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27 mars 2008

Le Zéro et l'Infini

252873345.JPGLorsque je vais chez mes parents, j’ai pour habitude de jeter un coup d’œil sur la bibliothèque familiale. Je regarde les titres, parfois je prends un livre, le feuillette quelques minutes puis le remet à sa place. A dire vrai, je répète même ces habitudes lorsque je suis invité chez des amis. Une bibliothèque et le genre de livres qu’on y trouve peut nous apprendre bien des choses sur nos hôtes.

Dans la bibliothèque de mes parents donc mon index, que je fais glisser sur la côte des livres, s’est arrêté sur un petit livre vert au titre étrange : Le Zéro et l’Infini.

Mon père avait eu à le lire dans le cadre d’un concours, mais c’est dans une note de « Mémoire vivante - Michel Rocard » (dont j'entends bien écrire un billet un de ces jours) que j’en ai entendu parler pour la première fois.

Le Zéro et l’Infini, publié dans les années 40, est l’œuvre d’Arthur Koestler, écrivain britannique mais aussi militant communiste. Cette dernière information, loin d’être anecdotique, explique la portée symbolique et politique de cet œuvre. En effet, à travers l’incarcération, les pensées puis l’exécution du personnage principal - le camarade Roubachof - Arthur Koestler dénonce le totalitarisme stalinien.

Le camarade Nicholas Roubachof, figure imaginaire mais qui reprends des bouts de vie de plusieurs personnes ayant existés, est arrêté en pleine nuit. Il est enfermé seul dans une toute petite cellule, et n’a de contact avec l’extérieur qu’en tapant des codes sur le mur commun à la cellule de son voisin.

Dès lors le livre se compose de trois parties.

  • Dans un premier temps et par l’intermédiaire de flash back, Roubachof se remémore sa rencontre avec 2 militants dont il recueille les critiques sur le Parti, mais qu'il fera exclure pour non respect de la ligne de ce dernier.
  • Il est amené, au sein de la prison, dans le bureau d'un agent politique en charge de son dossier. Cet agent, qu'il connait du temps de l'époque révolutionnaire, lui accorde un délai de 15 jours pour que Roubachof rédige lui même ses aveux. Il bénéficie pendant ce temps d'un traitement de faveur, en particulier une promenade dans la cours de la prison, et du papier et un crayon pour écrire. Suivent alors ces réflexions sur l'état du régime et son rôle dans tout ça. Ses réflexions l'amènent à se déclarer coupable.
  • La dernière partie est consacré aux aveux de Roubachof. L'agent politique en charge de son dossier ayant été remplacé par un fervant pratiquant des interrogatoires musclés, Roubachof passe des jours et des nuits à résister puis céder aux aveux prérédigés.

Malgré la dureté de l'histoire et l'ambiance pesante qui s'en dégage (et qui rappelle 1984 de Georges Orwell), la fine construction du récit et la très précise description faite par l'auteur, vous fait imaginer les scènes sans difficulté.

Ce qui est le plus frappant dans cette histoire, c'est non seulement le renversement de situation d'un homme qui se retrouve broyé par un système qu'il a contribué à créer et protéger, mais c'est l'impasse intellectuelle par laquelle il se donne la mort.

Le "Je" étant une fiction grammaticale, l'individu représente l'infiniment petit (le Zéro) face au projet soviétique destiné aux masses qui représentent l'infiniment grand (l'Infini). L'aboutissement de cette logique conduit à considérer que l'écrassement de la dignité humaine et de toute conscience individuelle sera jugé par l'Histoire, comme un moyen nécessaire justifiant une fin.

A lire absolument...

19 mars 2008

Marche nocturne

C’est drôle comme des fois une soirée peut vous réserver bien des (mauvaises) surprises.

Pourtant tout avait plutôt bien commencé. A 20h à la sortie des cours, je retrouvais sur la place du Capitole un camarade parisien en visite professionnelle sur Toulouse, mais que j’ai rencontré sur le Net.

Nous sommes allés dinés dans un restaurant très sympathique où, entre un bon Tariquet et une bonne brochette de poisson, nous avons passés en revue l’actualité des derniers jours. Mais ce fut aussi l’occasion de faire plus ample connaissance, la politique n’étant pas l’essentiel.

Puis nous nous quittons vers 23h40, après que le restaurant nous aie offert un digestif qui nous fut servit un peu tard, et je m’empresse de prendre le métro. Six stations plus loin j’espérais retrouver ma sœur qui jouait exceptionnellement mon chauffeur.

