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30 avril 2013

Opération transparence

L’affaire Cahuzac a porté un sacré coup à l’idée de République exemplaire, défendue par l’actuel locataire de l’Elysée. Les aveux de l’ancien ministre du budget, et à ce titre responsable de la lutte contre la fraude fiscale dans notre pays, ont sapés l’autorité de la parole publique et la confiance, déjà bien fragilisée, des citoyens envers les élus de la République.

Pour recréer la confiance et sortir par le haut de ce randam politico-médiatique, François Hollande a annoncé quelques propositions phares pour « moraliser la vie politique ». Le projet de loi, débattu en Conseil des ministres la semaine dernière, expose les principales mesures suivantes :

- Obligation d’une déclaration de patrimoine et d’intérêt pour les membres du gouvernement, les parlementaires nationaux et européens, les principaux exécutifs locaux, les membres des autorités administratives indépendantes, les collaborateurs des cabinets ministériels et de la présidence de la République, les titulaires d’emploi à la décision du Gouvernement nommés en Conseil des ministres et les responsables des principales entreprises publiques.

- Création d’une Haute autorité de la vie publique, composée d’experts indépendants (membres de la Cour de cassation, du Conseil d’Etat et de la Cour des comptes) et chargée de contrôler la véracité des déclarations de patrimoine et d’intérêt qui lui seront transmises en début et en fin de mandat des élus. Elle bénéficiera de l’aide des services fiscaux et aura un pouvoir d’injonction. Elle pourra être saisie par les associations de lutte contre la corruption et pourra s’autosaisir si elle constate des manquements.

- Condamnation à une peine d’inéligibilité définitive en cas d’infraction, portant atteinte à la moralité publique (corruption, trafic d’influence, fraude électorale ou fraude fiscale), pour les membres du gouvernement et personnalités nommées en Conseil des ministres.

- Définition de conflit d’intérêts  de manière à prévenir toute situation d’interférence entre des intérêts publics et privés de nature à compromettre l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction publique. Les élus et certains hauts fonctionnaires devront s’abstenir de prendre part à toute décision dans lequel existe un risque de conflits d’intérêt ("système de déport").

- Obligation pour les membres du gouvernement ou les membres des autorités indépendantes intervenant dans le domaine économique devront confier la gestion de leurs intérêts financiers sans droit de regard pendant toute la durée de leurs fonctions.

- Interdiction pour les membres de l’exécutif (national et local) de rejoindre à l’issue de leurs fonctions une entreprise avec laquelle ils avaient été en relation du fait de leurs. La Haute autorité assurera le contrôle déontologique des départs vers le secteur privé.

- Interdiction du cumul d’un mandat parlementaire avec l’exercice de toute activité de conseil. Les fonctionnaires élus au Parlement seront désormais placés en position de disponibilité et non plus de détachement pendant la durée de leur mandat.

 

* * *

On a beaucoup polémiqué sur la déclaration de patrimoine des ministres et de certains parlementaires. D’abord sur le principe : voyeurisme, atteinte à la vie privée, démagogie, flicage, simple opération de communication … Ensuite sur le montant des déclarations : certains élus seraient de vraies paniers percés vu le maigre patrimoine affiché, d’autres présenteraient un patrimoine trop important par rapport à leur couleur politique…

Je pense que la publication des déclarations de patrimoine des ministres était un peu précipitée. En l’état, sans organisme de contrôle, il n’y a aucune garantie quant à la véracité des montants déclarés, même si on peut supposer que cela facilitera le travail d’investigation de certains journaux… En fait l’intérêt de la déclaration est de prévenir un enrichissement « inhabituel » des personnes publiques, entre le début et la fin du mandat.

