18 avril 2009
Changement de gouvernement en Espagne
L’actualité espagnole a été marquée la semaine dernière par un fait politique majeur : un changement de gouvernement. Tout juste un an après les élections générales, où les socialistes étaient reconduits à la majorité relative, José Luis Rodriguez Zapatero, Président du Gouvernement, a présenté la composition de son nouveau gouvernement, le troisième qu’il dirige depuis son arrivée en 2004 à La Moncloa, le Matignon espagnol.
En pratique, le changement de gouvernement a d’abord conduit à une réorganisation des compétences des 14 (ou 16) ministères puis à la composition d’une nouvelle équipe. Du côté de la répartition des compétences, il faut noter la création d’une troisième vice-présidence, dédiée aux politiques territoriales ; le rattachement des Universités au Ministère de l’Education alors qu’elles avaient été séparés de ce dernier ; la prise en charge des services sociaux par le Ministère de la Santé, ce qui constitue le troisième ministère à prendre en charge ces fonctions en cinq ans ; et enfin l’adhésion de la Fonction Publique et le Conseil Supérieur du Sport aux services de la Présidence.
Côté casting, José Luis Zapatero a introduit six nouveaux ministres et changé de place à aux moins deux ministres. La relève la plus marquante reste celle de Pedro Solbes, deuxième vice-président, en charge de l’économie et des finances, par Elena Salgado, qui occupait jusque là le Ministère des Administrations Publiques, et qui devient la première femme à occuper le poste de grand argentier. Solbes, qui avait accepté en 2008 de rester au gouvernement à condition de ne pas faire toute la législature (quatre ans), reste le symbole d'une gestion socialiste de l'économie à la fois austère, modeste mais capable d'alimenter la croissance.
Parmi les nouveaux ministres, il convient de distinguer ceux issus de la société civile (la ministre de la Culture et cinéaste Angeles Gonzalez Sinde; le ministre de l’Education Angel Gabilondo, président d'université), les techniciens (Elena Selgado, le ministre de la justice Francisco Caamaño) et les poids-lours politiques (le 3ème vice-président Manuel Chaves, le ministre de l’Equipement José Blanco et la ministre de la Santé Trinidad Jiménez), hauts-responsables du PSOE et proches du "courant" de Zapatero, "Nueva Via".
(cliquer dessus pour agrandir l'image)
Mais comment expliquer un changement de gouvernement à peine un an après les dernières élections générales ? Remarquons déjà que si les titulaires des ministères ont pu changer ces 5 dernières années, l’Espagne n’a connu que 3 gouvernements (dont deux suites aux élections législatives) quand la France en a connu 5 ou 6.
J’entrevois quatre principales raisons qui ont pu conduire le chef du gouvernement espagnol à revoir son équipe. Des raisons qui sont peu ou prou des (semi-)échecs pour la majorité socialiste au pouvoir en Espagne.
En premier lieu, et à mon avis de manière marginale, la grogne étudiante par rapport au Processus de Bologne (qui introduit le système LMD et renforce l’autonomie des universités) et quelques défaillances du système judiciaire ont poussé le chef du gouvernement espagnol à changer les titulaires de ces deux ministères.
Par ailleurs, il semble que la défaite des socialistes espagnols aux élections autonomes partielles (soit les élections des communautés autonomes qui n’ont pas lieues en même temps en Espagne comme le sont les élections régionales) du mois dernier en Galice et le Pays-Basque, soit l’élément qui a avancé la décision de changement de gouvernement. En réalité la défaite est à nuancer parce que si la coalition de gauche n’a pas été reconduite en Galice, les socialistes ont largement progressés au Pays-Basque, laissant même entrevoir que la Présidence de l’Euskadi, jusque là occupé par le nationaliste Ibarretxe, revienne aux socialistes.
Ensuite, vient l’échec des négociations du pacte de financement des Communautés Autonomes. Le sujet était déjà sur le feu l’été dernier et Pedro Solbes, alors ministre de l’économie et des finances, s’était donné 4 à 6 mois pour arriver à un accord. Or, neuf mois après cet engagement, le problème est toujours là. C’est ce qui a motivé la création d’une 3ème vice-présidence consacrée aux questions territoriales et la nomination à ce poste de Manuel Chaves, jusqu’ici Président de la Communauté Autonome d’Andalousie.
C’est un problème à la fois technique - il s’agit autant de financer le Plan Dépendance engagé par le Gouvernement l’an passé (ou il y a deux ans) mais que réalisent les Communautés Autonomes, qu’assurer une solidarité territoriale entre des régions aux compétences largement plus développées qu’en France mais inégalement dotées en ressources financières - et politique - puisque les régions les plus contributives (le Pays-Basque et la Catalgone) sont à la fois celles où s’exprime les plus fortes identités nationalistes et celles qui ont permis la victoire de Zapatero en 2004 comme en 2008. Et comme en plus les socialistes n’ont pas la majorité absolue au Parlement, et dépendent donc des négociations avec les partis nationalistes, le sujet est explosif.
