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09 mai 2009

La lucha contra las 65 horas en el Parlamento europeo

 

Pour une majorité de gauche au Parlement européen

Votez P.S.E le 7 juin prochain !

28 mars 2009

A vous de juger - DSK

 

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Jeudi soir, Dominique Strauss-Kahn (DSK), actuel directeur général du Fonds Monétaire International (FMI), a participé à la première partie de l’émission politique A vous de juger que présente toujours Ariette Chabot. Le thème central de l’émission était la crise économique et financière que traverse actuellement l’ensemble de l’économie mondiale.

Interrogé d’entrée sur une date possible de sortie de crise, DSK a prudemment annoncée qu’elle pourrait se concrétiser au cours de l’année 2010, sous réserve de mener les « bonnes politiques ». Ces dernières comprennent les plans de relance et l’assainissement du système financier.

Il s’est réjoui que l’appel à l’adoption de plans de relance, lancé par le FMI aux gouvernements, ait été en général suivi. Il a rappelé que jusqu’ici ce n’était pas dans la tradition du FMI d’encourager l’usage de l’arme budgétaire pour sortir des crises. Il a néanmoins demandé à ce que l’effort budgétaire, notamment des pays qui avaient des finances publiques qui le permettaient, soit accru dans les mois qui viennent.

Mais DSK a insisté sur la nécessité première d’assainir le système bancaire. Ce serait une constante qui ressort dans les 122 crises bancaires gérées par le Fonds depuis sa création. Il a souligné que c’était une condition pour sortir de la crise. Il faut que le secteur bancaire prête à nouveau et qu’on arrive à supprimer les actifs pourris accumulés par les banques jusqu’ici. D’un coût estimé à 1000 milliards de dollars il y a un an, le FMI les aurait évalués à 2,2 trillons de dollars, concluant que plus on traînait, plus cela coûterait cher de sortir de la crise.

La relative divergence entre les Etats-Unis et l’Europe sur les actions à mener pour sortir de la crise -- les premiers privilégiant de vastes plans de relances, les seconds insistants sur la régulation du système financier – ne doit pas cacher l’urgence du nettoyage des banques. L’exemple japonais, qui a connue une crise financière dans les années 90, illustre le cas où le retard dans l’assainissement des banques, fait durer la crise en dépit de plans de relances ambitieux.

Beaucoup de français se posent la question « où est passé l’argent ? » et ne comprennent pas pourquoi il faudrait aider les banquiers. L’ancien ministre de l’économie et des finances (1997-1999) du gouvernement Jospin a précisé que cette richesse était virtuelle dans le sens où on avait beaucoup joué sur les gains potentiels des actions (spéculation). Il a rappelé que ce n’était pas les banquiers qu’il s’agissait d’aider mais le secteur bancaire, car les banques jouent un rôle important dans le fonctionnement de l’économie.

Les risques de révoltes ne doivent pas être sous-estimés. Dans les pays développés, les mécontentements peuvent conduire à des changements de gouvernement mais on reste dans un cadre démocratique. Dans d’autres pays, notamment les moins avancés, où la démocratie est souvent fragile, les révoltes peuvent conduire à des guerres civiles et à une méfiance vis à vis de la démocratie.

Sur les outils techniques à utiliser, DSK estime que toutes les techniques sont réalisables et qu’il ne fallait pas avoir d’a priori idéologique. Ainsi, les nationalisations ne sont absolument la solution, mais c’en est une, comme se contenter d’injecter un peu d’argent public. Le plus important étant au final d’agir et de ne pas attendre. Interrogé sur un retour du protectionnisme,  ne serait-ce que sous la forme limité proposé récemment par Michel Rocard, le directeur général du FMI a rappelé où nous a conduit l'excès de protectionnisme, et qu'à ce titre, il ne le voit pas comme une solution à la crise. Selon lui, le protectionnisme a pour défauts de n'être jamais momentané et sectoriel, mais en plus d'être préjudiciable aux pays émergents ou en voie de développement.

