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30 juillet 2011

Espagne, vers des législatives anticipées.

J’ai appris hier par la presse que José Luis Rodrigues Zapatero, le Premier ministre espagnol, a décidé d’organiser les élections législatives, pourtant initialement prévues en mars 2012, le 20 novembre prochain. Alors qu’il répétait à l’envie qu’il irait au bout de son mandat, il a fini hier par jeter l’éponge.

Plusieurs raisons viennent expliquer cette décision. Zapatero a anticipé les difficultés à faire voter le prochain budget, vu que les socialistes n’ont qu’une majorité relative. Et dans la perspective quasi certaine de nouvelles mesures d’austérité, il souhaite un Gouvernement et une majorité parlementaire avec une nouvelle légitimité.

Plus officieusement, Zapatero n’a pas voulu faire durer une sorte de cohabitation avec Rubalcaba, son ancien Ministre de l’Intérieur et nouveau candidat tête de liste des socialistes espagnols, qui neutraliserait à la fois l’action du Gouvernement et l’autonomie du candidat. Situation que je jugeais délicate dans ma précédente note.

J’accueille la décision avec agacement et colère. Agacé par le nouveau revirement de Zapatero qui se contredit en quelques mois, et donne l’impression de naviguer à vue. En colère surtout parce que je me rends compte qu’il n’aura jamais su depuis 2004, conduire l’agenda médiatique. Le débat aura été mené par la droite et les média.

Ces derniers ont souhaité, depuis plus d’un an, la tête de Zapatero. Depuis décembre dernier, ils ont poussés Zapatero à afficher ses intentions pour 2012. Et depuis qu’il a annoncé qu’il renonçait à être candidat, le débat s’est centré sur la nécessité d’organiser des élections anticipées. On était plus dans le faut-il mais dans le quand.

Mais au-delà du sort personnel de Zapatero, au final sans grande importance par rapport à celui des 4 millions de chômeurs espagnols, et de ses nombreuses erreurs, ce qui est consternant c’est l’idée qu’il suffirait de le remplacer, par Rubalcaba ou Rajoy, pour que l’Espagne retrouve de la crédibilité et sorte de la crise.

Or on a bien vu avec le Portugal qu’un changement de majorité, pourtant élue sur un vaste programme d’austérité, ne rendait pas un pays plus crédible et plus fiable aux yeux des Agences de notation et des marchés financiers. En réalité, la sortie de crise dépendra de la capacité de l’Europe à aller vers plus d’intégration communautaire.

09 juillet 2011

Le nouveau candidat des socialistes espagnols.

Alfredo_Pérez_Rubalcaba_2010.pngCet après midi, le Parti Socialiste Ouvrier Espagnol (PSOE) a officiellement investi Alfredo Perez Rubalcaba, actuel Ministre de l’Intérieur et Premier Vice-Président du Gouvernement Zapatero, comme le candidat tête de liste des socialistes pour les élections législatives de l’an prochain.

En avril dernier, José Luis Rodrigues Zapatero avait annoncé qu’il ne souhaitait pas briguer un troisième mandat. Ce faisant il espérait pouvoir empêcher, ou tout au moins limiter, une lourde défaite aux élections municipales et dans quelques régions. Il n’en fut rien.

Le prochain candidat tête de liste des socialistes espagnols devait être désigné par la voie d’une primaire interne, comme cela avait été le cas en 1998 pour les législatives de 2000. Rubalcaba et Carme Chacon, la jeune ministre de la Défense, étaient vu comme les favoris.

Mais au nom de l’unité du parti, Chacon a renoncé à se présenter à la primaire. Et le seuil de parrainages, excessivement élevé, n’a pas permis à d’autres candidats de se confronter à Rubalcaba, seul candidat déclaré. La primaire a donc été annulée, et Rubalcaba officiellement investi.

Son discours d’investiture est l’occasion d’en savoir plus sur les grandes lignes du projet politique de cet ancien coureur de fond, débateur craint et réputé, homme sobre mais respecté, déjà ministre dans les gouvernements de Felipe Gonzalez et pilier de ceux de Zapatero.

Ses grandes priorités sont donc l’emploi, la santé et la compétitivité de l’économie, l’égalité des chances et l’approfondissement de la démocratie. Il réaffirme le droit au volontarisme politique face aux marchés. Il prévient toutefois qu’il ne s’engagera pas sur des promesses qu’il sait ne pas pouvoir tenir.

