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12 décembre 2008

L'épreuve du miroir

Ces dernières semaines, comme ça arrive à tout un chacun dans sa vie au quotidien, j’ai connu des hauts et des bas, j’ai passé des jours avec et des jours sans. En repensant à ces sautes d’humeurs, qui peuvent se succéder dans la même journée, je me fascine du mystère des méandres de l’âme. Il est assez difficile pour les expliquer de distinguer ce qui vient de l’environnement collectif dans lequel on baigne, de ce qui a trait à sa propre personnalité.

Cette année universitaire est censé être notre dernière année d’étude. J’ai le sentiment que pour beaucoup de monde, quelque soit le module choisit, c’est une année de trop. Pourtant, je trouve paradoxal de voir la saturation de certains amis par rapport à cette année studieuse supplémentaire, au regard de leur difficulté à se projeter dans l’après, c'est-à-dire leur vie professionnelle. Pour beaucoup, il semble que « demain est un autre jour ».

Je suis dans une filière qui prépare aux concours de la haute fonction publique. En discutant avec les uns et les autres, il ressort une impression de frustration collective. Une frustration qui cache autant une certaine insatisfaction par rapport à l’enseignement reçu et à l’(in)organisation de la filière, qu’une certaine incertitude par rapport à l’avenir. Entre la crise économique et financière qui assombrie les perspectives professionnelles et les divers chamboulements, décidés par l’actuelle majorité politique, en vue de transfigurer l’Etat (et donc ça concerne les concours d’accès aux métiers de celui-ci), on a l’impression qu’on arrive au mauvais moment.

Alors que nous sommes appelés peu ou prou à être les futurs représentants de l’élite administrative et politique de ce pays, ma génération est comme qui dirait, atteint de sinistrose. Ma génération a peur de l’avenir, peur du monde qui vient. Symptôme d’une société en perte de sens, et qui ne sait plus imaginer et donner une perspective à sa progéniture. Symptôme, peut être, d’une génération narcissique qu’on a plus ou moins trop bien couvé et qui se réveille soudainement. Symptôme, peut être, d’une crise même des élites, à supposer bien sûr qu’on accepte cette terminologie pour une (petite) bourgeoisie de province, classes moyennes à la dérive, que nous sommes. Il faut savoir passer l’épreuve du miroir, tout en sachant qu’un miroir ne reflète qu’un reflet, qu’une image possible….

A mon niveau, j’ai le sentiment d’être complètement décalé, trop souvent décalé. Non que je ne connaisse pas les doutes et inquiétudes de mes camarades, leurs interrogations sont aussi les miennes, car j’ai aussi mes propres démons… La vérité, c’est que je me rends compte d’un certains nombres de choses sur mes compagnons de promo qui sont, comme le dit une amie, à vous faire désespérer de la nature humaine.

D’abord, notre incapacité à travailler en groupe. Il nous a été sommé de faire 5,6 groupes de six afin de travailler les différents exposés. Riche expérience que celle-ci. Je ne connais presque pas de groupe où les membres ne s’entendent pas super bien. Une amie vient de tomber dans une quasi dépression parce qu’elle a été mis à l’écart par les gens de son groupe et que ceux-ci n’ont pas hésité à lui faire maintes réflexions désobligeantes. Moi-même, je me suis pris le bec avec certaines filles de mon groupe. Toujours des problèmes de communication et d’esprit collégial entre les singes que nous sommes. Et puis certain(e)s ont trop le goût du leadership. Quand dans certaines prépas, on organise des soirées à thèmes sur telle ou telle discipline, nous on daigne s’envoyer quelques mails et nos parties d’exposés sans vraiment lire celles des autres. Je me souviendrai toujours de cette phrase d’un prof de socio « Un français est plus productif qu’un japonais. Mais dix japonais qui travaillent ensemble sont plus productifs que dix français ensemble».

En début d’année, on nous a encouragés, via la constitution des groupes, à partager entre nous, par voie orale ou par mail, toute information susceptible d’aider tout le groupe. La direction souhaitait voir émerger une émulation collective. Mais comme nous passons des concours différents, nous n’avons pas les mêmes objectifs. On se demande nos notes pour se comparer et voir qui est un possible concurrent. En quatrième année, une fille avec qui j’ai commencé par sympathiser par un simple sourire et un simple bonjour, m’a dit que chez elle, certains travaillaient peu au sein des groupes pour mieux bosser de leurs côtés pour les concours.

