Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

10 mars 2009

Comment analyser le retour des Etats aujourd'hui ?

Dans son dernier ouvrage, Michel Aglietta nous explique comment la crise financière, qui a éclatée aux Etats-Unis durant l’été 2007, s’est rapidement étendue, passant de la sphère financière à l’économie réelle. La faillite des deux banques d’affaires américaines, abandonnées par le Trésor américain et la FED à titre d’exemple et d’avertissement, et la chute de la bourse et de la confiance qui en a suivi, a obligé les gouvernements à mettre sur pieds des plans de sauvetage du système bancaire. Le ralentissement économique, faisant courir de gros risques de récession à l’échelle mondiale, a poussé à nouveau les gouvernements à annoncer des plans de relance. Du coup, nombre d’observateurs y voient le signe d’un retour en force de l’Etat dans la sphère économique.

 

Pourtant, l’Etat a toujours été plus ou moins présent, d’une manière ou d’une autre, dans la sphère économique et sociale. Les critiques dont il a fait l’objet, par l’intermédiaire des institutions publiques et des politiques publiques le représentant, et la vague néo-libérale qui en a suivie, ne doit pas faire illusion sur le rôle toujours actif de l’Etat. Producteur de normes qu’il fait appliquer par son pouvoir de contraintes et son monopole de la violence légitime, l’Etat est aussi producteur de biens et de services, plus ou moins étendus selon les pays, et acteur de redistribution de richesses.

 

Aussi, parler d’un retour des Etats semble erroné. A moins qu’il s’agisse d’une action spécifique de l’Etat, comme son action de bouclage macro-économique propre au keynésianisme. Il s’agira alors de se demander de quel type d’intervention il s’agit et si elle est adaptée à la situation.

 

A cette fin, nous expliquerons dans une première partie en quoi la crise financière réhabilite l’interventionnisme économique des Etats, avant de préciser que la crise est pourtant structurelle, et qu’à ce titre, elle appelle à des politiques de changements structurels.

 

I - La crise économique et financière réhabilite l’interventionnisme économique des Etats.

 

L’intensité de la crise actuelle et les risques de récessions qu’elle fait courir à l’économie mondiale a conduit les gouvernements des pays développés et émergents, à mener des actions économiques ciblées de l’Etat (A) qui restent malgré tout dans le cadre de l’Etat régulateur (B).

 

<!--[if !supportLists]--><!--[endif]-->

A. L’action économique des Etats aujourd’hui…

 

Alors que l’action de l’Etat dans la sphère économique était assez mal vue, discutée tant sur le principe que sur les résultats mêmes, les limites actuelles d’un fonctionnement non-régulé (par les autorités publiques) des marchés (et notamment financiers) réhabilitent l’action de l’Etat.

 

Ainsi, afin d’éviter un effet domino des faillites bancaires, les gouvernements ont mis sur pied des plans de sauvetage du système bancaire. Néanmoins, ces plans diffèrent d’un pays à l’autre. Aux Etats-Unis, le Trésor américain a recapitalisé un certain nombre de banques, c’est à die qu’il a fait entrer des fonds publics dans le capital (fonds propres) des banques. Cette « nationalisation » du système financier américain s’est accompagné du rachat, par le Trésor et la Fed, d’une partie des produits toxiques, dites titres pourris, dont les risques n’ont été révélés qu’avec la crise. En France, le gouvernement a surtout cherché à assurer les échanges interbancaires, par un fonds de prêts de 300 milliards d’euros emprunté sur les marchés financiers, car les banques ne se faisant plus confiance, elles n’assuraient plus leurs missions fondamentales. Derrière les échanges interbancaires, c’est les risques de liquidité des PME qui est en jeu. Ce faisant, on assiste à un retour discret de la politique monétaire aux mans des Etats, alors que cette activité avait été externalisée.

 

Face au ralentissement, parfois brutal, de l’activité économique, les Etats ont décidés de recourir à des plans de relance ciblés. Si la aussi les mesures diffèrent d’un pays à l’autre, tous les plans se rejoignent parl leur faible envergure : ces plans représentent entre 0,2 et 1% du PIB. Les Etats membres de l’Union européenne ont décidés, au vu de la conjoncture actuelle, de suspendre les règles du pacte de stabilité et de croissance qui limitait les déficits à hauteur de 3% du PIB et la dette publique à hauteur de 60 % du PIB.

