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12 avril 2012

C'était François Mitterrand

9782253118695.jpgL’autre jour je lisais dans Le Monde, un article sur la supposée influence et l’évolution des débats télévisés de l’entre tour sur l’issu de l’élection présidentielle. Le soir même, je regardais via internet une bonne partie du débat de 1981 qui opposa Giscard d’Estaing et Mitterrand.

Et comme la presse et les staffs de campagne de certains candidats s’amusent à faire le parallèle entre 2012 et 1981 - Sarkozy copie Giscard, Hollande imite Mitterrand et Mélenchon joue Marchais – je trouvais intéressant de relire le livre de Jacques Attali, consacré à l’ancien président.

« C’était François Mitterrand » est sorti en 2006, au moment où l’on « célébrait » le dixième anniversaire du décès du dernier président socialiste de la République. Attali, qui a accompagné l’homme de 1970 à l’Elysée comme « conseiller spécial », raconte la personnalité et l’action politique de celui-ci.

L’homme frappe par son érudition – littéraire, artistique, historique, religieuse etc. – et sa parfaite maitrise du verbe. Sur de son destin, qu’il n’hésitait pas à provoquer, il s’inscrivait perpétuellement dans un rapport au temps et à l’Histoire. Narcissique, il se montrait faussement distant dans ses rapports aux autres.

Les années soixante-dix, le fin stratège. Il refonde le PS en 1971, s’entoure et fait travailler ensemble les différentes tendances, et fait l’Union de la gauche pour isoler le PC et gagner l’élection. Ses différends avec Rocard, la haine de la presse à son égard, la montée des jeunes énarques (Jospin, Fabius, Lang, Joxe etc.).

Son premier mandat, le grand réformateur. Il lance la décentralisation, il réforme la justice (abolition de la peine de mort, dépénalisation de l’homosexualité), il libéralise les média (fin de l’ORTF, libéralisation des ondes), il réforme l’économie (relance et nationalisation puis restructuration).

Son second mandat, le grand européen. Une fois réélu après la cohabitation, il se désintéresse de la politique nationale pour se consacrer à l’Europe et au monde. Il prépare l’élargissement (1986, 1995), fait adopter l’Acte unique puis Maastricht, il appuie Kohl dans la réunification et Gorbatchev dans la perestroïka.

Le livre s’achève sur la politique étrangère de l’époque (ses rapports avec les Etats-Unis, la guerre froide et la fin du rideau de fer, les pays africain et le tiers-monde, l’ex-Yougoslavie), sur la révélation du passé du président (Vichy, Bousquet) et de sa maladie (rapport à la mort, à la religion).

Homme complexe, aux multiples facettes et secrets, Mitterrand reste un mystère. Il faut lire « C’était François Mitterrand » comme le point de vue d’Attali, témoin privilégié des arcanes du pouvoir, sur l’homme qui présida la destinée de la France pendant 14 ans. Le temps et l’oublie se chargeront de juger sa place dans l’Histoire.

23 avril 2011

Les Trois Lois de la Politique

Petit clin d'oeil à Isaac Asimov et ses Trois Lois de la Robotique. Mais plus que des "lois", au sens des sciences sociales plutôt qu'au sens des sciences dures, ce sont surtout les trois conclusions que j'ai tiré de l'observation des rapports du Politique aux Média.

- On ne meurt jamais définitivement en politique, sauf à y renoncer une fois pour toute. Et l'histoire politique a montré plusieurs cas de rebondissements et retours inattendus (Mitterrand, Chirac etc).

- Plus on est exposé médiatiquement et plus on s'use politiquement. Le rythme médiatique est mortifère. Sarkozy a tenté la saturation de l'espace médiatique au début de son mandat, ça n'aura pas durer.

- Tous les hommes et femmes qui font la surprise politique d'une élection à un moment donné, ne peuvent pas tenir la distance éternellement. Les attentes et sollicitations médiatiques à leurs endroits leur font perdre toute "originalité" avec le temps. On ne peut pas être deux fois l'outsider.

Dans Ethique et Démocratie, Michel Rocard analysait très bien l'influence des média sur le rythme politique en général et le comportement des politiques en particulier. Sa conclusion est sans appel: les média, dont l'indépendance et le pluralisme sont une garantie de démocratie, sont paradoxalement en train de tuer la démocratie.