Lorsqu’on lui demande des prévisions sur l’évolution du taux de chômage, DSK explique que le FMI fait des prévisions sur le taux de croissance pour chacun des pays mais pas sur le taux de chômage. En l’espèce c’est l’Organisation Internationale du Travail (OIT) qui fait des prévisions sur le chômage. Pour 2009, l’OIT prévoit une augmentation de 50% du nombre de chômeurs dans le monde. Seul le retour de la croissance pourra ralentir puis inverser cette progression.

Les gens s’inquiètent pour eux mais surtout pour leurs enfants. Cette crise est d'abord une crise de valeurs (culte de l'argent-roi, cynisme avec le fait qu'on ait prêté à des gens dont on savait qu'ils ne pourraient rembourser) et de la déréglementation (l'idée selon laquelle les marchés n'auraient pas besoin de règles). A ce titre on assiste à un retour des valeurs sociales-démocrates. Mais cette crise est aussi une crise des inégalités sur le partage de la valeur ajoutée entre le travail et le capital. Ce partage a été défavorable pendant trop longtemps au travail, à tel point qu’on a fait des politiques de substitution : l’endettement. Les classes moyennes américaines ont vu leur revenu baisser, on les a laissé s’enfermer dans une dynamique de surendettement qui nous a conduit à la crise. Il faut aujourd’hui de l’endettement public pour se substituer temporairement à l’endettement privé qui avait été gonflé et qui vient de s’effondrer. Il est maintenant avéré que les nouvelles générations, notamment celles qui rentrent sur le marché du travail, vont connaître plus de difficultés que les générations précédentes, mais dans le malheur, cette crise peut être une occasion de rebondir: il faut se préparer à l'après crise.

Comment financer la dette ? Un reportage expliquait que la dette française représentait 1335 milliards d'euro et qu'elle devrait représenter, d'ici 2012, 73% du PIB (contre 67% aujourd'hui). Employant l'image de l'utilisation de l'eau pour sauver la maison qui brûle, il admet que la dette (l'eau) peut à terme aggraver la situation (relancer le feu), mais ne rien faire serait pire que tout. Le retour de la croissance permettra de rembourser la dette. Mais il estime que si la relance budgétaire est une nécessité, elle doit rester dans un cadre limité et avec des perspectives de remboursement. Si la croissance ne repart, alors l'impôt sera le seul levier pour rembourser la dette. Au final, la question de la dette est liée à ce qu'on a fait: s'endetter pour un investissement n'est pas un tord.

Le rôle du FMI dans cette période de crise, est celui que joue le médecin: il doit secourir les pays qui, touchés par la crise, sollicitent son aide. La journaliste lui demande alors pourquoi le FMI, qui demande d'un côté aux pays de faire de la relance budgétaire, exige en même temps à certains pays qu'ils réduisent leurs dépenses, notamment en baissant les salaires des fonctionnaires. DSK explique d'abord que ce sont les pays sollicitant l'aide du FMI qui définissent eux même les réformes structurelles qu'ils comptent appliquer en échange du prêt que leur accorde le FMI. Il justifie le gel des traitements de fonctionnaires dans certains pays par une trop forte hausse ces dernières années et qui n'était pas tenable à terme. Par ailleurs il nous apprend que le FMI reste vigilant sur les coupes budgétaires que prévoient certains Etats: par exemple le FMI a refusé que la Hongrie touche au 13ème mois de retraite des plus fragiles; ou a demandé au Pakistan d'accroître son déficit pour venir en aide aux plus démunis.

Enfin, le directeur général du FMI a présenté les sujets qui seront abordés lors du G20. Il s'agira de revoir les agences de notations qui n'ont pas fait leur travail, d'aborder la question des hedge-funds ou des paradis fiscaux, et plus généralement de réformer le système bancaire. DSK attend du G20 qu'il adopte de nouvelles règles mais que celles-ci doivent surtout être appliqués: les annonces doivent absolument être suivie d'effets. En représentant le FMI, DSK s'est donné comme objectif de représenter au mieux les intérêts des pays qui ne seront pas présents au G20, mais surtout de s'assurer que les engagements des aides aux développements soient tenus. Le G20 est en tout cas un premier pas vers une nouvelle architecture internationale.

