Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

17 janvier 2010

Famille et dépendance

L'amélioration de nos conditions matérielle de vie, les progrès réalisés en matière de santé et de soins du corps, l'enrichissement de notre alimentation... conduisent années après années à l'augmentation de l'espérance de vie des hommes et des femmes. Ce faisant, est apparu un nouvel âge, nouvelle étape de la vie humaine après l'enfance, la vie active et la retraite, le quatrième âge.

Un des intérêts de l'amélioration de notre espérance de vie est la possibilité offerte aux plus jeunes de connaitre leurs grands parents, ou parfois même ses arrières grands parents, et plus encore de vivre un temps avec eux. Mais on n'a pas tous la chance de les connaitre. Personnellement, je n'ai pas quasiment pas connu mes deux grands pères. L'un est mort deux mois après ma naissance, justement provoquée afin qu'il puisse me voir avant de s'éteindre, l'autre est parti deux, trois ans après.

Mes deux grands-mères ont aujourd'hui quatre-vingt ans et quelques printemps. L'une d'elle a toujours vécue en Espagne à l'exception de quelques semaines en France. L'autre a travaillée une vingtaine année en France, puis est repartie en Espagne après le décès de mon grand-père, avant de revenir en France il y a une dizaine d'année. Avec la distance géographique qui nous séparait, je ne les voyais pas plus de quelques semaines par an. Un peu les vacances de Noel, plus longuement l'été.

C'est étrange parce que je n'ai pas totalement la même relation avec l'une et l'autre. Je suis plus proche de ma grand-mère maternelle alors que la langue a longtemps été, et l'est encore par moment, un blocage entre nous. A l'inverse, la langue pose moins de problème avec l'autre grand-mère, mais avec le nombre de petits-enfants qu'elle, les préférences qu'elle affiche inconsciemment entre ces derniers, et une certaine retenue dans ses émotions, on a moins d'affinité.

Il n'empêche que j'ai une affection certaine pour les deux. Il faut dire que dans l'ensemble, nous avons un esprit très famille chez nous. Tant du coté de la famille de mon père comme de celle ma mère. Deux familles nombreuses, ceci expliquant surement cela. Ce qui n'interdit pas au passage, bien au contraire, d'avoir quelques histoires de familles, comme dans toutes les familles.

Mais le problème de l'émergence du quatrième âge, c'est la gestion de la dépendance des personnes âgées, par la société en général et les familles en particulier. Pour avoir effectués des travaux dans quelques maisons de retraites, j'ai pu observer, malgré les traitements et le bon personnel de ces institutions, la solitude et la dégénérescence de nos anciens. Ces établissements sont comme des mouroirs.

Notre esprit très famille, doublée d'une certaine tradition espagnole de la famille (*), fait que mes oncles et tantes et mes parents ont refusés, d'un coté comme de l'autre, de placer mes grands-mères dans une maison de retraite ou établissement médicalisé. Du coté de ma mère, les 4 frères et sœurs se partagent Mamie trois mois chacun. Du coté de mon père, c'est un peu plus compliqué, ma grand-mère restant chez sa plus jeune fille durant l'année, et chez la fille ainée, durant l'été.

Tout pourrait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes, si les grand-mères, avançant dans l'âge, ne devenaient pas de plus en plus dépendante. L'une a eu des problèmes au cœur ces derniers mois, faisant 3 allés-retours à l'hôpital, et a subi en conséquence une opération qui la laissera fragile jusqu'à la fin. L'autre a une maladie au foie mais ce sont ses jambes qui l'affaiblissement et l'handicapent. Elle a déjà fait quelques chutes.

Mais outre leurs problèmes de santé qui obligent mes parents ou oncles et tantes à un maximum d'attention et de soin à leur égard, les grands-mères tendant à devenir acariâtres, amères et égocentriques. Et c'est très difficile psychologiquement pour mes parents et oncles et tantes de gérer cela. En dépit de tous les efforts et l'attention possible à leurs égards, il y a toujours un reproche à la clé. Difficile de voir ses parents dépérir et devenir de plus en plus dépendants de soi.

La génération de mes parents doit encore s'occuper de nous, jusqu'à notre indépendance totale, et d'elle même aussi ! C'est la  « génération sandwich » comme dit ma mère. Mes deux familles n'ont pas vraiment les moyens de payer un établissement adapté aux grands-mères (elles mêmes n'ont guère de gros revenus). Et puis sur le principe même, dans l'ensemble ils s'y refusent : elles se laisseraient mourir... .

J'avais lu dans un article que la façon dont on voyait nos parents gérer la fin de vie puis la mort de leurs propres parents, influençait grandement notre façon de gérer la leur à l'avenir. Mes parents m'ont racontés avoir vu leurs grands-mères respectives (au moins une) finir leurs jours chez eux. C'était comme ça à l'époque. Paradoxalement, mes parents et mes oncles/et tantes ne se font aucunes illusions sur nous pour les prendre en charge le moment venu.

Bien entendu, aujourd'hui, la question ne se pose pas. Mais je suis bien incapable de répondre spontanément, par l'affirmative, à cette problématique. D'abord parce que nous sommes deux, ma sœur et moi. Ensuite, j'ignore où je serai à ce moment là : dans la même ville ? la même région ? dans un autre pays ? sur un autre continent ? Enfin, ça dépendra aussi de la personne avec qui je partagerai ma vie. Peut être qu'elle ne voudra s'occuper ni de ses parents, ni des miens... C'est aussi un choix de couple au final.

