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25 octobre 2012

L’Espagne, un pays sous tensions

L’histoire nous a souvent montré que des crises économiques et sociales, profondes et prolongées, impactent tôt ou tard le système politique en place. Révolution, coup d’Etat militaire, guerre civile, conflit international… forment un large spectre des sombres issues possibles. De nombreuses démocraties ont faillis.

Fondée sur les principes de représentations électorales, de pluralisme politique, de reconnaissance et de garantie de droits (politiques, économiques et sociaux) puis la représentation électorale, la démocratie libérale est une forme souple d’organisation politique (prise de décision) et de gestion des conflits (ouverts ou latents).

A bien des égards, la démocratie est consubstantielle aux conflits, aux crises, dont elle assure le rôle d’amortisseur, de régulateur, dans une recherche de sauvegarde d’un consensus général. Mais face à une crise économique et sociale qui n’en finit pas de durer, jusqu’où peut tenir un système politique de plus en plus en proie à une crise de légitimité ?

J’observe avec intérêt – lien familial oblige mais aussi par curiosité intellectuelle – et régularité l’actualité espagnole depuis 2007-2008. La situation s’est beaucoup  dégradée en quatre ans, et particulièrement depuis 2010, où Zapatero annonçait en mai un tournant majeur de politique économique.

Le pays cumule les crises : crise économique (modèle de croissance), crise financière (système bancaire), crise de la dette publique (endettement et primes de risques), crise sociale (chômage et pauvreté, victimes des coupes dans les dépenses sociales etc), et crise politique. Cette dernière a pris différentes formes et a acquis une importance particulière ces derniers mois.

Longtemps l’institution la plus respectée et la plus valorisée par les espagnols dans les enquêtes d’opinions, la monarchie espagnole a beaucoup perdue de son autorité. Le scandale de corruption de l’ex-gendre du roi, les activités excentriques de Juan-Carlos l’été dernier (safari), le train de vie de la famille royale alors que le pays subit une terrible cure d’austérité, ont beaucoup fragilisé cette autorité « refuge ».

En novembre dernier, la droite espagnole a remportée les élections législatives avec une majorité absolue historique. Le nouveau gouvernement a multiplié les plans d’austérité (le dernier prévoyant 60 milliards d’économie sur trois ans), dans un silence troublant et obstiné du Premier Ministre. Pendant plus de 120 jours, Rajoy ne s’est pas présenté devant le Parlement pour rendre compte de son action !

Disposant d’une confortable majorité parlementaire, le président du gouvernement n’a pas souhaité chercher d’accords avec les partis politiques de la représentation nationale, malgré le main-tendue du PSOE sur certains sujets. Ce refus confirme la mort de « pactes de Toledo », tradition issue de la Transition démocratique et célébré, d’une certaine manière, avec la mort de Santiago Carillo, dirigeant historique du PC espagnol.

Plus grave encore, la répression policière du gouvernement au mouvement des Indignés, qui a tenté ces dernières semaines d’encercler et de pénétrer le Parlement espagnol. Né au printemps 2011*, ce mouvement s’est illustré par l’occupation longue des grandes places des villes espagnoles. Il conteste les politiques d’austérité et réclame une « démocratie réelle maintenant !».

Dans un contexte où l’austérité touche particulièrement les communautés autonomes (les régions espagnoles), « responsables » du déficit public de l’an dernier à hauteur des deux-tiers, les mouvements nationalistes régionaux prennent de l’ampleur. Un million de personnes ont réclamés l’indépendance de la Catalogne le jour de la Diada en septembre dernier.

Cette revendication est relayée et assumée par le Président catalaniste de la région, Artur Mas, qui souhaite s’inspirer du projet de référendum, prévu en 2014 sur l’indépendance de l’Ecosse. Enfin, le dimanche dernier, l’élection régionale du Pays-Basque signe un retour des nationalistes au pouvoir et un renforcement de ceux-ci (versant gauche et droite).

Toutes ces crises, interdépendantes et cumulatives, toutes de fortes intensités laissent à penser que l’Espagne va finir tôt ou tard par imploser. Je me garde bien d’affirmer des prophéties aussi hasardeuses qu’apocalyptiques, mais force est de constater que le pays cumule les handicaps, sans que se dessinent des perspectives positives. A moins d’un changement de politique économique au niveau européen.