Or vers minuit, l’extérieur de la station de métro désert, pas le moindre signe de vie. J’appelle ma sœur sur son portable et sur le fixe de la maison, mais je tombe sur le répondeur. Ne supportant pas l’attente et l’indécision, je me mets à marcher en direction de ma petite ville « tout juste » à 7 ou 8 km de là.

Durant cette étrange marche nocturne, ma sacoche d’ordinateur à la main (dans lequel se trouve mon ordinateur donc, puis 3 bouquins, mes cours et un gros dossier pour mon mémoire), je marche d’un pas rapide et décidé, tout en épuisant mon forfait à tenter vainement de contacter (et réveiller) ma sœur.

La vie nocturne des villes périurbaines me laissent un sentiment bizarre, comme si un de mes songes passé, composée de villes érigés par la main de l'homme puis soudainement abandonnées par celui-ci, les livrant au jugement du temps, devenait réalité.

Puis j’ai une pensée pour mon grand père dont on m'a plusieurs fois raconté que n’ayant ni (permis de) voiture, ni volonté de demander (par fierté mal placée) l’aide à qui que ce soit (encore moins à un gabacho), se levait le matin aux aurores pour aller au chantier, et rentrait bien tard le soir pour revenir au foyer.

A une heure vingt du matin je rentre enfin chez moi. 7 à 8 km en une heure et demie, je me dis que c’est une petite performance. Je bois quelques verres d’eau et m’en vais me coucher. Mais le sommeil tarde à venir et le réveil doit sonner 6h plus tard.

10 mars 2008

Verdict des élections espagnoles : 4 ans de plus pour le PSOE

Le verdict est tombé hier soir à 20h: les Espagnols confirment Zapatero dans ses fonctions de Président de gouvernement en donnant une nouvelle majorité relative au PSOE.

 

 

Les premières simulations à l'annonce des résultats accordaient une majorité absolue aux socialistes, mais au fur et à mesure de l'avancement du dépouillement, la franche victoire est devenue relative.

 

 

Des résultats plus en détail sur le lien suivant : http://www.elpais.com/especial/elecciones-generales/congr...

 

 

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La participation a été de 75,32 % soit 2 points de moins que 4 ans plutôt.

 

 

Le PSOE gagne 5 sièges par rapport à 2004 mais il lui en manque encore 7 pour atteindre la majorité absolue.

 

 

Le PP a progressé en voix et en sièges (5 sièges également). C'est pour lui une "défaite relative". Sa stratégie d'opposition violente et systématique n'a pas été autant sanctionnée qu'on l'aurait cru. Il mobilise toujours autant ses électeurs.

 

 

Izquierda Unida continue sa dégringolade et perd 3 sièges, conséquence du monde de scrutin et du vote utile en faveur des socialistes.

 

 

Quant aux nationalistes, à l'exception des nationalistes catalanistes (CiU) qui se maintiennent et gagnent un siège, ils sortent fragilisés des ces élections. Le bipartisme s'en trouve accentué.

 

 

C'était aussi le vote d'une grande partie des sénateurs. Le PP se maintient mais la gauche progresse bien.

 

 

Reste la question des alliances. Le PSOE, ayant épuisé ses réserves sur sa gauche, va-t-il devoir faire alliance avec les nationalistes catalans de droite comme Felipe Gonzalez en 1993 ? Une telle hypothèse mettrait en danger le PSOE en Catalogne, gouvernée par l'alliance PSC-ERC-ICV.

08 mars 2008

Le système électoral et partisan espagnol

Dans cette dernière note consacrée aux élections en Espagne avant le vote de dimanche, je voudrai présenter l'originalité du système électoral et partisan espagnol. Cette originalité permet d'expliquer, on le verre, un certain nombre d'enjeux  des législatives 2008.

*

Le système électoral espagnol pratique le mode de scrutin proportionnel, corrigé par ce qu’on appelle la loi d’Hont (voir wikipédia).

L’Espagne est divisée en 17 Communautés Autonomes, elles mêmes subdivisées en provinces, cadre géographique des circonscriptions électorales. Chaque circonscription détient un minimum légal de deux sièges, le nombre de sièges suivants est attribué proportionnellement à la population de la circonscription. Aussi, les « régions » catalanes, madrilènes et andalouses – les plus peuplés – deviennent les zones clés du scrutin.

En conséquence de ce mode électoral, on observe d’une part une surreprésentation des zones rurales, et d’autre part un « sur coût » en termes de voix, pour l’obtention d’un siège dans les régions plus peuplés par rapport à un siège dans les circonscriptions les moins peuplés. Dans les deux cas, cela favorise tendanciellement le vote conservateur. Par ailleurs, le système électoral espagnol tend au bipartisme mais cela est aussi dû à la spécificité du régime des partis.

