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13 juin 2009

Retour sur les résultats des européennes 2009

Me voilà de retour après cinq jours en déplacement à Pau. Bien qu’un peu épuisé par des journées de travail assez longues – obligation de finir le chantier pour aujourd’hui – je suis content de m’être déconnecté du net quelques jours et surtout, d’avoir pu changer totalement d’environnement après trois semaines de relatif farniente à la maison. Toutefois, ces vacances – au sens premier du terme – ne m’ont pas empêché de penser un peu aux résultats des élections européennes du weekend dernier.

L’enjeu majeur de ces élections, en tout cas tel que je l’ai appréhendé en tant que citoyen, était de savoir quelle majorité politique nous souhaitions, pour les cinq ans à venir, au Parlement européen (PE). Concrètement, le scrutin européen consistait à choisir entre la reconduction des conservateurs (rassemblés au sein du Parti populaire européen), adeptes de la non-intervention de la puissance publique dans l’économie et réticents à l’approfondissement de la construction politique de l’Europe, et les forces de gauche, avec en tête les socialistes européens. Ces derniers, pour la première fois depuis l’élection du PE au suffrage universel, ont proposés un texte commun-programme, le Manifesto, pour un véritable changement en Europe.

Les urnes ont parlées. L’abstention est la grande gagnante de cette élection (en qualité d’assesseur le jour du vote, j’ai bien vu que les gens de ma commune ne se bousculaient pas pour voter), les européennes ne passionnant décidément pas les peuples européens, même ceux qui « profitent le plus » de l’Union européenne. Mais sur le plan électoral, la droite reste majoritaire au PE et gagne même des sièges. Les libéraux (ADLE) et les Verts progressent un peu. Les grands perdants restent les socialistes. En France le PS, loin derrière l’UMP et talonné par Europe-Ecologie, enregistre un de ses plus mauvais résultats électoraux. Il perd la moitié de ses élus par rapport à 2004. Je dois avouer que je n’imaginais pas qu’on pourrait tomber si bas. Cela dit je ne m’attendais à pas un grand score non plus.

Après le temps de la déception, vient le temps de l’analyse, de la compréhension de ce résultat. Il faudra bien en tirer des leçons pour l’avenir. Au niveau du résultat européen, je retiens trois facteurs pouvant expliquer le mauvais score du PSE. D’abord la mauvaise image des partis socialistes/sociaux-démocrates dans les « nouveaux » entrants, où le socialisme est encore assimilé au communisme soviétique (j’ai pu le vérifier en parlant politique avec mes amies polonaises). Ensuite, le nombre de sièges par pays étant accordé selon le critère démographique, la défaite (ou stagnation) des socialistes dans les « grands pays » (Allemagne, France, Italie, Grande-Bretagne, Espagne, Pologne) entraine une baisse automatique sur le nombre total d’élus socialistes au PE. Enfin, malgré une crise économique et financière qui réhabilite les idées de régulation et du rôle de la puissance publique dans l’économie, thèmes chers aux socialistes, ces derniers ne parviennent pas à se faire entendre et à se démarquer suffisamment de la droite, quand ils ne sont pas désignés comme coresponsables de la dite crise pour leur gestion de l’économie dans les années quatre vingt dix.

Le faible score du Parti socialiste français peut s’expliquer par au moins cinq raisons. Ces raisons n’ont pas le même poids : certains facteurs sont structurelles, d’autres conjoncturelles, certains sont prédominants quand d’autres sont marginales.

Il y a d’abord ce que j’appelle l’effet balancier : lorsqu’un des grands partis recueille le plus de sièges à une élection, il lui est difficile d’égaler et encore plus d’augmenter son résultat à la prochaine élection. Du coup, il part « perdant » et il y a comme un effet de balance qui joue en faveur de son concurrent. C’est ce qui est arrivé à la droite aux municipales l’année dernière par rapport au très bon score de 2001. C’est ce qui est arrivé au PS aux européennes et c’est ce qui l’attend vraisemblablement demain aux régionales.

La désunion des socialistes peut être une deuxième raison de cette défaite. Le congrès de Reims en novembre dernier n’a pas permis de réaliser la synthèse – que tous les acteurs condamnaient – ou de dégager une majorité franche, le parti étant grosso-modo coupé en quatre forces à peu près égales. L’élection du Premier secrétaire n’a pas davantage aidé à la clarification puisque la victoire de Martine Aubry sur Ségolène Royal s’est jouée à quelques voix. Un si faible écart de voix et l’arbitrage de la commission de recollement, dont la composition est basé sur le score des motions, n’a pas donné une légitimité suffisante à Martine Aubry. Les accusations mutuelles et publiques de tricheries et les menaces, elles aussi publiques, d’action judiciaire ont porté un coup à la crédibilité politique et électorale du PS. La composition de la direction du PS n’a pas reflété le poids obtenu par chaque motion à Reims alors qu’en l’absence de majorité, c’était la solution la moins mauvaise. Pendent près de six mois, quelque soit le travail et la position du PS, il s’est toujours trouvé un socialiste pour venir dans les média en faire la critique : Rebsamen vis-à-vis du contre plan de relance, Lang vis-à-vis de la loi d’Hadopi, Collomb ou Peillon vis-à-vis du déroulement de la campagne des européennes… Durant cette campagne, certain(e)s militants ont fait le service minimum, quand d'autres étaient aux abonnés absents. Comment peut-on avancer dans ces conditions ?