C’est marrant de voir comment des élus, grands défenseurs de la vidéosurveillance sur le ton du « si vous n’avez rien à vous reproché, vous n’avez pas à avoir de craintes », crient à l’atteinte à la vie privée lorsqu’on leur demande de rendre public l’état de leur patrimoine. Même logique sur les indemnités des élus, le grand absent du projet de loi, quand on sait tous les contrôles opérés sur les revenus et niveau de vie des bénéficiaires des minima sociaux…

On sait très bien qu’une démocratie parfaite, à l’abri de tout conflit d’intérêts et composé d’hommes et de femmes élus vertueux, est une utopie. Le projet de loi du gouvernement ne réglera pas tous les problèmes, pas plus qu’il ne les préviendra. Mais c’est un pas en avant vers un fonctionnement plus transparent et plus honnête de nos institutions politiques.

 

Deux articles complémentaires :

http://lemonde.fr/idees/article/2013/04/16/pour-la-transp...

http://lemonde.fr/idees/article/2013/04/16/rendons-enfin-...

22:52 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : hollande, média

12 mai 2012

A la une du N.Y.T

Mercredi soir, je suis allé voir ce documentaire qui aborde par l’intermédiaire du New York Times, un des plus prestigieux quotidiens américains, l’avenir de la presse écrite à l’heure des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Un thème plutôt intéressant et souvent au cœur des discussions avec un de mes amis.

Amplifiée par la crise financière de 2008, la chute des revenus tirés de la vente des espaces publicitaires a ébranlé le modèle économique de la presse écrite, par nature fragile. De nombreux journaux américains, parfois même de vraies institutions, ont fait faillite. Tous doivent faire face, tôt ou tard, à des restructurations.

En quelques décennies, la révolution Internet est venue bouleverser la production et la diffusion de l’information. A l’heure de l’instantanée et d’immédiateté, la montée en puissance des blogs et réseaux sociaux (Facebook, Twitter etc) court-circuitent le travail des journalistes et le canal traditionnel de diffusion qu’est le support papier.

Le documentaire nous plonge ainsi dans l’univers du New York Times et le quotidien de ses journalistes, en particulier David Carr (un ancien junkie) et Brian Stetler (qui a débuté blogueur), chacun représentant une vision du journalisme, et partant, le modèle de transition en cours au New York Times.

Je recommande le film même si j’émettrai quelques réserves. La narration me parait assez mal construite, mal structurée. La question de la concentration des média aux mains de grands groupes industriels n’est que peu abordée. Les pistes d’un nouveau modèle économique pour la presse ne sont que succinctement citées.

12 avril 2012

C'était François Mitterrand

9782253118695.jpgL’autre jour je lisais dans Le Monde, un article sur la supposée influence et l’évolution des débats télévisés de l’entre tour sur l’issu de l’élection présidentielle. Le soir même, je regardais via internet une bonne partie du débat de 1981 qui opposa Giscard d’Estaing et Mitterrand.

Et comme la presse et les staffs de campagne de certains candidats s’amusent à faire le parallèle entre 2012 et 1981 - Sarkozy copie Giscard, Hollande imite Mitterrand et Mélenchon joue Marchais – je trouvais intéressant de relire le livre de Jacques Attali, consacré à l’ancien président.

« C’était François Mitterrand » est sorti en 2006, au moment où l’on « célébrait » le dixième anniversaire du décès du dernier président socialiste de la République. Attali, qui a accompagné l’homme de 1970 à l’Elysée comme « conseiller spécial », raconte la personnalité et l’action politique de celui-ci.

L’homme frappe par son érudition – littéraire, artistique, historique, religieuse etc. – et sa parfaite maitrise du verbe. Sur de son destin, qu’il n’hésitait pas à provoquer, il s’inscrivait perpétuellement dans un rapport au temps et à l’Histoire. Narcissique, il se montrait faussement distant dans ses rapports aux autres.

Les années soixante-dix, le fin stratège. Il refonde le PS en 1971, s’entoure et fait travailler ensemble les différentes tendances, et fait l’Union de la gauche pour isoler le PC et gagner l’élection. Ses différends avec Rocard, la haine de la presse à son égard, la montée des jeunes énarques (Jospin, Fabius, Lang, Joxe etc.).