Il souhaite une contribution sur les bénéfices des banques au profit d’un fond pour l’emploi et la reconversion de l’économie (formation, développement durable, services à la personne). Il s’engage à rétablir l’impôt sur le patrimoine, supprimé en 2007, en le ciblant sur les très hauts revenus. Il promet une réforme de la loi électorale en s’inspirant du modèle allemand. Il veut défendre la santé publique.

En réhabilitant l’impôt (sur le patrimoine, sur le bénéfice des banques ou les transactions financières) et la redistribution (éducation, formation, santé, famille), Rubalcaba revient aux fondamentaux sociaux-démocrates. Et ses engagements sur la loi électorale ou les comportements politiques sont une manière de répondre aux revendications des Indignés.

Il reste que la position de Rubalcaba n’est pas des plus aisées. Les socialistes sont largement devancés par la droite, dans les intentions de vote à moins d’un an des élections. Il est politiquement lié au bilan du gouvernement Zapatero, y compris les mesures liées au tournant de la rigueur adoptées en mai 2010, et le revendique.

Toute la difficulté va être pour lui de marquer ses distances avec Zapatero tout en le soutenant jusqu’au bout, et de dessiner une sorte d’alternative tout en gardant à l’esprit l’étroitesse des marges de manœuvres et la présence de menaces financières réelles.

03 avril 2011

Zapatero ne sera pas candidat en 2012

C’est maintenant officiel. Un peu moins d’un an avant les prochaines élections législatives en Espagne, José-Luis Rodriguez Zapatero vient d’annoncer qu’il ne souhaitait pas concourir pour un troisième mandat.

Depuis quelques mois déjà, la question parasitait l’actualité politique espagnole. Les média pressaient le Président du Gouvernement de clarifier sa position pour 2012 et spéculaient déjà sur le nom du successeur.

Il faut dire que les sondages révélaient une différence significative d’intentions de vote selon que le leadership socialiste pour 2012 soit assuré par Zapatero ou par Rubalcaba, Ministre de l’Intérieur et premier vice-président du gouvernement.

Le PSOE va donc se consacrer à la préparation et à l’organisation de primaires (internes) de désignation dans les mois qui viennent, une fois passées les élections municipales de mai prochain.

Autant dire que Zapatero paye lourdement les effets de la crise (taux de chômage de 20%, un jeune sur quatre sans emploi), et sa gestion « brouillonne » (déni de crise, passage soudain d’une politique keynésienne à une politique d’austérité).

Les législatures se suivent et ne se ressemblent pas : Zapatero aura connu la période la plus faste de l’Espagne de l’ère démocratique puis aura eu à gérer la pire crise économique et financière des trente dernières années.

Son œuvre législative aura été importante : loi sur la mémoire historique, loi sur le mariage homosexuel et l’homoparentalité, loi sur la dépendance, la réforme territoriale, la revalorisation des retraites, la réduction de l’emploi temporaire, le développement des énergies renouvelables etc.

Le sacrifice politique de Zapatero va peut être sauvé les socialistes aux municipales mais je crois très peu à un sursaut d’ici l’an prochain. Les deux favoris à sa succession (Rubalcaba et Chacon, la jeune ministre de la Défense) auront bien du mal à se distinguer de Zapatero, aux côtés desquels ils ont été ministre.

Toutefois, si la situation économique s’améliore et que la pression financière sur l’Espagne se relâche, les socialistes peuvent espérer l’emporter l’an prochain. A condition qu’ils puissent se réinventer, ce qui n’est pas évident après huit ans aux responsabilités.

L’annonce m’a surpris. J’étais persuadé qu’il se représenterait, en dépit des difficultés. J’ai beaucoup de sympathie pour le bonhomme étant donné que je suis devenu sympathisant socialiste alors qu’il arrivait au pouvoir. Il représentait le retour de la gauche en Europe.

Je l’ai vu en meeting à Toulouse pour les européennes de 2004 et à Barcelone pour les municipales de 2007. Il ne m’est jamais apparu comme un grand orateur mais avec son style bien à lui, il savait habilement concilier valeurs de gauche, propositions et bilan de ses actions.

Alors qu’en France les socialistes s’enfermaient dans l’opposition, sans leader et sans projet mobilisateur, les socialistes espagnols donnaient l’image d’une gauche qui gagne, sachant concilier développement économique et redistribution sociale. Entre temps la crise est arrivée et ils n’ont pas pu échappés à l’austérité.

07 février 2011

Non au budgétarisme constitutionnel

Le rôle assigné à la dépense publique comme son impact sur l’activité économique est de ces sempiternelles controverses qui opposent les économistes entre eux, mais aussi les politiques, dès lors qu’on aborde la question de la dette publique.