08 avril 2011

Mémoire vivante - Michel Rocard

Mémoire vivante - Michel Rocard.jpgLa note de lecture qui suit remonte à octobre 2006. Le Parti Socialiste organisait ses primaires pour désigner son candidat à la magistrature suprême. Sans être militant, je soutenais déjà Dominique Strauss-Kahn et les idées social-démocrates, autrefois incarné par Michel Rocard et Jacques Delors.

J'ai fait le choix de ne pas retoucher mon texte même si, sans avoir relu le livre, j'aurai certainement une autre façon de voir et présenter les choses aujour'hui. J'ai trouvé intéressant de pouvoir relire les enseignements que j'avais tiré des propos de Rocard, à l'aune de la crise internationale et de la présidence Sarkozy surtout. Si j'ai pris d'avantage de distances avec le personnage Rocard et quelques unes de ses analyses, je reste fidèle à ses idées.

A noter que Michel Rocard est revenu sur son parcours personnel et politique dans deux ouvrages: Si la gauche savait (2005), Si ça vous amuse. Chroniques des mes faits et méfaits (2010).

*

Ce livre d'entretien avec Michel Rocard date de 2001. Bien que l’homme ait surtout marqué l’actualité politique des années quatre-vingt, donc une période que je n’ai pas connu du fait de mon jeune âge, j’éprouve à son égard une grande admiration mêlé d’un immense respect. Cet homme que les média d’aujourd’hui ont un peu oublié fait pourtant parti de ceux qui ont marqué l’histoire de la gauche française ces 40 dernières années.

Certaines mauvaises langues ne voient en lui qu’un perdant sous prétexte qu’il ne serait pas devenu président de la République, poste qu’il aurait convoité pendant tant d’années alors que « tout » (la popularité dans les sondages ; la compétence) le prédisposé à ce destin. D’autres voient en lui une occasion manqué, constituant un « certain regret ». Le regret de n’avoir pu rénover le socialisme français (notamment faire émerger une social-démocratie française assumée), le regret de n’avoir pu inculquer une nouvelle méthode de gouvernement à une classe politique de plus en plus coupé des réalités, le regret de n’avoir pu rassembler les français pour moderniser notre société.

Et si certains éprouvent ce regret, c’est bien que l’état actuel des choses (la décrépitude du Parti Socialiste français ; la crise socio-politique du CPE, le non au T.C.E…) ne nous poussent pas à l’optimisme. Le livre ne raconte pas seulement le vécu d'un des plus atypiques hommes politiques français de ces trente dernières années, mais il expose nombre de ses pensées et réflexions. Et on comprend alors toute la modernité de son engagements, de son raisonnement, de sa méthode.

Une première partie du livre est consacré à sa jeunesse, à ses parents, à ses études… On comprends de suite que c’est un certain niveau. Son père (qui a contribué à l’élaboration de la bombe atomique française), son grand père et son arrière grand père ont tous les 3 fait Polytechnique… d’où ses capacités en mathématiques qui l’aideront à étudier l’économie. Lui-même a fait Sciences po puis l’ENA puis l’Inspection des finances (grand corps d’Etat).Il raconte sa relation avec son père (qui ne lui pardonne pas d’avoir délaissé les sciences exactes pour sciences po) et sa mère (qui lui inculque les principes protestants). Il est fait mention des événements (la guerre, l’occupation), des rencontres (un ouvrier, un prêtre protestant) qui l’ont amené à tenter la voie politique. A une époque où le communisme est très en vogue, surtout chez les jeunes, Michel Rocard préfère s’en tenir à l’écart (il comprendra très vite le sectarisme des militants PC) sans pour autant adhérer à la SFIO (ancien PS) vieillissante et empêtrée dans les guerres de décolonisations.

Dans une autre partie, l'ancien Premier Ministre revient sur ses activités militantes et politiques à l'occasion de la guerre d'Algérie. Effectuant son service militaire en Algérie il contribuera par l'intermédiaire d'un rapport à informer l'opinion publique sur les pratiques de la torture par l'armée française. Anti-colonialiste dans l'âme, il se définit comme un militant des droits de l'homme (et donc socialiste par logique…sa logique) et non l'inverse.