* * *

Ce sont là quelques notes que j’ai prises tout au long de l’émission, du moins la partie où intervenait DSK. Je ne cache pas mon plaisir de revoir DSK à la télévision, venir traiter de sujets vraiment politiques. Une perspective internationale de la crise était vraiment bienvenue même si j'aurai souhaité qu'on détaille davantage les mécanismes économiques et financiers qui ont conduit à la crise.

Du reste, j'ai été frappé par la posture adopté par DSK dans son discours, tout au long de l'émission: il a entièrement intériorisé sa fonction de directeur général du FMI, c'est à dire de "fonctionnaire d'une institution internationale". A un moment donné, il va jusqu'à s'affirmer comme l'incarnation du FMI ("moi...le FMI"). Certes, par petites touches, il rappelle son engagement et ses valeurs politiques (socialiste), son bilan ministériel (évolutions de la dette française) ou ses positions passés (nécessité de lutter contre les paradis fiscaux, gouvernement économique en Europe). Mais c'est frappant de voir qu'il s'en détache en déclarant que les gouvernants actuels ont des difficultés à convaincre les citoyens de leurs politiques durant la crise (notamment le plan de sauvetage du secteur bancaire) mais qu'ils doivent prendre leurs responsabilités (ce n'est pas forcément la phrase exacte).

C'est l'exemple typique d'une "culture d'institution", concept sociologique dont j'ai déjà parlé, qui imprègne l'esprit de gens occupant et incarnant l'institution. Cela s'explique aussi par le statut du directeur général qui le contraint à un certain devoir de réserve, vis à vis de son pays d'origine, et à la politique en général. C'est pourquoi, il a refusé de répondre aux questions concernant la pertinence du bouclier fiscal, adopté par le gouvernement français dès 2007. C'est pourquoi, il a désavoué, à demi-mots, les propos de Michel Rocard sur les besoins d'un protectionnisme temporaire et sectoriel. C'est pourquoi, enfin, il a contré les positions de José Maria Aznar avec des propos très mesurés et très nuancés.

Mon dernier point concerne justement les propos de José Maria Aznar, ancien Premier Ministre du Gouvernement espagnol (1996-2004), sur la crise et les solutions à adopter pour y faire face. Avec arrogance et prétention, il a rappelé son bilan de gouvernement en matière de chômage (dont le taux, il est vrai, est passé de 24% à 9-10% sur ses deux mandats) qu'il attribue aux décisions politiques qu'il avait prit (flexibilité, austerité, investissement RD) et que l'Europe serait bien tenue de copier. Renouvelant son attachement aux valeurs néo-libérales, il considère et se félicite que le socialisme ait disparu en 1989 et que la solidarité n'a pas de sens si elle ne va pas de pair avec l'efficacité économique. Peut être de façon caricaturale, le discours d'Aznar a au moins le mérite de montrer que l'idéologie monétariste est loin d'être vaincue malgré la crise, et que les dirigeants politiques des années 90, c'est à dire l'époque où s'est accéléré le développement du modèle de croissance qui nous a conduit dans le mur, n'ont visiblement pas l'ombre d'un scrupule.

10 mars 2009

Comment analyser le retour des Etats aujourd'hui ?

Dans son dernier ouvrage, Michel Aglietta nous explique comment la crise financière, qui a éclatée aux Etats-Unis durant l’été 2007, s’est rapidement étendue, passant de la sphère financière à l’économie réelle. La faillite des deux banques d’affaires américaines, abandonnées par le Trésor américain et la FED à titre d’exemple et d’avertissement, et la chute de la bourse et de la confiance qui en a suivi, a obligé les gouvernements à mettre sur pieds des plans de sauvetage du système bancaire. Le ralentissement économique, faisant courir de gros risques de récession à l’échelle mondiale, a poussé à nouveau les gouvernements à annoncer des plans de relance. Du coup, nombre d’observateurs y voient le signe d’un retour en force de l’Etat dans la sphère économique.

