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01 novembre 2007

Crise du socialisme en Europe ?

Pour ceux qui ont suivis les informations politiques de ces 15 derniers jours, vous avez dû entendre parler de la défaite électorale des jumeaux Kaczynski en Pologne suivit quelques jours après, de la victoire électorale en Suisse de parti très à droite.

C'est lors d'une conversation sur le blog de mon camarade Aiglon, que je me suis rendu compte de ce qu'impliquaient ces deux résultats électoraux : la défaite voir le recul des partis socialistes en Pologne comme en Suisse.

On pourrait dire qu'il s'agit de résultats isolés, conséquences de contextes politiques particuliers difficilement comparables/ transposables avec la situation d'autres pays européens comme la France par exemple. Je pense que ça ne serait pas faux étant donné que la situation politique diffère grandement d'un pays à l'autre en fonction de l'histoire politique des pays donnés, du système électoral et du niveau de culture et de pratique démocratique.

Mais en y regardant bien, il y a comme une tendance qui se dessine: celle du revers électoral, pays après pays, des partis socialistes.

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J'ai donc pensé à faire une carte pour établir la situation politique des 27 pays de l'Union européenne.

Vous trouverez donc :

- en rose, les pays gouvernés par des partis socialistes seuls

- en violet, le cas un peu à part de l'Italie où il n'y a plus de parti socialiste mais une vaste coalition dont le Parti Démocrate qui rassemble les socialistes et les démocrates chrétiens.

- en bleu, les pays gouvernés par des partis de droite (ou coalition de droite).

- en jaune, les pays soumis à de grande coalition alliant gauche et droite.

- en vert, la Belgique et Malte où je n'ai pas eu de données.

A partir de là on peut observer que seuls dans sept pays sur 27, les socialistes (la gauche) gouvernent pleinement. Onze pays sont gouvernés par des partis de droite ou coalition de droites. Enfin, dans les quatre restants, les socialistes participent au gouvernement dans le cadre de grande coalition.

Peut-on espérer dans un proche avenir, un inversement de tendance dans cette Europe très bleu ? Hélas, les élections de 2006 et de 2007 penchent plutôt pour un renforce de la dérive droitière. En 2006,  la Suède (pays traditionnellement social-démocrate), la Lettonie ou la République tcheque restent ou basculent à droite. Et en 2007, c'est au tour de l'Estonie, la Finlande, la France, l'Irlande, la Pologne, la Grèce, la Belgique de consacrer la victoire des droites.

Dans les sept pays où les partis socialistes/travaillistes/sociaux démocrates gouvernent encore, rien ne garantit qu'ils se maintiennent dans les élections prochaines. Pour prendre que quelques exemples.

- Gordon Brown, qui a succédé à Tony Blair à la tête de la Grande Bretagne, doit surmonter l'usure du pouvoir qui atteint le Labour après 10 ans de pouvoir (avec un soutient électoral décroissant) que semblent traduire les intentions de vote.

- José Socrates, lui, a succédé à Manuel Barrosso, l'actuel président de la Commission européenne, et hérité d'une situation économique et sociale assez critique. Les réformes engagées, peut être impopulaires, lui assurent-elles la confiance des portugais ?

- José Luis Rodriguez Zapatero, en dépit d'un bon bilan économique et social, n'est pas à l'abri d'une défaite face au Parti Populaire qui lui sait faire voter ses partisants.

- En Hongrie, le Premier Ministre socialiste avait avoué en off avoir mentis pour gagner les élections. Dans ces conditions, peut-on croire que les hongrois lui assureront sa confiance ?

Les partis frères qui font partis d'une grande coalition ne sont pas dans une situation encourageante. Il suffit de voir le SPD allemand, complètement à la traine de la CDU démocrate-chrétienne d'Angela Merkel, et divisé sur la ligne politique à tenir (notamment entre les ministres de la grande coalition et "l'aile-gauche" du parti). Il semble que la situation soit analogue en Hollande.

 

Que peut-on dire de ces observations ?

Premièrement, le débat franco-français (voir même socialo-socialiste) ne cesse de se centrer sur le soi-disant archaïsme du PS face à nos confrères européens et le besoin de rénovation. Or, il suffit de voir la situation de nos partis-frères pour conclure qu'elle n'est guère brillante.

Deuxièmement, la crise des socialismes européen (ou crise des partis socialistes ?) ne doit pas être amalgamé avec la crise de la sociale-démocratie. Le PS doit faire sa mue sociale-démocrate, en sachant qu'elle ne suffira pas mais qu'elle constitue un premier pas. Par contre, il est clair que c'est la dérive sociale-libérale qui est en échec.

Troisièmement, tout en sachant que les divers défaites ont un caractère proprement national, l'impératif de refondation qui incombent à chaque parti socialiste/ travailliste/ social-démocrate, devrait nous amener à coopérer d'avantage au niveau européen.

Peut-on espérer un projet socialiste européen ?

