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02 septembre 2011

Primaire socialiste 2012 (5)

De la question de l’emploi et des contrats aidés.

Interpellé ce matin par la lecture d’un article d’Alternatives Economiques, consacré aux emplois aidés, j’ai eu envie de regarder ce que proposaient les six candidats à la primaire socialiste, sur la question de l’emploi en général. Et à ma grande surprise, surtout au regard du nombre élevé de chômeurs recensé en France et en Europe, le sujet est encore trop peu traité par les candidats.

A cela, deux raisons peuvent être avancés. D’abord, l’économie est bien au cœur des débats (via la démondialisation, la crise des dettes publiques, ou la stratégie de croissance), chacun ayant à l’esprit que sans un rebond durable de l’activité, il n’y aura pas de création d’emplois pour réduire le chômage. Les politiques de l’emploi,  complémentaires à une politique de croissance, seraient dès lors secondaires.

Ensuite, la notion d’emploi est aujourd’hui un mot fourre-tout, englobant des problématiques aussi diverses que l’accès (des jeunes, des seniors, des femmes, des handicapés, des chômeurs…) au marché du travail et leur maintient, le niveau de qualifications, le salariat pauvre, la précarité (temps partiel, intérim), les conditions de travail etc., loin d’être délaissés par les candidats.

Nous retiendrons ici la question de l’accès (et le maintien) au marché du travail. En 1997, le PS avait gagné les législatives avec les 35h et les 500 000 emplois jeunes. Pour 2012, face au chômage des jeunes, le projet socialiste prévoit 300 000 « emplois d’avenir » dans les domaines de l’innovation environnementale et sociale. Mais tout juste énoncée, la mesure a été la cible de nombreuses attaques.

Manuel Valls juge archaïque, peu crédible et trop couteux le retour des emplois jeunes et de la retraite à 60 ans. Jean-Michel Baylet s’est également prononcé contre sans donner plus d’explications ou avancer de contre-propositions. Arnaud Montebourg traite la question de l’emploi sous le seul angle de l’immigration légale de travail. Autant dire que ces trois là ne font pas de l’emploi une priorité.

En lien avec sa théorie du care (le soin, l’attention, la solidarité), Martine Aubry promet de créer 300 000 emplois-jeunes (dont 100 000 dès la première année) dans les domaines de l’innovation environnementale et sociale. Ces emplois aidés seraient financés par la suppression des subventions aux heures supplémentaires, décidées par la loi TEPA de 2007.

Pour relier la question de l’emploi des jeunes et celle des seniors, François Hollande propose un contrat de génération. L’employeur s’engage à garder un senior, le temps qu’il parte à la retraite à taux plein, et embauche un jeune de moins de 25 ans pour qu’il acquière l’expérience du senior. En contrepartie, l’employeur est dispensé pendant 3 ans de cotisation sociale sur les deux emplois.

Ségolène Royal formule l’idée d’un pacte de confiance pour l’emploi des jeunes, centré sur l’alternance et l’apprentissage, correctement rémunéré. Elle propose aussi de sécuriser le parcours des jeunes créateurs d’entreprises, en généralisant en région les « ateliers de la création » et les « bourses Désirs d’entreprendre ».

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(cliquez sur le graphique pour agrandir)

Les principaux éditorialistes, la droite mais aussi une partie de la gauche, ont beaucoup critiqués les propositions d’Aubry et Hollande en matière de contrats aidés qu’il s’agisse de leurs principes, le « retour des vieilles recettes », ou de leur mise en œuvre, « coûts pharamineux pour une efficacité incertaine ». Pourtant, alors que le chômage atteint un niveau quasi-record, le nombre de contrats aidés proposés reste timide.  

On trouve beaucoup de défauts/ limites aux contrats aidés : ils seraient couteux pour les finances publiques, ils stigmatiseraient les bénéficiaires en les enfermant dans le cercle vicieux des emplois subventionnés, ils se concentreraient sur des activités essentiellement « improductives » (i.e lié au secteur public), et leurs efficacités en terme de retour à l’emploi, seraient incertains.

