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21 mai 2009

La Guerre d'Espagne et son oublie

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Là où l’histoire s'appuie sur la connaissance du passé, la mémoire renvoie au souvenir. Avec le temps, le souvenir se détériore et se perd. Le sens du souvenir échappe aux générations futures, à qui les survivants s'efforcent pourtant de transmettre leur mémoire. L'histoire est un discours scientifique que des moyens officiels s'efforcent souvent de soutenir. Si l'historien oriente son travail, le discours officiel tend alors à supplanter la mémoire. Si la mémoire s'efface, si l'histoire réécrit, les traces  s'estompent  alors dans un silence honteux. C’est un peu ce qui se passe avec la Guerre Civile espagnole. C'est quasiment dans l'indifférence que se commémorent en 2009 les soixante-dix ans de sa conclusion. Rappelons les faits.


Le 14 avril 1931, l’Espagne rompt avec le régime monarchique et épouse, pour la deuxième fois de son histoire, la République. La Gauche entreprend de grandes réformes sociales (en matière d’éducation, de laïcité, de répartition des terres etc.) qui sont stoppées par la Droite lorsque elle arrive aux affaires. L’époque est marquée par l’instabilité des gouvernements et la multiplication des mouvements sociaux. Les élections générales de février 1936 voient la victoire du Frente Popular (Front Populaire), qui rassemble les forces de gauche, avec le soutien électoral des anarchistes et du syndicat socialiste UGT. Mais le 17 juillet, de la même année, un groupe de généraux, Franco en tête, font un Pronunciamiento et déclare « l’état de guerre ».


S’ensuit alors une guerre civile qui va durer trois ans et causer entre 380 000 et 450 000 morts. Le pays se trouve divisé entre le camp national et le camp républicain. Sous l’égide de Franco, le Mouvement National rassemble la haute bourgeoisie espagnole, l’Eglise catholique (le Pape Pie XI soutient le coup d’Etat), les monarchistes, les militaires conservateurs et les mouvements fascistes tels que la Phalange). Le camp républicain regroupe les modérés, les socialistes, les communistes (PCE, POUM), les mouvances anarchistes (CNT).


La Guerre d’Espagne prend très vite une dimension internationale. Franco reçoit le soutien militaire et politique de l’Allemagne nazie et de l’Italie fasciste. La République espagnole, abandonnée à son triste sort par la France et la Grande Bretagne qui proclament leur neutralité, pourra compter sur l’aide, tardive, de l’URSS et le renfort des Brigades Internationales, corps de combattants volontaires (dans lesquels on retrouve Malraux, Hemingway, Orwell etc.). La division du camp républicain et l’inégal rapport de forces scelle le destin de l’Espagne républicaine : le 1er avril 1939, Franco décrète la fin de la guerre. La dictature franquiste s’installe. Des milliers de combattants prennent le chemin de l’Exil.


Trente ans après le retour de la démocratie en Espagne, les espagnols ne se sont pas encore réconciliés avec leur passé. La Guerre civile et les méfaits de la dictature franquiste restent un sujet tabou. Pour autant le gouvernement socialiste de José Luis Zapatero, lui même petit fils de républicain, a fait adopter la Loi sur la Mémoire historique visant à indemniser les victimes et rétablir une certaine vérité sur cette période. Reste malgré tout l’épineux problème des fosses communes où restent enterrés des milliers d’espagnols.


NB: Ceci est une version provisoire à destination du journal de ma section socialiste. Il y a des chances que le texte soit simplifié par manque de place. Mais pour la version internet, j'espère trouver l'inspiration pour étoffer davantage les propos. Il y a quand meme pas mal de choses à dire...

http://www.lasonet.com/republica.htm

http://www.guerracivil1936.galeon.com/

18 avril 2009

Changement de gouvernement en Espagne

 

L’actualité espagnole a été marquée la semaine dernière par un fait politique majeur : un changement de gouvernement. Tout juste un an après les élections générales, où les socialistes étaient reconduits à la majorité relative, José Luis Rodriguez Zapatero, Président du Gouvernement, a présenté la composition de son nouveau gouvernement, le troisième qu’il dirige depuis son arrivée en 2004 à La Moncloa, le Matignon espagnol.