 

Les gouvernements peuvent donc laisser courir leur déficit pour soutenir l’activité. Certains privilégient des baisses d’impôts (Espagne) et de charges (France), d’autres les dépenses. Certains veulent soutenir la consommation (Gordon Brown va baisser de deux points les taux de TVA en Grande-Bretagne), d’autres insistent sur l’investissement (la France veut relancer voir anticiper certains projets/ marchés publics). Souvent, il s’agit aussi d’apporter des aides publiques aux secteurs en grande difficultés (les Etats-Unis et l’Allemagne vont soutenir leur industrie automobile). On est loin des plans de relance du type keynésiens des années 60/70.

 

<!--[if !supportLists]-->B. <!--[endif]-->… Reste dans le cadre, à peine élargie, de l’Etat régulateur.

 

Dans les années soixante-dix, quatre vingt, on assiste à un tournant libéral. La crise des années soixante dix et le ralentissement économique, le chômage et la hausse des prix qu’elle a entrainée, a dévalorisé l’action de l’Etat dans la sphère économique. Les quelques tentatives de plans de relance, en France notamment en 1976 sous le gouvernement Chirac et en 1981 sous le gouvernement Mauroy, ont donnés des résultats négatifs, notamment en matière d’inflation et de balance des paiements.

 

Le renouveau du courant néo-libéral, derrière les chefs de file qu’ont été Milton Friedman et Friedrich Hayek, et les politiques qu’ils ont inspirés, dans les gouvernements Thatcher en Angleterre et Reagan aux Etats-Unis, s’est centré sur la critique de l’Etat. Jugé inefficace et dépensier, l’Etat doit laisser faire le marché. Toute entrave de l’Etat sur le marché empêche ce dernier de s’auto-réguler.

 

Les politiques publiques ont alors consistés à privatiser nombre d’entreprises publiques, à restreindre autant ce peu l’action de l’Etat, à dérèglementer le plus possible pour ne pas laisser entraver le bon fonctionnement du marché. Afin de redynamiser la concurrence, les pouvoirs publics ont crées des agences de régulation pour encadre les dérèglementations en cours.

 

On est alors passé de l’Etat interventionniste à l’Etat régulateur qui, loin de réduire l’activité de l’Etat, la limite. L’analyse marxiste voit dans cet Etat interventionniste comme régulateur, un moyen pour les capitalistes de régler la crise de sur-accumulation de profits. En dévalorisant son propre capital, l’Etat permet au capitalisme de sortir de la crise.

 

II – La crise est structurelle et appelle à ce titre des politiques structurelles.

 

Face au risque de récession, les gouvernements reviennent aux « fondamentaux » et tentent des politiques conjoncturelles de relance alors même que la crise semble structurelle (A) et qu’il faudrait mener des politiques économiques structurelles (B).

 

<!--[if !supportLists]-->A. <!--[endif]-->La mode de régulation néo-libéral en crise.

 

Bien qu’une majorité d’économistes insiste sur la dimension financière des origines de la crise, cette dernière a aussi des origines d’ordre économique.

 

Tout d’abord, un des problèmes vient du partage de la valeur ajoutée qu’on définit comme l’ensemble des richesses qu’une économie créée en une année. Cette valeur ajoutée est redistribuée aux salariés, sous forme de salaires, et aux « capitalistes », sous forme de profits. Or ces vingt dernières années ce partage a été défavorable au facteur travail. Dix points de PIB ont été transférés du travail au profit, avec quelques nuances entre l’Europe et les Etats-Unis (voir Economie et inégalités de Thomas Piketty). Cela s’explique essentiellement par la modération salariale, adoptée en France dès 1983 pour lutter contre l’inflation qui entamait la compétitivité de l’économie française, et la recherche de compétitivité par les entreprises, dans le cadre de l’internationalisation des échanges. Mais si la part des profits a augmenté cela s’est traduit par une augmentation des investissements financiers, au détriment des investissements d’ordre productif ou cognitif (formation initiale et continue des salariés).

 

La financiarisation de l’économie est l’autre facteur du désordre économique actuel. On a assisté à une montée en puissance de l’actionnaire dans le rapport profit/captal. La logique de rentabilité que recherche l’actionnaire et que poursuivent une partie des cadres dirigeants d’entreprise (rémunérés via les stock options) conduit autant à presser la masse salariale qu’à réaliser des investissements de court terme. La recherche de gains de compétitivité (coûts) conduit au processus de délocalisation d’activités vers des pays aux coûts de mains d’œuvres moins chers et à certains licenciements économiques dans les pays d’origine. Cela est grandement permis par la grande mobilité des capitaux financiers qui reçoivent une meilleure rémunération que les facteurs de production moins mobiles (capital productif, travail qualifié et non qualifié).