 

Pourtant, l’Etat a toujours été plus ou moins présent, d’une manière ou d’une autre, dans la sphère économique et sociale. Les critiques dont il a fait l’objet, par l’intermédiaire des institutions publiques et des politiques publiques le représentant, et la vague néo-libérale qui en a suivie, ne doit pas faire illusion sur le rôle toujours actif de l’Etat. Producteur de normes qu’il fait appliquer par son pouvoir de contraintes et son monopole de la violence légitime, l’Etat est aussi producteur de biens et de services, plus ou moins étendus selon les pays, et acteur de redistribution de richesses.

 

Aussi, parler d’un retour des Etats semble erroné. A moins qu’il s’agisse d’une action spécifique de l’Etat, comme son action de bouclage macro-économique propre au keynésianisme. Il s’agira alors de se demander de quel type d’intervention il s’agit et si elle est adaptée à la situation.

 

A cette fin, nous expliquerons dans une première partie en quoi la crise financière réhabilite l’interventionnisme économique des Etats, avant de préciser que la crise est pourtant structurelle, et qu’à ce titre, elle appelle à des politiques de changements structurels.

 

I - La crise économique et financière réhabilite l’interventionnisme économique des Etats.

 

L’intensité de la crise actuelle et les risques de récessions qu’elle fait courir à l’économie mondiale a conduit les gouvernements des pays développés et émergents, à mener des actions économiques ciblées de l’Etat (A) qui restent malgré tout dans le cadre de l’Etat régulateur (B).

 

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A. L’action économique des Etats aujourd’hui…

 

Alors que l’action de l’Etat dans la sphère économique était assez mal vue, discutée tant sur le principe que sur les résultats mêmes, les limites actuelles d’un fonctionnement non-régulé (par les autorités publiques) des marchés (et notamment financiers) réhabilitent l’action de l’Etat.

 

Ainsi, afin d’éviter un effet domino des faillites bancaires, les gouvernements ont mis sur pied des plans de sauvetage du système bancaire. Néanmoins, ces plans diffèrent d’un pays à l’autre. Aux Etats-Unis, le Trésor américain a recapitalisé un certain nombre de banques, c’est à die qu’il a fait entrer des fonds publics dans le capital (fonds propres) des banques. Cette « nationalisation » du système financier américain s’est accompagné du rachat, par le Trésor et la Fed, d’une partie des produits toxiques, dites titres pourris, dont les risques n’ont été révélés qu’avec la crise. En France, le gouvernement a surtout cherché à assurer les échanges interbancaires, par un fonds de prêts de 300 milliards d’euros emprunté sur les marchés financiers, car les banques ne se faisant plus confiance, elles n’assuraient plus leurs missions fondamentales. Derrière les échanges interbancaires, c’est les risques de liquidité des PME qui est en jeu. Ce faisant, on assiste à un retour discret de la politique monétaire aux mans des Etats, alors que cette activité avait été externalisée.

 

Face au ralentissement, parfois brutal, de l’activité économique, les Etats ont décidés de recourir à des plans de relance ciblés. Si la aussi les mesures diffèrent d’un pays à l’autre, tous les plans se rejoignent parl leur faible envergure : ces plans représentent entre 0,2 et 1% du PIB. Les Etats membres de l’Union européenne ont décidés, au vu de la conjoncture actuelle, de suspendre les règles du pacte de stabilité et de croissance qui limitait les déficits à hauteur de 3% du PIB et la dette publique à hauteur de 60 % du PIB.

 

Les gouvernements peuvent donc laisser courir leur déficit pour soutenir l’activité. Certains privilégient des baisses d’impôts (Espagne) et de charges (France), d’autres les dépenses. Certains veulent soutenir la consommation (Gordon Brown va baisser de deux points les taux de TVA en Grande-Bretagne), d’autres insistent sur l’investissement (la France veut relancer voir anticiper certains projets/ marchés publics). Souvent, il s’agit aussi d’apporter des aides publiques aux secteurs en grande difficultés (les Etats-Unis et l’Allemagne vont soutenir leur industrie automobile). On est loin des plans de relance du type keynésiens des années 60/70.