En pratique, le changement de gouvernement a d’abord conduit à une réorganisation des compétences des 14 (ou 16) ministères puis à la composition d’une nouvelle équipe. Du côté de la répartition des compétences, il faut noter la création d’une troisième vice-présidence, dédiée aux politiques territoriales ; le rattachement des Universités au Ministère de l’Education alors qu’elles avaient été séparés de ce dernier ; la prise en charge des services sociaux par le Ministère de la Santé, ce qui constitue le troisième ministère à prendre en charge ces fonctions en cinq ans ; et enfin l’adhésion de la Fonction Publique et le Conseil Supérieur du Sport aux services de la Présidence.

Côté casting, José Luis Zapatero a introduit six nouveaux ministres et changé de place à aux moins deux ministres. La relève la plus marquante reste celle de Pedro Solbes, deuxième vice-président, en charge de l’économie et des finances, par Elena Salgado, qui occupait jusque là le Ministère des Administrations Publiques, et qui devient la première femme à occuper le poste de grand argentier. Solbes, qui avait accepté en 2008 de rester au gouvernement à condition de ne pas faire toute la législature (quatre ans), reste le symbole d'une gestion socialiste de l'économie à la fois austère, modeste mais capable d'alimenter la croissance.

Parmi les nouveaux ministres, il convient de distinguer ceux issus de la société civile (la ministre de la Culture et cinéaste Angeles Gonzalez Sinde; le ministre de l’Education Angel Gabilondo, président d'université), les techniciens (Elena Selgado, le ministre de la justice Francisco Caamaño) et les poids-lours politiques (le 3ème vice-président Manuel Chaves, le ministre de l’Equipement José Blanco et la ministre de la Santé Trinidad Jiménez), hauts-responsables du PSOE et proches du "courant" de Zapatero, "Nueva Via".

 


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(cliquer dessus pour agrandir l'image)

Mais comment expliquer un changement de gouvernement à peine un an après les dernières élections générales ? Remarquons déjà que si les titulaires des ministères ont pu changer ces 5 dernières années, l’Espagne n’a connu que 3 gouvernements (dont deux suites aux élections législatives) quand la France en a connu 5 ou 6.

J’entrevois quatre principales raisons qui ont pu conduire le chef du gouvernement espagnol à revoir son équipe. Des raisons qui sont peu ou prou des (semi-)échecs pour la majorité socialiste au pouvoir en Espagne.

En premier lieu, et à mon avis de manière marginale, la grogne étudiante par rapport au Processus de Bologne (qui introduit le système LMD et renforce l’autonomie des universités) et quelques défaillances du système judiciaire ont poussé le chef du gouvernement espagnol à changer les titulaires de ces deux ministères.

Par ailleurs, il semble que la défaite des socialistes espagnols aux élections autonomes partielles (soit les élections des communautés autonomes qui n’ont pas lieues en même temps en Espagne comme le sont les élections régionales) du mois dernier en Galice et le Pays-Basque, soit l’élément qui a avancé la décision de changement de gouvernement. En réalité la défaite est à nuancer parce que si la coalition de gauche n’a pas été reconduite en Galice, les socialistes ont largement progressés au Pays-Basque, laissant même entrevoir que la Présidence de l’Euskadi, jusque là occupé par le nationaliste Ibarretxe, revienne aux socialistes.

Ensuite, vient l’échec des négociations du pacte de financement des Communautés Autonomes. Le sujet était déjà sur le feu l’été dernier et Pedro Solbes, alors ministre de l’économie et des finances, s’était donné 4 à 6 mois pour arriver à un accord. Or, neuf mois après cet engagement, le problème est toujours là. C’est ce qui a motivé la création d’une 3ème vice-présidence consacrée aux questions territoriales et la nomination à ce poste de Manuel Chaves, jusqu’ici Président de la Communauté Autonome d’Andalousie.

