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15 avril 2013

Echec du projet d’une collectivité unique d’Alsace

Le 7 avril dernier, les Alsaciens étaient appelés à se prononcer sur le projet de création d’une « collectivité territoriale d’Alsace » fusionnant le conseil régional et les deux conseils généraux. Pour être validé, le projet devait être approuvé par au moins 50 % des électeurs, mais aussi par au moins 25 % des inscrits, et ce dans chacun des deux départements. Les électeurs ont tranché, le projet est rejeté (les électeurs du Bas-Rhin étaient pour, ceux du Haut-Rhin contre).

Les grandes lignes du projet

 

La collectivité territoriale d’Alsace devait exercer l’ensemble des compétences aujourd’hui dévolues aux trois collectivités. Pour faire simple, je résume : l’action économique, la formation professionnelle, les lycées au nom de la région, l’action sociale, le transport interurbain et les collèges au nom des départements.

 

Pour créer des « dynamiques nouvelles », il était envisagé de laisser de nouveaux domaines d’intervention  à la future collectivité unique : l’économie et l’innovation, la coopération transfrontalière, la culture et le patrimoine, la mobilisation des fonds européens, la culture régionale ou le logement et l’habitat.

 

Sur le plan organisationnel, afin de ménager la sensibilité des élus et des territoires, il était prévu que l’assemblée délibérante (l’Assemblée d’Alsace) siégerait à Strasbourg, tandis que le conseil exécutif, élu par l’assemblée et responsable devant elle, serait à Colmar. Le nombre d’élus devait sensiblement baisser.

Les raisons de l’échec

Petite liste non exhaustive des raisons évoquées, ici ou là, pour expliquer le rejet d’une majorité d’électeurs alsaciens, du projet de collectivité unique :

Les sujets institutionnels ne sont jamais très mobilisateurs. Ainsi le référendum national consacrant le passage du septennat au quinquennat n’avait pas mobilisé les foules. Soit le sujet apparait trop technique pour polariser l’opinion, soit le sujet apparait sans enjeux et les électeurs boudent le scrutin.

Porté par les exécutifs locaux (UMP), ce projet a divisé autant la droite locale que le PS, créant beaucoup de dissidence. En outre, il n’a pas reçu le soutien de dirigeants nationaux, tant de l’UMP que du gouvernement (pourtant favorable), contrairement aux tenants du non (visite de Mélenchon et Le Pen).

En même temps, le contexte national (difficultés économiques, inquiétudes sociales, impopularité de l’exécutif,) a sans doute alimenté l’abstention, voir favorisé le non dans les derniers jours (affaire Cahuzac).

Plus localement, alors que de l’extérieur on imagine généralement l’Alsace comme un territoire culturellement homogène, du fait d’une certaine identité régionale, les résultats révèlent finalement une fracture (peut être même une rivalité ?) entre les deux départements.

Un rapport au territoire à repenser

Ce projet d’une collectivité territoriale unique se voulait une réponse au « problème » du mille feuille administratif français. Les porteurs de ce projet profitaient ainsi d’une possibilité ouverte par la réforme territoriale de décembre 2010, qui autorisait le rapprochement voire la fusion de plusieurs (échelons de) collectivités.

J’étais pour ma part favorable à ce projet, moins pour ses prétendues économies que pour la forme de décentralisation qu’elle pouvait représenter. D’autres collectivités (région et départements, départements et communautés urbaines), ayant des projets similaires, étaient très attentives à l’expérience alsacienne. Pas sûr que l’issue du référendum les pousse à continuer.

Il est de bon ton aujourd’hui de taper sur les collectivités locales et en particulier sur le département, appelé à disparaitre au profit des régions d’une part, et des groupements de communes d’autre part. Cela permettrait soit disant de faire des économies et à terme de baisser les impôts locaux. Il faudrait tout simplifier etc. Je m’insurge contre ce genre d’arguments.

Il est tout à fait possible que de telles opérations permettent des économies sur certaines fonctions support (service des marchés, des achats, juridiques, RH) et sur certains frais de représentation (indemnité d’élus, frais de communication…) mais le gros des compétences continuera d’être assuré. On ne licenciera pas le personnel et les dépenses d’intervention seront toujours aussi importantes (voir plus).

Plus important encore, et c’est la leçon du projet alsacien, le Département représente une collectivité de proximité très importante pour les territoires majoritairement ruraux. Leur suppression dans ces zones, généralement touchées par la disparition des services publics (la poste, la trésorerie locale, pôle emploi…), éloignent le centre de décision des citoyens. Ce qui renforce ce sentiment d’abandon politique et de désertification. Ceci d’autant plus lorsqu’il n’y a aucune intercommunalité avec une taille suffisante pour assumer les compétences du Conseil Général.

La décentralisation consiste en un transfert de compétences de l’Etat vers des entités distinctes de lui, les collectivités locales. Jusqu’ici ce transfert a été homogène – petite exception faite pour la Nouvelle-Calédonie, les DOM-TOM et la Corse - et descendant, c'est-à-dire à l’initiative du gouvernement. Ce projet ouvrait la possibilité d’une décentralisation à la carte, en fonction des besoins et des volontés politiques des territoires.

Plutôt que d’imposer a priori et d’en haut l’organisation territoriale décentralisée, il serait intéressant d’adopter la démarche inverse : partir du territoire, de ses besoins, de ses forces, de ses projets, pour définir l’organisation adéquate. La démocratie locale ne peut pas se résumer à une logique de guichet. Autonomie et expérimentation n’exclut pas un contrôle de l’Etat et un cadre juridique minimal commun.

19:00 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0)

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