13 juillet 2007

Economie et démocratie

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www.vnavarro.org

(site en anglais, castillan et catalan)

 

Pour mon deuxième post, j'ai décidé de consacrer quelques lignes au deux derniers livres de réflexions que j'ai eu plaisir à lire lors de mon séjour académique à l'Université Pompeu Fabra de Barcelone.

Dans  le cadre d'un cours intitulé "Economie et démocratie" (rien que le titre mérite réflexion, n'est-ce pas quelque part des antonymes ?), le professeur - monsieur Vicenç Navarro - nous a recommandé la lecture d'un certain nombres d'ouvrages (dont il est l'auteur) parmis lesquels, les deux livres dont je vous montre les premières pages de couvertures.

Certains esprits railleurs diront que c'est abusé qu'un prof encourage ses élèves à acheter ses livres, ou qu'il a trouvé là un moyen de se faire du blé facile etc. C'est parfois vrai pour certains enseignants, je doute que cela s'applique à cet homme pour qui j'ai beaucoup de respect.

*

Permets-moi, cher lecteur, de commencer par présenter brièvement cet étrange personnage:

Né en 1937, il a suivit des cours de médecine à Barcelone jusqu'au années 60, où pour motif politique, il a du prendre le chemin de l'exil. Réfugié en Suède (son épouse est d'ailleurs suédoise), il s'est initié à l'Economie politique à Stockolm. Il est ensuite parti étudier et se spécialiser en Grande Bretagne (London School of Economics) et aux Etats-Unis (Université John Hopkins). Il est spécialiste dans les questions de politiques publiques notament sanitaires et sociales. Il enseigne à l'Université John Hopkins ainsi qu'à la Pompeu Fabra à Barcelone.

De par sa spécialité universitaire et son engagement politique (républicain espagnol, social-démocrate à la mode suédoise), il a conseillé le gouvernement de Salvador Allende, le régime cubain, notamment pour les réformes de leurs systèmes de santé. Il a également participer au projet (avorté) de réforme d'assurance maladie universelle "voulue" par le couple Clinton, en plus de porter ses conseils dans différentes organisations et institutions internationales.

En Espagne, il a participé à l'élaboration du projet économique (jugé "très à gauche") du P.S.O.E (Parti Socialiste Ouvrier Espagnol) pour les élections générales de 2000 (que le PSOE a perdu) ainsi que celui des élections de 2004. Précisons bien qu'il n'est pas afilié au PSOE et que son influence est bien faible (sous entendu, je ne lui donne pas plus d'importance qu'il n'en a réellement en partie due à que son approche est minoritaire dans le Parti).

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Concernant les ouvrages maintenant, leurs titres donnent déjà un aperçu de la principale thèse défendue par l'auteur, on peut même dire son principal combat politique (en tant que citoyen) : sauvegarder et étendre l'état providence, notamment en Espagne, où l'on ne parle pas du sous-développement social.

A ce propos, le premier titre me parait tellement percutant Bienestar insuficiente, democracia incompleta et très politique. J'avoue qu'il m'est difficile de traduire la notion de bienestar en français. Bienestar c'est le "bien être", mais cette notion en français sonne mal. On a traduit le Welfare State ("Etat de bien être", système social en quelque sorte) par Etat providence, terme à connotation divine (associé à la notion d'Etat, on comprend ce que l'on veut diviniser). Je comprends pour ma part le bienestar dans le sens de welfare state. Ceci étant précisé, je reviens au titre : la question du bien être des gens (via le système social) étant sous-estimée (voir ignorée), la démocratie, au sens d'idéal, est incomplete. Voilà comment par un simple titre, Vicenç Navarro reconcilie l'économie (la question de la richesse liée à la question sociale) à la notion de démocratie.

Le premier livre se compose de quatre partie:

- la première partie faisant un bilan bien peu glorieux de la situation sociale en Catalogne et en Espagne (la situation des familles, le marché du travail, la santé, l'éducation);

- la seconde aborde la question de la globalisation et du néolibéralisme (en Europe notamment) comme possible facteur explicatif de cette situation en Espagne.

- Les 2 dernières parties se centre sur 2 raisons spécifiques de sous-développement social de l'Espagne: la situation politique espagnole d'une part (dérive sociale-libérale, et politique d'aznar); et le franquisme et la transition d'autre part.

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Le second livre, quant à lui, est un approfondissement du premier. Je dirai même, un version complete et réactualisée du premier livre. On y retrouve les mêmes idées clés: l'Espagne vie un sous développement social qui contraste fortement avec son développement économique.

Afin de justifier cette thèse de sous-développement social, il aborde la question de la santé, de l'éducation, des pensions, du marché du travail, de la "renta basica" (que je traduirai par salaire universel) sur un mode comparatif avec les données moyennes de l'Europe des 15. A chaque fois il démontre, chiffres à l'appui, que l'Espagne dépense moins (en % du PIB, en PIB par habitant comme en terme d'unité de pouvoir d'achat consacré) que ses voisins européens et que cet écart a tendance à se creuser depuis 1993. Le sous-développement social se calcule finallement par l'écart entre ce que la richesse d'un pays permet de consacrer en terme de dépenses sociales, et les sommes qui se dépensent réellement pour ce type de dépense.

