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28 juillet 2008

Le spectateur concerné

La fin de ma 4ème année universitaire a été marquée par un « conflit social » au sein de mon école. Portant sur les frais d’inscriptions, les étudiants, avec les représentants syndicaux étudiants à leurs têtes, se sont opposés au choix du conseil d’administration (C.A) de l’établissement de les faire augmenter jusqu’à 700 euros. Le mouvement s’est ainsi traduit par une série d’assemblées générales (qui voyait grossir le nombre d’étudiants à chaque séance) votant le blocage puis l’occupation de l’établissement, entrainant immédiatement la direction à prononcer la fermeture administrative de l’école. Au total près de 3 semaines perdues.

Je reviens aujourd’hui sur cet épisode car il m’apparait, avec du recul et bien des réflexions, riches d’enseignements sur les motivations et les stratégies individuelles et collectives. Bien entendu les propos qui vont suivre relèvent d'observations toutes personnelles, forcément entachées par ma subjectivité d'observateur participant.

 

Les acteurs.

Il convient d’avoir en tête l’existence de 3 principaux acteurs : les syndicats, la direction et les étudiants.

Du côté des représentants étudiants, on compte deux groupes: un syndicat étudiant d’un côté, un rassemblement d’étudiants de l’autre. Le syndicat en question a une sensibilité politique que je classerai plutôt à l’extrême gauche, proche, sans peut être vraiment le revendiquer, de la LCR. Il a longtemps jouit d’un monopole de la représentation étudiante en n’ayant aucune listes concurrentes à affronter lors des élections des représentants au C.A. Sur ce point je reste choqué de savoir que le moindre vote recueillit par cette unique liste lors des élections suffit à la légitimer, le vote blanc, seule alternative à ce vote, n’étant d'aucune valeur. Peut être en réaction à cette situation de monopole et en désaccord avec la ligne défendue par le syndicat, un groupe d’étudiants (apolitiques ?) a fondé une liste aux dernières élections et obtenus quelques représentants.

Du côté de la direction, je me bornerai à dire qu’elle est majoritairement de sensibilité de gauche. Bien qu’elle fasse un travail remarquable pour faire vivre et évoluer l’école, sa capacité de communication est à désirer, particulièrement sur le sujet de la maquette de la 5ème année.

L’ensemble des étudiants forment le troisième groupe d’acteur. Un groupe assez hétérogène qui réunit une multitude d’individus, au raisonnement et lunette sociale propre, derrière une « culture d’institution » et une expérience commune.

 

Les différentes étapes du mouvement.

A l’approche de la séance du C.A devant entériner la décision d’augmenter les frais d’inscriptions, le syndicat a fait passer une pétition pour sensibiliser et mobiliser les étudiants sur la question.

Le jour du vote, rassemblement des étudiants en colère devant la salle du conseil pour manifester son désaccord. La direction décide d’organiser une réunion d’information qui précèdera l’Assemblée Générale (A.G).

La réunion d’information permet à la direction d’expliquer ses choix. L’A.G. vote contre l’augmentation des frais d’inscriptions et décide le blocage.

Des étudiants tentent l’occupation des lieux. Affrontement contre les forces de sécurité privée.

Fermeture administrative de l’école. La direction occupe l’établissement nuit et jour.

Nouvelle A.G : débat sur l’opportunité de négociations ou la poursuite du blocage. L’A.G vote le blocage, la direction décide de reporter les premiers devoirs sur tables et fait fermer l’établissement.

Le corps enseignant témoigne de sa solidarité de la direction. La direction met sur pied un forum internet pour entretenir le dialogue.

Troisième A.G : Après 4 heures de débat dans un amphi bondé, le blocage est maintenu. La direction fait fermer l’établissement.

Une rumeur court sur le net : la continuité du mouvement mettrait en péril l’organisation des examens, les devoirs sur tables étant suspendus.

La direction officialise le contenu de la rumeur et décide l’organisation d’un référendum unique pour statuer sur la continuité ou non des cours.

Le référendum a lieu : une très grande majorité des étudiants décident la continuation des cours. Fin du mouvement. Vacances.