 

<!--[if !supportLists]-->B. <!--[endif]-->… Reste dans le cadre, à peine élargie, de l’Etat régulateur.

 

Dans les années soixante-dix, quatre vingt, on assiste à un tournant libéral. La crise des années soixante dix et le ralentissement économique, le chômage et la hausse des prix qu’elle a entrainée, a dévalorisé l’action de l’Etat dans la sphère économique. Les quelques tentatives de plans de relance, en France notamment en 1976 sous le gouvernement Chirac et en 1981 sous le gouvernement Mauroy, ont donnés des résultats négatifs, notamment en matière d’inflation et de balance des paiements.

 

Le renouveau du courant néo-libéral, derrière les chefs de file qu’ont été Milton Friedman et Friedrich Hayek, et les politiques qu’ils ont inspirés, dans les gouvernements Thatcher en Angleterre et Reagan aux Etats-Unis, s’est centré sur la critique de l’Etat. Jugé inefficace et dépensier, l’Etat doit laisser faire le marché. Toute entrave de l’Etat sur le marché empêche ce dernier de s’auto-réguler.

 

Les politiques publiques ont alors consistés à privatiser nombre d’entreprises publiques, à restreindre autant ce peu l’action de l’Etat, à dérèglementer le plus possible pour ne pas laisser entraver le bon fonctionnement du marché. Afin de redynamiser la concurrence, les pouvoirs publics ont crées des agences de régulation pour encadre les dérèglementations en cours.

 

On est alors passé de l’Etat interventionniste à l’Etat régulateur qui, loin de réduire l’activité de l’Etat, la limite. L’analyse marxiste voit dans cet Etat interventionniste comme régulateur, un moyen pour les capitalistes de régler la crise de sur-accumulation de profits. En dévalorisant son propre capital, l’Etat permet au capitalisme de sortir de la crise.

 

II – La crise est structurelle et appelle à ce titre des politiques structurelles.

 

Face au risque de récession, les gouvernements reviennent aux « fondamentaux » et tentent des politiques conjoncturelles de relance alors même que la crise semble structurelle (A) et qu’il faudrait mener des politiques économiques structurelles (B).

 

<!--[if !supportLists]-->A. <!--[endif]-->La mode de régulation néo-libéral en crise.

 

Bien qu’une majorité d’économistes insiste sur la dimension financière des origines de la crise, cette dernière a aussi des origines d’ordre économique.

 

Tout d’abord, un des problèmes vient du partage de la valeur ajoutée qu’on définit comme l’ensemble des richesses qu’une économie créée en une année. Cette valeur ajoutée est redistribuée aux salariés, sous forme de salaires, et aux « capitalistes », sous forme de profits. Or ces vingt dernières années ce partage a été défavorable au facteur travail. Dix points de PIB ont été transférés du travail au profit, avec quelques nuances entre l’Europe et les Etats-Unis (voir Economie et inégalités de Thomas Piketty). Cela s’explique essentiellement par la modération salariale, adoptée en France dès 1983 pour lutter contre l’inflation qui entamait la compétitivité de l’économie française, et la recherche de compétitivité par les entreprises, dans le cadre de l’internationalisation des échanges. Mais si la part des profits a augmenté cela s’est traduit par une augmentation des investissements financiers, au détriment des investissements d’ordre productif ou cognitif (formation initiale et continue des salariés).

 

La financiarisation de l’économie est l’autre facteur du désordre économique actuel. On a assisté à une montée en puissance de l’actionnaire dans le rapport profit/captal. La logique de rentabilité que recherche l’actionnaire et que poursuivent une partie des cadres dirigeants d’entreprise (rémunérés via les stock options) conduit autant à presser la masse salariale qu’à réaliser des investissements de court terme. La recherche de gains de compétitivité (coûts) conduit au processus de délocalisation d’activités vers des pays aux coûts de mains d’œuvres moins chers et à certains licenciements économiques dans les pays d’origine. Cela est grandement permis par la grande mobilité des capitaux financiers qui reçoivent une meilleure rémunération que les facteurs de production moins mobiles (capital productif, travail qualifié et non qualifié).