Troisièmement, la campagne socialiste a connu des ratés. L’organisation des meetings manquait de préparation. Pour ne prendre qu’un exemple, le meeting de lancement de campagne à Toulouse a été décidé à peine trois semaines avant, et les tracts à distribuer à cet effet ont été livrés à la fédé quasiment la veille ! Seuls deux tracts nationaux (à ma connaissance du moins) ont été prévus pour toute la campagne avec un message insuffisamment mobilisateur. L’appel au vote sanction (à Sarkozy et à Barrosso) ne constitue pas un vote positif (« en faveur de ») et porteur d’espoir, mais un vote par défaut. Outre que la logique était reprise par d’autres partis, elle ramenait la campagne à une dimension trop nationale. Toutefois, lorsqu’on voit les satisfecit de la droite le soir des résultats (« Tout le monde dit I love you à Sarkozy » selon Karoutchi, « un soutien aux réformes du gouvernement » pour d’autres), on peut se demander si ce n’était pas pertinent au regard des principes. Il me semble que le PS a insuffisamment mis en valeur le Manifesto et ses propositions pour les 100 jours à venir. Enfin, il s’avère que le bulletin de vote pour les listes PS n’était si facilement identifiable.

Par ailleurs, je pense que les socialistes français ont payés la fracture européenne du référendum de 2005 (ouiste et noniste) et l’adoption du traité de Lisbonne par voie parlementaire en 2007. Certes, le camp du non de gauche en 2005 (une partie du PS, le PC, la LCR, LO, MDC, altermondialistes), qu’il est difficile d’identifier aujourd’hui tant la configuration politique a changé, n’a pas recueillis autant de voix qu’on ne l’aurai cru (Front de gauche, LCR, LO), mais le départ de Mélenchon de la famille socialiste a sans doute contribué à éloigner quelques voix – à mon avis les plus politisés – du vote socialiste. Quant à l’adoption du traité de Lisbonne par le Parlement français, il est considéré comme une confiscation de la démocratie. Pourtant Sarkozy avait été clair sur le sujet pendant les présidentielles : il négocierait un mini-traité par voie intergouvernementale (sans passer par la case comité paneuropéen et non politique comme ce fut pour le TCE) et le ferait adopter par voie parlementaire. Le PS, qui n’en a pas été l’initiateur et n’avait pas son mot à dire quant au choix du mode d’adoption, ne pouvait pas faire grand-chose de plus.

Enfin, malgré l’élaboration et la proposition d’un texte-programme commun à tous les partis socialistes, sociaux-démocrates et travaillistes européens, la campagne des socialistes européens, déclinée et adaptée à chaque pays et culture nationale, a cruellement manqué de coordination. Alors que l’élection du Parlement européen devrait mettre en valeur un intérêt général européen, chaque parti semble rester sur la défense du statut quo européen (co-gestion entre le PSE et le PPE) et la logique de ses intérêts nationaux (en particulier lorsque le parti est au gouvernement). Les socialistes européens avaient beau appeler à changer la majorité du PE et à une nouvelle composition de la Commission, ils ont été incapables de s’accorder sur le nom d’une personnalité alternative à celle de Barrosso. Pire ! Les socialistes espagnols et portugais, les travaillistes anglais et les sociaux-démocrates allemands ont soutenu plus ou moins ouvertement la candidature de Barrosso : les Portugais par solidarité nationale ; les Espagnols pour conserver deux puissantes commissions (sauver la place à Joaquim Almunia et à Javier Solana) et préparer la présidence espagnole de l’UE prévue de janvier à juillet 2010 ; les Anglais pour s’assurer que la Commission ne viendra pas réglementer la finance européenne dont la City est la pierre angulaire et le moteur de la croissance britannique ; les Allemands enfin, pour s’assurer une répartition à peu près égale des postes européens revenant à l’Allemagne entre la CDU et le SPD qui forment actuellement un gouvernement de coalition. Sans doute que le PS français a eu tord de focaliser sa campagne sur la personne de Barrosso mais avec des alliés pareils, il est difficile de croire en une alternative politique.

