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30 juin 2013

L’hypocrisie des Echos

Dans un édito des Echos, Dominique Seux juge « hypocrite » les pistes que semble (a priori) privilégier le gouvernement Ayrault pour réformer le système des retraites,  suite au rapport de la commission Moreau sur l’avenir de ce dernier. Il parle même de « réforme cachée et perverse ».

Ainsi pour Dominique Seux, augmenter à nouveau la durée de cotisation (aujourd’hui de 41,5 ans) reviendrait à « faire le choix implicite de la dégradation cachée des pensions et cela constitue une remise en cause perverse et non assumée du contrat de confiance entre les Français et leur système de retraite ». (1)

« Peu nombreux sont les salariés qui accepteront de travailler jusqu'à 67 ans s'ils ont par exemple commencé à travailler autour de 23 ans. Ils cesseront leur activité plus tôt et subiront une décote sur leur pension dont ils ne prendront conscience que tardivement » (2)

Il estime que « le risque est que les plus jeunes ne voient plus l'intérêt de cotiser si le niveau de leur retraite s'annonce diminué » (3). Par ailleurs il juge que l’allongement de la durée de cotisation « est défavorable aux cadres, dont le taux de remplacement est déjà maigrelet » (4).

L’éditorialiste des Echos ne pouvait évidement pas conclure son article sur les retraites sans une petite pique sur les régimes spéciaux « Enfin, qui peut comprendre que les bénéficiaires d'un certain nombre de régimes spéciaux continuent à partir en retraite à 59, 57, voire 55 ans ? Evidemment, personne. » (5).

(1) La garantie d’un niveau de pensions « convenable » est un vrai sujet et Dominique Seux a bien raison de soulever le risque que ne se dégrade le niveau de pensions des futurs retraités. Pourtant, les réformes qu’il appelle de ses vœux (ou disons le journal pour lequel il officie) ou celles qu’il a pu approuver dans le passé, entérinent, sans le dire, la baisse des pensions.

Rappelons les axes de la réforme Balladur : l’allongement progressif de la durée de cotisation (passage de 37,5 à 40 annuités) dans le secteur privé ; le calcul des pensions se fait sur les 25 meilleures années au lieu des 10 ; l’indexation des retraites sur l’évolution des prix et non plus sur celle des salaires ; une décote par année de cotisation manquante.

Selon une étude de la Caisse nationale de l'assurance vieillesse des travailleurs salariés publiée en 2008, « pour six retraités sur dix, la réforme Balladur a conduit au versement d'une pension moins importante que celle à laquelle ils auraient pu prétendre sans la réforme ». Concernant l’indexation, l’écart de pouvoir d’achat entre retraité et salariés se creuserait d’autant plus lorsque les retraités vieillissent.

La réforme Fillon prolonge la réforme Balladur. Plus récemment, l’accord du 13 mars 2013 entre les partenaires sociaux a prévu une moindre revalorisation des retraites complémentaires pour les trois ans à venir. Là ce n’est pas une baisse du pouvoir d’achat lointaine mais immédiate.

Et le souhait de revoir le calcul pour les agents publics (passer de 6 mois à 10 ans voir à 25 ans), alors que le niveau de pension est comparable à ceux des salariés du privé et que les primes ne sont pas comptabilisées, n’est-ce pas programmer une baisse des pensions du public ?

(2) J’avoue que je trouve ce passage très savoureux. On ne cesse de nous dire qu’il faut travailler plus longtemps en raison de l’allongement de l’espérance de vie, de la tendance démographique, du problématique financement du système.

Les mêmes encouragent les gouvernants à ne pas tenir compte des corporatismes et des oppositions à une réforme en profondeur du système des retraites. Et tout à coup, on s’interroge sur l’acceptabilité d’une telle réforme ?

Il est évident que tout le monde ne pourra pas travailler jusqu’à 67 ans, surtout parmi les générations qui s’approchent de la retraite, étant donné la pénibilité de certains métiers, les interruptions subies des carrières professionnelles de moins en moins linéaires.

(3) Dominique Seux raisonne ici en termes de « contrat social rousseauiste », autrement dit ici un consensus implicite fondé sur la solidarité intergénérationnelle. Les jeunes acceptent de cotiser pour payer les pensions des retraités, parce qu’ils savent que les générations suivantes payeront la leur.