* *

En effet, la spécificité du cas espagnol réside dans la superposition du clivage « parti central/parti nationaliste » au clivage « gauche/droite».

On dénombre 3 partis d’envergure nationale :

  • le parti de la Gauche Uni (Izquierda Unida), sorte de fédération de parti politique rassemblant communistes et écologistes,
  • le Parti Socialiste Ouvrier Espagnol (PSOE)
  • le Parti Populaire (PP), l'hégémonique unique parti conservateur espagnol. Il rassemble en son sein toutes les familles de la droite (c'est-à-dire des démocrates chrétiens, néolibéraux et conservateurs jusqu’au nationalistes castillan dans le genre FN (1).

Mais à côté de ces parti de stature nationale, on retrouve des partis nationalistes/ régionalistes, affirmant leur revendication identitaire dans un certain nombre de Communauté Autonome :

  • Convergencia i Unio (CiU), parti nationaliste catalan, de droite modéré (influence démocrate chrétien),
  • Esquera Republicana Catalunya (ERC) parti nationaliste de gauche catalan (seul parti revendiquant la République
  • Initiativa per Catalaunya – Verds (ICV), qui est l’antenne catalane d’Izquierda Unida,
  • Partido Nationalista Vasco (PNV), parti de droite chrétienne basque,
  • Coalicion Canaria, spécifique aux îles Canaries,
  • Bloc National Gallego (BNG), parti régionaliste de gauche en Galice
  • Etc...

La liste est loin d’être complète. Certains mouvements et partis régionalistes n’ont pas d’existence parlementaire mais ont une certaine influence locale. C’est l’exemple du Parti Socialiste Andalou (PSA) ou de Parti Aragonais etc.

On peut mentionner aussi l’existence du Parti des Socialistes Catalans (PSC), autonome et distinct du PSOE mais qui reste son représentant en terre catalane.

La présence des ces partis nationalistes n’est pas sans conséquence sur le jeu politique espagnol.

Tout d’abord, bien qu’ils ne présentent de candidats que dans un nombre limité de circonscriptions, ils obtiennent autant, voir plus de sièges, qu’Izquierda Unida pourtant troisième parti d’Espagne en termes de vote.

Ensuite, ces partis identitaires mais de sensibilité de gauche ou de droite selon les cas, concurrencent les trois partis de stature nationale. C’est pourquoi le PP fait de faibles scores en Catalogne et au Pays Basques, où les électeurs ont le choix entre plusieurs droite; ou que le PSOE est fortement concurrencé (via le PSC) par ICV et ERC.

Enfin, ces partis nationalistes départagent le PSOE et le PP, en fonction des alliances conclues, lorsque ceux-ci n’obtiennent qu’une majorité relative. C’est ainsi qu’en 1993 Felipe Gonzalez, n’ayant pas obtenu une majorité absolu pour son 4ème manda, du s’allier avec les nationalistes catalan CiU. Ces derniers se rangèrent derrière Aznar lors des élections générales anticipées de 1996. Dernier exemple en date, José Luis Zapatero a du composer avec l’appui de divers partis nationalistes pour s’assurer une majorité.

* * *

Au regard de ce rapide panorama, il faut donc prendre un peu de distance avec les machines à sondages qui annoncent tambour battant, une victoire socialiste par majorité absolue. En effet le système électoral et partisan joue structurelement en faveur de la droite.

Le Parti Populaire possède un double avantage: Représentant le seul parti de droite au niveau national, il ne risque aucune concurrence sur son flan droite, et bénéficie d'une assez faible volatilité des électeurs entre les deux grands partis pour ne pas être concurrencé sur le centre. Par la suite, le PP (dont le nombre de militants dépasse celui du PSOE, officiellement 600 000 contre 400 000) sait mobiliser ses électeurs. Dans une autre mesure, il bénéficie de l'appuie d'une partie des milieux économiques et médiatiques, qui financent via des dons sa campagne électorale.

De son côté le PSOE est concurrencé sur sa gauche, au niveau national via Izquierda Unida, au niveau régional via les partis nationalistes de gauche. S'il peut se prévaloir d'un bon bilan, un problème patent d'infrastructures (l'affaire de l'AVE reliant Barcelone - Madrid) et la question de l'immigration (et donc de l'intégration) et des nationalismes (notamment catalan) peut lui être fatal. Malgré tout, dans l'hypothèse de résultats serrés entre le PSOE et le PP nécessitant l'arbitrage des partis nationalistes, il est en meilleure position de recevoir ces appuis, que ne l'est le parti conservateur.