Conceptualisé par l’économiste néolibéral James Buchanan, le budgétarisme constitutionnel consiste à l’adoption d’une règle à valeur constitutionnelle destiné à interdire, ou restreindre fortement tout au moins, le recours au déficit budgétaire.

Bayrou proposait une réforme de la Constitution en ce sens en 2007. En 2008, l’Allemagne a adopté une règle budgétaire constitutionnelle visant à plafonner le déficit structurel du gouvernement fédéral à 0,35% du PIB à partir de 2016 et ceux des Länder à partir de 2020.

Face au risque d’une crise des finances publiques en Europe, l’Allemagne suggère dans son « Pacte de compétitivité » l’adoption, par les autres Etats-membres de l’UE, d’une norme similaire. Sarkozy va dans ce sens et y travaille. Zapatero commence à en parler en Espagne.

L’idée c’est qu’en adoptant une telle norme, les gouvernements envoient un signal aux acteurs économiques (ménages, investisseurs institutionnels), pour les rassurer sur les engagements financiers de l’Etat, et par voie de conséquence, changer leurs comportements économiques.

Selon la théorie des anticipations rationnelles, les ménages seraient sensibles au niveau de dette publique. Plus la dette est importante, et plus l’effort fiscal/  budgétaire, pesant sur les ménages, pour la réduire sera important. En conséquence, les ménages épargneraient pour faire face aux ajustements futurs.

Les marchés financiers financent les émissions d’obligations des Etats, c'est-à-dire l’endettement public. Or plus la dette initiale est élevée et plus la dynamique de la dette nouvelle est importante, moins l’Etat apparait en mesure de faire face à ses engagements présents et à venir. Il en résulte une hausse des taux d’intérêt sur la dette, ce qui renchérit son coût.

Par ailleurs, en contraignant les Etats à mener des politiques budgétaires restrictives, l’idée est de stabiliser la politique économique dans le temps, et donc de faciliter les choix économiques des agents. Ce faisant on s’inspire des politiques monétaires de ciblage d’inflation menée par les Banques centrales à partir des années 80.

Pourtant, si la réduction des déficits publics est un objectif louable, je ne suis pas certain qu’un tel instrument soit pertinent. Avec le « Pacte de stabilité » (déficit limité à 3% du PIB), l’Europe a déjà adopté une norme de contrainte budgétaire, avec des résultats décevants pour la période 2002-2008.

Quand bien même la norme allemande distingue « déficit structurel », résultat de choix politiques et « déficit conjoncturel », dépendant de la situation économique du moment, une telle norme conduira in fine à des ajustements de grandes ampleurs, indépendamment de la conjoncture. Les plans de rigueur adoptés en Europe en ce moment, en pleine période de reprise fragile, risquent de retarder la sortie de crise.

Le déficit public permet un lissage des à-coups de la conjoncture économique et la réalisation d’investissements de moyen/long termes (le grand emprunt). Interdire les déficits risque d’enfermer la politique budgétaire de l’Etat dans une logique pro-cyclique et sur un horizon de court terme, affaiblissant le potentiel de croissance à moyen/long terme.

On ne sait pas encore très bien si cette norme s’appliquerait à l’ensemble des comptes publics (Etats, collectivité locales et organismes de sécurité sociale) ou seul le budget de l’Etat. Dans le cadre du financement de la sécurité sociale, interdire le recours à l’emprunt obligerait donc à stopper les dépenses de santé. La régulation du système de santé se ferait, comme en Angleterre, par la constitution de listes d’attentes.

Le budget des collectivités locales est régi par une norme semblable. Elles ne peuvent s’endetter que pour financer des investissements. Mais il s’agit là moins d’investissements économiques que d’investissements patrimoniaux (genre piscine, complexe sportif etc.) qui engendrent par ailleurs des coûts de fonctionnement. Autrement dit, chercher à distinguer dépenses de fonctionnement et dépenses d’investissements est assez complexe.

S’attaquer à la question du déficit et de la dette ne peut passer par l’établissement d’une ou plusieurs normes interdisant ou encadrant les déficits. On sait très bien qu’à chaque règle se trouve une exception. Des pays ont montré qu’il était possible de réduire le niveau d’endettement sans s’enfermer dans une logique court-termiste et/ ou une contrainte constitutionnelle.

Pour réduire leur niveau d’endettement sans compromettre leur potentiel de croissance à venir, l’Union européenne aurait intérêt à se doter des ressources propres et/ou d’une capacité d’emprunt afin de financer les investissements communautaires porteurs (recherche publique, universités, secteurs en devenir) pendant que les Etats (une partie d’entre eux) réduiraient leurs déficits publics.