Son premier mandat, le grand réformateur. Il lance la décentralisation, il réforme la justice (abolition de la peine de mort, dépénalisation de l’homosexualité), il libéralise les média (fin de l’ORTF, libéralisation des ondes), il réforme l’économie (relance et nationalisation puis restructuration).

Son second mandat, le grand européen. Une fois réélu après la cohabitation, il se désintéresse de la politique nationale pour se consacrer à l’Europe et au monde. Il prépare l’élargissement (1986, 1995), fait adopter l’Acte unique puis Maastricht, il appuie Kohl dans la réunification et Gorbatchev dans la perestroïka.

Le livre s’achève sur la politique étrangère de l’époque (ses rapports avec les Etats-Unis, la guerre froide et la fin du rideau de fer, les pays africain et le tiers-monde, l’ex-Yougoslavie), sur la révélation du passé du président (Vichy, Bousquet) et de sa maladie (rapport à la mort, à la religion).

Homme complexe, aux multiples facettes et secrets, Mitterrand reste un mystère. Il faut lire « C’était François Mitterrand » comme le point de vue d’Attali, témoin privilégié des arcanes du pouvoir, sur l’homme qui présida la destinée de la France pendant 14 ans. Le temps et l’oublie se chargeront de juger sa place dans l’Histoire.

12 février 2012

Rocky is back

Non, non, je ne parle pas de Rocky Balboa le mythique boxeur incarné à six reprises par Sylvester Stallone. « Rocky » c’est le petit surnom donné à Michel Rocard au sein du PS, en général par les militants soc-dem qui l’apprécient et pour qui la parole compte toujours un peu.

Or depuis qu’il a été nommé « Ambassadeur de France chargé des négociations internationales relatives aux pôles Arctique et Antarctique », Rocard s’est fait bien silencieux : peu d’interviews, quelques réunions ou conférences ici ou là, une ou deux tribunes dans la presse écrite.

Dans un entretien accordé à Nice Matin où il était interrogé sur la (pré-)campagne présidentielle, il a dit ne pas vouloir s’impliquer parce qu’il fallait notamment laisser la place aux jeunes. Contrairement à Lionel Jospin, il n’était pas présent au meeting du Bourget où François Hollande a (brillamment) lancé sa campagne.

Il a récemment participé à une réunion d’Inventer à gauche, un nième courant du PS organisé autour de Michel Destot (le maire de Grenoble), autour du thème des 100 premiers jours d’un futur gouvernement de gauche. Si j’en crois les comptes-rendus de l’association, de LCP et de Rue89, il nous a encore fait du « grand Rocard ».

Ses principales idées phares :

-      Nouvelle phase de la décentralisation

-      Participation des salariés au conseil de surveillance et aux comités de rémunération des grands groupes

-      Renforcement de la présence et de l’importance syndicale par une forte incitation à y adhérer

-      La suppression des stock-options

-      Casser l’intérêt bancaire (« ça va être la lutte des classes » dixit)

-      Face à la crise du logement, une caution mutuelle solidaire

-      Faire la toilette des textes scandaleux sur l’immigration et la nationalité

-      La taxe carbone

Moins consensuel cette fois, il a jugé très peu plausible les hypothèses de croissance retenu dans le programme présidentiel d’Hollande, a critiqué l’accord électoral PS-EELV sur le nucléaire et préconise de retarder la réforme fiscale, jugée plus facile à faire avec de la croissance, et de s'en tenir aux mesures symboliques à faible coût.

Mes remarques :

Concernant les hypothèses de croissance, celles prévues en 2012 et 2013 me semblent plutôt prudentes et réalisables, autant celles prévues de 2014 à 2017 apparaissent bien optimistes, tout au moins incertaines. Mais celles du gouvernement ou de Bayrou ne sont pas non plus très prudentes.