* Je disais l’an dernier que ce type de mouvement représentait dans ces temps de troubles, la dernière réponse civique avant le recours à la violence. Le mouvement s’est surement essoufflé (mouvement de la modernité liquide). Il a en tout cas perdu l’intérêt des média. Son rejet musclé par la classe politique pourrait l’amener à changer de nature…

17 avril 2012

La monarchie en question

Signe qu’une crise économique et sociale profonde et prolongée impacte tôt ou tard le système politique en place, la monarchie espagnole, empêtrée depuis quelques mois dans des scandales à répétition, semble plus fragilisée que jamais. Certains suggèrent même l’abdication de Juan Carlos Ier en faveur de son fils.

A l’exception des milieux nationalistes ultra et régionaux (genre Esquera Republicana de Catalunya) et de nostalgiques de la Seconde République, dont on fêtait dimanche le 81ème anniversaire de sa proclamation, les espagnols ont toujours exprimé dans les enquêtes d’opinion, un large soutien à la monarchie.

La Constitution espagnole donne au roi le statut de Chef d’Etat, garant de l’unité de ce dernier et du bon fonctionnement des institutions. Placé au dessus des partis et des majorités parlementaires successives, sa fonction symbolique de représentant de l’intérêt supérieur du pays, le met forcément en valeur.

Rétablie officiellement par Franco après la Guerre civile - même si de fait l’Espagne est resté 40 ans une monarchie sans monarque - qui a formé et imposé Juan Carlos, la monarchie a gagné la confiance de ses sujets en participant à l’échec du coup d’Etat militaire du 23 février 1981.

Mais depuis près d’un an, le scandale de corruption qui touche son ex-gendre et le train de vie de la famille royale (budget important plus ou moins inchangé et activités excentriques tel que le safari du roi) alors que le pays subit une terrible cure d’austérité, remettent en question la monarchie espagnole.

Izquierda Unida, qui est le troisième parti politique espagnol en termes de suffrage et qui rassemble communistes et écologistes, a diffusé la semaine dernière une vidéo appelant à une Troisième République. Plus critique ou hostile à la monarchie que le PSOE ou le PP, j’ignore si l’appel d’IU constitue un changement de cap ou pas.

16:11 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : espagne, psoe

24 janvier 2012

Le PSOE prépare l’après-Zapatero

Après leur défaite aux élections législatives du 20 novembre dernier où ils ont fait leur plus mauvais résultat depuis le retour de la démocratie, les socialistes espagnols préparent actuellement leur 38ème congrès, prévu les 3, 4 et 5 février prochain.

L’évènement est important puisqu’il marque le début de l’ère de l’après-Zapatero. Ce dernier, secrétaire général du parti depuis 2000, va quitter la vie politique. Et c’est le premier congrès organisé dans l’opposition, après sept ans aux responsabilités.

Valable pour chaque parti politique, le congrès a trois fonctions : renouveler les instances locales et nationales, déterminer l’orientation et la stratégie politique pour les années à venir et choisir un leader ou lui renouveler sa confiance.

Le déroulement d’un congrès du PSOE

Il est intéressant de constater que le PSOE et le PS s’organisent et fonctionnent un peu différemment. Le PS est un parti centralisé, le PSOE un parti fédéral. Le PS fonctionne sur le principe des courants alors que le PSOE n’en compte officiellement qu’un (Izquierda socialista, qui représente la gauche du parti).

Le congrès du PS se déroule schématiquement en trois temps : les contributions (individuelles, collectives, thématiques), le vote des motions qui déterminent la répartition des sièges au sein du Conseil et Bureau National, puis l’élection du Premier secrétaire par les militants.

Celui du PSOE s’organise autour d’un seul texte programmatique, amendable via une commission de travail, et en deux temps : les congrès provinciaux pour choisir les délégués qui vont participer au congrès fédéral. Le secrétaire général est choisi par les délégués, et non par les militants.

Cela dit, je ne crois pas que les fédérations espagnoles aient beaucoup plus de pouvoirs et de libertés que les fédérations françaises. Et si les courants n’ont pas au sein du PSOE le poids qu’ils ont au PS, ils s’organisent également autour de certaines personnalités (Gonzales/ Guerra, Borrell/ Almunia, Zapatero/ Bono, Rubalcaba/ Chacon).

Le retour des débats internes

Généralement lorsqu’un parti est au pouvoir, les débats internes sont très limités quand ils ne sont pas encadrés voir éclipsés par l’action du gouvernement. Et depuis 2008 au moins, et avec l’approfondissement de la crise, la direction de Zapatero m’a l’air d’avoir pas mal verrouillé les débats.

