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13 août 2008

Sale temps pour les Travaillistes anglais.

Depuis leur lourde défaite aux dernières municipales il y a quelques mois de cela, les travaillistes anglais s’interrogent. A en croire la presse britannique qui relaye (et amplifie) les débats internes, officiels et officieux, nos camarades outre-manche semblent douter de l’autorité de Gordon Brown comme leader et chef de gouvernement, comme en ses capacités à porter le Labour vers une 4ème victoire, lors des législatives prévues en 2010.

Un an après son arrivée au 10 Downing Street, le Matignon britannique, Gordon Brown est perçu par les travaillistes comme une charge et le responsable de leur mauvaise situation. Aussi, suite aux élections de mai, et sur fond de sondages défavorables, des voix s’élèvent pour demander un changement de leader le plus tôt possible. L’idée semble prendre du chemin. La « disponibilité » de David Miliband, jeune ministre des affaires étrangères, et la publication d’une note de Tony Blair sur la stratégie de son successeur, apportent du grain à moudre à la machine médiatique et autres détracteurs du Premier Ministre.

Il est surprenant de voir comment en France, des journaux comme Le Monde, rendent compte de la situation politique outre-manche. Le manque de charisme, un problème de communication ou des hésitations dans la prise de décisions seraient les tares d’un Gordon Brown, usé par 10 ans de pouvoir au côté du si « incroyable et charismatique » Tony Blair, face au « jeune » et communiquant David Cameron, chef de file d’un Parti Conservateur supposé « recentré ».

Sans doute ces arguments ont une part de vérité.

Sur le plan de la communication publique, c’est vrai que Gordon Brown offre souvent un regard fermé et peu souriant, ce qui est peut être dû à la cécité de son œil gauche. Pour avoir écouté une petite partie d'un de ses discours, son ton semble monotone et sa gestuelle limitée et répétitive. Mais s’il y a bien quelques électeurs qui font un choix politique sur la « forme » du candidat, on peut espérer qu’ils ne constituent pas encore la majorité.

Sur le plan des hésitations ou des erreurs politique du gouvernement Brown, on peut en citer quatre. D'abord les revirements en septembre-octobre dernier sur la convocation d’élection générale anticipée. Ensuite, à peu près au même moment, la reprise par le gouvernement d’une proposition fiscale des Tories, donnant le sentiment de gouverner au hasard. En troisième lieu, la décision bien tardive de nationaliser la Northern Bank alors même que les problèmes de financement de la banque semblaient connus depuis 5-6 mois. Enfin une réforme fiscale touchant les plus modeste, votée lorsqu’il était ministre de l’économie et reniée lorsqu’il se retrouve Premier Ministre.

Mais la personnalisation du débat politique tend par essence à nier la dimension collective du processus de décision comme le contexte économique et social dans lequel ces individus et la société se développe. Aussi les errements politiques du gouvernement travailliste au cours des derniers mois, ne doivent pas faire oublier le contexte économique de cette dernière année : la crise de l’immobilier et le fort ralentissement de l’économie britannique qu’elle implique.

Alors même que les (néo)-travaillistes ont bâti leur réputation de bon gestionnaire de l’économie sur fond d’une croissance économique forte et constante au cours des 10-15 dernières années, l’intensité de la crise économique récente met à mal bien des croyances. Pour le dire autrement, nos amis britanniques sont peut être en train de comprendre que leur modèle de croissance ces 10-15 dernières années - fondé sur la spéculation immobilière, la forte financiarisation de l’économie et le surendettement des ménages - avait une dimension artificielle. Et maintenant que la crise est là, les victimes – fort nombreuses – se rendent compte des faibles marges de manœuvres et d’actions de leur gouvernent sur une économie qui se purge.

Pour autant, le manque de charisme, les divers errements politiques du gouvernement Brown ou la crise économique ne suffisent pas à expliquer les récents résultats électoraux et l’impopularité du Labour dans les sondages d’opinion. Ils ne font qu’occulter la fragilisation progressive des bases de soutient du New Labour ces 11 dernières années. Lorsqu’on parle de la « Troisième voie » (ou Blairisme), on entend souvent ce type de phrase : « le social-libéralisme non seulement ça marche économiquement mais ça paye politiquement ».

Je ne veux pas entrer ici dans le procès du blairisme sur le plan économique et social. Rappelons simplement que les travaillistes ont eu le mérite d’avoir 1) restauré et régulièrement augmenté le SMIC, 2) augmenté les dépenses sociales (en proportion du PIB) notamment en matière de santé et de d’éducation, 3) augmenté la quantité d’emplois publics.