Sont également abordés son choix d'intégrer l'Inspection des finances (un des grands corps d'État) à la sortie de l'ENA, et les informations et savoirs faire qu'il en retire en terme de culture économique et fiscale ("connaissance du réel", ex: impact d'une nouvelle mesure fiscale auprès de commerçants).

Mai 68 est un autre des grands événements où Michel Rocard s'est illustré. Il nous explique alors la création du PSU (parti socialiste unifié, en référence à l'œuvre de Jaurès lorsqu'il fonda le PSU-SFIO), et le rôle de celui-ci dans l'anticipation et l'accompagnement des mouvements estudiantins et ouvriers. Dans un souci de respect de l'ordre public, soucieux d'éviter les affrontements entre manifestants et CRS, il ira jusqu'à annuler des manifestations. Il revient sur ses relations avec Daniel Cohn-Bendit, avec Pierre Mendès-France (à l'occasion de la grande réunion de Charléty) et bien sur, François Mitterrand (jugé "hors jeux" par rapport aux événements).

Au travers de deux autres chapitres, il relate son adhésion au PS dirigé alors par Mitterrand, et son expérience gouvernementale après la victoire de la gauche en 1981. Il revient sur ses divergences avec François Mitterrand tant en termes de culture politique (le fameux clivage "première/deuxième gauche") que de choix stratégiques à adopter. Par exemple s'il adhère à l'union de la gauche avec les communistes, il conteste en parties le programme commun de gouvernement (dont les nationalisations à 100%) que sous-tend l'union PS-PC. Il regrette vivement la surenchère idéologique adopté par le PS, le manque de "parler vrai" des politiques face aux citoyens, que le PS payera dès 1983…

Il nous fait part de son expérience gouvernementale.  Qu'il soit au ministère du Plan, de l'agriculture ou à Matignon, il applique la méthode Rocard que l'on pourrait résumer par le triptyque " déminer- dialoguer- solutionner". En rentrant dans le détail, il nous explique comment ministre de l'agriculture il a contribué avec le conseil des ministres de l'agriculture au niveau européen, à réformer la PAC (entre autres). Sur son passage à Matignon, il nous explique en large et en travers comment il a obtenu les accords de paix de Nouméa, comment est né l'idée de RMI et comment il l'a négociée et mise en application très rapidement (je dis "il" mais bien sur l'entreprise est collective). Il aborde la question de la mise en place de la CSG (contribution sociale généralisée) et de la réforme de l'assurance maladie (négociation entamée avec lui, rompue à l'arrivée d'Edith Cresson). Autres réformes à son actif, la "réforme" de la langue française (sujet en apparence anodin mais bien complexe), le sauvetage de Renault (fusion avec Volvo), le changement de statut des PTT (devenu distinctement La Poste et France Télécom), un début de réforme de la justice. S'il regrette de ne pas avoir fait la baisse du temps de travail, il s'enorgueillit d'avoir entamé la réforme lente et discrète de l'assurance maladie et du système de retraites; regrettant qu'Edith Cresson en ait interrompue la négociation ou bien la méthode des Premiers Ministres Balladur et Juppé par rapport aux retraites.

Enfin les deux derniers chapitres abordent l'après Matignon, à savoir son bref passage à la direction du PS et son engagement européen en tant que député européen auprès de Yasser Arafat notamment.

Tout au long de l'entretient, Michel Rocard développe sa réflexion sur bien des sujets. Le rôle et les responsabilités de l'élu, les affaires, la mondialisation et l'évolution du capitalisme, les relations Nord-Sud, l'Europe politique sont tour à tour abordées.

Ce que j'ai retenu de Michel Rocard en termes de mode de gouvernement :

- Ne pas penser obligatoire en terme de clivages… idée que l'on retrouve dans son discours de politique générale devant l'Assemblée Nationale en 1988. "Je rêve d'une politique où l'on soit attentif à ce qui est dit plutôt qu'à qui le dit". D'ailleurs on ne peut être que frappé de voir, tout au long de l'entretien, Michel Rocard rendre hommage à divers hommes politiques en particulier ceux avec qui il n'est pas d'accord (Juppé, Chevènement etc.).