20 octobre 2010

La politique économique de Zapatero 2004-2010

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Suite aux élections générales de mars 2004, et après huit ans d’opposition, les socialistes espagnols reviennent aux responsabilités. Leur jeune leader, José-Luis Rodriguez Zapatero, encore inconnu en 2000 lorsqu’il accède au Secrétariat Général du PSOE, devient le nouveau Président du Gouvernement.

Depuis la reprise mondiale initiée en 1994, l’Espagne est en plein boom économique. En quelques années, le chômage enregistre une décrue exceptionnelle en passant de 24% - un des plus forts taux de chômage de l’UE-15 - à 12%. Sous l’effet conjugué d’une politique budgétaire restrictive, d’une forte activité et d’un abaissement des taux d’intérêt à long terme, les comptes publics se redressent.

Respectant les critères de Maastricht, l’Espagne rejoint les pays en situation d’adopter l’euro. Le dynamisme de son économie en fait un exemple d’intégration européenne réussie et confirme l’utilité des fonds structurels européens. Pendant près d’une décennie, on cite l’Espagne parmi les « bons élèves » de la classe européenne.

En promettant « le changement tranquille », Zapatero donne le ton de sa politique générale et la méthode de son gouvernement. Sur le plan économique, le gouvernement entend allier dynamisme économique et redistribution sociale. Sur le plan de la méthode, le gouvernement veut impliquer les partenaires sociaux sur tout projet de réformes économiques et sociales d’une part, et négocier avec l’ensemble des partis politiques d’autre part (il n’a qu’une majorité relative).

Le socialisme de Zapatero s’inscrit dans la lignée de la social-démocratie rénovée des années quatre-vingt-dix. Dans un discours prononcé en septembre 2005 à l’occasion d’un colloque sur les politiques progressistes à Londres, il assigne trois objectifs à celles-ci : une plus grande flexibilité des marchés (des biens et services, du travail), un Etat (social) plus dynamique et une meilleure coopération dans la mondialisation.

Mais l’activité économique étant par nature cyclique – les phases de croissance et de ralentissement, d’inégales intensités, se succèdent à intervalles irréguliers – elle commande aux pouvoirs publics d’intervenir à court terme (politique conjoncturelle) et moyen/long terme (politique structurelle). La politique économique d’un Etat n’est jamais seulement déterminée par l’orientation politique des gouvernements en place. Ces derniers doivent nécessairement faire preuve de pragmatisme.

Le pragmatisme étant ici entendu comme le fait de conditionner un type d’actions à une observation et analyse préalable des faits et réalités économiques du moment, on peut distinguer trois périodes dans la politique économique menée par Zapatero depuis 2004, correspondant chacune à une phase économique donnée. Nous allons maintenant analyser plus en détail ces trois phases.

*

2004-2008 : L’expansion. Une politique de redistribution.

Pendant plus d’une décennie, le « miracle » économique espagnol va reposer de fait sur le dynamisme (cumulatif) de quelques secteurs clés : le secteur bancaire et l’accès facile au crédit d’abord, les secteurs de l’immobilier et de la construction ensuite, le secteur du tourisme enfin.

En conséquence de l’adoption de l’Acte unique européen par lequel elle adhère aux Communautés européennes, puis du Traité de Maastricht qui ouvre la voie à l’union économique et monétaire, l’Espagne a entrepris au début des années 90 une restructuration de son secteur bancaire. L’accès au crédit (à la consommation puis immobilier) s’en est trouvé grandement facilité, au profit de l’activité économique.

Le secteur immobilier espagnol (1), et indirectement le secteur de la construction, a bénéficié de l’accès facile au crédit (prêt à taux variable, très attractifs lorsque le taux d’intérêt directeur de la BCE diminue), de la culture patrimoniale des espagnols (l’accès à la propriété constitue le premier pas de l’indépendance des jeunes) et de la spéculation immobilière (le bétonnage des côtes espagnoles en a montré les limites).

Depuis l’accueil des Jeux Olympiques à Barcelone et de l’Exposition Universelle à Séville en 1992, l’image internationale de l’Espagne a profondément changée. Elle a longuement capitalisée sur le slogan « España es diferente » (L’Espagne est différente), sur sa monnaie assez bon marché et ses liens avec l’Amérique latine d’une part, et le pays du Maghreb d’autre part, sources majeures d’immigration.