Or dans la pratique, notre système d’assurance publique ne requiert pas l’avis de cotisants. Il n’y a pas d’alternative sur ce plan, tout changement de régime de retraites nécessiterait une phase transitoire. Chaque individu arbitrera son départ à la retraite selon les modalités du système au moment où il décidera de quitter la vie active et selon ses aspirations et sa condition de santé.

Même si beaucoup reste à faire pour améliorer l’information des assurés sur leur futur niveau de pension, la réforme Fillon a crée un groupement d’intérêt public Info Retraite pour faciliter l’information sur la situation de chaque assuré. Avec notamment l’envoie d’un bilan vers 45 ans et un point sur la situation individuelle tous les cinq ans.

(4) L’allongement de la durée de cotisation serait défavorable aux cadres, mais le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite (les 62 ans), qui a la préférence de Dominique Seux, pénalise ceux qui ont commencé à travailler tôt, en général les ouvriers et les salariés moins qualifiés, souvent exposés à des métiers pénibles. Rappelons que les ouvriers ont une espérance de vie bien inférieure à ceux des cadres. Un écart de près de 10 ans.

(5) Et qui peut comprendre que la presse puisse bénéficier d’un tas d’aides publiques (taux super réduit de TVA, subventions publiques, aide au réseau de distribution, déduction avantageuse pour les journalistes etc.) alors qu’une partie d’entre-elle stigmatise la dépense publique ? Ah oui, les coupes budgétaires, c’est bon pour les autres…

16:37 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0)

13 juin 2013

Débat sur la TVA sociale

Pour enrayer la perte de compétitivité des entreprises françaises, de nombreux responsables politiques (plutôt de droite, mais pas seulement) et économiques (PDG, journalistes, économistes) défendent avec force, la piste d’une TVA dite « sociale » (parfois encore appelée « anti-délocalisation »).

En faisant basculer une partie des cotisations sociales (part patronale et/ou part salariale), à la charge de l’entreprise, vers la TVA, impôt grevant la consommation, les biens et services produits en France regagneraient en compétitivité par rapport aux biens importés, non bénéficiaires des baisses de cotisations.

Ecartons la polémique sur le caractère « social » du dispositif. La TVA n’est pas un impôt redistributif car elle ne tient pas compte des capacités de revenus de chacun. Une étude du Conseil des Prélèvements Obligatoires a montré que les plus modestes supportaient, en proportion de leurs revenus, plus de TVA que les plus aisés.

La TVA est dite « sociale » parce qu’elle renvoie à la problématique du financement de la protection sociale. Assis à 70% sur les cotisations sociales - donc sur le travail - le financement de la protection sociale tend à se « fiscaliser » depuis la création de la CSG, de la CRDS et autres impôts et taxes.

Rappelons en outre que la TVA représente aujourd’hui près de 50% des recettes fiscales de l’Etat – c’est un impôt terriblement efficace car « indolore » et assis sur un base très large – et qu’un point de TVA en plus rapporte en moyenne entre 5 et 7 milliards d’euros supplémentaires.

Tout ceci étant posé, voici les trois raisons qui m’amènent à rejeter cette mesure :

Une mesure non coopérative au niveau européen.

Même si nous parlons beaucoup des pays émergents, l’essentiel de nos échanges commerciaux se font avec nos partenaires européens. L’adoption d’une monnaie unique prive les pays du taux de change comme outil de politique économique et de régulation interne (les fameuses dévaluations).

La TVA sociale apparait dès lors comme une forme de désinflation compétitive. On fait payer nos gains de compétitivité à nos voisins européens. C’est donc une forme de jeu à somme nulle et de concurrence fiscale, surtout si le dispositif est généralisé. Or le problème de compétitivité (hors coût) reste entier.

Une mesure mal calibrée à deux niveaux.

La TVA sociale entend jouer sur le coût du travail, jugé trop élevé en France, donc sur la compétitivité-prix. Mais face aux pays émergents qui disposent d’une main d’œuvre bon marché, le gain d’une telle mesure ne rendra jamais la main d’œuvre française suffisamment compétitive et attractive.

A l’heure de la mondialisation, le prix du travail est une donnée comme une autre pour la compétitivité des entreprises. Or la TVA sociale aidera autant les entreprises exposées à la concurrence que celles exerçant des activités peu délocalisables et peu soumises à la concurrence extérieure. Pourquoi aider ces dernières ?

La TVA sociale, le risque d’un « fusil à un coup ».