Enfin vient l’ampleur de la crise économique et financière. C’est la principale justification énoncée par José Luis Zapatero pour changer la composition du gouvernement : resserrer et renouveler le gouvernement pour faire face à la crise. Une crise que le gouvernement espagnol, comme bien d’autres en Europe et dans le monde, n’a visiblement pas anticipée et encore moins vraiment gérée.
Car il faut bien comprendre que le gouvernement espagnol a tardé à reconnaitre que l’économie espagnole était en crise. Lors de la campagne législative de l’an passé et presque six mois après, le gouvernement espagnol s’est entêté à utiliser des subterfuges linguistiques pour qualifier la situation économique. A la décharge des mes camarades espagnols, on peut dire que leur économie a quand même été très dynamique ces 12 dernières années et que la situation de leurs finances publiques (taux d’endettement de 30% du PIB et des excédents budgétaires depuis 2000) leur laissait une marge, plus confortable que le gouvernement français, pour agir contre la crise.
La situation financière en Espagne étant moins critique que celle observable aux USA ou au Royaume-Uni - pour des raisons ayant trait au système bancaire espagnol plus prudent - les autorités espagnoles n’ont sans doute pas vu la dimension économique de la crise. Et, en dépit de l’adoption d’un premier plan de relance l’année dernière, la situation économique s’est largement dégradée en deux ans.
Il faut dire que le modèle de croissance économique, basé sur l’endettement des ménages pour booster la consommation et sur la spéculation et la croissance du secteur immobilier (et donc de la construction), et social de l’Espagne, avec une faible protection sociale et un marché du travail largement flexible, montre ses limites. Pire, alors qu’il pouvait être vertueux en tant normal, il semble enfoncer l’économie ibérique dans un cercle vicieux. Il semble que Zapatero en ais pris conscience puisqu'il a parlé d'un "nuevo patrono de desarollo economico".
Cependant, face aux propositions économiques du Parti Populaire (relancer les privatisations, flexibiliser d'avantage le marché du travail, baisse de charges), et en dépit des érrements du gouvernement socialiste espagnol, les socialistes espagnols restent une valeur sûre face à la crise.
Nombre de chômeurs
Taux de croissance du PIB
Taux d'inflation
Taux d'impayés
Nombre d'affiliés à la Sécurité Sociale espagnole
Prix de l'immobilier
Indice de confiance des ménages espangols
12:00 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : espagne, zapatero, économie, psoe
Commentaires
Thank you very much , Pablo,
Muchas gracias
Gracie Mile
Esker Mila
C'était un plaisir de te lire et d'avoir une meilleure connaissance de ce qui se passe en Espagne.
Très bon article.
Écrit par : selene | 18 avril 2009
De rien Selene ;-)
D'après les dernières nouvelles, la Présidence du Pays-Basque sera assumée par un socialiste, le PSE (parti socialiste d'Euskadi) ayant trouvé un accord avec le PP, la droite espagnole.
Et le nouveau gouvernement aurait été censuré par la vote au Cortes, mais je ne sais pas vraiment si cela a un effet sur l'existence du nouveau gouvernement ou quoi. Le PSOE est le premier parti en nombre de sièges mais n'a pas la majorité absolue donc...
Écrit par : Pablo | 23 avril 2009
Hello Pablo
J'ai fini le livre que tu m'as envoyé, " le monde d'après" bon je suis un peu restée sur ma faim, parce que si l'explication de la crise est particulièrement bien décrite et expliquée, les moyens d'en sortir m'apparaissent comme un tantinet flou ...
Et puis comme j'avais fini celui de Quidam, j'ai dévoré "le masque aux deux secrets" cette nuit, c'est très rigolo il y a des extraits que je trouve assez savoureux notamment sur la fabrication des paniers que je trouve particulièrement proche de ma façon de travailler ;-) Minimiel lui ne l'a pas encore fini, je suis sûre qu'on en discutera loll
Écrit par : Catherine | 27 avril 2009
Slt Cath,
De mon coté, je n'ai pas encore lu "Le Monde d'après" qui attend sur ma table de nuit au coté de "Oui à la Turquie" de Rocard. Mais j'ai lu dans les critiques que la partie "solutions" était un peu décevante.
J'espère que Minimiel apprécie "le masque aux deux secrets". Le résumé m'avait paru intéressant, et c'est ce qui avait motivé le choix de ce livre. Content que ça t'aie plus au total. ^^
Écrit par : Pablo | 30 avril 2009
Les commentaires sont fermés.