Dans ce contexte d’économie qui tourne à plein régime – on parle presque alors de surchauffe – la politique économique des socialistes espagnols s’est centrée sur la logique de redistribution :

La redistribution salariale : hausse du SMIC et rôle des négociations collectives.

Laissé à un niveau pratiquement inchangé depuis l’an 2000, le salaire minimum interprofessionnel est passé, sous le premier gouvernement Zapatero, de 460, 50 euros par mois en 2004 à 600 euros en 2008 (il est de 633,30 euros en 2010). Mais en pratique le salaire minimum concerne seulement 3% des salariés espagnols.

A travers les accords nationaux interprofessionnels, la négociation collective a contribué entre 2002 et 2006 (données non trouvées pour la suite) à une amélioration du pouvoir d’achat des salaires de 2,5% par rapport à l’inflation moyenne sur la même période. Toutefois la modération salariale reste de mise.

La redistribution sociale : une protection sociale plus étendue.

Pour soulager les personnes âgées dépendantes et leurs familles, le gouvernement a mis en place un « Plan Dépendance », en partie financé par l’Etat et géré par les Communautés autonomes. Il concernerait 1,2 millions de personnes.

Chaque année pendant quatre ans, le gouvernement socialiste a augmenté le minimum retraite plus que le niveau d’inflation en vigueur, ce qui a amélioré le pouvoir d’achat de plus de 3 millions de retraités.

Une réforme du marché du travail a permis la réduction de 2,5 points du nombre de salariés occupant un emploi à durée déterminée, par l’extension réglementaire des contrats à durée indéterminée. Les indépendants obtiennent les mêmes droits et protections que les salariés.

Pour tout nouveau né, le gouvernement a crée une aide ponctuelle de 2500 euros. Mais le service de la petite enfance est resté sous développé.

La redistribution budgétaire : désendettement et investissement public.

Grâce au retour de la croissance à un rythme élevé et à l’abaissement de la contrainte financière pesant sur l’émission de dette publique avec l’arrivée de l’euro (2), l’Espagne a su réduire sa dette publique (elle représentait en 2008 un peu plus de 30% du PIB) et dégager quelques surplus budgétaires (de 0,5 à 2%).

Conscient des limites du modèle productif espagnol en termes de productivité et de compétitivité, le gouvernement Zapatero s’est employé à augmenter la part des dépenses publiques consacrée à l’éducation, à la recherche et développement (R&D) et aux économies d’énergie, trois secteurs clés pour l’économie de la connaissance.

La gratuité de l’éducation a été votée pour les enfants âgés de 3 à 6 ans et l’accès aux bourses, élargi. L’effort en matière de R&D, regroupé autour d’un Plan Ingénieur 2010, est passé de 2,9 à 7,7 milliards d’euros en quatre ans. Enfin, en matière d’énergie éolienne (qui représenterait 9% de l’énergie consommée), l’Espagne est devenue le leader mondial.

La redistribution fiscale : une baisse des impôts pour les ménages et les entreprises

En conséquence d’une amélioration de l’état des finances publiques, les socialistes espagnols ont pu entreprendre de vastes baisses d’impôts au bénéficie des ménages et des entreprises.

Ainsi, les ménages qui gagnaient moins de 18 000 euros par an ont bénéficié d’une réduction de 17% sur l’impôt sur le revenu. Environ 1,3 millions de personnes à faibles revenus ont cessés de s’acquitter de l’impôt sur le revenu.

Pour les plus aisés, le gouvernement Zapatero a supprimé en fin de législature,  l’impôt sur la fortune. Et pour les entreprises, le taux de l’impôt sur les sociétés a été ramené de 35 à 30% et celui des PME de 25 à 20%.

Mais en dépit des baisses d’impôts, la pression fiscale a augmenté de 34,5 à 35,5% du seul fait de la hausse de la population activité occupée et les répercutions qu’elle implique en matière d’impôts directs (IRPP et cotisations) et indirects (TVA).

*

2008-2009 : La crise. Une politique de relance.

Durant l’été 2007, la crise des subprimes éclate aux Etats-Unis. Elle se propage petit à petit à l’ensemble du système financier international et sonne la fin du boom immobilier d’abord et du crédit facile ensuite. Les actifs toxiques se révèlent progressivement parmi le bilan des banques, les exposants à des risques de liquidité.

En Espagne, la croissance commence à s’essouffler et le chômage repart à la hausse. La situation économique anime une partie des débats à l’occasion des élections législatives en mars 2008. Mais l’exécutif socialiste récuse pendant plusieurs mois le terme de crise, qualifiant le ralentissement économie de simple décélération. De fait la réponse politique à la crise économique alors naissante a été très tardive.

