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30 juillet 2011

Espagne, vers des législatives anticipées.

J’ai appris hier par la presse que José Luis Rodrigues Zapatero, le Premier ministre espagnol, a décidé d’organiser les élections législatives, pourtant initialement prévues en mars 2012, le 20 novembre prochain. Alors qu’il répétait à l’envie qu’il irait au bout de son mandat, il a fini hier par jeter l’éponge.

Plusieurs raisons viennent expliquer cette décision. Zapatero a anticipé les difficultés à faire voter le prochain budget, vu que les socialistes n’ont qu’une majorité relative. Et dans la perspective quasi certaine de nouvelles mesures d’austérité, il souhaite un Gouvernement et une majorité parlementaire avec une nouvelle légitimité.

Plus officieusement, Zapatero n’a pas voulu faire durer une sorte de cohabitation avec Rubalcaba, son ancien Ministre de l’Intérieur et nouveau candidat tête de liste des socialistes espagnols, qui neutraliserait à la fois l’action du Gouvernement et l’autonomie du candidat. Situation que je jugeais délicate dans ma précédente note.

J’accueille la décision avec agacement et colère. Agacé par le nouveau revirement de Zapatero qui se contredit en quelques mois, et donne l’impression de naviguer à vue. En colère surtout parce que je me rends compte qu’il n’aura jamais su depuis 2004, conduire l’agenda médiatique. Le débat aura été mené par la droite et les média.

Ces derniers ont souhaité, depuis plus d’un an, la tête de Zapatero. Depuis décembre dernier, ils ont poussés Zapatero à afficher ses intentions pour 2012. Et depuis qu’il a annoncé qu’il renonçait à être candidat, le débat s’est centré sur la nécessité d’organiser des élections anticipées. On était plus dans le faut-il mais dans le quand.

Mais au-delà du sort personnel de Zapatero, au final sans grande importance par rapport à celui des 4 millions de chômeurs espagnols, et de ses nombreuses erreurs, ce qui est consternant c’est l’idée qu’il suffirait de le remplacer, par Rubalcaba ou Rajoy, pour que l’Espagne retrouve de la crédibilité et sorte de la crise.

Or on a bien vu avec le Portugal qu’un changement de majorité, pourtant élue sur un vaste programme d’austérité, ne rendait pas un pays plus crédible et plus fiable aux yeux des Agences de notation et des marchés financiers. En réalité, la sortie de crise dépendra de la capacité de l’Europe à aller vers plus d’intégration communautaire.

20 juillet 2011

Destination Vide

science-fiction, frank herbertL’œuvre littéraire de Frank Herbert ne se résume pas à l’incroyable saga de Dune, dont j’ai plusieurs fois fait mention sur ce blog. Il est en effet l’auteur d’une autre saga, intitulée « Le Programme conscience », qu’il a initiée seul avec Destination Vide et qu’il a continuée et finalisée, dans trois autres ouvrages, avec Bill Ransom.

Transportant des milliers d’humains mis sous cryogène, le vaisseau spatial Terra est en route pour Tau Ceti, une planète située dans une autre galaxie. Mais les cerveaux humains incorporés à l’ordinateur de bord et chargés d’assurer le voyage, lâchent les uns après les autres.

Livrés à eux-mêmes, quatre astronautes – Bickel le capitaine, Timberlake l’ingénieur, Flatterie le psychiatre-aumônier, Prudence la médecin – n’ont pas d’autre choix que de construire une intelligence artificielle, une conscience, pour assurer le voyage censé durer 400 ans.

En réalité toutes les anomalies de l’astronef ont été prévues par Hempstead et ses hommes qui supervisent depuis la Lune, le Programme conscience. Aucun retour sur Terre n’est possible. Et sans l’intelligence artificielle, le voyage sera de courte durée (problèmes de vivres et d’espérance de vie).

Voilà les quatre astronautes dérivant dans le vide, « la substance brute à partir de laquelle on peut tout créer ». Entre discussions scientifiques et techniques pour créer l’intelligence artificielle et débats métaphysiques sur la notion et les risques d’une conscience artificielle indépendante, ils doivent œuvrer pour leur survie.

Destination vide est une sorte de huis clos spatial. La lecture du roman est rendu difficile par la surabondance des raisonnements, termes et concepts scientifiques et techniques. C’est typiquement de la « hard science fiction ». L’intérêt du livre réside dans le débat métaphysique et moral qui entoure le projet d’une I.A consciente et indépendante à laquelle on délaisse sa liberté, et qu’anime le psychiatre-aumônier entre les personnages.