(1) Rappelons que la Parti Populaire a été longtemps présidé par Manuel Fraga, ancien ministre de l’information de Franco.

ERRATUM: quelques articles en complément sur ces élections...

http://www.lemonde.fr/europe/article/2008/03/07/jose-luis...

http://www.lemonde.fr/europe/article/2008/03/07/mariano-r...

http://www.lemonde.fr/europe/article/2008/03/08/les-trent...

05 mars 2008

Débat Zapatero - Rajoy

Ce dimanche il n’y a pas que les français qui vont aller voter. Nos voisins espagnols sont appelés à élire une nouvelle assemblée nationale (las Cortes) qui désignera de facto, le prochain locataire de La Moncloa , le Matignon espagnol.

Les deux face à face télévisé prévus entre les deux principaux chefs de partis, ont bien eu lieu les lundi 25 février et 4 mars. Il est possible de retrouver la retranscription du premier débat ici. Prologo.pdf

C’est la deuxième élection générale depuis la tenue des premières élections espagnoles en 1977 (soit un total de 9 élections législatives), qui voit s’affronter lors d’un duel télévisé, les chefs des deux premiers partis d’Espagne.

La pratique de tels débats parait aller de soit dans des pays qui possèdent un scrutin présidentiel comme les Etats-Unis ou la France lors du second tour. Mais pour un régime parlementaire où s’affrontent une dizaine de partis, ce face-à-face en campagne, entre les deux plus grandes forces politiques du pays, pose le problème de l’égalité de tous les partis face au temps médiatique.

Mais la présence de partis nationalistes régionaux, concourant aux côtés des partis d’envergue nationale espagnole, au suffrage universel mais dans la seule zone géographique où s’exprime ces identités, semble justifier cette inégalité de traitement. Pour autant c’est oublier la présence du troisième parti d’envergure nationale. En réalité, ces duels télévisés sont la conséquence d’un système électoral à tendance bipartisan, qu’ils contribuent à renforcer.

Les débats ont bien eu lieux. Ils ont vu s’opposer José Luis Zapatero, président socialiste sortant du gouvernement espagnol, à Marinao Rajoy, chef du premier parti d’opposition. Deux personnalités, deux projets

Le premier débat a montré selon moi une Espagne politiquement crispée. Le ton des deux candidats était quand même assez violent, chacun accusant l’autre, non seulement de mensonges, mais d’indignité par rapport au pays et aux citoyens. C’est aussi un duel très tourné sur le passé puisque chaque candidat a renvoyé l’autre à ses actions politiques passées. Mariano Rajoy, comme à son habitude depuis 4 ans, a dépeint une Espagne brisée par 4 ans de gestion socialiste. Zapatero à de son côté renvoyer son adversaire à ses responsabilités durant les années Aznar.

La stratégie de Rajoy semble « normale » (comme chef d'opposition) même si elle s’en trouve en pratique affaiblie par une violence, une arrogance et une excessivité insoutenable. Celle de Zapatero n’élève pas le débat, même si elle a un sens certain lorsqu’on voit Rajoy assumer fièrement les dérapages du gouvernement Aznar (guerre en Irak, mensonge vis-à-vis de l’attentat du 11 Mars 2004). Zapatero a su défendre son bilan mais s’est parfois perdu dans les statistiques, qui accumulés sur un laps de temps aussi court, conduit à l’overdose. Enfin, Rajoy a centré ses interventions à critiquer la gestion socialiste en ce qui concerne l’immigration (la régularisation massive des travailleurs immigrés), du terrorisme basque (négociation avec l’ETA) et l’organisation politique de l’Espagne (en gros le Statut de la Catalogne ). D’après moi, elles sont exagérées mais elles mobiliseront sûrement son électorat droitier.

Le second débat m’a paru plus détendu et surtout plus intéressant. Les deux candidats ont tour à tour présentés leurs propositions en matière économique, de questions sociales, d’éducation, de logement etc. Les sujets européens, d’environnement ou de politique étrangère (notamment vis-à-vis de l’Amérique Latine) ont été à peine abordés. Le candidat conservateur a de nouveau lancé le débat sur le terrorisme, l’immigration et l’organisation statutaire de l’Espagne, mais avec peut être moins d’agressivité. Mais Zapatero m’a semblé dominer le face-à-face, tant par ses propositions (plus nombreuses que celle du candidat conservateur), que par ses répliques aux diverses attaques. Rajoy a paru parfois désorienté et lent à réagir aux réponses-attaques du président du gouvernement.

Maintenant, la campagne continue jusqu’au 9 mars prochain. Je souhaite pour ma part une victoire socialiste pour un second mandat de Zapatero.