Dans la mesure où l’économie repose sur une composante psychologique, un gouvernement se doit d’user avec modération de sa communication. Il ne doit apparaitre ni trop optimiste, au risque de perdre en crédibilité si l’écart entre l’affichage et la réalité devient trop important, ni trop critique, au risque d’augmenter le doute et l’anxiété. Ceci peut expliquer le refus de dramatiser la situation.

Le manque de réactivité politique peut aussi s’expliquer par la mauvaise appréciation de la crise d’origine américaine. En la cantonnant à une stricte dimension financière, le gouvernement espagnol s’est reposé sur la solidité de son système bancaire pour écarter toute hypothèse de récession. En effet, les règles prudentielles du système espagnol le mettent à l’abri d’une crise de liquidité.

Après la faillite de Lehman-Brothers en septembre et le G20 de Washington auquel a participé l’Espagne, le gouvernement socialiste présente le « Plan Espagnol pour la stimulation de l’économie et de l’emploi » (dit Plan E), censé couvrir les années 2009 et 2010. L’effort budgétaire déployé s’élève à 10,8 points de PIB, soit  le plus important réalisé dans la zone euro, et s’organise en trois axes.

Aides aux ménages et entreprises : soutenir la consommation et l’investissement.

Le développement en Espagne du crédit immobilier à taux variable rend vulnérable les ménages à toute remontée des taux d’intérêts (4). Celle-ci contraint les ménages à consacrer une plus grosse part de leur revenu à rembourser leur prêt immobilier, ce qui pénalise au final la consommation. Afin d’aider les familles à faibles revenus ou ayant perdu leur emploi, le gouvernement a mis sur pied un moratoire partiel des hypothèques (jusqu’à 50% de celles-ci pendant deux ans).

En complément de certaines baisses d’impôts (400 euros pour l’IRPP) intervenues en 2008, le gouvernement a prévu des déductions fiscales pour les familles à faibles revenus. Celles-ci commenceront à recevoir le montant à déduire dans l’IRPP de 2009 par l’intermédiaire d’une baisse mensuelle des rétentions. Trois millions de contribuables sont concernés par cette mesure.

Les PME se voient obtenir un meilleur accès aux financements. L’Institut de Crédit Officiel à destination des PME (ICO-PYME) voit ses capacités augmenter de 3000 millions en 2008 et de 10000 millions en 2009. Les PME pourront bénéficier de ces financement à condition d’y consacrer 60% pour de nouveaux investissements. Les PME amortissant un crédit ICO pourront bénéficier d’un moratoire d’un an pour le paiement du crédit.

Aides à l’emploi : encourager l’embauche, soutenir certains secteurs.

Afin d’encourager l’embauche, le gouvernement a promis une ristourne de 1500 euros annuels sur les cotisations sociales pour toute entreprise qui signerait un contrat stable avec des chômeurs avec d’importantes charges familiales. Les chômeurs souhaitant monter leur entreprise pourront quant à eux recevoir d’un trait 60% de leurs allocations chômage.

Un Fond d’investissement public local doté de 8 000 millions d’euros a été crée afin de financer des ouvrages publics des collectivités locales en matière de construction et aménagement d’espaces publics urbains, de bâtiments publics ou de promotion industrielle, de bâtiments sanitaires, éducatifs ou sportifs, ou d’ouvrages publics.

Enfin, des mesures spécifiques ont été arrêtées dans les secteurs automobiles, de la formation des salariés et l’environnement. Ainsi, comme en France, le secteur automobile reçoit des aides en vue de maintenir l’emploi à court terme, et d’améliorer la compétitivité et l’innovation du secteur (voiture électrique) à long terme.

Aides au système financier : éviter la crise systémique.

Les actions de cette partie du « Plan E » correspondent grosso modo aux mesures retenues et concertées au niveau européen. Les gouvernements doivent garantir le passif des banques en cas de risque de solvabilité.

Les principales mesures de soutien au système financier sont les suivantes :

-      La création d’un Fond pour l’acquisition d’actifs financiers auprès des banques et des caisses d’épargnes (très nombreuses en Espagne)

-      Les nouvelles émissions de dettes des institutions financières sont garanties

-      Les dépôts bancaires sont davantage garantis.

En dépit d’un effort budgétaire conséquent, le plan de relance ne permet pas à l’Espagne de sortir de la récession. Le taux de chômage, qui avait déjà augmenté de 7,6 points entre mai 2008 et avril 2009 (contre 1,9 point pour la zone euro), atteint les 20% fin 2009.