- Le rôle de l'élu n'est pas d'inventer, il n'en a ni le temps ni les facultés (au sens de formation), mais de sélectionner/arbitrer les mesures proposées par les techniciens de l'économie et du social. On serait tenter d'y voir une justification de l'Énarchie et de la technocratie confisquant le pouvoir au élus, moi j'y vois plutôt une légitimation de l'élu professionnel. Personnellement j'aime bien comparer un élu à un artiste. L'élu est essentiellement devenu un interprète… mais rien ne l'interdit de composer !

- Une volonté ferme de dialogue, de concertation longue et continue entre les acteurs concernés, les plus à même à apporter une solution aux problèmes/phénomènes qu'ils vivent au quotidien. En ce sens, la décentralisation poussée est préférée au jacobinisme et son centralisme.

- Tant qu'on préférera le spectaculaire au discret, l'immédiat au durablele symbolique au concret, la loi dictée par l'État au contrat négocié parles acteurs sociaux… alors aucune réforme n'est envisageable en France. Et une réforme sera d'autant plus accepté que les coûts seront partagé par toute la société.

Au regard de cette éthique, au regard de cette rigueur d'esprit… est-il possible de dire si aujourd'hui les prétendants à la présidence de la République soient acquis à ce mode de gouvernance ?

29 août 2009

Réflexion sur les primaires ouvertes à gauche

Depuis la défaite de la gauche à l’élection présidentielle de 2007, et dans un contexte de crise de leadership prolongé au sein du premier parti de gauche face à l’hyper présidence Sarkozy, on a vu émergé et s’imposer dans le débat public le projet de primaires à la française afin de faire émerger le futur challenger au Président en 2012.

C’est d’abord la Fondation Terra Nova qui en 2008, a lancé le débat par la publication d’un essai, intitulé Pour une primaire à la française, et co-écrit par Olivier Duhamel et Olivier Ferrand. Reprise par certaines personnalités socialistes (Moscovici, Royal, Valls, Hamon) à l’occasion du congrès de Reims, inscrite dans certaines motions (C, D, E au moins), l’idée sera, au travers du débat parti de militants contre parti de supporters, un des enjeux du congrès. Enfin, en juin dernier, après la défaite des socialistes aux élections européennes, Arnaud Montebourg, secrétaire national à rénovation, a publié une note sur le sujet et appelle les socialistes à adopter ce système de désignation en vue de la prochaine présidentielle.

Depuis, les principaux responsables du PS se sont succédés dans les média pour s’exprimer en faveur des primaires et demander à la direction de s’engager sur ce point: Pierre Moscovici a lancé une pétition après les européennes ; Arnaud Montebourg appelle la direction à adopter le projet de primaires pour faire tomber les murs ; Vincent Peillon et ses amis, réunis à Merseille, "veulent aller vite" ; Manuel Valls parle de question de vie ou de mort ; Bertrand Delanoë et Laurent Fabius – jusqu’ici connus pour leur peu d’enthousiasme sur le sujet – ont finit par s’incliner. Et voilà que Martine Aubry s’engage clairement sur le sujet, tout en évitant de trancher la question du périmètre des primaires : le seul PS ou toute la gauche.

A titre personnel, malgré une lecture sérieuse des rapports susmentionnés et de nombreuses discussions avec des camarades plutôt favorables au projet, je ne suis pas convaincu de l’intérêt des primaires. Tout en reconnaissant la qualité des travaux de réflexion (A), je pense que ce système apporte plus de problèmes qu’il n’en résout (B).

 

- A -

L’intérêt de l’essai de Terra Nova est triple.

D’abord, il s’intéresse à la manière dont un parti politique se désigne un leader. Pour cela, les auteurs retracent l’histoire des primaires à gauche en revenant sur les désignations des candidats socialistes à la présidentielle depuis 1981. Bien que la première primaire socialiste date de 1995 – elle opposait alors Henri Emmanuelli à Lionel Jospin – il s’avère que les statuts du PS, en soumettant le choix du candidat socialiste aux militants, offrait dès le départ la possibilité d’organiser les primaires. C’est le retrait de la candidature de Michel Rocard face à celle de François Mitterrand qui a empêché le recours aux primaires en 1981.