 

Mais pour maintenir le niveau de consommation, on a assisté à un fort endettement des ménages. Aux Etats-Unis, en Grande Bretagne et en Espagne – trois pays très touchés par la crise immobilière et bancaire – le taux d’épargne est négatif quand en France il est de l’ordre de 10%. On a finalement financé la forte croissance économique de ces dix dernières années par un endettement continu des ménages, dont la valeur des biens immobiliers, garant de l’acquittement futur de leurs dettes, a fait l’objet de spéculations. Et quand la bulle spéculative a éclatée, la machine s’est grippée.

 

<!--[if !supportLists]-->B. <!--[endif]-->Un besoin de politiques structurelles : vers un nouveau New Deal ?

 

Il y a eu ces dix dernières années un affaiblissement croissant de nos appareils productifs. La logique financière explique en partie le manque d’innovations durables, privilégiant les investissements de court terme.

 

Ce manque d’innovations porteurs et notre mauvaise spécialisation actuelle explique la dégradation de notre balance des paiements (la balance commerciale entre autre) d’autant plus que nous axons la concurrence sur la compétitivité-prix (ou coûts) face aux pays émergents qui jouissent d’une main d’œuvre de bonne qualité et de moindre coûts.

 

Il faut alors faire des investissements massifs dans la recherche et développement, dans l’innovation (dans la logique schumpetérienne), dans le capital cognitif (via la formation initiale pour les étudiants et continu pour les salariés) et dans les infrastructures et sites productifs (par exemple les pôles de compétitivité).

 

Il faut finalement passer de la division (néo)-taylorienne du travail à la division cognitive du travail où l’enjeu est moins les gains de productivité que la recherche et le maintien de connexions, l’acquisition de compétences et de solutions. Cela permettrait de relancer la démocratie sociale dans nos économies sociale de marché et de relier à nouveau les sphères économiques, sociales et financières.

15 février 2009

Relance et protectionnisme: débat Christian Saint-Etienne - Emmanuel Todd

envoyé par franceinter

 

(1ère partie)


(2ème partie)

22 janvier 2009

Le moment Obama

 

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Mardi, après avoir prêté serment sur la bible d’Abraham Lincoln, Barack Obama est devenu officiellement le 44ème président des Etats-Unis d’Amérique. L’arrivée d’un noir - selon la terminologie américaine car chez nous on dirait simplement qu’il est métis - à la tête de la super-puissance du monde est tout un symbole au regard de l’histoire sociale américaine, marquée on le sait par la ségrégation raciale et la lutte pour les droits civiques.

Ces images de bonheur, au soir du 4 novembre 2008 où la victoire du candidat démocrate fut annoncée, de ces milliers d’américains, rassemblés dans toute leur diversité, avaient quelque chose de magiques. Les larmes du révérend Jesse Jackson, candidat malheureux aux primaires démocrates dans les années 80 et combattant infatigable pour les droits civiques, résonnent alors comme une victoire politique.

Mais l’activité symbolique, c'est-à-dire l’aptitude des hommes à produire et donner du sens à leurs actions et existences même et qui constitue un des aspects du politique, qui entoure l’élection puis l’entrée en fonction de Barack Obama, ne doit pas faire illusion. L’obamania, très rependue ces derniers temps dans les média traditionnels (mais aussi modernes, comme le net) et repris de façon presque pathétique par nombre de responsables politiques, me semble une attitude aussi puérile qu’hypocrite. Pour le dire d’une autre façon : on se ment à nous même.

 

La nouvelle administration américaine a été élue sous la bannière du changement. Oui, le départ de Georges W. Bush et de ses amis néo-cons est une très bonne nouvelle. Un soulagement même. Mais un changement d’équipe signifiera-t-il un changement d’orientations politiques ? A voir.