La TVA est un des rares impôts qui soit harmonisé au niveau européen. Différentes directives sont venues uniformiser les bases de la TVA et encadrer ses taux. Le taux normal peut ainsi varier en 15 et 25. Autant dire qu’avec un taux normal de 19,6% (relevé à 20% en 2014), la France ne dispose plus trop de marges de manœuvres.

Pour créer un choc de compétitivité, le taux de TVA devra suffisamment augmenter pour couvrir le transfert des charges des entreprises vers le consommateur, sans que la consommation s’en trouve trop pénalisée (et donc la croissance). L’augmentation espérée des marges des entreprises suffira-t-elle à améliorer leur compétitivité hors-prix ?

L’expérience allemande a justement montré que les effets de la TVA sociale s’estompaient avec le temps. Les hausses des prix finissent par être répercutés dans l’évolution des salaires. Le risque est donc grand que l’Etat brule en pure perte ses quelques cartouches.

23:34 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : économie, europe

30 avril 2013

Opération transparence

L’affaire Cahuzac a porté un sacré coup à l’idée de République exemplaire, défendue par l’actuel locataire de l’Elysée. Les aveux de l’ancien ministre du budget, et à ce titre responsable de la lutte contre la fraude fiscale dans notre pays, ont sapés l’autorité de la parole publique et la confiance, déjà bien fragilisée, des citoyens envers les élus de la République.

Pour recréer la confiance et sortir par le haut de ce randam politico-médiatique, François Hollande a annoncé quelques propositions phares pour « moraliser la vie politique ». Le projet de loi, débattu en Conseil des ministres la semaine dernière, expose les principales mesures suivantes :

- Obligation d’une déclaration de patrimoine et d’intérêt pour les membres du gouvernement, les parlementaires nationaux et européens, les principaux exécutifs locaux, les membres des autorités administratives indépendantes, les collaborateurs des cabinets ministériels et de la présidence de la République, les titulaires d’emploi à la décision du Gouvernement nommés en Conseil des ministres et les responsables des principales entreprises publiques.

- Création d’une Haute autorité de la vie publique, composée d’experts indépendants (membres de la Cour de cassation, du Conseil d’Etat et de la Cour des comptes) et chargée de contrôler la véracité des déclarations de patrimoine et d’intérêt qui lui seront transmises en début et en fin de mandat des élus. Elle bénéficiera de l’aide des services fiscaux et aura un pouvoir d’injonction. Elle pourra être saisie par les associations de lutte contre la corruption et pourra s’autosaisir si elle constate des manquements.

- Condamnation à une peine d’inéligibilité définitive en cas d’infraction, portant atteinte à la moralité publique (corruption, trafic d’influence, fraude électorale ou fraude fiscale), pour les membres du gouvernement et personnalités nommées en Conseil des ministres.

- Définition de conflit d’intérêts  de manière à prévenir toute situation d’interférence entre des intérêts publics et privés de nature à compromettre l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction publique. Les élus et certains hauts fonctionnaires devront s’abstenir de prendre part à toute décision dans lequel existe un risque de conflits d’intérêt ("système de déport").

- Obligation pour les membres du gouvernement ou les membres des autorités indépendantes intervenant dans le domaine économique devront confier la gestion de leurs intérêts financiers sans droit de regard pendant toute la durée de leurs fonctions.

- Interdiction pour les membres de l’exécutif (national et local) de rejoindre à l’issue de leurs fonctions une entreprise avec laquelle ils avaient été en relation du fait de leurs. La Haute autorité assurera le contrôle déontologique des départs vers le secteur privé.

- Interdiction du cumul d’un mandat parlementaire avec l’exercice de toute activité de conseil. Les fonctionnaires élus au Parlement seront désormais placés en position de disponibilité et non plus de détachement pendant la durée de leur mandat.

 

* * *

On a beaucoup polémiqué sur la déclaration de patrimoine des ministres et de certains parlementaires. D’abord sur le principe : voyeurisme, atteinte à la vie privée, démagogie, flicage, simple opération de communication … Ensuite sur le montant des déclarations : certains élus seraient de vraies paniers percés vu le maigre patrimoine affiché, d’autres présenteraient un patrimoine trop important par rapport à leur couleur politique…

Je pense que la publication des déclarations de patrimoine des ministres était un peu précipitée. En l’état, sans organisme de contrôle, il n’y a aucune garantie quant à la véracité des montants déclarés, même si on peut supposer que cela facilitera le travail d’investigation de certains journaux… En fait l’intérêt de la déclaration est de prévenir un enrichissement « inhabituel » des personnes publiques, entre le début et la fin du mandat.