 

Les positions et les moyens d’actions.

Le syndicat combat la loi SRU (qui ne s’appliquerait pas à notre école de part notre statut) et défend l’enseignement 100% public et l’égalité des chances entre étudiants. Ce positionnement suppose le refus de tout financement extérieur privé, de tout échelonnement des frais d’inscriptions selon le revenu des parents, et une participation élevée des étudiants aux finances de l’école.

De par sa position monopolistique, le syndicat est se trouve en position d’organiser la gestion d’une A.G. On retrouvera souvent un membre du syndicat dans le personnel gérant les assemblées étudiantes (président, assistants, comptage des voix). Ils dominent souvent quantitativement le débat, avec une aisance orale évidente, en raison aussi de l’intervention normal des représentants étudiants proche du syndicat. Ils savent orienter le débat en présentant des propositions de votes à l’assemblée, et en sachant esquiver les questions qui dérangent. Ainsi ils feront éclipser la proposition de débat sur la révision des frais d’inscriptions en fonction des revenus.

La direction justifie son choix par le coût financier qu’entraine la création d’une 5eme année. L’Etat ayant maintenu sa dotation au cours des dernières années, les professeurs s’étant démêlés à signer des partenariats avec le secteur privée en échange de financement, les revenus de la taxe professionnelle étant limité, le direction jure n’avoir d’autres remèdes que celui de faire participer un peu plus les étudiants.

La direction et le personnel enseignant jouissent de l’argument d’autorité : ce sont nos enseignants, c’est eux qui décident en général l’orientation de l’école… donc quelque part de notre avenir collectif. Ils disposent d’informations (dont comptables) que les étudiants n’ont pas, et les diffusent à doses déterminés, au moment opportun avec l’explication qu’il convient. Pour relativiser les arguments étudiants, la direction a indirectement accusé les étudiants de 4eme année, dont certains syndicalistes, de mettre financièrement l’école dans la merde en partant faire leur 5eme année dans un autre établissement (oubliant au passage qu’elle a encouragé, faute de donner suffisamment d’informations sur leur projet de 5eme année de l’école, les étudiants à voir ailleurs). Je passe sur l’argument moral de la directrice qui a mit en avant sa situation de mère et ses origines sociales populaires qui ont laissés de marbre bien des étudiants. La direction a surtout un moyen d’action clé : la menace du report des examens.

Enfin les étudiants. Chacun ayant sa conception des choses, le raisonnement et le comportement adopté dépend de la situation sociale de chacun et de la hiérarchie subjective des priorités. A de rares exceptions près, personne ne voulait payer plus. Certains voulaient un moratoire repoussant à dans deux ans la fameuse hausse. Seraient-ils encore là dans deux ans ? Certains aimaient mettre en avant leur situation difficile et prédisaient ne plus pouvoir manger de viandes si la hausse avait lieux d’entrée ou échelonnée dans le temps. Certains étaient contre les frais d’inscriptions mais n’étaient pas prêt à s’investir dans le mouvement. Les vacances approchant, certains ont peut être voté contre le blocage parce qu’ils avaient déjà réservés leurs billets de train ou d’avion. Le possible report des examens a sans doute inquiété nombre d’étudiants qui avaient programmés leurs grandes vacances. D’autres ont peut être craint pour la réputation de l’établissement. Lors des votes en A.G quelques uns ont proposés de reporter la date de retour des mémoires, que d’autres étudiants ont refusés n’étant pas concernés, mais bien content que la même A.G vote le report des devoirs sur tables.

 

Et moi dans tout ça ?

Ma situation de boursier m’écarte a priori de toute hausse des frais d’inscriptions, mais j’ai signé la pétition par solidarité pour les autres.

Alors que les étudiants se réunissaient en nombre devant la salle du conseil le jour où le C.A entérine la hausse, j’étais un des rares étudiants présents à la conférence sur l’Affaire Borrel avec la femme du magistrat assassiné.

Je ne porte pas dans mon cœur l’esprit du syndicat en question même si je connais et apprécie certains de leurs membres.