Ensuite il fait état des expériences de primaires à l’étranger (américaines, italiennes, anglaises et dans une moindre importance espagnoles, grecques et allemandes) pour déterminer les bien faits et leurs limites, et inspirer le modèle des primaires françaises. Il en ressort ce tableau :

Enfin, l’essai propose aux socialistes de choisir en deux types de primaires : d’une part une « primaire présidentialiste », ouverte aux sympathisants socialistes et organisée peu avant la prochaine présidentielle sur le modèle du Parti Démocrate américain, et d’autre part une « primaire parlementariste », ouverte aux seuls militants et organisée juste après la dernière présidentielle sur le modèle du Parti conservateur anglais. La première doit désigner le candidat socialiste à la présidentielle quand la deuxième doit désigner le principal leader de l’opposition pour toute la législature. Les auteurs font part de leur préférence pour la première solution.

ps,gauche,aubry,rocard,mitterrand,jospin,royal

 

Le rapport Montebourg retient l’hypothèse de « primaires présidentialistes » ouvertes à tous les partis de gauche qui souhaitent y participer, et qui dans ce cas, les co-organiseraient du début (élaboration de la charte et des règles communes) jusqu’à la fin (désignation et campagne commune). Le principal intérêt du rapport réside dans l’exposition des principes qui doivent guider le choix et l’organisation des primaires ; et dans l’édiction de règles, claires et précises, encadrant le processus électoral des primaires.

Souhaitant éviter la répétition des erreurs de la dernière primaire socialiste, les auteurs du rapport Montebourg prévoient une campagne des primaires de six mois. En préalable, le PS organiserait une campagne de mobilisation pour constituer un premier fichier de sympathisants, base du réseau social de la primaire. La campagne se ferait en deux temps : la phase des éliminatoires, et le scrutin nominal à deux tours pour les deux derniers candidats.

Participerait aux éliminatoires, tout candidat revendiquant un certain nombre de parrainages de grands élus (la liste devant être définie bien avant la campagne et plus large que celle de 2006 qui limitait drastiquement le nombre théorique de candidats) ou de signatures d’un certain % de militants/sympathisants (à définir également).

Les éliminatoires se dérouleraient sur trois/quatre tours :

- au premier, on retiendrait les candidats ayants obtenu au moins 5% des suffrages exprimés,

- au second, ceux ayant obtenu au moins 10% des suffrages,

- au troisième, ceux revendiquant plus de 15% des suffrages,

- au quatrième tour, on ne garderait que les deux principaux.

 

Les éliminatoires doivent assurer « le rassemblement des candidats et de leur projet en équipe autour du vainqueur » par l’appel et l’engagement des candidats éliminés dans le soutien actif aux candidats restants. Le scrutin nominal à deux tours pour les deux derniers candidats durerait un à deux mois et devra déterminer le candidat unique des partis participants à la primaire.

Voilà en résumé, le projet des primaires du rapport Montebourg-Ferrand. Je ne peux que saluer la qualité du travail de  réflexions et propositions, très détaillées, de ces deux textes. Je partage en outre l'idée qu'il convient, si on adopte le principe de primaires, de poser le cadre et les règles du jeu bien avant le début de la primaire. Cela ne peut que faciliter la participation de tous les possibles candidats et déminer à l'avance tout procés de "jeu de dés pipés".

 

- B -

Cela étant dit, je reste sceptique devant ce gros et beau projet. Mais dire cela ne signifie pas, comme me rétorquent certains mauvais esprits, que je sois pour le statut quo, que ce soit sur le fonctionnement actuel du PS ou sur e processus de désignation du candidat. Ne soutenant a priori personne dans les candidats déclarés ou probables – je ne renie en rien ma sympathie et ma proximité politique et intellectuelle avec DSK – ma position n’est pas guidée par le calcul politique.