Avec le temps, non seulement Zapatero s’est passé de l’avis des instances du parti mais en plus il en exigeait un soutient total à l’action du gouvernement. Sans exclure un biais journalistique (je lis essentiellement El Pais pour m’informer de l’actualité espagnole et le journal est proche des socialistes), j’ai rarement entendu des voix discordantes au discours officiel du PSOE.

Lorsqu’en mai 2011 Zapatero a annoncé qu’il ne se représenterait pas, espérant sauver les élections municipales, la question de sa succession immédiate a été très vite réglée : on a parlé un temps d’une primaire pour départager Rubalcaba et Chacon, les deux favoris, avant que cette dernière ne soit priée de renoncer au profit du premier.

Depuis la défaite électorale du 20 novembre dernier et la décision d’organiser un congrès dès février 2012 (quand on pense que le PS a mis plus d’un an à organiser son congrès après sa défaite en 2007), il n’y a pas un jour sans qu’un responsable socialiste ne publie ses analyses de la défaite et explique la stratégie à adopter pour l’avenir.

Le duel Chacon/Rubalcaba

Deux candidats briguent la succession de Zapatero à la tête du PSOE. D’une part Alfredo Perez Rubalcaba, 60 ans, ancien ministre de l’Intérieur (2006-2011) et vice-président du gouvernement (2010-2011), chef de liste aux dernières élections. D’autre part Carme Chacon, 40 ans, ex-ministre du Logement (2007-2008) et de la Défense (2008-2011).

Carme Chacon et ses partisans ont publié un manifeste intitulé « Mucho PSOE por hacer ». Tout en revendiquant les avancées de l’ère Zapatero, ils proposent de faire un inventaire de ces années de gouvernement et en particulier de la gestion de la crise. Ils souhaitent une réforme fiscale d’avantage progressiste et un gouvernement économique et démocratique en Europe. Enfin ils militent pour un parti ouvert et travaillant avec la société civile, puis pour l’organisation de primaires citoyennes.

Alfredo Rubalcaba et ses soutiens ont publié un manifeste intitulé « 38 proposiciones y mas ». Ils plaident pour un parti plus à l’image de l’Espagne, de masse (vise les 2 millions d’adhérents), pluriel et intergénérationnel, respectant les identités régionales mais en parlant d’une seule voix. Ils souhaitent un parti plus participatif (via les NTIC) avec notamment l’élection du candidat à la présidence par la voie de primaires citoyennes. Enfin, un parti ancré en Europe et dans l’Internationale Socialiste.

Le premier texte privilégie une démarche politique globale quand le second est centré sur le parti, présenté comme un outil de reconquête. Pour l’instant, à l’issu des premiers congrès provinciaux organisés le weekend dernier, Rubalcaba partirait avec un léger avantage sur Chacon, mais un bon tiers des délégués n’ont pas encore pris position.

Difficile pour ma part de départager les deux candidats. Je connais bien mal Chacon mais je trouve intéressant le principe d’inventaire des années ZP. Elle apparait encore trop sans consistance mais risque surtout de payer sa « catalanité » suite aux bisbilles PSC/PSOE. Rubalcaba est d’avantage expérimenté et c’est un bon contradicteur, ce qui serait utile au Parlement. Verdict dans deux semaines.

21 novembre 2011

L’Espagne rebascule à droite

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(cliquer dessus pour agrandir)


Les espagnols votaient hier pour renouveler le Congrès et le Sénat. Sans surprise, le pays rebascule à droite. Le Parti Populaire obtient une confortante majorité absolue (186 députés), plus importante encore qu’en 2000, qui avait vu la réélection d’Aznar. Mariano Rajoy, le leader conservateur, ancien ministre de l’Education puis de l’Intérieur des gouvernements Aznar (1996—2004), candidat pour la 3ème fois, sera le nouveau Président du Gouvernement.

En remportant les élections législatives, la droite espagnole domine la majorité des collectivités publiques, puisqu’elle préside l’essentiel des municipalités et des communautés autonomes (l’équivalent de nos régions mais avec plus de pouvoirs) depuis ce printemps. Autant dire qu’elle a les coudées franches pour gouverner. Reste à savoir ce qu’elle compte faire, vu le flou sur son programme économique et ses positions rétrogrades sur les questions de société.

