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22 décembre 2007

La fin des organisations politiques ?

Le mois dernier j’ai regardé sur Arte un reportage sur Georges Marchais et ses rapports à la télévision, intitulé « Georges le cathodique, parts de Marchais ». A quelques semaines près, cela correspondait aux 10 ans de la mort de l’ancien secrétaire général du Parti Communiste Français (PCF).

 

Le documentaire était d’un grand intérêt. Premièrement il m’a permit de découvrir un personnage haut en couleur avec une forte personnalité et des expressions faciales et verbales très directes et très marquantes. Ensuite et d'un point de vue politique, ce documentaire montre comment Georges Marchais représentait la réponse stratégique (on pourrait dire marketing politique) du PCF à l'arrivée et la diffusion de la télévision comme mass-média. Autrement dit, le PCF avait alors compris que la communication se ferait moins dans les meetings qu'au travers du petit écran, et qu'il fallait alors trouver une "bête de télé". Par ailleurs c'est aussi une histoire des média et notamment des émissions politiques. On retrouve alors les indécrottables Elkabbach et (Alain) Duhamel comme journalistes politiques, dans des émissions au style très sobre, où l'audimat était une variable déjà importante mais où celle du temps n'avait pas encore amené à concentrer les émissions. Enfin, le documentaire trace l'histoire du PCF depuis les années 70 en parallèle à celle d'un ses plus importants leaders et pourtant aujourd'hui oublié. Se distinguent 2 phases : l'apogée et le déclin.

 

Le déclin. Depuis les années 80, on ne cesse de parler de déclin du PCF et d'annoncer sa disparition tambour battant. Il est vrai qu'au regard des votes obtenus élections après élections, du nombre d'élus communistes partout en France, et surtout de militants enregistrés années après années, le bilan du PCF n'est pas lumineux. Et pourtant il subsiste. Les autres partis de gauche, avec leur configuration et caractéristiques propres, ne sont pas nécessairement dans une meilleure situation. Et que dire aujourd'hui où les dernières présidentielles ont montrés que la Gauche est minoritaire !

 

Cette notion de déclin m'interpelle. L'être humain est un organisme qui croit et dépérit jusqu'à s'éteindre et disparaitre, tel un cycle, le cycle de la vie.  Mais toute organisation sociale (les partis, les associations, les syndicats, les entreprises etc) n'est-elle pas finalement un organisme collectif vivant et donc soumis à un certain cycle de vie (i.e une certaine entropie) ? Toute la différence réside dans le fait que l'individu se sait condamner (avec comme question: quand, comment et avec qui ?) alors qu'un organisme collectif possède en lui une tendance à l'entropie (le déclin) et une à la neg-entropie (la survie par un redynamisme). L'eros et le tanatos organisationnel.

 

Je suis membre d'un parti politique centenaire, le Parti Socialiste, le plus vieux parti politique de France après le Parti Radical (1901) si l'on considère qu'existe encore un tel parti. A l'heure du sarkozysme triomphant et de sa politique d'ouverture, le PS est dans la confusion la plus totale. La classe médiatique, qui se plait à mettre de l'huile sur le feu, joue sur les divisions et rivalités à l'intérieur de chaque camp politique et va jusqu'à appeler le PS, un "astre mort".

 

Entre fantasme médiatique et confusion politique généralisée en cette sombre période, il est difficile de s'avoir ce qu'il en en est réellement. Le Parti Socialiste est le principal parti d'opposition légal de ce pays. Appartenant au système de partis légal et institutionnalisé, du fait des suffrages reçus, il bénéficie d'atouts majeurs qui écartent toute idée de disparition subite. Je veux parler du système de financement des partis politiques et du système de temps de parole. L'argent et le temps de parole sont le nerf de survie de tout parti. Ajoutons à cela un réseau d'élus (justifiant le financement public du parti) et un nombre important de militants, ces quatre piliers imbriqués les uns aux autres, maintiennent un PS en état de marche. Aussi, à ceux qui pensaient que le MoDem allait bouffer le PS, je les renvois à ces observations socio-politiques de base, à quoi j'ajouterai le mode de scrutin à deux tours, qui favorise un certain bipartisme et favorise in fine le PS.

