pays de créer son propre modèle, son propre succès. S’inspirer sur certains points de nos voisins, c’est une chose, nous vendre des mirages pour engraisser les mêmes, ça va un moment. L’efficacité de la méthode Hollande, négociation sociale/ rapports d’études/ commissions, très sociale-démocrate, se vérifiera à l’usure. La difficulté tient en ce qu’elle exige du temps alors que les attentes et les difficultés sont elles très urgentes et présentes.

19 septembre 2008

75ème Congrès du PS (1)

Le 14, 15 et 16 novembre prochain doit se tenir à Reims, le 75ème Congrès du Parti Socialiste français. J’avais dans une note précédente exprimés mes doutes et partagé l’analyse que je tirais de la situation. Six mois après, après bien des événements, j’ai envie de revenir sur le sujet.

Mode d’emploi d’un congrès au PS :

La rédaction de contributions générales et thématiques. Seuls des membres du Conseil National (le Parlement du Parti) peuvent, en déposant leurs signatures, porter ces textes au Bureau National qui les enregistre. Les militants sont libres de les signer tout en sachant qu’on ne peut apporter sa signature qu’à une seule contribution générale. Les textes n’engagent à rien mais c’est souvent l’occasion pour les différents courants et sensibilités internes d’exister.

A partir de ces contributions, les différentes sensibilités élaborent des motions. Elles constituent le programme politique (vie interne, politique nationale) des signataires qui la portent devant les militants.

Après une brève campagne, les militants votent sur ces motions.

Ensuite les militants organisent les congrès fédéraux (au niveau du département) sur la base des motions nationales et organisent la répartition des sièges fédéraux en fonction du résultat du vote des militants.

Le Congrès national officialise le résultat des votes qui détermine la physionomie du conseil national (en gros qui pèsent quoi, il faut savoir que seule une motion qui obtient plus de 5% des voix peut prétendre avoir des représentants au sein du Conseil national). C’est aussi à ce moment là qu’on se décide ou non à faire la synthèse.

Les militants votent en section pour l’élection du Premier secrétaire.

Enfin, le conseil national désigne le Bureau national et élit le Secrétariat national (sorte de gouvernement du parti).

 

Les motions :

Cette année on en décompte 21. Je ne parle même pas des contributions thématiques tellement nombreuses que la direction a décidé de ne pas nous les envoyer par courrier. Cette littérature militante montre toute la richesse de la diversité des pensées et d’analyses des socialistes : ces textes représentent quand même un certain travail et un certain investissement militant. C’est important de le souligner.

Mais d’un autre côté, dans la mesure où certaines contributions partagent grosso modo les mêmes idées, cette quantité de textes donne l’image d’un émiettement suicidaire. Je n’ai pas suffisamment d’expérience militante mais ce congrès ne semble pas être « normal ».

J’envisageais au départ une analyse comparée des positions des différentes contributions sur un certain nombre de thèmes (économie, Europe, politique sociale, environnement, le parti, désignation du candidat etc.), mais j’avoue avoir fait mon feignant. Je le ferai pour les motions.

Après une lecture rapide d’une majorité des contributions*, j’en tire la typologie suivante. Bien entendu, elle est discutable. Je l’ai établie selon ma perception des choses.

1. les contributions des présidentiables (Bertrand Delanoë, Ségolène Royal)

2. les contributions des courants réformistes (Laurent Fabius, Pierre Moscovici, Martine Aubry)

3. les contributions « personnelles » (François Hollande, Gaëtan Gorce, Frédéric Leveillé, Marylise Lebranchu)

4. les contributions « de la gauche » du PS (Dolez, Hamon, Emmanuelli, Mélenchon, Filoche, Lienemann, Fleury)

5. les contributions régionales (Ayrault, Collectif Ligne Claire, fédération de Meurthe et Moselle)

6. les contributions innovantes (Utopia, Socialisme écologique, Urgence sociale)

Mes observations: 

Je constate que le pôle réformiste ou de tendance social-démocrate (dans lequel je mets Delanoë, Moscovici, Aubry, Royal, Hollande pour les plus fameux), qui avait fondé l’ancienne motion A, arrivée en tête au 74ème congrès du Mans, est aujourd’hui éclaté. S’il continue sa division lors du dépôt des motions, on risque bien de se retrouver sans réelle majorité. Et alors tout est possible.

Etant un soutient de Dominique Strauss-Kahn et un proche de Socialisme et démocratie, « son » courant, j’aurai pû signer la contribution « Besoin de Gauche », portée par Pierre Moscovici. Mais cette contribution constitue surtout une méthode de gouvernance du parti pour les 2, 3 prochaines années, et basée sur le refus de la présidentialisation du parti, la relance du travail collectif via des conventions régulières, et le choix du mode des primaires pour la désignation du leader socialiste.

Je trouve que pour un courant qui se pensait à l’avant-garde de la réflexion et des propositions, le texte présenté est forcément décevant. Par ailleurs je regrette qu’aucunes précisions n’aient été apportées sur les modalités du débat et travail collectif. D’autre part le choix des primaires ne me convainc pas vraiment. Enfin, le comportement de certains responsables SD au cours de ces 6 derniers mois m’a peu incité à signer cette contribution.