Ce qui reste intéressant dans la phrase, c’est la deuxième partie : « ça paye politiquement ». Combien de fois ne l’avons-nous pas entendu pour condamner « l’archaisme » de la politique du gouvernement Jospin ? En somme le jospinisme ne pouvait être un modèle : il était économiquement et politiquement inefficace. Les socialistes français se complairaient à critiquer les travaillistes anglais alors qu’ils ne seraient même pas foutus de gagner 2 fois une élection. Certes, le New Labour a remporté 3 élections mais la victoire est moins éclatante qu'on a aimé le dire.

La victoire du Labour dépend en partie du mode de scrutin britannique : un scrutin majoritaire à un tour avec un bonus pour le parti qui arrive en tête. Ce système conduit à un puissant et imperturbable bipartisme. Malgré la présence d’une multitudes de partis (dont nationalistes régionaux), seuls comptent les 3 premiers : Labour, Tories et les Liberals Democrats.

Si maintenant on regarde le nombre de voix recueillis par le Labour depuis 1974, on voit que le Labour a perdu près de 3 millions de voix entre 1997 et 2001, donc avant la Guerre en Irak argument souvent cité pour expliquer l’impopularité de Blair, et un peu plus d’un million de voix entre 2001 et 2005. Soit 4 millions de voix de perdu en 10 ans.
 

 

Labour

Tories

1974 :

11,457,079

39.2 %

10,462,565

35.8 %

1979 :

11,532,218

36.9

13,697,923

43.9

1983 :

8,456,934

27.6

13,012,316

42.4

1987 :

10,029,270

30.8

13,760,935

42.2

1992 :

11,560,484

34.4

14,093,007

41.9

1997 :

13,518,167

43,21

9,600,943

30.7

2001 :

10,737 967

40,99

8,357,615

31.7

2005 :

9,562,122

35.3

8,772,598

32.3

Bien que je manque de sources et de données, il semble que les travaillistes aient perdu du terrain au sein des classes moyennes et des classes populaires, et des régions traditionnellement travaillistes sont passés aux mains des nationalistes écossais (de réputation plus progressiste) ou gallois. D’autre part, on sait que Tony Blair en réformant le Labour a grandement fragilisé les liens qu’entretenaient les travaillistes avec les syndicalistes. Ceci pourrait expliquer le retour de grèves dans le monde éducatif. Enfin, le nombre de militants travaillistes s'est éffondré au cours des dernières années, affaiblissant du coup les bases de soutient du parti.

Dans cette note j'ai voulu montrer que la crise que traverse actuellement le Parti Travailliste Anglais trouve ses sources non dans les faiblesses personnelles du leader, mais l’affaiblissement progressif, au cours des 10 dernières années, des bases sociales et électorales du parti. Cela résultant de l’action politique du parti au pouvoir, qui a pu décevoir une partie de l’électorat, comme de la longévité du parti au pouvoir (10 ans). En l’état, facteurs conjoncturels comme structurels annoncent une défaite aux élections générales de 2010.

05 septembre 2007

Université d’été du Parti Socialiste, session 2007

Le Parti Socialiste s’est réuni le weekend dernier à La Rochelle pour sa rituelle université d’été, avec pour thématique : un « diagnostic pour la rénovation ».

Les universités d’été (U.E) sont l’occasion pour les militants de toutes les fédérations du parti (au PS, une fédération correspond géographiquement au département), de se rencontrer autour de débats thématiques, de discuter et se former. C’est important la formation d’un militant, pour le combat politique d’abord, pour créer/alimenter un sentiment de collectivité ensuite. En effet un groupe ne peut subsister si un minimum de liens – rencontre, valeurs, rites, discours – entre ses membres ne sont pas garantis, il finirait par se diluer. A la différence des Congrès qui définissent les orientations et désigne la direction du parti, les U.E. n’ont pas d’enjeu politique (au sens de vote interne).

Pour autant, il est indiscutable qu’au fil du temps, les U.E. des divers partis apparaissent comme les marqueurs de la rentrée politique. Elles deviennent aussi, sous l’influence toujours croissante et omniprésente des média, le moyen de mettre en avant telle ou telle personnalité. Ces personnalités profitent de l’occasion pour marquer le terrain médiatique et le terrain des militants (via l’applaudimètre).