Certains arguments de la direction m’ont paru raisonnables, d’autres beaucoup moins. Parmi ceux là : « on est une des écoles les moins chères de France »… comme si le montant des frais d’inscriptions était un indicateur de la qualité de l’enseignement.

Les débats en A.G étaient confus, les uns répondant aux interventions des autres qui répondaient eux même à celles de tiers. Les raisonnements m’ont souvent paru limités et finalement un peu égoiste. Les propositions modérées (i.e souhaitant négocier avec la direction) étaient bien souvent hués, et leurs auteurs traités de « bisounours ». Les partisans de la lutte voulaient sans doute donner à ce mouvement une ampleur et un enjeu qui n’était pas ceux posés au départ.

La direction a joué sur le comportement grégaire de certains élèves en brandissant le risque des reports d’examens. Pour le coup, tant par esprit de contradictions que par dégout pour la méthode, j’ai voté non au référendum.

J’ai eu le sentiment d’être à l’écart des préoccupations de mes camarades, mon esprit critique et peut être trop modéré m’empêchant de choisir un camp.

Finalement j’ai été un spectateur concerné plus qu’un spectateur engagé… Encore se pose le problème de l’engagement dans une cause collective. Serai-je finalement trop individualiste ou bien, comme m'a dit quelqu'un, "trop conscient pour être inconscient" ?

09 juillet 2008

La flamme et la cendre

La flamme et la cendre.jpegCeux qui me connaissent un tant soit peu savent l’intérêt que je porte à la vie politique en général et à la chose publique en particulier. Mais contrairement à une idée reçu, je ne suis pas un féru des livres écrits par nos responsables politiques (les écrivent-ils vraiment ? c’est un autre débat) ou ayant trait à la vie politique (par exemple « Les prétendants »). Je les trouve trop souvent circonstanciés, et du coup trop fades, sans grand intérêts sur le plan des idées. Mais il y a bien quelques exceptions.

Je viens d’achever la lecture de La Flamme et la Cendre, écrit par Dominique Strauss-Kahn et paru en janvier 2002. On me demandera pourquoi avoir attendu autant de temps alors que l’auteur n’est plus sur le devant de la scène et qu’il a écrit d’autres ouvrages depuis. La vérité c’est que pour moi, il y a les livres promotionnels - qui ne durent que le temps d’une campagne - et les livres de réflexions – qui savent rester d’actualité bien des années après. Ce n’est pas une question d’auteur qu’on apprécie ou non (et on sait que j’apprécie DSK ou Rocard), puisque j’estime que 365 jours, Journal contre le renoncement,  du même auteur, fait partie des livres promotionnels qui ne marquent pas leurs temps.

Il convient de replacer le contexte dans lequel l’auteur a écrit cette oeuvre. Nommé Ministre de l’économie et des finances en 1997 dans le gouvernement Jospin (il y fait figure de « poids-lourds »), il démissionne en novembre 1999 lorsqu’il est mis en cause dans des affaires judiciaires (conclues en non-lieux en 2001). Sa carrière politique interrompue en pleine lancée, on conviendra qu'il y a des situations plus malheureuses, il profite d'être dans le creu de la vague pour prendre le temps de réfléchir, le temps d’écrire. Il en ressort un livre singulier, authentique et très personnel.

Quatre grands sujets sont abordés, tous subdivisés en plusieurs chapitres. Le livre commence par une réflexion sur le socialisme comme doctrine politique. Effectuant une perspective historique, l'auteur explique la fameuse dialectique "réforme/révolution", le poids du marxisme et son questionnement face aux problèmes actuels. Il développe la notion des 3 socialismes: celui de la redistribution, celui de la production et celui de l'émancipation (c'est à dire celui consistant à lutter contre les inégalités à la racine).