J’ai donc signé la contribution « Urgence sociale » de Pierre Larrouturou, motivé par le constat fait sur la situation économique (et politique français et internationale. Mais je ne cache pas que les solutions envisagées sont diversement appréciables et la méthode pas toujours crédible. Le courant Utopia m’a également semblé très novateur dans le paysage politique, même si peut être trop conceptuel et pas assez « pratique ».

La semaine prochaine je parlerai des motions et des enjeux du congrès.

* vous pouvez retrouver l'ensemble des contributions sur le site du Parti socialiste français

19:06 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : congrès, ps, dsk, larrouturou

17 juin 2008

Les moyens d'en sortir

livre-71-vr.jpgHasard de l’agenda politico- médiatique, au moment où l’on parle d’une n-ième réforme des 35 heures, puis tout récemment, de la décision prise par le conseil des ministres européens du travail sur un relèvement de la durée maximale de travail (aujourd’hui de 48h hebdomadaire, elle serait portée à 65 heures dans certains secteurs), je viens de finir de lire Les moyens d’en sortir, de Michel Rocard.

Au début des années quatre vingt dix, la France (et l’Europe et les pays développés en général) fait face à un chômage très important. Le taux de chômage atteint les 12% de la population active en 1993. En réponse à ce fléau social apparaît dans le débat économique et politique l’idée de réduire massivement le temps de travail.

C'est là que parait le livre de Michel Rocard en 1996. En faisant quelque part le point sur les discutions de l'époque, l'ancien premier ministre contribue également au débat en proposant une méthode de mise en oeuvre d'une politique de réduction du temps de travail.

Comme souvent dans les interventions et publications du député européen, les propos sont précis, fournis (en références d'enquêtes et publications), nuancés et rigoureux. C'est que l'homme du "parler vrai" tient à sa réputation. Il emprunte beaucoup au livre La fin du travail de Jeremy Rifkin, tout en l'adaptant au cas européen et surtout français. Il est intérressant de remarquer qu'à son tour, Pierre Larrouturou, auteur d'Urgence sociale, réutilise de nombreux raisonnements de Rocard et Rifkin.

Les trois premiers chapitres exposent le diagnostic de la situation économique et technologique des Trentes glorieuses jusqu'au années quatre vingt dix. La perspective historique de l'évolution économique et technologique des 50 dernières années est très instructive. Elle est complétée par une comparaison entre le Japon, les Etats-Unis et l'Europe en ce qui concerne les politiques adoptées face (à l'apparition du) chômage.

J'en retiens que la mécanisation, l'automatisation et récemment l'informatisation conduisent à réduire le temps nécessaire à l'acte de production. Si à cela on ajoute le fait que la tertiarisation de l'économie ne semble compenser ni quantitativement, ni qualitativement les emplois perdus par la désindustrialisation (mûe par le besoin de compétitivé et l'assechement des principaux marchés de biens de consommations), l'humain se voit confronté à un avenir sans travail. Ce qui n'est pas sans poser problèmes dans une société où l'identité sociale reste marquée par le travail que tout un chacun occupe à un moment donnée de sa vie. Il semble que cette étrange perspective ait été décelée par certains philosophes (Arendt) et économistes (Keynes).

Après avoir réalisé dans un quatrième chapitre un bilan des aides à l'emploi, principal paliatif auquel les sociétés ont recours contre le chômage, Rocard énumère une liste d'angoisses et d'obstacles auquel il tente de répondre. Il fait alors (entre autre) le point sur les expériences de réduction de temps de travail de 1936 (les 40 heures) et de 1981 (les 39 heures) et leur conséquences tant économiques que dans la nature et la teneur des relations entre partenaires sociaux. Il apporte aussi des éléments de réponses face aux inquiétudes économiques (qui finance une telle mesure?), méthodologiques (loi ou négociation ?) ou psychologiques (problèmes des qualifications et du recrutements).

Le chapitre 6 est centré sur la méthode à utiliser pour mener à bien une politique de réduction de temps de travail. Il est notamment question du coût d'une telle réforme et de la "négociation souple" comme outil préférentiel à sa mise en application. Le chapitre 7 apporte des compléments et des réponses aux différents arguments portés tour à tour par ce qu'il nomme les sceptiques (économistes libéraux), les volontaristes (une partie de la gauche et des syndicats) et les prudents (chefs d'entreprises et syndicalistes). Enfin le dernier chapitre pose la question de la finalité d'une telle mesure en terme de choix de société. Pour Michel Rocard, ce doit être l'occasion de lutter contre l'exclusion, assurer un développement durable, développer de nouvelles formes d'activités (là il aborde le tiers secteurs) et de récréer le lien politique.

C'est pas une nouveauté pour ceux qui me connaissent mais j'apprécie généralement les propos de Michel Rocard. Autant dire que le livre, de par sa qualité, m'a plu. Et si je persiste à croire que le diagnostic posé reste d'actualité, l'expérience des 35 heures (avec les effets économiques et sociaux non prévus et non désirés) laisse le doute sur l'efficacité et la tenabilité dans le temps d'une telle réforme et de ses bienfaits. Mais je doute encore plus que la politique visant à faire travailler plus ceux qui ont un boulot, améliore la situation de l'ensemble des citoyens.