Je pense que le principal défaut de ce projet de primaires reste d’avoir pris la présidentielle de 2012 (ou l’élection présidentielle en général) comme point de départ de la réflexion. La présidentielle reste dans le cadre de la Vème République, qu’on le veuille ou non, l’élection centrale du jeu politique et institutionnel. Pour autant, si on observe bien, cette élection n’occupe le temps politique qu’entre deux et huit mois sur une législature de cinq ans ; les deux mois correspondent à la durée légale de la campagne officielle, le reste étant la période où apparaissent, s’affirment et se déclarent les principaux futurs candidats.

Que des hommes et des femmes y songent bien avant et s’y préparent au sein de partis politiques ne doit pas nous faire oublier qu’entre l’élection du président et la prochaine présidentielle, c’est le temps de l’action gouvernementale. L’objet de la présidentielle, suivie des législatives, reste la désignation par le peuple français d’une équipe et d’une majorité politique en vue d’appliquer un programme. On se présente aujourd’hui pour agir demain.

A trop vouloir anticiper et préparer à l’avance la grande échéance, on court le risque de monopoliser le débat politique sur ce seul thème, et de le saturer, a fortiori lorsque l’enjeu est réduit à une question de personnes. Ce n’est pas sans conséquences sur le jeu démocratique. L’action gouvernementale peut s’en trouver paralysée (bataille de succession entre plusieurs possibles candidats de la majorité ; bataille de réélection qui impose de lever le pied dans le rythme des réformes). Et une exposition médiatique et politique trop hâtive et prolongée des aspirants peut leur etre nuisible, que ceux-ci sortent du bois deux, trois, quatre ans avant.

En ce sens, le projet des primaires n’est pas sans risques. Une campagne interne de six mois, utile pour que chaque candidat développe ses idées et son projet et qu’une personnalité s’en dégage avec une certaine étoffe de présidentiable, a l’inconvénient d’exposer trop longtemps le candidat qui après sa désignation doit encore passer l’épreuve de la campagne officielle. Ses forces et faiblesses, mis en évidence durant cette pré-campagne, seront exploitées par ses futurs adversaires. Une campagne interne fondée sur la différenciation des candidats et de leurs projets pose la question de la réconciliation, une fois le candidat désigné.

Une campagne interne de six mois peut s’avérer trop nombriliste si les questions de personnes supplantent les questions de fond (risque de démotivation voir de rejet des français) ou si les valeurs et les problématiques privilégiées par les candidats sont trop marquées politiquement pour mobiliser un électorat peu politisé. Enfin, il ne faut pas oublier les risques de surenchères de la part des candidats, sous l’effet de logiques internes (se donner une posture) ou sous l’effet des sondages d’opinion (qu'ils portent sur les personnes ou sur des enjeux précis).

Par ailleurs je suis sceptique vis-à-vis du projet des primaires parce qu’il me semble que la réflexion sur ce sujet ne s’est pas accompagné d’une réflexion sur le rôle des partis politiques et des militants dans le processus électoral et le système politique. Et si cette réflexion a eu lieu, alors je crains que je n’en partage pas les conclusions.

Le système des primaires a pour objectif la désignation d'un candidat en lui donnant une meilleure légitimité que celle acquise par un vote de quelques 200 000 militants. Dans l'idéal, chaque candidat avance avec sa tendance et son projet, et les militants/sympathisants arbitrent. Mais alors que vont devenir nos congrès internes si la question du programme et du leadership est réglé à la fin ? A quoi sert le Parti Socialiste (ou tout autre parti) pendant le temps qui sépare la dernière présidentielle de la primaire pour la prochaine ?

Les partis politiques sont des machines électorales qui servent à désigner des candidats et à faire la campagne de ces derniers à partir des ressources (financières, médiatique, symboliques, logistiques, humaines) dont ils jouissent en tant qu’organisation. Mais ce sont aussi des lieux de vies, de socialisation politique en interne (formation des militants) et en externe (vecteur de sensibilisation et de politisation de l’électorat). On ne peut pas se contenter de la première partie de la définition.

Acter le principe de primaires en fin de législature pour régler les problèmes de leadership, c’est instaurer la crise permanente de leadership. Car si l’enjeu du programme et du leadership peut se régler par une primaire, quel intérêt auront les responsables politiques de ménager le parti et sa direction, voir d’y travailler en son sein, si tout est réglé/tranché à la fin ? On n’est pas prêt de sortir des luttes internes. On a bien vu en 2006, que dans l’attente de la désignation des candidats par le système des primaires, chaque présidentiable s’est bien gardé de (trop) participer à la rédaction du projet, pour se garder quelques cartouches au moment de la campagne interne.