Incapacité de coopérer. Pas plus tard que hier j’ai demandé, par mail, à ce qu’on s’envoie nos exposés en vue de la semaine de concours blanc de la semaine prochaine. J’ai donné l’exemple en envoyant deux des exposés de notre groupe. Tous ne jouent pas le jeu, loin de là ! Triste exemple de la théorie du passager clandestin…. Par ailleurs, nous avons avec nous des prep’externe qui ne sont pas dans nos listes de mails. Et quand j’ai vu l’une d’entre eux s’acharner à prendre des notes de nos exposés, je me suis rendu compte qu’ils ne recevaient pas nécessairement nos mails. Je lui ais proposé de le lui envoyer, en lui recommandant d’envoyer les docs aux autres. Pareil, j’essaye d’envoyer mes notes à cette amie malade le plus souvent possible, qui, touchée par cette délicate attention, se confie à moi alors que nous n’étions pas bien proche avant

Mais si je me sens parfois décalé par rapport à mes semblables, on me dit aussi décalé par rapport à d’autres. Cet après midi, j’ai retrouvé la nouvelle monitrice de mon autoécole dans le bus. Et en discutant elle me faisait part de son insatisfaction dans ce job qu’elle venait tout juste de commencer. Elle m’explique son projet d’apicultrice et le combat « politique » qui va avec. Elle a montée des ruches sur un terrain que des amis mal-logés squattent. Elle m’avoue alors être énervée par l’aspect très bourgeois, très classe moyenne, de ses élèves. « Tous des clones » disait-elle. Ils sont pas « naturels » dans leur comportement, tranchait-elle. J’essayais de les excuser mais elle en rajoutait une couche en faisant une comparaison avec son expérience sur Paris et Lyon. Et là elle me sort que je fais partie des 10% à être naturels… Je fais mon sourire en coin de toujours mais dans ma tête c’est confus. C’est un étrange compliment, si compliment il y a. Elle connait aussi mon parcours scolaire et mes objectifs professionnels.

Et maintenant je débranche mon cerveau et m’éloigne du miroir… dans tous les sens du terme ;-)

Commentaires

Le passage de la fin des études au monde du travail est souvent délicat Pablo, cela ne doit pas t'inquiéter plus que de mesure. Ceci dit, c'est tout à ton honneur de te remettre en question, tout le monde n'a pas ce courage.
Pour le reste, je te laisse découvrir le fonctionnement interne et les délices de l'administration française... ^_^

Écrit par : Tom | 13 décembre 2008

"Symptôme, peut être, d’une génération narcissique qu’on a plus ou moins trop bien couvé "
Tu vois je ne pense pas que vous êtes trop couvés, il y a une violence latente dans un système compétitif qui fragilise plutôt qu'il ne renforce, et n'est pas propice à créer une osmose de groupe. c'est un peu pareil partout.. Le conformisme modèle auquel la grande majorité se plie, est très limitatif et les codes sociaux qui s'y réfèrent sont de véritables prisons psychiques.
je pense au contraire que depuis l'enfance, vous êtes la cible principale de violences sociétales multiples, ta génération et celles qui suivent.
Sinon la différence que tu pointes depuis un bon moment je la cerne, tu le sais d'une façon précise :-)

Écrit par : Catherine | 14 décembre 2008

Je rejoint Cath dans son analyse Pablo. Ce que tu décris je l'observe avec mes étudiants de 1ère année, qui passent un concours, et je l'avais observé lors de ma PrepENA. La compétition est génératrice de violence. Je l'ai toujours refusée. ;-)

Cette année (je pense que j'en ferai peut-être un billet sur ce thème) j'ai imposé un travail de groupe (des groupes de 10 environ) à mes 2ème année, mais avec un suivi de ma part plus fréquent, un point avec moi tous les 15 jours. Et il me semble que la mayonnaise à pris. J'ai été claire au départ en disant que ce serait le résultat collectif, au travers de la cohérence d'ensemble qui serait évalué. Et les 6 sujets que j'ai posés portent sur divers points de la crise en cours. ...