Pourtant les emplois jeunes ont pu constituer une véritable première expérience pour tous ses bénéficiaires et faciliter ainsi leur insertion professionnelle. Ils ont aidés au développement de l’économie sociale et solidaire – le tiers secteur – afin de répondre à des besoins nouveaux ou émergents dans un cadre territorial donné. Ils sont un soutien aux familles ou aux personnes trop éloignés du marché du travail. Par les revenus qu’ils dispensent, ils viennent soutenir la consommation donc l’activité.

Depuis quelques années, on réduit drastiquement l’aide au milieu associatif ainsi que le nombre de contrats aidés. Peut être que la situation économique et sociale d’avant crise permettait de stabiliser voir réduire ces dépenses qu’on peut légitimement ne pas vouloir voir perdurer. Mais lorsqu’on subit la pire crise internationale depuis 1930, ne pas jouer sur ce levier, malgré toutes ses limites et imperfections, relève de l’inconscience…

Note 1 : Moscovici, candidat ?

Note 2 : Le PRG participera à la primaire socialiste

Note 3 : A propos des listes de soutiens

Note 4 : De la légitimité d’une candidature

19 août 2011

Primaire socialiste 2012 (4)

De la légitimité d’une candidature

Avant d’aborder plus amplement les questions de fond et le positionnement politique des six candidats à la primaire des socialistes et radicaux de gauche, il m’a semblé opportun de faire le point sur la légitimité des candidats. Il ne s’agit pas de juger la pertinence et l’intérêt de chaque candidature au regard des enjeux politiques mais d’analyser plutôt la manière dont chacun cherche à légitimer sa candidature.

La première des légitimités en politique reste l’élection. C’est parce qu’on est investie du suffrage universel qu’on est autorisé, pour une période donnée, à parler au nom du collectif et à prendre une décision au nom de celui-ci. Mais on compte aussi l’expérience de responsabilités publiques, l’expertise (savoirs-savants), l’opinion publique (les sondages), le soutiens de personnalités politiques ou de la société civile etc.

Ségolène Royal met en avant son expérience à la tête de la Région de Poitou-Charentes, jouant ainsi la carte de la proximité et de l’innovation de terrain. Alors qu’elle jouissait en 2006 d’une grande légitimité médiatique, elle accuse aujourd’hui un sérieux retard dans les intentions de vote. Sa position à l’égard des média a d’ailleurs profondément changé. Comme pour compenser et se démarquer, elle revendique son expérience de candidate à la présidentielle en 2007.

Plus intéressant encore, ayant été largement attaquée par le passé sur ses compétences et son aptitude à occuper la fonction présidentielle, Royal a multiplié les voyages internationaux (histoire d’acquérir une stature internationale) et les discussions avec de nombreux experts (économistes, sociologues etc) et aime à le faire savoir. Ce faisant on dirait qu’elle délaisse l’expertise citoyenne qu’elle avait tant mise en avant en 2006 et 2007.

Depuis l’éviction de DSK, François Hollande est le nouveau favori des sondages. Ce soutien médiatique est une force dans la course à l’investiture, mais l’histoire a montré que ce n’était pas toujours suffisant. N’ayant jamais exercé de responsabilités ministérielles, il rappelle sa proximité à Jospin lorsque ce dernier était à Matignon. Mais il aime aussi jouer sur son absence d’expérience pour mieux apparaitre comme un homme neuf.

Pour mieux se démarquer de l’actuelle Première secrétaire et répondre à l’accusation d’un PS gauchisé et dépensier, Hollande se présente comme l’homme de la rigueur. Il a mis en avant son bagage intellectuel (HEC, ENA) et son réseau d’experts pour donner du poids à ses idées sur la fiscalité. Il se rêve comme l’héritier de Delors. Et la boutade corrézienne de Chirac le présente comme un républicain ouvert, capable de rassembler au-delà de son camp.

Bien qu’elle ait laissée les rênes du PS à Harlem Désir le temps de la primaire, Martine Aubry joue clairement la carte de la légitimité du parti. C’est moins le statut de Première secrétaire qu’elle met en avant que son bilan à la tête du PS : rassemblement des socialistes après la débâcle des européennes, rénovation du parti, relation avec les experts et intellectuels, travail sur des propositions.