C’est un problème à la fois technique - il s’agit autant de financer le Plan Dépendance engagé par le Gouvernement l’an passé (ou il y a deux ans) mais que réalisent les Communautés Autonomes, qu’assurer une solidarité territoriale entre des régions aux compétences largement plus développées qu’en France mais inégalement dotées en ressources financières - et politique - puisque les régions les plus contributives (le Pays-Basque et la Catalgone) sont à la fois celles où s’exprime les plus fortes identités nationalistes et celles qui ont permis la victoire de Zapatero en 2004 comme en 2008. Et comme en plus les socialistes n’ont pas la majorité absolue au Parlement, et dépendent donc des négociations avec les partis nationalistes, le sujet est explosif.

Enfin vient l’ampleur de la crise économique et financière. C’est la principale justification énoncée par José Luis Zapatero pour changer la composition du gouvernement : resserrer et renouveler le gouvernement pour faire face à la crise. Une crise que le gouvernement espagnol, comme bien d’autres en Europe et dans le monde, n’a visiblement pas anticipée et encore moins vraiment gérée.

Car il faut bien comprendre que le gouvernement espagnol a tardé à reconnaitre que l’économie espagnole était en crise. Lors de la campagne législative de l’an passé et presque six mois après, le gouvernement espagnol s’est entêté à utiliser des subterfuges linguistiques pour qualifier la situation économique. A la décharge des mes camarades espagnols, on peut dire que leur économie a quand même été très dynamique ces 12 dernières années et que la situation de leurs finances publiques (taux d’endettement de 30% du PIB et des excédents budgétaires depuis 2000) leur laissait une marge, plus confortable que le gouvernement français, pour agir contre la crise.

La situation financière en Espagne étant moins critique que celle observable aux USA ou au Royaume-Uni - pour des raisons ayant trait au système bancaire espagnol plus prudent - les autorités espagnoles n’ont sans doute pas vu la dimension économique de la crise. Et, en dépit de l’adoption d’un premier plan de relance l’année dernière, la situation économique s’est largement dégradée en deux ans.

 

Il faut dire que le modèle de croissance économique, basé sur l’endettement des ménages pour booster la consommation et sur la spéculation et la croissance du secteur immobilier (et donc de la construction), et social de l’Espagne, avec une faible protection sociale et un marché du travail largement flexible, montre ses limites. Pire, alors qu’il pouvait être vertueux en tant normal, il semble enfoncer l’économie ibérique dans un cercle vicieux. Il semble que Zapatero en ais pris conscience puisqu'il a parlé d'un "nuevo patrono de desarollo economico".

Cependant, face aux propositions économiques du Parti Populaire (relancer les privatisations, flexibiliser d'avantage le marché du travail, baisse de charges), et en dépit des érrements du gouvernement socialiste espagnol, les socialistes espagnols restent une valeur sûre face à la crise.

 

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Nombre de chômeurs

 

 

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Taux de croissance du PIB

 

 

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Taux d'inflation

 

 

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Taux d'impayés

 

 

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Nombre d'affiliés à la Sécurité Sociale espagnole

 

 

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Prix de l'immobilier

 

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Indice de confiance des ménages espangols

15 mai 2008

A la recherche d'idées

En lisant Le Monde l’autre jour, j’apprends qu’une nouvelle fondation progressiste, intitulée Terra Nova, vient de voir le jour.

Ses membres fondateurs, proche de la gauche sociale-démocrate, ont l’ambition d’être un lieu d’échanges, de production et de diffusion de savoirs, d’analyses et d’expertises pour rénover intellectuellement la gauche progressiste en France et en Europe.

Rassemblant le monde politique, de celui de l’expertise, des intellectuels et de la vie associative, travaillant de concert avec d’autres fondations progressistes en France (Fondation Jean Jaurès, La République des Idées, Les Gracques) comme en Europe (Policy Network, Fundacion Alternativas), ils entendent déconstruire l’idéologie conservatrice pour proposer une alternative de progrès. Enfin, j’apprends avec plaisir que Michel Rocard sera président du comité scientifique.