Écrit par : Quidam LAMBDA | 14 décembre 2008

Couvé tu l'as été
à toi de sentir la morsure du froid et d'éclore
de toute façon tu vas affronter la réalité rugueuse
et c'est tant mieux
la competition c'est très sain ,elle permet de repousser ses propres limites et de comprendre qu'être le premier c'est aussi grâce aux autres



Quand tu es différend et pauvre tu n'es qu'un pauvre type
quand tu es différend avec des moyens les autres vanteront vite ton originalité
Ainsi va la vie Pablo..........
"Cultive ta différence car ta différence c'est toi"(Cocteau)

Écrit par : Buzz l'eclair | 15 décembre 2008

ça rejoint une discussion que l'on avait eu sur le forum de Cyp. A savoir que si on est en compétition avec soi-même, les données sont complètement différentes et l'émulation peut se coordonner autour des compétences de chacun. Tout le système de pression, aujourd'hui est axé sur de la compétition négative orientée et avaleuse d'originalité.
Là je vais me lâcher je pense à Minimiel qui fait parti de ce qu'on appelle les hqi,( je me suis renseignée depuis ;-) sur le site de mensa . Il ne trouve aucune réponse dans le système scolaire pour répondre à ses demandes intellectuelles, ce qui me pose pas mal de soucis. Dans les classes spécialisées les élèves s'aident entre-eux c'est une des démarches essentielles de leurs spécificités. Biensûr cela pourrait s'appliquer à l'ensemble des enfants et induirait une autre façon de s'ancrer dans la vie, mais on ne vit pas dans une société solidaire. Pour en revenir à Minimiel, sa sensibilité et sa perspicacité le confrontent à des sources d'angoisses existencielles dont il faut savoir tenir compte, le qi n'est que la face immergée de l'iceberg. Cette sensibilité multidirectionnelle (j'ai pas trouvé mieux) est une différence qui peut être perçue comme parasitaire, dans le sens où elle isole: handicap invisible. Mais je suis persuadée que vous savez de quoi je parle :o)
Il y a une necessité à se retrouver sur le même diapason, en confiance et donc sans compétition, pour pouvoir se ressourcer: juste le plaisir d'échanger des idées sur un mode non-violent et se sentir moins seul. Ce sont les démarches que j'essaye d'entreprendre avec Minimiel.
Et cela rejoint la difficulté de vivre sur le mode aggressif parce que la manière dont la compétitivité est orientée aujourd'hui n'est pas interessante, ni stimulante par son sens de domination primaire.Et un peu inhumaine
A noter aussi que le sujet est tabou, il dérange... c'est comme un effet domino :o)

Écrit par : Catherine | 15 décembre 2008

Analyse partagée à 200% Cath ... ;-)

Écrit par : Quidam LAMBDA | 15 décembre 2008

Salut les amis !

Tu me rassures Tom en me disant qu'avoir des craintes et des doutes c'est normal au moment de transiter du monde universitaire au monde professionnel. En fait je me donne deux ans pour passer différents concours, avec une formation en plus l'an prochain, lorsque j'aurai le diplome sc po. Et en fait ce qui m'inquiète le plus, je crois, c'est moins de trouver un travail (ce qui n'est pas évident) que de ne pas être satisfait de celui-ci.

Sur le fait d'avoir été ou non trop couvés, après lectures de vos commentaires, je me dis qu'au final nous aurons à faire face à nos propres difficultés, par principe différentes de celles qu'ont connu les générations précédentes.


"il y a une violence latente dans un système compétitif qui fragilise plutôt qu'il ne renforce, et n'est pas propice à créer une osmose de groupe. c'est un peu pareil partout.."

Ce que dit Cath est juste et me fait penser à un texte d'Albert Jacquard (?) que j'ai lu, il y a trois, quatre ans de ça, au moment où j'essayais d'intégrer sc po.

Quid', je serai curieux de lire ton expérience de travail de groupe de tes étudiants, histoire d'avoir le point de vue de l'autre côté ;-) Tu as un feedback de la part de tes étudiants ? C'est peut être trop récent.

Le problème de la compétition c'est qu'on l'a subie alors qu'on est tout juste en bas âge et que ça continue tout au long de la vie, dans le milieu professionnel. Bien orientée, la compétition peut servir à se remettre en question et à se surpasser, mais je doute que c'est comme ça qu'elle est diffusée et véçu par les acteurs.

Aussi j'ai du mal à admettre la phrase de notre ami Buzz
"la competition c'est très sain ,elle permet de repousser ses propres limites et de comprendre qu'être le premier c'est aussi grâce aux autres". Être le premier grâce aux autres, ou à leur détriment ?

"sensibilité multidirectionnelle" je trouve ça très pertinente comme expression, même si je connais rien au HQI, en tout cas elle fait sens chez moi.