C’est marrant de voir comment des élus, grands défenseurs de la vidéosurveillance sur le ton du « si vous n’avez rien à vous reproché, vous n’avez pas à avoir de craintes », crient à l’atteinte à la vie privée lorsqu’on leur demande de rendre public l’état de leur patrimoine. Même logique sur les indemnités des élus, le grand absent du projet de loi, quand on sait tous les contrôles opérés sur les revenus et niveau de vie des bénéficiaires des minima sociaux…

On sait très bien qu’une démocratie parfaite, à l’abri de tout conflit d’intérêts et composé d’hommes et de femmes élus vertueux, est une utopie. Le projet de loi du gouvernement ne réglera pas tous les problèmes, pas plus qu’il ne les préviendra. Mais c’est un pas en avant vers un fonctionnement plus transparent et plus honnête de nos institutions politiques.

 

Deux articles complémentaires :

http://lemonde.fr/idees/article/2013/04/16/pour-la-transp...

http://lemonde.fr/idees/article/2013/04/16/rendons-enfin-...

22:52 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : hollande, média

15 avril 2013

Echec du projet d’une collectivité unique d’Alsace

Le 7 avril dernier, les Alsaciens étaient appelés à se prononcer sur le projet de création d’une « collectivité territoriale d’Alsace » fusionnant le conseil régional et les deux conseils généraux. Pour être validé, le projet devait être approuvé par au moins 50 % des électeurs, mais aussi par au moins 25 % des inscrits, et ce dans chacun des deux départements. Les électeurs ont tranché, le projet est rejeté (les électeurs du Bas-Rhin étaient pour, ceux du Haut-Rhin contre).

Les grandes lignes du projet

 

La collectivité territoriale d’Alsace devait exercer l’ensemble des compétences aujourd’hui dévolues aux trois collectivités. Pour faire simple, je résume : l’action économique, la formation professionnelle, les lycées au nom de la région, l’action sociale, le transport interurbain et les collèges au nom des départements.

 

Pour créer des « dynamiques nouvelles », il était envisagé de laisser de nouveaux domaines d’intervention  à la future collectivité unique : l’économie et l’innovation, la coopération transfrontalière, la culture et le patrimoine, la mobilisation des fonds européens, la culture régionale ou le logement et l’habitat.

 

Sur le plan organisationnel, afin de ménager la sensibilité des élus et des territoires, il était prévu que l’assemblée délibérante (l’Assemblée d’Alsace) siégerait à Strasbourg, tandis que le conseil exécutif, élu par l’assemblée et responsable devant elle, serait à Colmar. Le nombre d’élus devait sensiblement baisser.

Les raisons de l’échec

Petite liste non exhaustive des raisons évoquées, ici ou là, pour expliquer le rejet d’une majorité d’électeurs alsaciens, du projet de collectivité unique :

Les sujets institutionnels ne sont jamais très mobilisateurs. Ainsi le référendum national consacrant le passage du septennat au quinquennat n’avait pas mobilisé les foules. Soit le sujet apparait trop technique pour polariser l’opinion, soit le sujet apparait sans enjeux et les électeurs boudent le scrutin.

Porté par les exécutifs locaux (UMP), ce projet a divisé autant la droite locale que le PS, créant beaucoup de dissidence. En outre, il n’a pas reçu le soutien de dirigeants nationaux, tant de l’UMP que du gouvernement (pourtant favorable), contrairement aux tenants du non (visite de Mélenchon et Le Pen).

En même temps, le contexte national (difficultés économiques, inquiétudes sociales, impopularité de l’exécutif,) a sans doute alimenté l’abstention, voir favorisé le non dans les derniers jours (affaire Cahuzac).

Plus localement, alors que de l’extérieur on imagine généralement l’Alsace comme un territoire culturellement homogène, du fait d’une certaine identité régionale, les résultats révèlent finalement une fracture (peut être même une rivalité ?) entre les deux départements.

Un rapport au territoire à repenser

Ce projet d’une collectivité territoriale unique se voulait une réponse au « problème » du mille feuille administratif français. Les porteurs de ce projet profitaient ainsi d’une possibilité ouverte par la réforme territoriale de décembre 2010, qui autorisait le rapprochement voire la fusion de plusieurs (échelons de) collectivités.