Elle m’apparait comme celle qui revendique et assume le plus le projet des socialistes, voté en mai dernier. Sa stature internationale, elle l’a forgée en rencontrant d’autres chefs de partis en Europe (SPD, Parti Démocrate), et en signant avec eux des engagements communs pour l’avenir. Son équipe de campagne a fait le plus de place aux personnalités de la société civile (intellectuels, gens de la culture ou du mouvement social). Elle jouie aussi d’une longue expérience ministérielle et d’élue de terrain.

Du côté des « petits » candidats, Baylet a pour lui ses expériences ministérielles et d’élu local (Conseil général) mais c’est bien son statut de Président du PRG qui justifie sa candidature. Manuel Valls a lui le soutien de nombreux élus locaux et met en avant le fait qu’il soit lui-même maire d’une commune populaire. Il joue la carte de la nouvelle génération et de sa non-participation aux gouvernements Jospin pour apparaitre comme nouveau.

Montebourg joue la carte de la rénovation du PS (primaires, règle du mandat unique), dont il revendique la paternité, et du profil différent (c’est un avocat, plutôt jeune) et des propositions spécifiques (démondialisation, VIème République, capitalisme coopératif) qu’il défend. Il a reçu le soutien, tantôt public, tantôt à demi-mot, de responsables politiques de la gauche (Tobira, Mélenchon, Chevènement, chez les Verts).

Note 1 : Moscovici, candidat ?

Note 2 : Le PRG participera à la primaire socialiste

Note 3 : A propos des listes de soutiens

14 juillet 2011

Primaire socialiste 2012 (3)

De l’importance des listes de soutiens.

La phase des déclarations de candidatures s’est achevée hier à minuit. A moins d’un retour rapide de DSK, blanchi des accusations portées contre lui, ou d’une participation d’une autre formation politique (le MRC via Chevènement), non soumis au calendrier socialiste, la primaire comptera bel et bien six candidats.

Si l’on met de côté le cas de Jean-Michel Baylet, tous les candidats socialistes à la primaire appuient leurs candidatures sur le soutien de très nombreux élus. Aubry et Hollande affichent les plus importantes listes de soutiens, quand Montebourg, Royal et Valls plafonnent et cherchent à compenser par le recrutement de « volontaires ».

Alors que la primaire est ouverte à tous les français, ce sont les sympathisants de gauche qui choisiront le candidat en octobre prochain, la course au soutien d’élus détonne quelque peu. On se croirait dans la préparation d’un congrès. Pourtant, après réflexions, j’analyse quelques raisons justifiant la constitution de telles listes.

Tout d’abord, pour être candidat (socialiste) à la primaire, un certain nombre de parrainages sont requis. Mais comme pour la présidentielle, en avoir bien plus que le minimum requis n’est pas interdit (de mémoire, en 2007 Royal affichait 11 000 parrainages alors que seuls 500 suffisent). De telles listes sont donc très utiles pendant la phase des déclarations des candidatures.

Ensuite, une liste de soutiens assez importante montre qu’une dynamique collective s’est crée autour du candidat. Un bon candidat, c’est quelqu’un qui fédère autour de lui, en particulier des gens de sensibilité et d’horizons différents, que ces soutiens soient par intérêt ou par conviction. Un manque de soutiens peut décourager certaines candidatures (Moscovici par exemple).

Enfin, de nombreux militants socialistes choisiront leur candidat en fonction de ses soutiens, non qu’une consigne leur soit donné en ce sens mais parce que beaucoup sont à l’écoute de leurs élus (locaux, nationaux). Or les militants constituent la fourchette basse du corps électoral de la primaire, et restent les meilleurs relais des candidats (via le tractage, le porte à porte, les affiches, la présence sur les marchés etc).