Écrit par : Pablo | 15 décembre 2008

Le haut quotient intellectuel commence à 130 va jusqu'à 160
Mais ce n'est qu'un indice, si tu vas sur le forum de mensa, c'est révélateur de beaucoup de difficultés vécues en parallèlle des compétences intellectuelles.
http://www.mensa.fr/forum/

Écrit par : Catherine | 15 décembre 2008

Se depasser , donner le meilleur de soi même est tres formateur
C'est grâce a d'autres que j'ai eu envie de progresser
De même la force n'est pas la violence.
la force a quelque chose de la douceur
en revanche la jalousie produit l'aigreur l'agressivité la violence
Affronter ce qui vient avec confiance est sans doute plus aisé quand on est relié.............

Écrit par : Buzz l'eclair | 16 décembre 2008

Bonjour,

Pour travailler avec les autres, il faut déjà leurs faires confiance.
Lorsque j’étais étudiant, j’avais comme principal défaut lors des travails de groupes, de ne faire confiance qu’à moi-même. Je dirigeais donc tout pour avoir mon oeil sur tout, ou alors je faisais tout tout seul !
De la même façon j’ai changer de binôme de TP en DEUG car mon ami (dans la vie) défaisait tout mes montages électriques en TP de physique pour les remonter aux mêmes endroits ce qui m’horripilait !
Aujourd’hui je travaille avec un étudiant avec lequel je m’entends bien mais qui a passer 2 mois à refaire les même manip que moi (et au miracle nous trouvons la même chose). Cette semaine, il a passer son temps a me dire que ma manip ne servait à rien parce qu’entre la mise en œuvre et la réalisation il avait changer d’avis sur le projet…
En plus manque de bol, cela n’a pas marché peut être bien parce que j’aurais dilué mon produit dans 0.5 ml au lieu de 0.25 ml …
Je m’étais défoncer sur cette grosse et laborieuse manip’ afin que l’on est quelque chose à présenter de nouveau lors de la prochaine réunion qui a lieu tout les six mois avec le big boss… et lui traîne son spleen et n’affiche aucun intérêt ni soutien.
Pourtant c’est un garçon intelligent.
Tout cela pour dire que le travail d’équipe est un équilibre permanent et c’est bien pour cela qu’il est difficile de bâtir de bonnes équipes, ce que certains chefs semblent oublier lorsqu’ils nous annoncent que « personne n’est irremplaçable ».
Enfin bref, je lui parlerai lundi… la communication permets la confiance, même si il risque de ne pas apprécier tout ce que j’ai a lui dire !

Écrit par : LuboMoravcik | 19 décembre 2008

Lubo,

Le diable se niche dans les détails ;-)

Alors, il a réagit comment ton collègue ?

Écrit par : Pablo | 23 décembre 2008

Tous mes voeux de réussite pour l'année qui vient, Pablo.
Puisse tu voir l'aboutissement de tes projets, et de ceux de ta famille.

Prends soin de toi, et un bon Noel à toi parmi ceux que tu aimes.

le Belge

Écrit par : Belgo4.0 | 24 décembre 2008

Bonsoir,

Mon collégue a bien réagis. Je ne lui suis pas rentré dedans mais démontré l'absurdité de son comportement actuel.
J'ai joué de diplomatie... avec les personnes sensées cela fonctionne.
Bonne année à tous !!

Écrit par : LuboMoravcik | 29 décembre 2008

salut pablo
pas de voeux, je trouve ça un peu "cul-cul" ,mais une pensée amical pour toi en ce début d'année.
ce que je deviens ?
la fin de toute activité militante a été plus dure que prévus , surtout que ma santé est parfois défaillante.
je passe a une seconde étape en 2009 , je vais essayer de faire une pause d'information pendant 1an , plus de blog , plus de site d'info ,plus d'info télé , plus d'info radio.
je vais essayer de me consacrer a la reflextion perso .
je compte faire 2 livre ( a tirage de queques exemplaire avec les moyens PAO du bord) un roman social parfois tres dure et tres cru et un essai politique de mes reflextion perso.
je t'enverais un exemplaire d'ici un a 2 ans (si tout va bien).
donc reste en contact , et previen mois de tout changement d'e_mail.
amicalement.
claude.
alias...électeur/papounet

Écrit par : claude | 03 janvier 2009

Hé hé un revenant ! ;-)

Pas de voeux donc, mais je te souhaite quand même une bonne santé pour cette année.

Je t'ai lu y'a pas longtemps sur le blog de PaysanBio (eh oui, il m'arrive d'y retourner de temps à autre), c'est là que j'ai appris tes projets littéraires. Par contre j'imaginais pas que tu allais t'imposer des conditions "monastiques".

Ce sera avec plaisir que je lirai tes romans.

Je ne pense pas changer d'adresse mais je te tiendrai au courant s'il y a des changements.

A+

Écrit par : Pablo | 03 janvier 2009

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