En matière économique, le risque de récessions est tel que la régulation publique - soit l’intervention de l’Etat dans l’économie - redevient légitime. Mais l’Etat américain ne s’est jamais privé d’intervenir dans l’économie pour défendre ses industries, et Georges W. Bush a déjà amorcé, à la fin de son mandat, un retour vers l’Etat mais selon la logique de « socialisation des pertes en attendant de re-privatiser les profits ».

 

Obama s’est engagé à réinvestir dans les infrastructures publiques, dégradées après trente ans d’Etat minimaliste, et dans le secteur automobile et énergétique. Mais s’il souhaite revenir sur les baisses d’impôts des hauts revenus accordées sous l’ère Bush, il vient d’annoncer des baisses d’impôts sur les classes moyennes pour relancer la consommation. Du côté du secteur bancaire et financier, nul ne sait encore très bien ce que compte faire la nouvelle administration : nationalisation temporaire des banques, refonte profonde du système, avec pourquoi pas une coordination au niveau des gouvernements (G20). Il reste qu’Obama est entouré de conseillers économiques aux positionnements différents. Lesquels écoutera-t-il ?

 

 

En matière sociale, comme l’a montré Thomas Piketty, le niveau des inégalités outre-Atlantique est revenu en trente ans à ce qu’il était au début du siècle dernier. Près de 40 millions d’américains sont sans couverture maladie (et dans la mesure où l’assurance sociale est au niveau de l’entreprise et qu’avec la crise, les licenciements se multiplient, on peut craindre le pire). Avec la crise de l’immobilier, des milliers d’américains se retrouvent à la rue. De même l’investissement en éducation est quand même à revoir. La question des syndicats est aussi posée. Enfin les inégalités sociales et de chances entre les populations blanches et noires ne doivent pas être occultées par les discours sur la diversité et le vivre-ensemble inter-ethniques.

Barack Obama s’est engagé à étendre le système d’assurance sociale. Nul ne sait vraiment s’il s’agira d’instaurer une sécurité sociale universelle (inspiré du modèle français) comme avait voulu le faire Hilary Clinton en 1993 ou bien d’une simple mesure visant à encourager la prise d’une police d’assurance. Le fait est que les lobbying des compagnies d'assurances sont très puissantes à Washington.

 

En matière de politique étrangère, la ligne américaine restera la même : la défense des intérêts américains.  Mais des variantes sont attendues. Sera-t-il plus ferme sur la question du Proche Orient ? Les Démocrates, comme les Républicains, restent proches de l’Etat hébreux. Sera-t-il moins va-t-en guerre que son prédécesseur ? Les Etats-Unis sont la seule puissance militaire capable de se battre sur deux fronts, mais le bourbier irakien et le gouffre financier qu’il représente laisse à penser qu’ils n’ont plus les moyens financiers d’entreprendre une autre guerre. Par ailleurs il ne faut pas oublier que le désengagement militaire en Irak impliquera un renfort en Afghanistan, où les forces internationales – dont française – agissant sous le mandat de l’ONU, sont appelés à être renforcées.

L’hyper-puissance américaine devrait donc utiliser le soft-power (diplomatie, dialogue, politiques d’influences) plutôt que le hard-power (action militaire, menaces). Est-ce à dire qu'il s'agit là de la fin de l'aventure néo-conservatrice des 8 dernières années ? Là où la doctrine réaliste met la défense des intérêts nationaux et l'équilibre des puissances au coeur de la politique étrangère des Etats, la doctrine néo-conservatrice met l'idéologie libérale (politiquement et économiquement s'entend) au service d'une politique internationale active, voire agressive. Et historiquement, jusqu'au années Reagan et Bush fils, ce sont plutôt les Démocrates qui ont activer la politique étrangère américaine (avec ce que cela a apporté en bien et en mal).

Le "moment Obama" annoncera-t-il une sorte de rupture dans la doctrine économique et sociale dominante comme l'a été le New Deal de Roosevelt à son époque ou bien sera-t-il simplement un repli stratégique de la puissante Amérique, le temps de relancer la machine économique et redorer la puissance ?

22:52 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : média, capitalisme