Le rapport Montebourg explique que le projet de primaires revalorisera le rôle des militants qui vont assumer la logistique des primaires sur le terrain, accessoirement en défendant leurs idées et leur leader. Il me semble que cela privilégie une logique de supporters (tout est ramené à la personne qu’on soutien) à la logique de militants (syndical, associatif, mutualiste), même s’il convient de reconnaitre que cette dernière est de moins en moins exploitée et favorisée. Un camarade FFE avait écrit une fois: "le PS est un parti d'élu qui ne sait pas quoi faire de ses militants". J'ai tendance à croire, qu'avec le système des primaires, ils souhaitent s'en débarrasser.

Je ne suis pas certain que les penseurs du projet de primaires aient forcément réfléchit et évalué les effets des primaires sur le rôle et le fonctionnement des parti et des militants. Dans ce sens, le débat sur les primaires ressemble à mon avis à celui sur le quinquennat. On justifie les primaires pour régler la question du leadership comme on justifiait hier le quinquennat pour mettre fin aux situations de cohabitation. Seulement, on n’a pas pensé que le quinquennat changerait le rythme politique et renforcerait la figure du président sur le Parlement. Or, comme disait Mendes-France, "gouverner, c'est prévoir".

Il me semble qu’avec les primaires, on va encore accélérer le rythme polico-médiatique en le centrant toujours plus sur les présidentielles. La démocratie ce n'est pas que les élections, c'est aussi le débat d’idées, les mobilisations sociales, les batailles parlementaires etc.

 

Pour conclure ces long propos, ije n’exclue pas de me tromper dans mon diagnostic et dans ma position. J’avais écrit l’an dernier que la forme des partis politiques étaient peut être désuètes et qu’à une organisation de type bureaucratique, il fallait peut être rechercher une organisation en réseau. Il est possible que l’engagement politique, qui n’est pas une spécialité française que ce soit en politique, dans le monde syndical ou associatif, soit à géométrie variable. Comme me disait Belgo, un jeune va peut être s’engager auprès des écolos sur tel enjeu, auprès des socialistes sur telle question, et auprès de gens de droite sur tel autre question. Aux partis de s'adapter. Il est possible aussi qu’avec le système des primaires, les partis politiques connaissent une nouvelle jeunesse en renouant des liens avec des milieux sociaux qui se sont éloignés de la politique. Pour l’instant, j’en doute.

C’est pourquoi sur le sujet des primaires, je préférerai encore la seconde solution qu'avait préconisé Terra Nova dans son essai: une primaire en interne et en début de législature. Mais cela implique une réforme de nos statuts et du fonctionnement de nos congrès (ne plus découpler vote de motion et vote du Premier secrétaire, rehausser le taux de représentativité à 10% ou donner un bonus à la motion arrivée en tête).

27 septembre 2008

Début de polémique: l'itw de Rocard au Parisien

Début de polémique au PS après les propos tenus par Michel Rocard, dans un entretien au Parisien, sur le discours de Sarkozy à Toulon. Voir l’article du Nouvel Obs ici.

Réputé pour son « parler-vrai » et ses prises de positions parfois à contre courant de celles généralement tenues par les principaux dirigeants socialistes, l’ancien Premier Ministre de François Mitterrand surprent toujours, autant qu’il agace certains.

J’ai pour ma part, et c’est pas nouveau, une grande admiration pour ce monsieur. Ca ne m’empêche pas d’être en désaccords avec ses choix et certaines de ces argumentations. En l’espèce, si je regrette son optimisme sur le RSA, je pense qu’on lui fait encore un mauvais procès.

 

Pour qui a lu ses récents livres et suivit ses interviews, les positions de Michel Rocard ne sont pas surprenantes. Je dirai même qu’ils sont dans la continuité de ce qu’il défend depuis des années, en particulier sur les changements de l’économie mondiale et la dangerosité des thèses néolibérales dérégulatrices souvent défendues par les droites américaines et européennes. A ce titre il ne peut qu’applaudir les propos de Sarkozy d’en finir avec le « laisser-faire » et « laissez-passer ».