Et cette situation s'expliquerait particulièrement par le lourd passif historique du pays (la dictature du général Franco, jugée et "démontrée" fasciste et totalitariste), le poids des forces conservatrices (telle que l'Eglise et la monarchie), et la transition faussement exemplaire (notamment sur le problème d'occultation de la mémoire historique sur la II République... la droite espagnole refusant d'aborder la question, certains de ses membres étant d'anciens hauts-responsables franquistes) mais également par la dérive sociale-libérale observée tant en Espagne que dans le reste du monde (Clinton, la troisième voie britannique... petite allusion à Jospin aussi).

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Je pourrai développer d'avantage, entrer dans le détail etc. mais je pense être déjà suffisamment long.

J'ai beaucoup aimé mon séjour en Espagne, notamment sur le plan académique. Les différentes matières suivies m'ont énormément enrichies sur le plan de la réflexion politique. Ce cours d'économie et démocratie, les livres et le personnage même de Vicenç Navarro, m'ont beaucoup marqués.

Pourtant le premier contact avec le bonhomme et la matière m'avait plutôt dissuadé de suivre le cours (en catalan, je précise). Le professeur, et l'âge jouant, est plutôt distant et exigeant. Exigeant par le fait qu'il nous demande (implicitement) en examen de mettre "mot pour mot" ce que lui pense et démontre sous peine de râter son exam; exigeant sur notre présence et participation en cours (jugée moralement obligatoire). Le cours se divisant entre une partie "théorique" et une partie débat (dont je participais peu ayant parfois du mal à comprendre le catalan de certains camarades, jamais celui des profs).

L'autre raison qui m'a perturbé au début, c'est le fait d'entendre parler de classes sociales et de luttes de classes. La plus part des gens associent ces mots au marxisme, donc au communisme, donc à l'URSS etc. C'est le problème des mots trop connotés politiquement (du style "libéral"), vous avez beau les expliquer, il y a comme un blocage intellectuel chez les gens. Comme tout un chacun j'ai des a priori sur les gens et les choses. Pour autant, j'essaye autant ce peu de comprendre la logique des uns et des autres, ce qui se dit sur le fond des choses au lieu de rester sur la simple forme. C'est loin d'être facile.

J'ai donc entrepris la lecture de El subdesarrollo social de España et j'ai peu à peu saisi la logique, le raisonnement de Vicenç Navarro. On comprend vite que ce n'est pas un marxiste entendu comme "tout-état" et "victoire du prolétariat sur la bourgeoisie". C'est un farouche défenseur de la sociale-démocratie suédoise et son "welfare state", fruit d'une alliance entre les classes populaires et les classes moyennes, toujours d'actualité dans un monde mondialisée et en proie au néo-libéralisme.

Sa conception des classes sociales est basée sur 3 choses: la différence de revenus (à l'intérieur d'un même pays entre classes sociales et entre les pays), la différence de pouvoir d'influence (le concept de domination) et la différence entre les opportunités sociales des groupes sociaux. La place dans l'appareil productif n'a que peu d'importance (il ne l'aborde même pas) mais c'est la distance entre les uns et les autres, et l'accumulation de capital (au sens large), qui définit selon lui (enfin d'après ce que j'ai compris) les classes sociales (et l'identification sociale).

Je ne suis pas toujours d'accord avec ce qu'il dit (notamment sur l'association franquisme/fascisme, la définition de classe sociale, son analyse trop politique de l'évolution du système économique, et autres choses) mais c'est affaire de fond plus qu'autre chose. Pour autant j'apprécie ce brillant esprit et une bonne partie de ce qu'il dit. J'ai même envie de dire, ça fait du bien d'entendre cela...ça change des discours "prêt à penser" des média.

Lors de la dernière séance, il a tenu des propos qui m'ont beaucoup ému. Après nous avoir remercié pour notre présence en cours et parlé de l'examen, il a insisté sur le fait que réussir ses études et avoir un boulot, c'était très bien (il nous le souhaitait sincèrement), mais c'est peu important ("no es el mes important"). Ce qui comptait pour lui c'était, quoi qu'on devienne, de faire le maximum pour les classes populaires, les plus démunis et les plus dépendantes du "welfare state" petit à petit démantelé. Il nous a encouragé à militer, quelque soit le parti ou l'association/ syndicat, pour changer cela, en nous basant notamment sur ce que nous avons appris (particulièrement la rigueur scientifique même en sciences sociales, avec l'importance des chiffres).

Et c'est en faisant une dernière référence à tous ceux qui se sont battus pour la démocratie (contre franco) et à ce qui a été l'œuvre de la progressiste Seconde République espagnole, aujourd'hui oublié, qu'il nous a laissé partir. Je n'oublie pas ces mots... .