De l’autre côté des Pyrénées, j’ai appris par le camarade Oscar Cerezal, que José Luis Rodrigues Zapatero a chargé son ministre du travail et des affaires sociales sous la précédente mandature, Jésus Caldera, de créer une macro-fondation. Cette nouvelle structure se donne l’objectif de relancer la réflexion idéologique du PSOE pour les années à venir.

On parle de macro-fondation parce qu’elle envisage de rassembler les cinq grandes fondations existantes, proches ou liées au PSOE. Il s’agit de:

  • la Fondation Pablo Iglesias, présidée par Alfonso Guerra,
  • la Fondation Jaime Vera, consacrée à la formation des cadres,
  • la Fondation Ramon Rubial qui s’occupe de l’émigration et des espagnols à l’étranger,
  • la Fondation Progresso Global, présidée par Felipe Gonzalez mais peu active,
  • la Fondation Alternativas, partenaire de Terra Nova.

Je connais mal la situation espagnole mais ce rassemblement de fondations en une seule me parait positif.

Par ces fondations, on voit émerger voir se confirmer l’époque des think tanks, ces boites à idées et structures de réseaux, dont la capacité d’expertise et de réflexions programmatiques vise à accompagner le politique dans ses prises de position et de décision. Très présentes outre-Atlantique, elles ont émergées en Europe par l’intermédiaire des institutions européennes qui ne veulent pas dépendre de la seule capacité d’expertises des Etats-membres. Mais ne mélangeons pas tout…

Dans l’article du Monde, il est dit que Terra Nova a vocation d’être pour la gauche ce que des Instituts Montaigne sont pour la droite : une fabrique à produire et diffuser une idéologie. L’histoire des idées est indissociablement liée aux principes d’échange, de diffusion, d’assimilation et de réinterprétation. A l’heure de la mondialisation et des nouvelles technologies de l’information et des communications, les possibilités sont démultipliées. Et quelque part c’est politique parce que le monde des idées est un champ de luttes symboliques, mais qui sert de support à un monde social en conflits (à des niveaux divers d’ailleurs : à travers ce combat d’idées c’est la carrière et la renommée d’universitaires qui est en jeu, mais c’est aussi le support possible d’une grille de lecture du monde social).

L’histoire du paradigme économique monétariste (défendues par les néolibéraux Friedman et Hayek), d’abord minoritaire dans le champ académique dans les années 50 et 60 puis grandement influent dans les années 70 et 80, en particulier dans le monde politique et économique, suffit à le prouver. Une idée s’impose par les stratégies (sociale, de communication etc.) des acteurs qui les portent.

Le travail de ces fondations, déconnectée un temps des stratégies individuelles et des plans de carrières de certain(e), donne l’occasion d’un renouvellement de la matrice intellectuelle et d’une coordination d’une politique de diffusion des idées et propositions qu’il en ressortira. Néanmoins je suis assez perplexe sur les chances de voir émerger une telle stratégie de diffusion d’idées. Par certains aspects, Terra Nova ressemble à « A gauche en Europe » que présidait DSK, et qui assurait bien mal la diffusion des idées qu'il produisait.

Par ailleurs la multiplicité de ces fondations et réseaux d’experts, œuvrant plus ou moins aux mêmes fins et se superposant les unes aux autres, laisse à penser qu’il n’en sortira rien de cohérent, si ce n’est des répétitions. D’autre part, la durée de vie (assez courte dans l’ensemble) et le rythme de productions d’analyses (qui prend nécessairement du temps mais qui tend à s’allonger) de ces boites à idée, renforce mon sentiment de réserve. L’exemple de AG2E et des Gracques est assez parlant.

Et enfin admettons le, ces institutions ont une tendance et un fonctionnement « élitaire » puisqu’elles privilégient la figure de l’expert, du technicien, au citoyen, véritable profane que les média informent peu mais qu’on voudrait pourtant associer à l’entreprise. C’est cette faiblesse là qui doit être au cœur de toute stratégie de diffusion d’idées.