DSK traite dans une seconde grande partie le vaste sujet de la mondialisation. Après avoir énumérés les différents points de vue critiques émis sur le processus de globalisation, il explique en quoi c'est un processus irréversible qui n'a pas que de mauvais aspects. Il dit notamment que la lutte pour l'environnement est un facteur de mondialisation, et argumente à cet effet sur l'intérêt du nucléaire et du système des "droits à polluer" (à côté du système des éco-taxes). Enfin il appelle de ses voeux une régulation de la mondialisation (il aborde ici les limites pratiques de la taxe Tobbin) au niveau européen et des instances internationales (dont le FMI, l'OMC, l'OIT, le G8 etc) qu'il souhaite réformer pour une nouvelle "gouvernance mondiale". Il aborde là la question de l'architecture du système international, de la légitimité démocratique et l'arbitrage.

En troisième partie vient l'Europe. Il rappelle que l'histoire de la construction européenne repose sur deux dynamiques: la délégation de prérogatives nationales vers l'échelon communautaire (Commission et Parlement) et l'harmonisation (notamment au niveau du marché intérieur). Il rappelle d'autre part la spécificité du modèle social européen fondé sur une mutualisation des risques permises par le welfare state. Le reste de son propos sur le sujet européen concerne la monnaie unique et ce qu'elle implique politiquement sur les instances européennes. Rappelons qu'en 2002, l'euro remplace tout juste nos monnaies nationales. Il milite donc pour une gouvernance économique européenne qui coordonerait la politique monétaire de la BCE et les politiques budgétaires des Etats (via l'Ecofin). Cette partie est d'autant plus intérressante qu'il nous livre son expérience et relate ses combats (souvent soldés par des semi-échecs) auprès de ses partenaires européens pour faire avancer l'idée.

Enfin, il consacre le dernier chapitre à la France. Il fait le point sur son action à Bercy notamment sur la question des privatisations, de la réforme fiscale du gouvernement Jospin, et enfin de la politique industrielle. Son soucis ayant été de booster la croissance économique pour relancer l'emploi. Par la suite, il analyse le dialogue social dans notre pays en rapport à la dialectique "loi/contrat". Il émet une critique sur la méthode choisit pour le passage aux 35 heures mais ne critique pas la proposition en elle même. Il émet quelques propositions sur la refonde de la démocratie sociale en France. Il aborde le sujet épineux de la réforme de l'Etat et du statut de la fonction publique (dont la haute-fonction publique) en énoncant quelques principes clés pour une bonne méthode de réforme. Il termine par une réflexion sur les instutions françaises (le régime présidentiel, la réhabilitation du Parlement, la fabriquation des lois, la structure territoriale, le vote des immigrés).

En refermant le livre je me suis rappellé pourquoi j'ai soutenu - et je soutient encore - la démarche de Dominique Strauss-Kahn. Avec un soucis de pédagogie et d'équilibre dans ses propos*, il éclaire le lecteur sur les enjeux auxquels la France est confrontée, avec la méthode - la sociale-démocratie - pour les traiter. Il est même ironique de voir à quel point ce qu'il a pu écrire à l'époque est toujours d'actualité, et comment certains responsables politiques (à gauche comme à droite) ont repris ses positions.

Le livre m'a plu parce qu'il s'adresse à l'intellectuel des gens, mais je peux concevoir que la forme de l'analyse retenu par DSK ne soit pas la plus appropriée pour la compréhension du citoyen lamba peu initié à l'économie, la sociologie ou le droit. Je veux dire par là qu'étudiant ces disciplines là, le discours ne m'est pas étrangé. Enfin, je terminerai par un regret: dommage que l'auteur n'est pas su dans son engagement politique depuis 2002, mettre en avant et de façon aussi claires, ses idées et ses prises de positions. Peut être qu'alors, on aurait pu éviter le phénomène Ségolène Royal.

* Ce qui ne veut pas dire que je sois d'accord sur tout; J'estime que son argumentaire sur le nucléaire passe sous silence la gestion des déchets dans le temps, un temps qui dépasse largement celui d'une vie humaine.

02 juillet 2008

La voiture qui marche à l'eau

 
 

A priori ça a l'air d'une bonne idée. Mais alors que l'eau devient chaque jour une ressource rare, susceptible d'être le prétexte des prochains conflits militaires, est-ce bien raisonnable de nous en servir comme carburant ?