L’inconnu de ces primaires reste la participation électorale des français de gauche. La mobilisation des militants et volontaires auprès de ces derniers sera déterminante. Mais c’est par leur style, l’approche politique, leur choix des thèmes et des priorités que les six candidats se démarqueront les uns des autres. Un messager est une condition nécessaire, mais avoir un message est encore plus déterminant.

Note 1 : Moscovici, candidat ?

Note 2 : Le PRG participera à la primaire socialiste

28 juin 2011

Primaire socialiste 2012 (1)

Pierre Moscovici réflechie à une possible candidature.

J’inaugure par ce billet, une nouvelle série de notes consacrée cette fois à la primaire socialiste. Celle-ci, ouverte à tous les sympathisants de gauche, est prévue le 9 et 16 octobre prochain. D’ici le vote, je vous ferais part, plus ou moins régulièrement, de mes observations et réflexions sur la campagne des candidats, et in fine, de celui ou celle que je choisirai de soutenir.

Précisons, pour ceux qui débarqueraient, que j’ai été un adversaire des primaires comme mode de désignation, pour un parti donné, de son candidat à l’élection présidentielle. Je m’en suis expliqué dans cette note. Je redoute toujours autant les conséquences de ce mode de désignation sur la vie interne des partis comme sur la politique en général. Mais les militants ont tranché.

Jusqu’au mois de mai dernier, j’avais un candidat de cœur et de raison : Dominique Strauss-Kahn. J’ai rejoint le PS par sympathie pour ses idées, que j’ai découvert via son blog, au contact de militants et sympathisants socialistes très proches de ces dernières. Au-delà de la pensée social-démocrate qu’il incarnait au PS, c’était l’homme que j’appréciais, ses analyses, son intelligence, son libéralisme politique et culturel.

Son éviction, dans les circonstances que l’on sait, me peine beaucoup. Il était en train de composer son équipe pour la primaire et la présidentielle et plancher avec celle-ci un projet complémentaire à celui du PS, inspiré d’expériences à l’étranger. Lié avec Aubry, Fabius et bien d’autres, sa candidature semblait ouvrir la voie à un rassemblement large (certes pas unanime) des socialistes. Ce n’est pas en soi un objectif mais dans une campagne présidentielle, la cohésion est primordiale.

DSK empêché, la donne politique au PS s’en trouve changé, plus ouverte aussi. Aujourd’hui, 28 juin, marque l’ouverture officielle des candidatures à la primaire. Martine Aubry a fait acte de candidature, précédée plus ou moins récemment par François Hollande, Arnaud Montebourg, Manuel Valls et Ségolène Royal. On aura mi juillet la liste définitive des candidats, après vérification faite du nombre de parrainage requis.

Pierre Moscovici pourrait être le sixième candidat. Il devrait décider, avec son équipe Besoin de Gauche, de sa (non)-candidature jeudi ou vendredi. Il laisse planer le doute sur ses intentions, regrettant l’absence d’une candidature authentiquement « réformiste, social-démocrate et européenne », qualités qu’il trouve ni chez François Hollande, ni chez Martine Aubry, les « deux favoris » de la primaire.

A mon sens le PS est aujourd'hui très majoritairement de tendance réformiste et social-démocrate, sur le plan de la pratique gouvernementale et sur le plan des idées. Si l'on regarde les motions de Reims, sur le plan des idées, les motions A (Delanoé, Hollande, Moscovici), D (Aubry, Fabius, Cambadélis), E (Royal, Peillon, Collomb) s'inscrivent grosso modo dans cette mouvance.

Ceci ne signifie pas dire qu'il n'y a pas de différences entre ces motions et les personnes qui les portaient alors. La trajectoire politique (constance ou pas), la pratique gouvernementales (plus ou moins dirigiste ou pas) et certaines propositions, parfois insolites, suffisent à distinguer ces personnalités et à les juger à l’aune du référentiel soc-dem.

A la différence d'autres courants, le courant Socialisme et Démocratie puis Besoin de Gauche (mais en bien moins performant) revendique cette culture social-démocrate (d’inspiration anglo-saxonne ET scandinave) et a su structuré la pensée soc-dem au sein du PS. Aujourd’hui, la spécificité de Besoin de Gauche (les amis de Moscovici) me semble être l’Europe, et franchement au PS où le sujet a du mal à passer, ce n’est pas rien.