10 mars 2008

Verdict des élections espagnoles : 4 ans de plus pour le PSOE

Le verdict est tombé hier soir à 20h: les Espagnols confirment Zapatero dans ses fonctions de Président de gouvernement en donnant une nouvelle majorité relative au PSOE.

 

 

Les premières simulations à l'annonce des résultats accordaient une majorité absolue aux socialistes, mais au fur et à mesure de l'avancement du dépouillement, la franche victoire est devenue relative.

 

 

Des résultats plus en détail sur le lien suivant : http://www.elpais.com/especial/elecciones-generales/congr...

 

 

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La participation a été de 75,32 % soit 2 points de moins que 4 ans plutôt.

 

 

Le PSOE gagne 5 sièges par rapport à 2004 mais il lui en manque encore 7 pour atteindre la majorité absolue.

 

 

Le PP a progressé en voix et en sièges (5 sièges également). C'est pour lui une "défaite relative". Sa stratégie d'opposition violente et systématique n'a pas été autant sanctionnée qu'on l'aurait cru. Il mobilise toujours autant ses électeurs.

 

 

Izquierda Unida continue sa dégringolade et perd 3 sièges, conséquence du monde de scrutin et du vote utile en faveur des socialistes.

 

 

Quant aux nationalistes, à l'exception des nationalistes catalanistes (CiU) qui se maintiennent et gagnent un siège, ils sortent fragilisés des ces élections. Le bipartisme s'en trouve accentué.

 

 

C'était aussi le vote d'une grande partie des sénateurs. Le PP se maintient mais la gauche progresse bien.

 

 

Reste la question des alliances. Le PSOE, ayant épuisé ses réserves sur sa gauche, va-t-il devoir faire alliance avec les nationalistes catalans de droite comme Felipe Gonzalez en 1993 ? Une telle hypothèse mettrait en danger le PSOE en Catalogne, gouvernée par l'alliance PSC-ERC-ICV.

08 mars 2008

Le système électoral et partisan espagnol

Dans cette dernière note consacrée aux élections en Espagne avant le vote de dimanche, je voudrai présenter l'originalité du système électoral et partisan espagnol. Cette originalité permet d'expliquer, on le verre, un certain nombre d'enjeux  des législatives 2008.

*

Le système électoral espagnol pratique le mode de scrutin proportionnel, corrigé par ce qu’on appelle la loi d’Hont (voir wikipédia).

L’Espagne est divisée en 17 Communautés Autonomes, elles mêmes subdivisées en provinces, cadre géographique des circonscriptions électorales. Chaque circonscription détient un minimum légal de deux sièges, le nombre de sièges suivants est attribué proportionnellement à la population de la circonscription. Aussi, les « régions » catalanes, madrilènes et andalouses – les plus peuplés – deviennent les zones clés du scrutin.

En conséquence de ce mode électoral, on observe d’une part une surreprésentation des zones rurales, et d’autre part un « sur coût » en termes de voix, pour l’obtention d’un siège dans les régions plus peuplés par rapport à un siège dans les circonscriptions les moins peuplés. Dans les deux cas, cela favorise tendanciellement le vote conservateur. Par ailleurs, le système électoral espagnol tend au bipartisme mais cela est aussi dû à la spécificité du régime des partis.

* *

En effet, la spécificité du cas espagnol réside dans la superposition du clivage « parti central/parti nationaliste » au clivage « gauche/droite».

On dénombre 3 partis d’envergure nationale :

  • le parti de la Gauche Uni (Izquierda Unida), sorte de fédération de parti politique rassemblant communistes et écologistes,
  • le Parti Socialiste Ouvrier Espagnol (PSOE)
  • le Parti Populaire (PP), l'hégémonique unique parti conservateur espagnol. Il rassemble en son sein toutes les familles de la droite (c'est-à-dire des démocrates chrétiens, néolibéraux et conservateurs jusqu’au nationalistes castillan dans le genre FN (1).