Et maintenant ? J’ai beau ne pas être très optimiste sur l’avenir du PS comme force alternative au sarkozysme, je ne participerai pas à l’autoflagelation ambiante, exercice qu’affectionnent certains camarades, ni à l’écriture de scénario de politique-fiction de ceux qu’on appelle encore aujourd’hui, « journalistes ». Ceux qui au PS croient qu’il faut un nouveau congrès ou qu’avec une autre personnalité à sa tête on aurait fait mieux, n’ont visiblement rien compris. Royal sans les hommes et femmes fortes du PS, qu’elle a volontairement écarté par rejet de la « jospinie », n’a pas pu gagner en 2007, Aubry et les autres n’ont pas pu gagner davantage les européennes sans Royal et ses amies. De mon expérience militante locale, j’ai appris qu’on ne peut pas fonctionner en écartant les uns et les autres selon sa convenance personnelle. L’Unité et la solidarité militante est la condition première d’un retour des socialistes. Mais l’ambiance est tellement pourrie qu’elle semble compromise, voir improbable. Le retour des socialistes ne peut passer que par un vrai travail de refondation – organisationnelle et programmatique – du plus vieux parti de France. Mais le verbe n’est pas l’action, et on attend du PS qu’il fasse ce travail et cesse de rester dans l’incantatoire (« y’a qu’à », « faut qu’on »).

Garder son esprit critique sur son propre parti est nécessaire, n’avoir que la critique à l’esprit est par contre suicidaire d’un point de vue collectif. L’ambiance nationale et locale font que je ne suis pas certain de rester militant socialiste encore très longtemps. On verra…

Commentaires

Beau travail, Pablo ;-)

Mais mon opinions est que la seule et unique cause de la déroute des socialistes est qu'ils se sont trompés de campagne.

Même dans l'isoloir, il a fallu que je feuillète deux fois ma liste de bulletins pour trouver celui de PS - PSE.

Et puis avec 40 % de votants, une analyse des rapports de force politique réels, me semble bien aléatoire, alors ceux qui enterrent le PS risquent d'avoir des surprises ...

Écrit par : Quidam LAMBDA | 14 juin 2009

Je pense aussi que ceux qui entèrent déjà le PS vont un peu vite en besogne.

L'égalité en voix et en sièges obtenus entre le PS et Europe-Ecologie ne va pas nécessairement se reproduire demain aux régionales et après demain aux présidentrielles/législatives.

La véritable inconnue à cette possible reconfiguration de la gauche française reste la capacité du rassemblement Europe Ecologie a déboucher sur une plate-forme politique commune aux prochaines élections, avec surtout une offre politique innovante.

Les média laissent entendre, on s'en serai douté, que tous ne sont pas d'accord sur la suite à donner à cette entreprise. Ca restera peut être un beau coup électoral comme ça peut devenir le début d'un vrai changement du mouvement écologiste.

Toujours à gauche, il ne faut pas sous-estimer l'évolution du Front de gauche et du NPA. Le Front de Gauche est l'équivalent du rassemblement Europe-Ecologie sur le plan social, qui a su rassembler PCF, PG et Gauche Unitaire (quelques uns de l'ex-LCR). S'ils arrivent à s'assembler, cela pourrait être novateur.

Mais le poids de chaque culture d'institution partisane fait que c'est peut être pas pour demain.

Écrit par : Pablo | 15 juin 2009

Article exhaustif et bien écrit, qui reflète bien la morosité ambiante.

JE NE PARTAGE PAS LA FIN......

Si ceux qui ont une vue claire et équilibrée des événements quittent le PS, qui restera t il? uniquement des "partisans" de l'un ou de l'autre.. et bonjour la lutte ..que je n'espère pourtant pas finale!

Écrit par : selene | 21 juin 2009

Mauroy aurait dit un jour en parlant de la désertion des militants:

"Si les dégoutés s'en vont, il ne restera plus que les dégoutants"

Je ne suis pas du genre à prendre mes décisions à la va vite.

Mon adhésion au PS a été le fruit d'un long processus (un peu plus d'un an) de socialisation aux idées et aux militants/sympathisants socialistes et de réflexions personnelles.

Il en sera surement de même pour mon départ. Mais pour l'instant je reste dans la famille socialiste. Il y a un coté sentimental. Il y a aussi mon coté "aragonais": fier et obstiné ;-)

Il y a une blague à ce sujet:
Comment faire rentrer 10 aragonais dans une 2 chevaux ?
Tu leur dit qu'ils peuvent pas y rentrer.
"Como que no ! " ^^

Écrit par : Pablo | 21 juin 2009

Ah pas mal les aragonais!
Et en plus le maire de Perpignan va être réélu.
Bon dia Pablo.

Écrit par : den | 22 juin 2009

J'en suis au même point, je me demande si je vais rester, d'autant que ma disponibilité n'est pas compatible avec les réunions du PS dans mon bled, et ailleurs.. et je me sens curieusement assez éloignée d'eux, ce qui n'est pas le cas dans nos discussions sur le net

Écrit par : Catherine | 24 juin 2009

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