L'aile-gauche, l'autre tendance que j'appelle social-républicaine et qu'incarnait à merveille Jean-Luc Mélenchon, pèse à peine 20%. Et malgré quelques postes à forte visibilité, cette tendance est divisée (Hamon, Emmanuelli, Montebourg, Filoche) et sans « doctrine » structurée, incapable de s’imposer ou de peser durablement sur la ligne majoritaire du PS.

Alors en dépit de toute la sympathie que j’ai pour Pierre Moscovici - j’aime son sérieux, son ton posé, sa nuance - je ne le vois pas aujourd’hui porter autre chose qu’une candidature de témoignage. Sur le fond, hormis peut être la question européenne, je ne vois pas comment il pourra se distinguer de François Hollande et de Martine Aubry, aux yeux des sympathisants de gauche susceptibles de voter à la primaire citoyenne.

Sur la forme, Moscovici n’est pas actuellement organisé pour mener une campagne de primaire. Son réseau d’élus est plutôt réduit (aurait-il les parrainages nécessaires) et son courant semble peu structuré et mal animé. Ses partisans sont peut être concentrés sur quelques zones géographiques, affaiblissant par là les moyens de relayer ses idées et sa candidature.

Par rapport à d’autres candidats - Aubry et Hollande pour le soutien des élus, Montebourg et Royal pour le soutien des « volontaires de terrain » - les lacunes de Pierre Moscovici sont importantes. Et si une campagne électorale, fut-elle « interne », est affaire de rythme et d’interactions, je vois mal comment il pourrait rattraper son retard. Je crois en réalité que les tergiversations de Pierre masquent son prochain ralliement à François Hollande.

24 janvier 2010

Quand Lionel raconte une part de notre histoire...

Certaines situations politiques ne manquent pas d'ironie. Alors qu'en mai 2007, un certain candidat Sarkozy nous proposait de « construire la France d'après », presque trois ans après, la France justement, semble empreinte d'une certaine nostalgie. Comme si les perspectives du futur seraient trop sombres pour qu'on s'y attarde, le débat politique est aujourd'hui en partie marqué par un retour sur l'histoire et certains de ses acteurs contemporains.

Pour s'en convaincre, il suffit de voir le succès du premier tome de l'autobiographie de Jacques Chirac ou encore l'émotion et le débat suscité par la disparition de Philippe Séguin, deux personnages politiques qui ont marqués plus ou moins la vie politique des quarante dernières années. A un autre niveau, le monologue sur l'Identité nationale contribue à un débat sur nos origines respectives.

Hasard du calendrier, c'est dans ce contexte de retour vers le passé que parait en librairie le dernier livre de Lionel Jospin : Lionel raconte Jospin. A travers une série de dialogues avec Patrick Rotman et Pierre Favier, le dernier Premier Ministre socialiste que la France a connue, relate une partie de sa jeunesse et revient sur sa longue expérience politique.

En attendant de pouvoir dévorer le livre - dès qu'un de mes potes l'aura fini - j'ai patienté en regardant le documentaire en deux parties, diffusé dernièrement sur France 2. Dans la mesure où ma conscience politique est née l'année où Jospin s'est fait éliminer dès le premier tour de l'élection présidentielle, j'éprouve de fait, toujours une certaine sympathie pour le personnage. Et le 21 avril 2002 suscite encore un questionnement sur la démocratie.

Dans la première partie du documentaire, il est question de la période qui va de l'enfance de Lionel à la réélection de François Mitterrand en 1988. Du fait des éléments traités (l'enfance, la famille, le lycée, sa passion pour le sport, son entrée à l'ENA, son passage à l'OCI, sa période de professorat, son arrivée au PS, son travail auprès de Mitterrand, son rôle de Premier secrétaire), cette première partie du documentaire est à mon avis la plus personnelle. Mais pas non plus trop intime, le personnage restant discret et austère, fidèle à l'image qu'on se fait de lui.