Mais à côté de ces parti de stature nationale, on retrouve des partis nationalistes/ régionalistes, affirmant leur revendication identitaire dans un certain nombre de Communauté Autonome :

  • Convergencia i Unio (CiU), parti nationaliste catalan, de droite modéré (influence démocrate chrétien),
  • Esquera Republicana Catalunya (ERC) parti nationaliste de gauche catalan (seul parti revendiquant la République
  • Initiativa per Catalaunya – Verds (ICV), qui est l’antenne catalane d’Izquierda Unida,
  • Partido Nationalista Vasco (PNV), parti de droite chrétienne basque,
  • Coalicion Canaria, spécifique aux îles Canaries,
  • Bloc National Gallego (BNG), parti régionaliste de gauche en Galice
  • Etc...

La liste est loin d’être complète. Certains mouvements et partis régionalistes n’ont pas d’existence parlementaire mais ont une certaine influence locale. C’est l’exemple du Parti Socialiste Andalou (PSA) ou de Parti Aragonais etc.

On peut mentionner aussi l’existence du Parti des Socialistes Catalans (PSC), autonome et distinct du PSOE mais qui reste son représentant en terre catalane.

La présence des ces partis nationalistes n’est pas sans conséquence sur le jeu politique espagnol.

Tout d’abord, bien qu’ils ne présentent de candidats que dans un nombre limité de circonscriptions, ils obtiennent autant, voir plus de sièges, qu’Izquierda Unida pourtant troisième parti d’Espagne en termes de vote.

Ensuite, ces partis identitaires mais de sensibilité de gauche ou de droite selon les cas, concurrencent les trois partis de stature nationale. C’est pourquoi le PP fait de faibles scores en Catalogne et au Pays Basques, où les électeurs ont le choix entre plusieurs droite; ou que le PSOE est fortement concurrencé (via le PSC) par ICV et ERC.

Enfin, ces partis nationalistes départagent le PSOE et le PP, en fonction des alliances conclues, lorsque ceux-ci n’obtiennent qu’une majorité relative. C’est ainsi qu’en 1993 Felipe Gonzalez, n’ayant pas obtenu une majorité absolu pour son 4ème manda, du s’allier avec les nationalistes catalan CiU. Ces derniers se rangèrent derrière Aznar lors des élections générales anticipées de 1996. Dernier exemple en date, José Luis Zapatero a du composer avec l’appui de divers partis nationalistes pour s’assurer une majorité.

* * *

Au regard de ce rapide panorama, il faut donc prendre un peu de distance avec les machines à sondages qui annoncent tambour battant, une victoire socialiste par majorité absolue. En effet le système électoral et partisan joue structurelement en faveur de la droite.

Le Parti Populaire possède un double avantage: Représentant le seul parti de droite au niveau national, il ne risque aucune concurrence sur son flan droite, et bénéficie d'une assez faible volatilité des électeurs entre les deux grands partis pour ne pas être concurrencé sur le centre. Par la suite, le PP (dont le nombre de militants dépasse celui du PSOE, officiellement 600 000 contre 400 000) sait mobiliser ses électeurs. Dans une autre mesure, il bénéficie de l'appuie d'une partie des milieux économiques et médiatiques, qui financent via des dons sa campagne électorale.

De son côté le PSOE est concurrencé sur sa gauche, au niveau national via Izquierda Unida, au niveau régional via les partis nationalistes de gauche. S'il peut se prévaloir d'un bon bilan, un problème patent d'infrastructures (l'affaire de l'AVE reliant Barcelone - Madrid) et la question de l'immigration (et donc de l'intégration) et des nationalismes (notamment catalan) peut lui être fatal. Malgré tout, dans l'hypothèse de résultats serrés entre le PSOE et le PP nécessitant l'arbitrage des partis nationalistes, il est en meilleure position de recevoir ces appuis, que ne l'est le parti conservateur.

(1) Rappelons que la Parti Populaire a été longtemps présidé par Manuel Fraga, ancien ministre de l’information de Franco.

ERRATUM: quelques articles en complément sur ces élections...

http://www.lemonde.fr/europe/article/2008/03/07/jose-luis...

http://www.lemonde.fr/europe/article/2008/03/07/mariano-r...

http://www.lemonde.fr/europe/article/2008/03/08/les-trent...