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11 septembre 2011

Primaire socialiste 2012 (6)

La dette, les déficits et la « règle d’or ».

Avec la crise grecque des finances publiques au premier semestre 2010, la question de la soutenabilité de la dette et des déficits publics est désormais au centre des débats économiques européens. Pour faire face à la menace, parfois bien réelle, d’un renchérissement soudain du coût de la dette, l’Europe a mis en œuvre des politiques d’austérité. Le pacte de compétitivité Sarkozy-Meckel encourage l’adoption d’une règle constitutionnelle de maitrise des déficits.

Pour ramener le déficit public à 5,7% du PIB en 2011, le gouvernement Fillon a procédé à un premier tour de vis, via le rabotage de plusieurs niches fiscales. Pour tenir notre engagement de redresser les comptes publics, c’est 12 milliards d’euros qu’il entend économiser en 2012. Avec une dette publique de 1800 milliards d’euros, en constante augmentation depuis 1974 dont 20% de plus ces 5 dernières années, la France n’échappera pas à une cure d’austérité.

L’enjeu de la présidentielle, et ce n’est pas rien, sera d’en déterminer l’intensité, la durée et les modalités de mises en œuvre. La droite semble vouloir faire l’essentiel de l’ajustement budgétaire par les dépenses, l’adoption de la règle d’or déterminant le délai impartie et l’effort à réaliser. La gauche entend plutôt jouer sur le levier des recettes (et plus précisément des impôts). Mais les candidats à la primaire socialiste livrent déjà des approches et des propositions différentes. Examinons-les.

Arnaud Montebourg ne souhaite pas s’engager sur un retour du déficit sous la barre des 3% du PIB en 2013 ou 2014. Il propose plutôt un impôt provisoire pendant trois ans afin de rétablir les finances publiques. Ce délai donnera le temps nécessaire pour un débat approfondi sur les contributions de chacun à l’effort national. Il suggère en outre, au niveau européen, une dose raisonnable d’inflation pour éroder l’endettement, et une monétisation de la dette par la BCE.

Pour Manuel Valls la gauche doit adapter son programme à la crise économique. Il plaide pour un redressement rapide des comptes et pose deux principes : consacrer la totalité des nouvelles marges de manœuvre financière à la réduction des déficits ; financer toute nouvelle politique publique par la suppression d’une autre. Il ne rejette pas le principe d’une règle d’or mais pose comme condition au dialogue, l’adoption d’une loi de Finances rectificative d’urgence à la rentrée.

Jean-Michel Baylet s’engage à revenir dès 2013 à un déficit public de 3 % du PIB. Pour réduire les déficits en 2012 et 2013, il propose des majorations exceptionnelles d’impôt sur le revenu et de CSG pour les contribuables les plus fortunés, de l’ordre de 10 % du montant de l’impôt. Il lance l’idée d’une conférence nationale sur les finances publiques rassemblant des représentants des partis politiques républicains, des collectivités locales, des partenaires sociaux et du monde associatif. Elle se réunira pendant six mois et devra définir un plan d’assainissement des comptes.

Ségolène Royal s’engage à ne pas augmenter les prélèvements obligatoires. Elle souhaite une lutte accrue de la fraude fiscale et veut inscrire dans la Constitution l’égale contribution du capital et du travail à la fiscalité et la garantie des ressources de la sécurité sociale. Elle veut également définir des règles fiscales dès 2012 et assurer leur stabilité pendant 5 ans.

Alors que le projet socialiste prévoyait un retour du déficit public sous la barre des 3% en 2014, François Hollande est le premier à s’être engagé sur cet objectif dès 2013. Il promet pour cela une grande réforme fiscale qui consistera à taxer tous les revenus sans distinction d’origine et de rétablir la progressivité de l’impôt et la contribution selon son revenu et ses patrimoines. A propos de la règle d’or, il estime qu’elle devait être votée après l’élection présidentielle.

Martine Aubry relie la crise de la dette à la crise de l’emploi et de la compétitivité. Elle propose une « règle d’or » conforme au projet du PS, qui consiste à consacrer la moitié des nouveaux moyens dégagés à l’assainissement des comptes publics, et l’autre moitié aux investissements d’avenirs (l’emploi, la croissance, le pouvoir d’achat, l’éducation). Pour rétablir les comptes publics, elle entend bien supprimer 10 milliards de niches fiscales sur les 70 milliards créés depuis 2002.

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A propos de la règle d’or, j’ai expliqué dans une note précédente à la fois sa logique économique, mais aussi son inutilité et sa dangerosité.

Le pacte de stabilité européen et la réforme constitutionnelle de 2008, introduisant la notion de lois pluriannuelles de finances publiques, sont deux instruments juridiques encadrant les déficits et les dépenses publiques. Des mécanismes de sanctions étaient prévus, ils n’ont pas été appliqués.

On nous parle de la rigueur allemande mais faut-il rappeler que le pacte de stabilité avait été exigé en grande partie par l’Allemagne, afin d’encadrer « les pays du club med », et qu’elle a été une des premiers pays (avec la France) à ne pas l’appliquer ? (période 2003-2007).

Pour nous convaincre de voter la règle d’or, la droite nous dit qu’elle ne sera pas contraignante (par l’introduction d’exceptions genre catastrophes naturelles, guerres, récession profonde). Mais pourquoi alors rajouter une n-ième règle si on prévoit déjà qu’elle ne sera pas plus contraignante ?

La nouvelle règle ne changera rien à la trajectoire des finances publiques et ne peut « rassurer » les marchés, élément qu’aucun (programme de) gouvernement ne peut ignorer mais qui ne doit pas constituer une fin en soi. Et ne sommes nous pas déjà dans une récession économique ? (techniquement nous ne sommes pas en récession mais avec une croissance inférieure à un, c’est pas le pied !)

La dynamique de la dette publique dépend beaucoup de variables telles que le taux d’intérêt (le coût de la dette présente et future) et le taux de croissance. Les pays qui ont réussi à se désendetter avaient un taux de croissance supérieure au taux de refinancement de la dette ET/OU un secteur privé (consommation, investissement ou exportation) suffisamment dynamique pour contrebalancer la réduction de dépenses publiques, qui alimentent d’une manière ou d’une autre, la machine économique.

De tous les candidats, Martine Aubry offre une analyse et formule des propositions sur lesquelles je me retrouve le plus. Le ralliement de François Hollande à la règle d’or, même après la présidentielle, m’a déçu. Une telle règle peut avoir du sens si seulement on part sur une obligation de moyens, tel qu’expliqué par Terra Nova, et non de résultats, économiquement inatteignable en l’état.

Note 1 : Moscovici, candidat ?

Note 2 : Le PRG participera à la primaire socialiste

Note 3 : A propos des listes de soutiens

Note 4 : De la légitimité d’une candidature

Note 5 : L’emploi

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