 

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(cliquer sur l'image pour agrandir)

Concernant la réforme fiscale, il me semble évident que si elle n’est pas lancée dès l’élection, c'est-à-dire au moment même où la nouvelle majorité a le soutien politique le plus large, alors elle ne se fera pas. Et elle est nécessaire autant pour des raisons de justice fiscale que pour des raisons budgétaires et économiques.

Concernant les mesures symboliques à faibles coûts, c’est assez surprenant de l’entendre de la bouche de Rocard (ça mériterait d’entendre le raisonnement en entier), lui qu’est pourtant moins attaché au symbolique qu’au pratique et structurel. Mais dans un contexte budgétaire difficile, on en comprend aussi la raison.

28 janvier 2012

Les nouveaux chiens de garde

Ce film documentaire diffusé actuellement au cinéma est inspiré du livre de Serge Halimi, le directeur du Monde diplomatique, publié en 1997. Il a pour sujet central les média et le rôle de ses protagonistes (journalistes, éditorialistes, intervenants divers etc.) dans la promotion et le maintient de l’ordre économique et social dominant.

Alors que les acteurs de ce système médiatique se pensent comme un contre-pouvoir en démocratie - et revendiquent à cette fin leur indépendance, leur objectivité et leur pluralisme - le documentaire s’emploie à démontrer leurs dépendances aux groupes industriels, leurs partis-pris et le manque criant de pluralisme des idées.

Les principales idées du film :

La concentration des média entre les mains de puissants groupes industriels et financiers (Bouygues, Bolloré, Dassault, Lagardère, Pinault, Arnault…) qui n’est pas sans incidence sur leur ligne éditoriale.

Le parcours de socialisation très semblables des principaux journalistes (mêmes origines sociales, mêmes écoles de formation via Sciences Po, HEC, etc)

Les liens très forts entre politiques, industriels et journalistes (symbolisé dans le film par les fameuses rencontres au club Siècle) et le mélange des genres (mariage entre journaliste et politique, les nombreux « ménages »).

Le manque de diversité et de renouvellement des experts économiques comme des journalistes/ commentateurs/ éditorialistes dans le temps, qui pour certains cumulent les postes et les média.

Les liens qu’entretiennent de nombreux experts économiques avec les entreprises font douter de la neutralisé de leurs discours.

Le discours économique homogène (pro-entreprise, pro-réformes, comparatisme européen) des experts, des journalistes, des éditorialistes, des commentateurs.

La mise à l’écart ou la mise dans les rangs des intervenants trop atypiques ou critiques contre le système.

Quiconque a un regard un peu avisé, les arguments avancés dans le film n’ont rien d’extraordinairement nouveaux. Mais l’intérêt du film est qu’il vient étayer ces critiques par l’image, par des exemples et un travail d’investigation. C’est une analyse intéressante de l’évolution des média depuis l’ORTF, et en particulier du discours dominant.

Mais j’émettrai quand même quelques réserves.

L’argumentaire développe une lecture un peu « complotiste » ou globalisante des choses. C’est l’idée que rien n’est hasard et que tout est lié. Le club du Siècle est certainement un lieu de réseaux et socialisation, de là à penser qu’on y décide en sous-mains de l’avenir de la France et des masses.

Ce n’est pas parce que les « experts économiques » n’ont pas prévu la crise et qu’ils sont nombreux à s’être trompés sur les conséquences de la crise, qu’ils sont complètement disqualifiés. Je connais peu d’individus ayant su prévoir la crise de 2008 (Roubini, Jorion, Rocard et encore pas avant 2006) et de nombreux intervenants apparaissent plus prudents dans leurs propos.

Le film fait l’impasse sur la montée du FN (paradoxalement favorisé par les média) et de commentateurs réactionnaires, au discours quand même en opposition avec les partis de gouvernement, soit disant acquis aux intérêts et valeurs des média et des élites dominantes.

Dans une lecture un peu marxisante, le système médiatique est au service de l’économie et du politique, or je crois que le système médiatique a sa propre autonomie et a un rapport avec l’économie et le politique fait de complémentarité et de confrontation.