Les socialistes connaissent leur plus mauvais résultat électoral depuis le retour de la démocratie en Espagne. Ils payent lourdement leur gestion de la crise et l’adoption de mesures d’austérité en 2010. Le PSOE entame aujourd’hui une longue traversée du désert. Le retrait annoncé de Zapatero en mai dernier et l’incertitude quant à l’avenir politique de Rubalcaba au vu des résultats électoraux, laissent entrevoir une crise de leadership et d’orientation politique.

Bien que le mode de scrutin en ait atténué la portée, le nouveau Congrès espagnol sera le plus pluriel depuis le retour de la démocratie. De nouveaux partis rentrent au Parlement (Equo le parti écologiste, Amaiur le parti de la gauche basque nationaliste, et deux autres que je ne connais pas), d’autres en sont renforcés (IU la gauche écolo-communiste, UPyD un parti centriste et CiU le parti conservateur catalan). Le gain de ses partis se faisant au détriment du PSOE.

On va voir maintenant comment la nouvelle majorité entend sortir le pays de la crise. Mais vu la conjoncture internationale et la pression des Agences de notation et des marchés financiers, je ne suis franchement pas très optimiste pour la suite (je le suis pas plus pour la France, d’un point de vue franco-français et franco-européen). Mais je ne suis pas devin et je me suis plus ou moins trompé en 2008. Affaire à suivre.

19 novembre 2011

Les propositions de Rubalcaba

Après quinze jours de campagne officielle et deux débats télévisés – le premier entre Rajoy et Rubalcaba, les candidats des deux gros partis ; le second entre les partis présents au Parlement – les Espagnols votent demain pour les élections législatives.

Les intentions de vote, exprimés dans les enquêtes d’opinion, n’ont pas beaucoup bougés. Le Parti Populaire, c'est-à-dire la droite conservatrice, va remporter l’élection et bénéficier d’une assez large majorité.

Je n’ai pas eu le temps de suivre et commenter d’avantage cette campagne. Rubalacaba et les socialistes ont centré leur campagne sur le programme « occulte » et volontairement flou du PP, oubliant d’insister leurs propres propositions.

Ci-dessous, les principales mesures du programme des socialistes espagnols :

L’emploi :

Impulser un accord national pour l’emploi réunissant les administrations publiques, les entreprises et les travailleurs, autour de trois axes :

-      Un plan pour l’emploi des Jeunes.

-      Des programmes spécifiques dans les secteurs traditionnels et émergents.

-      Des programmes d’insertion pour les chômeurs de plus de 55 ans.

La fiscalité :

-      Rétablir un nouvel impôt sur les grandes fortunes

-      Créer un impôt sur les entités bancaires et financières, dont les recettes seront pour partie destinés au fond pour l’emploi.

-      Révision de la fiscalité sur les SICAV.

-      Créer un Office contre la Fraude pour combattre la fraude discale et la prévention et répression du blanchiment d’argent.

 L’économie :

-      Loi sur l’insolvabilité des personnes pour renforcer les droits financiers des citoyens

-      Loi sur la création d’entreprises qui facile l’apparition de nouvelles entreprises et leurs consolidations, améliore le financement des entrepreneurs, réduise les charges administratives et aide les PME à s’internationaliser.

L’énergie :

-      Fermeture progressive d’ici 2028 du parc nucléaire espagnol

-      Investissement massif dans les énergies renouvelables

-      Loi sur le Changement Climatique.

Les droits sociaux :

-      Etendre l’accès à l’éducation de zéro à trois ans et renforcer la formation des enseignants pour garantir l’excellence de l’éducation publique.

-      Réduire les écarts salariaux entre les hommes et les femmes

-      Obliger les entreprises à compter au moins 40% de femmes dans leur conseil d’administration.

-      Adopter une nouvel Agenda Espagne 2.0 pour bâtir la société de l’information, en garantissant l’accès de tous les espagnols à Internet

-      Garantir un système de santé public, gratuit et universel.

Démocratie et Institutions :

-      Adopter une Loi sur la Transparence et l’Accès à l’Information Publique.

-      Garantir l’austérité dans les Administrations publiques

-      Réformer la loi électorale (listes électorales débloquées)

-      Suppression d’un échelon territorial

L’Europe :

-      Impulser un gouvernement économique européen

-      Mettre en place un impôt sur les transactions financières internationales

-      Œuvre pour la création d’euro obligations.