 

J’admets volontiers que ces quelques critères soulignés en gras, ces systèmes finalement, garantissent l'actuel système partisan. Pour faire l'analogie à une étude de marché en situation de concurrence, ces systèmes émettent un prix d'entrée très élevé sur le marché de la représentation en même temps qu'il subventionne les acteurs en place. C'est un cadre conceptuel, un cadre d'étude que j'utilise là mais je n'oublie pas que l'enjeu reste la démocratie. Le système de représentation, et par là le système politique, est tiraillé entre deux logiques: le besoin de représenter les gens dans leur diversité (sociale, âge, sexuelle, professionnelle, ethnique) et représenter leurs idées ET un besoin d'efficacité. Un parti politique, pour reprendre Schumpeter, est une "entreprise politique" visant à conquérir et exercer le pouvoir. Le conquérir par le suffrage universel en cherchant à représenter une majorité des divers (et contradictoires) intérêts du monde social; l'exercer par l'appareil étatique pour changer et/ou conserver l'ordre social établie.

 

Mais un parti politique, comme tout organisme collectif vivant, est une institution avec ses logiques dynamiques, extérieures et intérieures propres, parfois contre-productives sur un échelle de valeur, en somme notre idéal démocratique. En bref, il y a des logiques de pouvoirs à l'intérieur de toute structure dynamique. Cela ne se résume pas au désir de chef qui anime certains, mais au positionnement des uns et des autres dans la structure collective complexe. Au PS c'est la logique des courants et notabilière fondées sur des frictions personnelles (tempérament différents) comme de schéma de représentations. Du côté des logiques extérieures, la compétition avec d'autres partis pour le monopole de la représentation politique du monde social, amène à une lutte sur le champ médiatique comme sur le champ électoral ou social. La dimension temporelle et la concentration de celle-ci, c'est à dire le laps de temps toujours plus court entre chaque élections, ne facilite pas les logiques dynamiques internes positives et au contraire encourage celles qui sont entropiques.

 

Le système partisan actuel est sur le champ de représentations, le produit d'une dynamique socio-historique faite de clivages en série et d'événements communs (mais différemment vécus) tel que la Révolution industrielle. J'en avais parlé, reprenant les propos de Rokkan et Lipset, il s'agit des clivages religieux (laïcité ou pas), politique (monarchie parlementaire/absolue, république), social (bourgeoisie VS prolétariat), écologique etc. Du fait de cette histoire sociale, la forme des partis politiques depuis l'introduction de la démocratie représentative, n'a cessé d'évolué: partis de cadres/partis de masses, partis de gouvernement/partis de protestation, parti sectoriel/parti-attrape-tout etc. La massification des partis fin XIXème/début XXème siècle notamment chez les partis socialistes ou sociaux-démocrates, est une réponse sociale à un enjeu donné: l'organisation du mouvement salarié et des revendications politiques. C'est pour répondre à cette double d'exigence de dignité sociale et politique (l'extension de la représentation et des droits citoyens), que les partis socialistes sont nés en général du syndicalisme.

 

Or le monde a changé. Le libéralisme est né de 3 révolutions politiques (Anglaise, Américaine, Française), le socialisme de la révolution industrielle du XIXème siècle. Les conditions de vies et de travail ont changés. L'expérience gouvernementale des partis de gauche a changé pour partie le monde de représentation du monde social. Les attitudes comportementales ont changés, rien qu'en l'espace des 3 dernières générations (au sens de filiation, non au sens culturel). (1) Le progrès technique, la technologie n'y est pas étranger. Je suis d'une génération dépolitisé, largement exposé à la télé post-ORTF, privatisée, américanisée et pré-numérique et à la société de consommation différenciée. Du coup les repères, les représentations et les modes d'actions et de comportement sont différents. L'investissement social et politique s'en trouve changé. Que dire de la génération qui n'aura connu qu'Internet plus toutes les autres technologies que nous réserve le futur ?

 

Le PS est-il un astre mort ? Peut être qu'en réalité la question c'est de savoir si les organisations politiques et sociales (ici syndicales, voir associatives déjà) et leurs formes actuelles, ne sont pas dépassées. A une structure basée sur la hiérarchie et les procédures plus ou moins formalisées (forme de bureaucratie), se substituerai alors une structure en réseau encore en construction, en élaboration. Nous avons conscience que cela change mais nous ne savons comment ni vers quoi on va, et le malaise vient de là.

 

Sur cette longue réflexion, je vous souhaite de passer de bonnes fêtes.

(1) La population actuelle du PS est plutôt âgée et le recrutement se fait rare sauf dans certaines zones, que va-t-il se passer une fois que se retirera l'actuelle génération?