17 juillet 2011

La prospérité du vice

Daniel Cohen est professeur à l’Ecole Normale Supérieure et à l’Ecole d’Economie de Paris. Il a écrit de nombreux ouvrages de vulgarisation sur l’économie et la mondialisation. La prospérité du vice est sortie en 2009. Lorsqu’un camarade de section m’a prêté le livre il y a quelques mois, j’ai cru au départ à un n-ième ouvrage sur la crise des subprimes. Or si le sujet est traité, on était alors en plein plan de relance, l’essai dépasse largement la question pour faire une histoire de l’économie.

Le titre du livre fait référence à la Fable des abeilles de Bernard de Mandeville, dont la morale postule que les vices privés font les vertus publiques. L’envie, le gaspillage, l’ostentation et les inégalités sont placés au cœur d’une dynamique de circulation des richesses, que des comportements plus moraux et altruistes défont. On est loin de la thèse de Max Weber, pour qui l’ascétisme et l’éthique protestante, par la constitution d’un stock d’épargne qu’ils favorisent, seraient à l’origine du capitalisme.

L’ouvrage se veut une « introduction (inquiète) à l’économie », entendue ici non comme la discipline « scientifique » qu’on enseigne dans les facultés, mais comme la manière dont une société s’organise pour produire, distribuer, échanger et consommer de la richesse (définition toute personnelle qui m’a valu la moquerie d’un jury de concours). Si l’auteur introduit quelques auteurs classiques de la pensée économique, c’est pour mieux analyser l’histoire du développement de l’Occident.

L’économie née avec l’humanité qui se sédentarise, que l’anthropologie explique (je simplifie) par les changements climatiques, la création d’outils et l’agriculture. Le progrès scientifique et technologique est déterminant dans le développement des civilisations. L’empire romain, fondé sur l’esclavage et la bureaucratie, illustre le cas d’une civilisation dont l’absence d’innovation explique le déclin. La Chine, pourtant en avance technologiquement sur l’Occident, a déclinée en se refermant sur elle-même.

L’histoire économique montre l’importance des conditions institutionnelles et sociales du développement, la prééminence du conflit sur la pacification et l’exploitation des opportunités de croissance possible parce que géographiquement contenue. La croissance européenne s’est largement fondée sur une spécialisation internationale qui a reporté sur d’autres continents la contrainte de production agricole et bénéficié de l’exploitation de ressources énergétiques non renouvelables.

Loin de servir la pacification des relations internationales, l’enrichissement des États a nourri des ambitions de puissance. Les crises militaires coïncident avec les phases de haute conjoncture et non avec celles de basses pressions comme le suggère la thèse de la compétition pour les ressources rares. Les périodes de crises se sont historiquement traduites par une tendance au repli que seule la seconde guerre mondiale semble contredire.

Dans un chapitre consacré aux « conséquences économiques de la paix », l’auteur analyse l’impact du traité de Versailles de 1918 sur l’Allemagne économique et politique. L’esprit revanchard des Français a brisé la reprise économique allemande et miné la République de Weimar. La crise de 1929 a fait le reste. Je n’ai pu m’empêcher de faire un rapprochement avec la situation de certains pays européens avec les plans d’ajustement qu’on leur impose.

De la même façon, lorsque Daniel Cohen revient sur la crise de 1929, on ne peut être que frappé par la similarité de ses causes avec celles de la crise des subprimes (crises immobilières, financières, économiques), et à un moindre degré, l’homme n’a pas tout oublié des leçons de l’histoire, par les ressemblances des réactions politiques et des institutions monétaires.

La période de forte croissance continue des Trente glorieuses est expliqué par l’amélioration des capacités de pilotage de l’économie par les autorités publiques, traumatisés par les années trente, et à la diffusion des idées keynésiennes. Mais ces dernières n’ont cependant pu s’appliquer avec efficacité qu’en raison d’un important différentiel de croissance et de gains de productivité entre l’Europe et les États-Unis. Le ralentissement des années 70 correspond à l’achèvement du rattrapage.

La fin des Trente glorieuses a mis en lumière l’addiction de nos sociétés pour la croissance, afin de financer nos systèmes sociaux ou satisfaire des aspirations au bonheur individuel. Pour Daniel Cohen, le sentiment de satisfaction est d’avantage lié à la dynamique de l’amélioration des conditions de vie qu’au niveau effectivement atteint. Quant aux dépenses collectives, dont l’évolution dépend des besoins collectifs consolidés, leur dynamique tient plus des acteurs qui les mettent en œuvre que de l’Etat, qui tend plutôt à les réfréner.

Avec l’arrivée des pays émergents (Chine, Inde, Brésil) et l’acceptation, progressive, des limites écologiques de notre modèle de développement, nous sommes amener à repenser toute l’économie. Celle-ci ne doit pas être réduite à un ensemble de contraintes auxquelles l’humanité doit s’adapter, au risque de replonger dans la logique malthusienne. Redonner de la valeur au capital humain et s’appuyer sur la production immatérielle (peu consommatrice de ressources, coût de duplication très faible) est une des pistes avancées par Daniel Cohen.