Les destructions d’emplois continuent dans les secteurs de la construction et des industries. La demande interne est complètement déprimée : baisse de la consommation du fait du chômage et du resserrement du crédit, report des investissements privés du fait de la conjoncture, faiblesse des exportations du fait d’un manque de compétitivité et de la hausse de l’euro.

*

2010 : Le tournant de la rigueur. Une politique d’austérité.

Après un changement de gouvernement intervenu en avril 2009, Zapatero présente en décembre au Parlement un projet de loi intitulé « loi pour l’économie durable ». Il s’agit moins d’un second plan de relance que de réformes d’ordres structurelles. Celles-ci concernent la Justice, l’Administration, le système bancaire, la lutte contre la fraude fiscale, l’innovation, l’environnement, la politique industrielle, l’éducation, la santé et la protection sociale.

Le projet s’apparente à une forme de révision générale des politiques publiques dont l’objectif final est de réorienter l’écosystème de croissance espagnol sur les secteurs à haute valeur ajoutée (NTIC, bio et nanotechnologies) et la croissance verte (4). Cela passe par une réforme de l’environnement juridique, social et fiscal d’une part, et un effort en termes d’investissements (d’innovation, de production, de formation du personnel) d’autre part.

Mais l’irruption de la crise grecque au premier semestre 2010 a conduit l’Europe à adopter dans l’urgence des politiques de réductions des déficits publics, au risque de pénaliser la timide reprise de l’activité. Les principales Agences de notation ayant baissé la note de solidité financière de l’Espagne (elle est passée d’AAA à AA), renchérissant ses nouvelles émissions obligataires et donc le coût de l’endettement, le gouvernement Zapatero a annoncé le 12 mai dernier, l’adoption d’un vaste plan de rigueur.

Il convient de préciser que l’appréciation des Agences des notations sur la solvabilité d’un pays ne porte pas exclusivement sur l’état de ses finances publiques. Sur ce seul sujet, en dépit d’une augmentation rapide de sa quantité de dette publique (+ 20 points en trois ans), l’Espagne reste en meilleure posture que la France, l’Italie ou le Royaume-Uni. En réalité, les doutes sur la solvabilité de l’économie espagnole porte sur le montant de la dette privée (ménages et entreprises).

Afin de rassurer les Agences de notation et les institutions communautaires (Commission, Ecofin), le gouvernement Zapatero s’est donc engagé à ramener le déficit public de à 11,2% à 9,8% du PIB dès cette année, soit un effort budgétaire de 15 milliards d’euros sur deux ans. Le plan de rigueur s’accompagne d’une réforme du marché du travail visant à plus de flexibilité.

Réduction drastique des dépenses publiques.

Traditionnellement, on définit les dépenses publiques comme la somme des dépenses d’investissements, des dépenses de fonctionnement, des dépenses en personnel et des dépenses sociales. Le gouvernement socialiste a souhaité agir sur chaque levier de dépenses.

Le traitement des agents publics est réduit en moyenne de 5% (l’effort demandé étant proportionnel aux revenus.), en contradiction de l’accord signé l’année d’avant avec les partenaires sociaux. Le gouvernement entend montrer l’exemple en diminuant de 15% le traitement de chaque ministre.

Les dépenses d’investissements publics sont réduites de 6 milliards d’euros entre 2010 et 2011. Les collectivités locales n’échappent pas à l’effort collectif puisqu’il leur est demandé d’économiser 1,2 milliards d’euros. Enfin, l’aide au développement, fortement augmenté sous la précédente législature, est amputé de 600 millions d’euros.

En matière de dépenses sociales, le remboursement des médicaments sera moins bien assuré et l’aide dont bénéficiaient les personnes dépendantes sera moins généreuse (fin de la rétroactivité des droits). Enfin, à l’exception des retraites non contributives et des retraites minima, les pensions ne seront pas revalorisées.

Relèvement des prélèvements obligatoires.

Le gouvernement revient sur une partie des baisses d’impôts qu’il a réalisé les années précédentes. Ainsi, le « chèque-bébé » de 2500 euros par nouveau né est supprimé. Il en va de même de la réduction de 400 euros sur l’IRPP mis en place durant l’année 2008, à l’exception des plus bas revenus.

Le taux de l’IRPP pour les plus gros revenus sera augmenté dans le budget 2011 quand la fiscalité sur l’épargne est sensiblement modifiée, et la déduction fiscale pour l’achat d’un logement, supprimé.