J’étais pour ma part favorable à ce projet, moins pour ses prétendues économies que pour la forme de décentralisation qu’elle pouvait représenter. D’autres collectivités (région et départements, départements et communautés urbaines), ayant des projets similaires, étaient très attentives à l’expérience alsacienne. Pas sûr que l’issue du référendum les pousse à continuer.

Il est de bon ton aujourd’hui de taper sur les collectivités locales et en particulier sur le département, appelé à disparaitre au profit des régions d’une part, et des groupements de communes d’autre part. Cela permettrait soit disant de faire des économies et à terme de baisser les impôts locaux. Il faudrait tout simplifier etc. Je m’insurge contre ce genre d’arguments.

Il est tout à fait possible que de telles opérations permettent des économies sur certaines fonctions support (service des marchés, des achats, juridiques, RH) et sur certains frais de représentation (indemnité d’élus, frais de communication…) mais le gros des compétences continuera d’être assuré. On ne licenciera pas le personnel et les dépenses d’intervention seront toujours aussi importantes (voir plus).

Plus important encore, et c’est la leçon du projet alsacien, le Département représente une collectivité de proximité très importante pour les territoires majoritairement ruraux. Leur suppression dans ces zones, généralement touchées par la disparition des services publics (la poste, la trésorerie locale, pôle emploi…), éloignent le centre de décision des citoyens. Ce qui renforce ce sentiment d’abandon politique et de désertification. Ceci d’autant plus lorsqu’il n’y a aucune intercommunalité avec une taille suffisante pour assumer les compétences du Conseil Général.

La décentralisation consiste en un transfert de compétences de l’Etat vers des entités distinctes de lui, les collectivités locales. Jusqu’ici ce transfert a été homogène – petite exception faite pour la Nouvelle-Calédonie, les DOM-TOM et la Corse - et descendant, c'est-à-dire à l’initiative du gouvernement. Ce projet ouvrait la possibilité d’une décentralisation à la carte, en fonction des besoins et des volontés politiques des territoires.

Plutôt que d’imposer a priori et d’en haut l’organisation territoriale décentralisée, il serait intéressant d’adopter la démarche inverse : partir du territoire, de ses besoins, de ses forces, de ses projets, pour définir l’organisation adéquate. La démocratie locale ne peut pas se résumer à une logique de guichet. Autonomie et expérimentation n’exclut pas un contrôle de l’Etat et un cadre juridique minimal commun.

19:00 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0)

23 mars 2013

Réforme des retraites : les points à aborder.

Le sujet a été plusieurs fois abordé ces derniers mois. Le président de la République l’a récemment confirmé. Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault devrait bel et bien engager, au cours de cette année, une réforme de notre système de retraite. Une commission a été mise en place pour dessiner des propositions de réforme. Le rapport est attendu en juin. Les perspectives financières du système de retraite ont été rappelées par le Conseil d’Orientation des Retraites (COR), dans son dernier rapport.

La réforme sera-t-elle paramétrique ou plus globale ? Autrement dit est ce que le gouvernement va plutôt jouer sur certains leviers (durée de cotisation, taux de cotisation, âge légal, montant et conditions des retraites etc.) ou entreprendre une refondation plus en profondeur du système (en allant vers un régime à points…) ? Même si officiellement il n’a pas tranché, le gouvernement semble privilégier la première solution. Il faut dire qu’à l’exception du retour partiel à la retraite à 60 ans, l’exécutif ne s’est pas jamais trop avancé sur le sujet.

Je ne vais certainement pas me prononcer ici sur la pertinence, l’intérêt ou le risque de telle ou telle mesure, de tels ou tels types de réforme. Car au-delà des tendances générales, je n’en ai simplement pas les connaissances requises. Toutefois tout projet de réforme devrait, à mon sens, aborder nécessairement certains points, certains sujets gravitant autour de la question des retraites. Mais au préalable, deux « évidences » devraient être à l’esprit de nos gouvernants et de nos concitoyens.

Deux préalables à rappeler.

Tout d’abord, toute réforme des retraites ne devrait pas être annoncée comme « définitive ». La droite, qui a réformé le système à trois reprises, a souvent annoncé qu’avec les mesures qu’elle adoptait, le système était sauvé. Et quelques années après, le sujet revenait sur la table. Les perspectives du système reposent sur des facteurs trop aléatoires (démographie, espérance de vie, taux de croissance, taux d’emploi de la population), même si des tendances lourdes se dessinent. Le principe d’un rendez-vous triennal/ quadriennal/ quinquennal, pour faire le point et modifier le système à la marge, devrait être retenu et convenu par tous.