14 juillet 2011

Primaire socialiste 2012 (3)

De l’importance des listes de soutiens.

La phase des déclarations de candidatures s’est achevée hier à minuit. A moins d’un retour rapide de DSK, blanchi des accusations portées contre lui, ou d’une participation d’une autre formation politique (le MRC via Chevènement), non soumis au calendrier socialiste, la primaire comptera bel et bien six candidats.

Si l’on met de côté le cas de Jean-Michel Baylet, tous les candidats socialistes à la primaire appuient leurs candidatures sur le soutien de très nombreux élus. Aubry et Hollande affichent les plus importantes listes de soutiens, quand Montebourg, Royal et Valls plafonnent et cherchent à compenser par le recrutement de « volontaires ».

Alors que la primaire est ouverte à tous les français, ce sont les sympathisants de gauche qui choisiront le candidat en octobre prochain, la course au soutien d’élus détonne quelque peu. On se croirait dans la préparation d’un congrès. Pourtant, après réflexions, j’analyse quelques raisons justifiant la constitution de telles listes.

Tout d’abord, pour être candidat (socialiste) à la primaire, un certain nombre de parrainages sont requis. Mais comme pour la présidentielle, en avoir bien plus que le minimum requis n’est pas interdit (de mémoire, en 2007 Royal affichait 11 000 parrainages alors que seuls 500 suffisent). De telles listes sont donc très utiles pendant la phase des déclarations des candidatures.

Ensuite, une liste de soutiens assez importante montre qu’une dynamique collective s’est crée autour du candidat. Un bon candidat, c’est quelqu’un qui fédère autour de lui, en particulier des gens de sensibilité et d’horizons différents, que ces soutiens soient par intérêt ou par conviction. Un manque de soutiens peut décourager certaines candidatures (Moscovici par exemple).

Enfin, de nombreux militants socialistes choisiront leur candidat en fonction de ses soutiens, non qu’une consigne leur soit donné en ce sens mais parce que beaucoup sont à l’écoute de leurs élus (locaux, nationaux). Or les militants constituent la fourchette basse du corps électoral de la primaire, et restent les meilleurs relais des candidats (via le tractage, le porte à porte, les affiches, la présence sur les marchés etc).

L’inconnu de ces primaires reste la participation électorale des français de gauche. La mobilisation des militants et volontaires auprès de ces derniers sera déterminante. Mais c’est par leur style, l’approche politique, leur choix des thèmes et des priorités que les six candidats se démarqueront les uns des autres. Un messager est une condition nécessaire, mais avoir un message est encore plus déterminant.

Note 1 : Moscovici, candidat ?

Note 2 : Le PRG participera à la primaire socialiste

13 juillet 2011

Primaire d'Europe Ecologie (3) Eva Joly candidate

Les résultats du second tour de la primaire (interne) d’Europe Ecologie – Les Verts ont été rendu publics hier : les militants et adhérents écologistes ont très largement choisis Eva Joly pour porter les couleurs de l’écologie politique à la présidentielle de l’an prochain.

C’est un coup dur pour Nicolas Hulot, grand favori des sondages et des principaux média. L’homme paye son ralliement tardif au mouvement écolo et ses propos sur Borloo. Sa vision de l’écologie, axée sur le dialogue et la pédagogie, n’a pas séduit Europe Ecologie. Sa candidature offrait pourtant aux écolos, à mon sens, une plus grande visibilité politique et pouvait étendre leurs influences au delà de leur électorat traditionnel.

En réalité le parcours d’Eva Joly et l’« écologie de combat » qu’elle entend porter, correspond simplement mieux à la philosophie des écolos. L’écologie doit souvent affronter le pouvoir de l’argent et l’influence de multinationales. Ancienne magistrate, en charge de l’affaire Elf ou en mission en Norvège dans la lutte contre la corruption, Eva Joly a l’expérience des combats difficiles et a révélé la solidité de ses convictions.

De par son statut de magistrate, corps lié à la justice donc à l’idée d’institutions indépendantes garantes de impartialité, et son combat contre la corruption (financière international en particulier), elle apparait comme une « figure morale » dans un monde, politique et financier, immoral. Et sachant les attaques répétées de Sarkozy contre les magistrats, c’est un beau symbole que d’en avoir investie une pour 2012.

Enfin, en parlant des questions financières et de justice, la candidature Eva Joly incarne d’autres combats du mouvement écologiste, souvent les moins avancés médiatiquement : la régulation de la finance et la réforme constitutionnelle (VIème République véritablement parlementaire). Signe peut être que l’écologie politique n’entend pas s’enfermer dans les questions environnementales.

Précédents billets concernant la primaire écolo: note 1 et 2