Mais il ne faut pas oublier qu’on est en période de congrès et que certains socialistes vont user de la sortie de Rocky pour attaquer la motion A, dont le premier signataire est Bertrand Delanoë et dont Michel Rocard est signataire.

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JDD. Sarkozy est-il de gauche?

Michel Rocard. Evidemment non ! Le fait d’être de droite ou de gauche est l’affaire de toute une vie, d’une continuité, d’une grille de choix permanente. Les amitiés et les relations de M. Sarkozy sont clairement dans le grand capital, clairement à droite. Et sa ligne politique aussi : on le voit dans l’inhumanité avec laquelle il traite le problème de l’immigration.

Mais c’est un homme de droite qui a de fortes pulsions réformatrices. Il a envie de changer des choses. Et en tant que président de la République il veut maintenir la cohésion sociale en France. Je rappelle que le revenu de solidarité active (RSA) est une idée sur laquelle nous avons nous-mêmes beaucoup travaillé au Parti socialiste. Et ce RSA correspond trait pour trait à l’allocation compensatrice de revenu que les groupes de réflexion du PS avaient soumise à Lionel Jospin lorsqu’il était Premier ministre.


Le RSA est donc bien une mesure de gauche ?


C’est d’abord une mesure sociale intelligente. Pourquoi vouloir tout étiqueter et classer ? Je suis content de voir resurgir ce revenu de solidarité, mais cela ne fait pas pour autant du président un homme de gauche. La droite française défend de manière inconditionnelle un régime économique nommé capitalisme. Or ce régime a subi depuis trente ans une formidable révolution interne. La croissance et le plein-emploi ont disparu. Le quart de la population est précaire, chômeur ou pauvre. Que même des hommes politiques de droite se rendent compte qu’il y a là une erreur d’aiguillage du capitalisme, c’est la moindre des choses ! Cela n’en fait pas des hommes de gauche pour autant, mais cela rend des convergences possibles.


Quel est le principal critère qui empêche, selon vous, de considérer Nicolas Sarkozy comme quelqu’un de votre camp ?


Cela a toujours été le critère fiscal. Le paquet fiscal a confirmé que Nicolas Sarkozy est un homme de droite.

Mais là, il veut s’en prendre aux parachutes dorés, donc pénaliser les plus riches…

Je l’espère bien ! Henry Ford, qui fut un grand industriel, et qui incarnait la droite paternaliste, disait qu’il ne fallait pas trop de règles dans le capitalisme, mais qu’il fallait, du coup, une éthique. Il trouvait scandaleux que les grands patrons se payent plus de 40 fois le salaire moyen des gens qu’ils commandent. Nous sommes passés aujourd’hui à 300 ou 350 fois plus ! L’équité a disparu, le système n’est plus vendable à des électeurs. Et Sarkozy le comprend parfaitement.

Sarkozy cherche-t-il à brouiller les pistes entre droite et gauche ?

Disons que c’est un homme de droite ouvert. La crise est suffisamment grave pour qu’on respecte ce qu’en dit le président sans y voir, en plus, de la manoeuvre politicienne.

Quelles autres mesures d’inspiration de gauche, comme le RSA, lui souffleriez-vous ?

Pour sortir de la crise, il faut s’attaquer aux paradis fiscaux, développer une régulation financière beaucoup plus ferme, s’attaquer aux rémunérations excessives, limiter les OPA et probablement interdire qu’elles servent à dépecer les entreprises. Sur tout ça, il peut y avoir une grande convergence entre une droite réformatrice et intelligente ce qui est le cas de Nicolas Sarkozy et une gauche non révolutionnaire. S’il y a un sommet mondial, comme il le demande, il y aura sûrement des gouvernements de gauche qui y participeront.

Son épouse Carla peut-elle l’inspirer ?

Oui. C’est d’ordre privé mais c’est tout à fait possible, on est toujours influencé par ceux qu’on aime. La composition du gouvernement avant même l’épisode Carla Bruni avait montré que ce n’est pas un homme sectaire.