Deuxième évidence à rappeler, même si dans les temps qui court cela s’apparente à une chimère, aucune réforme du système des retraites n’est viable sans un retour de la croissance économique. Inutile d’espérer retrouver les 4-5% de croissance des Trente glorieuses. Mais seule la croissance économique, créatrice de richesse et d’emploi, peut garantir la soutenabilité à long terme du système des retraites et viabiliser tout projet de réforme d’ordre paramétrique. En d’autres termes, le seule retour de la croissance ne vaut pas réforme des retraites mais aucune réforme des retraites n’est tenable sans perspectives de croissance viable.

Les chantiers à entreprendre.

L’emploi des seniors.

Depuis vingt ans, et plus encore depuis 2003, les gouvernants s’efforcent d’allonger la durée de cotisation, et par là de retarder l’âge effectif moyen de départ à la retraite. Autrement dit il faut travailler plus longtemps. Les dispositifs qui permettaient un départ anticipé ont été durcis ou supprimés. Résultat, le taux d’emploi des seniors a progressivement augmenté depuis dix ans.

Le problème, c’est qu’à partir de 55-57 ans, retrouver un emploi ou le garder, n’est pas chose facile. Le risque pour les seniors, si on augmente encore la durée de cotisation, c’est de passer les années manquantes au chômage ou au RSA/ASS, ce qui ampute leurs futures retraites (en plus des difficultés présentes). Il faut donc encourager les entreprises à maintenir ces salariés en activité (aménagement du temps de travail, postes adaptés, nouvelles tâches etc.).

L’emploi des jeunes.

De l’autre côté de la chaine, les jeunes rentrent de plus en plus tard sur le marché du travail, en partie en raison de l’allongement des études. Toutefois, malgré des diplômes et des qualifications, l’accès au marché du travail en général et au premier emploi est particulier, relève du parcours du combattant. Le difficile démarrage de la carrière professionnelle n’est pas sans conséquence sur les droits à la retraite future, même si évidemment à cette classe d’âge, la retraite est un sujet bien lointain.

Même si comme pour les seniors, l’amélioration du taux d’activité des jeunes dépend fortement de l’amélioration de la conjoncture économique, des initiatives peuvent améliorer l’accès au marché du travail : développer l’alternance, l’apprentissage, le tutorat (principe du contrat de génération), la transmission d’entreprises, professionnaliser en partie l’enseignement universitaire, cibler les contrats aidés sur les moins qualifiés etc.  

Les conditions de travail et la pénibilité.

Il me semble évident que si l’on demande aux gens de travailler plus longtemps, que ce soit pour assurer le financement du système de retraite « dans l’immédiat » ou pour partager le temps acquis d’espérance de vie, encore faut-il que le travail soit supportable. Même si des progrès ont été enregistrés en matière de conditions de travail, une réflexion doit impérativement s’ouvrir sur le sujet.

Outre la réduction des accidents de travail et des maladies professionnelles, un plan d’action doit être mené sur les conditions de travail (ergonomie et aménagements des postes/ tâches), en particulier dans les secteurs d’activité au travail très physique, même si les métiers plus « intellectuels » (de bureaux) ne doivent pas être oubliés.

Une vraie sécurité sociale professionnelle.

Le projet de sécurité sociale professionnelle a été développé et défendu par plusieurs organisations syndicales dont la CGT et la CFDT. Il part du principe que les droits sociaux doivent être associés non plus à l’emploi occupé mais au salarié, quelque soit les changements qui surviennent au cours de sa carrière professionnelle. Ainsi des droits à la formation continue, acquis dans telle entreprise, devraient pouvoir être transportables dans une autre entreprise, si le salarié est amené à changer d’activité.

Une vraie sécurité sociale professionnelle doit pouvoir mieux armer les salariés contre tous les changements qu’ils subissent tout au long de leur vie professionnelle. La « transportabilité » de droits pourrait ainsi faciliter les mobilités professionnelles ou géographiques, les reconversions professionnelles, mieux couvrir les salariés à temps partiel ou cumulant plusieurs petits boulots. L’accord national de janvier dernier n’en est qu’un prémisse.

17:08 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (1)