 

Mais pour maintenir le niveau de consommation, on a assisté à un fort endettement des ménages. Aux Etats-Unis, en Grande Bretagne et en Espagne – trois pays très touchés par la crise immobilière et bancaire – le taux d’épargne est négatif quand en France il est de l’ordre de 10%. On a finalement financé la forte croissance économique de ces dix dernières années par un endettement continu des ménages, dont la valeur des biens immobiliers, garant de l’acquittement futur de leurs dettes, a fait l’objet de spéculations. Et quand la bulle spéculative a éclatée, la machine s’est grippée.

 

<!--[if !supportLists]-->B. <!--[endif]-->Un besoin de politiques structurelles : vers un nouveau New Deal ?

 

Il y a eu ces dix dernières années un affaiblissement croissant de nos appareils productifs. La logique financière explique en partie le manque d’innovations durables, privilégiant les investissements de court terme.

 

Ce manque d’innovations porteurs et notre mauvaise spécialisation actuelle explique la dégradation de notre balance des paiements (la balance commerciale entre autre) d’autant plus que nous axons la concurrence sur la compétitivité-prix (ou coûts) face aux pays émergents qui jouissent d’une main d’œuvre de bonne qualité et de moindre coûts.

 

Il faut alors faire des investissements massifs dans la recherche et développement, dans l’innovation (dans la logique schumpetérienne), dans le capital cognitif (via la formation initiale pour les étudiants et continu pour les salariés) et dans les infrastructures et sites productifs (par exemple les pôles de compétitivité).

 

Il faut finalement passer de la division (néo)-taylorienne du travail à la division cognitive du travail où l’enjeu est moins les gains de productivité que la recherche et le maintien de connexions, l’acquisition de compétences et de solutions. Cela permettrait de relancer la démocratie sociale dans nos économies sociale de marché et de relier à nouveau les sphères économiques, sociales et financières.

Commentaires

Intéressant Pablo. J'ai posté une (rapide) réponse sur mon blog. Je sais, tu parles économie et moi dans le vent, je suis indécrotable ^^

Écrit par : Tom | 13 mars 2009

Salut Tom,

J'ai été voir ton blog, que je consulte quasi quotidiennement comme la plus part des blogs mis en liens sur le blog, et j'ai bien aimé ta réflexion. Il y a un changement dans le discours, au grès des intérêts, plus qu'un réel changement de politiques (mais il y en a un peu quand même).

Mais je compte faire une autre note sur les changements de paradigmes.

Par contre j'ai pas compris c'est quoi les principes de tes tag ^^ Dommage qu'on ne puisse pas laisser de commentaires chez toi ;-)

ps: cette note n'est qu'un copié-collé d'une dissertation que j'ai réalisé dans le cadre de ma prépa concours.

Écrit par : Pablo | 14 mars 2009

Je pensais bien que c'était un exercice commandé ^^
Pour les tag, c'est une espece de %#! de défi plus ou moins rigolo que tu fais parce que tu es une bonne poire. Je vais réexpliquer ca sur le blog, tant pis pour toi...
(Pour les commentaires, orange ne gère pas les blog type wordpress, et je refuse de passer par les blogs tout faits de orange, pas pratiques et plein de pub).

Écrit par : Tom | 15 mars 2009

"Ce manque d’innovations porteurs et notre mauvaise spécialisation actuelle explique la dégradation de notre balance des paiements (la balance commerciale entre autres)"

entierement d'accord (sur la suite aussi)

mais la fin, c'est du Stiglitz, HEIN è ;-)

bonne journée,
le Belge

Écrit par : Belgo5.0 | 30 mars 2009

Ma dernière sous-partie a été écourté par manque de temps.

Mes propos rejoignent les thèses stigliztienne ? Possible mais à part ses notes sur Project Syndicate, j'ai rarement lu Stiglitz.

Une partie des propos développés renvoie aux idées développés par mon enseignant, dont je t'ai conseillé le livre, très favorable a priori à Obama ^^

Écrit par : Pablo | 30 mars 2009

Les commentaires sont fermés.