La seconde partie qui aborde la période 1988-2002 se regarde surtout en tant qu'histoire collective, celle du socialisme français et de la politique française en général, analysée sommairement par un homme qui a plus ou moins occupé un rôle de premier plan. Le second septennat de Mitterrand est quand même rapidement survolé.

On a droit à quelques commentaires sur son passage à l'Education nationale, ou sur ses rapports avec Mitterrand lors de la guerre du Golf ou lors du référendum de Maastricht. Quelques mots aussi sur le congrès de Rennes (à l'origine du différend Jospin-Fabius et l'éclatement de la mitterrandie), sur l'arrivée de Cresson à Matignon, puis sur Bernard Tapis. Par contre, la mort de Bérégovoy n'est même pas abordée...

Cette seconde période se concentre surtout sur sa candidature à l'élection présidentielle de 1995 (du désistement de Delors et de l'organisation des premières primaires socialiste à la campagne présidentielle et son échec face à Chirac) puis son passage à Matignon entre 1997-2002 (rapports au sein de la gauche plurielle, rapports au sein du gouvernement, rapports avec Chirac et la droite de l'époque). Le documentaire finit sur son analyse de la défaite et les raisons de son départ définitif de la vie politique.

Plusieurs choses m'ont marqués dans ce documentaire :

D'abord, le phrasé de Jospin. Son verbe, y est très retenu, très pensé et très structuré. Il a une voix et une locution très personnelle et bien reconnaissable. Elle attire l'attention je trouve. En tout cas j'aime bien l'écouter.

Ensuite, on ne peut s'empêcher de remarquer une certaine neutralité dans ses propos par rapport à certains responsables politiques socialistes ou de la gauche en général, à l'exception de Mitterrand et de Tapis. Points de portraits flatteurs ou de petites phrases désobligeantes à l'égard de Rocard, Fabius, Chevènement, Aubry, Royal ou DSK... les trois derniers ne sont même pas cités il me semble.

Par ailleurs, on peut mesurer son attachement à défendre coute que coute son bilan à Matignon que ce soit sur le plan économique, politique, sociétal ou sécuritaire. Et du coup, l'épisode du 21 avril semble pour lui rester une douloureuse expérience, encore mal digéré. Les quelques concessions faites sur ses lacunes masquent mal son sentiment d'injustice. Pour l'autocritique on repassera...

Il y a également l'attachement affiché et répété à la famille socialiste en général et au Parti Socialiste en particulier. Cela ne laisse pas indifférent les militants socialistes, surtout les plus anciens. Cet attachement sentimental à cette vielle et belle famille force pour moi le respect. Mais du coup il dégage une image d'un homme de parti qui écorne celle d'homme d'Etat, qu'il a été. Sans parler du fait que par moment, il donne l'impression de vouloir figer le socialisme dans le temps, en le réduisant à la période où il exerçait des responsabilités.

Il faudra bien pourtant que celui qui s'était octroyé un droit d'inventaire sur les années Mitterrand finisse par accepter de laisser à une nouvelle génération ce droit à juger les années Jospin. Le tout étant de construire une critique « objective » et non systématique de ces cinq années là. A bien des égards, son bilan législatif est remarquable. Les résultats sont cependant plus nuancés.

Enfin, on pouvait retrouver dans les images d'archives, les principales personnalités socialistes de nos jours, à l'époque où elles occupaient des responsabilités sous le second mandat de Mitterrand et plus encore sous le gouvernement Jospin. Et si je n'ai pas coutume de porter de jugement sur l'âge et l'image de nos responsables politiques, je dois bien reconnaitre que j'ai été stupéfait de voir que certains ont pris un coup de vieux.

Cela doit nous rappeler que la gauche ne doit pas avoir les yeux rivés sur la « dream team » de la période 1997-2002, et que plus on restera attaché à cette période, dont il convient de tirer profit du meilleur, plus le décalage avec la société dans le présent se sentira. Il revient à la gauche d'écrire une nouvelle page de son histoire, et ce faisant de bâtir un nouveau chapitre de celle de notre République.