Ce constant un peu sociologique et sans complaisance étant fait, parlons donc un peu de ce qui s’est passé cette année à La Rochelle. Il me faut dire d’abord que je n’ai pas pu y aller et je le regrette un peu, parce qu’étant un très jeune militant (7 mois), ça aurait été l’occasion de rencontrer des camarades et plus encore…

Cette U.E s’est faite dans des conditions assez spécifiques qui de mon avis, augmentait son intérêt :

  • Les socialistes viennent de sortir d’une cuisante défaite présidentielle et législative (le léger mieux des législatives par rapport en 2002 ne doivent pas nous faire oublier qu’il s’agit d’une défaite), c’est donc l’occasion de marquer un nouveau départ.
  • L’absence des principaux leaders permettait d’éviter de voir l’U.E comme un simple conflit de personnes, et donc d’aborder le fond des choses.
  • Le courant Socialisme et Démocratie avait prévu de publier un Manifeste qui doit sonner l’heure de la rénovation idéologique du PS.

Bien. Il est difficile de se faire une opinion quand on a été absent mais c’était sans compter sur des camarades présents à l’UE et qui ont pensé faire des comptes rendus…

http://3socslarochelle.canalblog.com/

http://rochelle2007.parti-socialiste.fr/

Etrangement les média ont préféré se centrer sur l’ex-couple Hollande-Royal, sur le maire de Paris et quelques propos entendus ici ou là… Rien de bien neuf du côté de l’appareil médiatique, ils ne prennent que ce qui les intéressent.

 

Quoi en penser de tout ce schmilblick ?

Le PS tente d’entamer sa rénovation, tout le monde (les principaux dirigeants en fait) n’ont que ce mot à la bouche. Rénovation par ci, rénovation par là, « il faut faire ça », « nous n’avons pas fait ceci », « nous devons faire ça » et chacun y va de sa petite musique, au petit bonheur la chance, pour tirer son épingle du jeu. Les Valls, les Montebourg, les Peillon, les Hamon, ont autant d’ambition que leurs ainés, les fameux éléphants (Royal compris), mais si peu d’idées. On en reste au jeu des postures et c’est désolant.

Deux groupes attirent mon attention sur la rénovation : les Gracques et le courant SD, dont je suis plus ou moins proche :

Les Gracques, ce sont ces hauts-fonctionnaires proche du PS qui ont durant la campagne présidentielle pris officiellement leur distance avec l'ex-candidate et l'acutelle direction du PS. Ils ont tenus une université d'été il y a 15 jours, avec des personnalités francofrançaise comme Michel Rocard, François Chérèque (CFDT) et extérieures comme le maire de Rome (ancien communiste) et Anthony Giddens, le théoricien du blairisme.

J'avoue que la présence de Giddens, aussi passionnante soit-elle intellectuellement, est un peu génante car elle envoit un signal (sans doute faux) que le modèle de rénovation envisagé est celui du Labour Party. Je suis plutôt sceptique sur la qualité de cette rénovation...

Je n'ai pas non plus compris l'insistance de Michel Rocard pour que le PS accepte l'économie de marché, quand on sait que les 15 ans de gouvernement socialistes (de Pierre Mauroy à Lionel Jospin) ont clairement montré que le PS n'était pas un parti anti-marché.

Le courant SD, dont les principaux leaders sont Dominique Strauss-Kahn, Pierre Moscovici et Pierre Bergounioux. Je l'ai dit plus haut, un Manifeste a été publié (df97e5263f01f23cf8cb72bb3820a5e5.pdf).

Des le départ, lorsque l'idée d'un Manifeste SD est apparue et qu'un appel à contribution a été lancé,  j'ai été en désaccord avec l'ambition à donner à ce Manifeste. Les responsables du courant ont voulu faire court et énoncer les grands principes de la SD, ou du "socialisme du réel"; là où personnellement j'aurai préféré quelque chose de beaucoup plus élaboré, divisé en plusieurs thèmes etc. Soit. Je ne suis qu'un militant lambda. Je trouve dommage d'insister autant sur la reconnaissance de l'économie de marché, qui est un faux débat, un thème journalistique et droitier, au vu de l'histoire. Je regrette aussi qu'il ne soit pas fait beaucoup mention aux syndicats... ce qui est un comble quand on se dit social-démocrate. Toutefois on retrouve les grandes idées forces de la social-démocratie telle que portée par DSK lors des primaires.

Je ne sais pas s'il faut se réjouir des premiers débats de La Rochelle, ils sont incontournables, mais la nature de ces débats me parraissent loin des enjeux qui nous attendent.

Il faut refonder le Parti Socialiste et cela passera par 3 étapes:

  1. Changer le fonctionnement du Parti (sa structure, le mode de désignation des dirigeants, ses rapports avec la société civile, etc),
  2. Travailler sur une ligne politique claire et un programme ambitieux répondant aux attentes de nos concitoyens
  3. Réfléchir à la stratégie électorale, dont la question des alliances.

Le grand danger c'est que la volonté de débattre et reconstruire des uns (je pense à Rocard) soient pas ensevelies par les ambitions des autres et de leurs stratégies en vue du 75ème Congrès.