La fiscalité indirecte ayant la vertu d’être politiquement indolore et financièrement intéressante pour l’Etat, les taux normal et réduit de TVA ont été relevés au 1er juillet 2010.

Petite exception dans cette tendance à la hausse des prélèvements obligatoires, le taux de l’impôt sur les sociétés est à nouveau réduit pour les PME qui maintiennent ou créent des emplois.

Réforme du marché du travail et du système de retraite.

Le marché du travail espagnol se caractérise par une forte dualité entre des emplois stables (CDI) et des emplois temporaires (CDD). Les réformes de 1988 avec Felipe Gonzalez et de 2002 avec Aznar ont semble-t-il largement facilité le recours aux CDD et autres contrats dérogatoires (manque d’informations à ce sujet).

Mais le marché du travail semble également marqué par une flexibilité asymétrique : le marché apparait plus réactif à la baisse de l’activité économique qu’à la reprise. Autrement dit, lorsque l’activité diminue cela se traduit rapidement par du chômage supplémentaire, mais lorsque la croissance reprend, la création d’emploi tarde à venir.

Ce sont ces deux caractéristiques que le gouvernement Zapatero a souhaité réviser en soumettant le sujet à la négociation des partenaires sociaux :

Pour limiter le recours aux licenciements, le gouvernement souhaite importer le modèle allemand de réduction du temps de travail : au lieu de licencier lorsque l’activité diminue, l’entreprise a la possibilité de réduire le temps de travail de ses salariés, dont le différentiel de salaire est pris en charge par les pouvoirs publics.

Mais le vrai sujet de discorde à l’origine de la rupture entre le gouvernement et les syndicats (5) est l’adoption par la loi de la réduction de l’indemnité de licenciement auquel à droit tout salarié, au prorata de sa durée d’activité dans l’entreprise. C’était une revendication du patronat espagnol depuis le début de la crise. La réforme est entrée en vigueur récemment.

La réforme du système de retraite n’est qu’un projet à l’heure actuelle. L’âge légal de départ à la retraite à taux plein est de 65 ans. La durée de cotisation est de 15 ans minimum et de 35 ans pour une retraite à taux plein. Le gouvernement souhaite relever l’âge minimum à 67 ans et augmenter le nombre d’années minimum de cotisation à 25 ans.

Il est à noter que l’Espagne a un des plus faibles taux de fécondité de l’Union européenne, ce qui laisse supposer à moyen/long terme un plus lourd déséquilibre démographique qu’ailleurs. Toutefois l’Espagne, à l’image d’autres pays, dispose d’un Fond de réserve des retraites bien mieux doté qu’en France.

Dernièrement, parce que moins exposé à la pression des marchés, le gouvernement a souhaité assouplir – très marginalement ceci dit – le plan de rigueur présenté en mai dernier. Ainsi les investissements publics (grands travaux essentiellement) seront un peu moins touchés par les coupes budgétaires que ce qui était prévu jusqu’ici.

Notes :

(1) En 2005, on comptabilisait plus de lancements de constructions de logements (souvent des maisons secondaires) en Espagne qu’en France, Allemagne et Grande-Bretagne réunies.

(2) Depuis la création de l’euro et jusqu’à cette année, et par ailleurs sous l’effet du Pacte de Solidarité et de Croissance qui garantie une relative convergence dans la trajectoire des finances publiques des Etats membres, de nombreux Etats ont bénéficiés de la faible prime de risque de l’Allemagne pour s’endetter à un taux d’intérêt très intéressant.

(3) Entre 2005 et juillet 2008, le taux directeur de la BCE a été relevé de 2 points. Avec la crise, la BCE a assouplie sa politique monétaire. Le taux est redescendu à 1%.

(4) Sur ce dernier point, un Fond d’économie durable a été crée. Doté de 20 milliards d’euros pour la période 2010 -2011, il doit financer les dépenses R&D, l’innovation, et le fond public pour achat de crédit carbone.

(5) Marqué par le divorce survenu en 1988 entre les syndicats (UGT en tête, proche des socialistes) et Felipe Gonzalez (alors Président du Gouvernement), Zapatero (jeune député à l’époque) a toujours cherché l’appui des syndicats dans les réformes qu’il a mené depuis son arrivé au pouvoir.

Sources: 

-      A more dynamic welfare state for a more dynamic Europe, JL.R. Zapatero

-      Examen a Zapatero, Philip Pettit

-      Spanish Steps : Zapatero and the Second Transition in Spain, David Mathieson

-      Pourquoi il faut partager les revenus, Patrick Artus, Marie-Paule Virard

-      Plan Español para el estimulo de la economia y del empleo