Je me dis alors qu'il est fort possible qu'avec la génération de mes parents, disparaissent une certaine tradition. Une certaine conception de la famille aussi. Il faut dire qu'à l'ère du salariat féminin, de la mobilité professionnelle et autre, et des loisirs et du temps libre, on est moins enclin à se fixer pour s'occuper des parents. Quand je pense à une cousine de ma mère qui s'est occupée pendant au moins vingt ans de sa mère, paralysée, qui est décédée à 103 ans... j'éprouve à la fois du respect et un certain malaise.

Me vient alors une sombre mais plausible perspective : dans l'avenir, l'individualisme de nos sociétés et le culte du temps libre/de loisirs pourrait nous amener à ouvrir la voie à une légalisation de l'euthanasie, sous une forme non-médicale. Mais on entre ici dans l'anticipation typique de la science-fiction...


(*) Plus jeune, ma grand-mère paternelle avait attribué un rôle à ses deux filles, mes tantes donc. La première, deuxième de la fratrie, devait surveiller les petits pendant qu'elle irait travailler. La seconde, la toute dernière, devant s'occuper d'elle et du grand-père, une fois vieux.

Commentaires

Sacrée question que tu soulèves, là, Pablo.

Pour mes parents la question est réglée, ils ne sont plus là, ni l'un ni l'autre.

Pour mes grands-mères, leurs choix a été de finir leur jours en résidences pour personnes âgées. Mais ce fut bien leur choix à elles. Parce qu'elles mêmes avaient vécu de façon subie la fin de leur propres parents, ni l'une ni l'autre n'ont voulu l'imposer à leurs enfants, alors même qu'une de mes tantes hébergeait elle-même, de façon professionnelle, des personnes âgées.

Ceci dit, l'une et l'autre ont eu la chance de rester valide jusqu'à la fin et de mourir paisiblement de façon nette, sans longue agonie.

Pour ma part, j'espère pouvoir disposer le moment venu d'un kit d'auto-euthanasie pour le cas ou je perdrait mon autonomie. Plus précisément, j'espère avoir suffisamment de lucidité et de force pour une ultime randonnée en haute montagne, à la façon des anciens de certain peuples d'autrefois ... :-)))

Écrit par : Quidam LAMBDA | 18 janvier 2010

En me relisant je vois que j'ai beaucoup parlé du poids psychologique qui pèse sur mes parents et mes oncles, moins de celui des principales intéressées.

Je sais que mes grands mères sont dans le mal-être en continue. Marre des douleurs. Marre d'embêter les uns, les autres. Marre de ne plus pouvoir faire grand chose sans l'aide de quelqu'un. Se voir dépérir doit une être une lourde épreuve intime...

C'est sur tout tout ces éléments que j'ai soulevé l'hypothèse d'une légalisation de l'euthanasie. Décision qui concerne avant la personne âgée. Je pense que c'est un rapport de soi au corps, au mental, et à la capacité à supporter la douleur. Je sais qu'une de mes grand mère a plus peur de souffrir en mourant que la mort elle même...

Par rapport à ton idée de dernière randonnée, j'avoue que cela me fait penser à Dune. Lorsque Muaddib perd la vue après une explosion nucléaire ou en tout cas un attentat terroriste, et décide d'aller rejoindre le désert comme le veut la tradition fremen...bon dans l'histoire on sait qu'il meurt pas dans le désert, mais l'esprit est là :)

Écrit par : Pablo | 18 janvier 2010

Mes grands parents sont morts à l'hôpital pour trois d'entre eux et à la maison pour le dernier. On ne sait jamais à l'avance... je crois que cela dépend de nos possibilités et de notre disponibilité, mais je suis du même avis que Quidam, c'est bien de pouvoir partir de sa propre volonté si on a, et le courage et le choix.
Mais pas si sûr que la durée de vie reste si allongée que cela à l'avenir

Écrit par : Catherine | 19 janvier 2010

Tu poses là, Pablo, l'une des questions essentielles des temps futurs...

à moins que le progrès médical ne permette d'éviter cette dégéneresence dans un grand nombre de cas:

ceci n'est pas impossible, des médicaments ont été inventés, ils ont été testés avec succès sur des animaux, mais quelques effets secondaires lourds ont vraisemblablement interdit de poursuivre leur developpement vers l'humain.

Pour ma part, j'ai pu observer l'effet presque miraculeux de l'un deux sur mon chien, avant que le médicament ne soit interdit:

Retour de l'équilibre, diminution des douleurs, respiration aisée malgré les problèmes cardiaques, fin de l'énurésie etc...

2 ans de vie de bonne qualité rajoutés à un chien qui semblait au dernier stade avant le traitement. sur la durèe de vie du chien moyen: 14 ans, c'est considérable.

Donc, on ne peut savoir...

Écrit par : selene | 23 janvier 2010

Tiens, au fait, je me lance dans le blog perso....

si cela vous intéresse, c'est le tout début, je prends les conseils!

http://selenepolis.blogspot.com/

Écrit par : selene | 23 janvier 2010

Chouette je le mets en lien sur mon blog :-)

Écrit par : Catherine | 28 janvier 2010

Eh bien ça y est... ma mère et ses frères et sœurs ont finit par se résoudre à placer ma grand mère dans une maison de retraite médicalisée en Espagne.

En l'espace de trois semaines, son état de santé s'est tellement dégradé qu'il n'était plus possible pour mes parents de la garder et la soigner...

Tout est arrivé si rapidement. La voilà partie définitivement pour l'Espagne...

Écrit par : Pablo | 28 janvier 2010

Si tout se passe bien, la vie en communauté l'amènera à se reprendre en mains et il se pourrait que cela amène une meilleure qualité de vie.

Du moins, c'est ce que j'espère pour elle et pour ta famille.

Écrit par : selene | 28 janvier 2010

Les commentaires sont fermés.