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08 mars 2008

Le système électoral et partisan espagnol

Dans cette dernière note consacrée aux élections en Espagne avant le vote de dimanche, je voudrai présenter l'originalité du système électoral et partisan espagnol. Cette originalité permet d'expliquer, on le verre, un certain nombre d'enjeux  des législatives 2008.

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Le système électoral espagnol pratique le mode de scrutin proportionnel, corrigé par ce qu’on appelle la loi d’Hont (voir wikipédia).

L’Espagne est divisée en 17 Communautés Autonomes, elles mêmes subdivisées en provinces, cadre géographique des circonscriptions électorales. Chaque circonscription détient un minimum légal de deux sièges, le nombre de sièges suivants est attribué proportionnellement à la population de la circonscription. Aussi, les « régions » catalanes, madrilènes et andalouses – les plus peuplés – deviennent les zones clés du scrutin.

En conséquence de ce mode électoral, on observe d’une part une surreprésentation des zones rurales, et d’autre part un « sur coût » en termes de voix, pour l’obtention d’un siège dans les régions plus peuplés par rapport à un siège dans les circonscriptions les moins peuplés. Dans les deux cas, cela favorise tendanciellement le vote conservateur. Par ailleurs, le système électoral espagnol tend au bipartisme mais cela est aussi dû à la spécificité du régime des partis.

* *

En effet, la spécificité du cas espagnol réside dans la superposition du clivage « parti central/parti nationaliste » au clivage « gauche/droite».

On dénombre 3 partis d’envergure nationale :

  • le parti de la Gauche Uni (Izquierda Unida), sorte de fédération de parti politique rassemblant communistes et écologistes,
  • le Parti Socialiste Ouvrier Espagnol (PSOE)
  • le Parti Populaire (PP), l'hégémonique unique parti conservateur espagnol. Il rassemble en son sein toutes les familles de la droite (c'est-à-dire des démocrates chrétiens, néolibéraux et conservateurs jusqu’au nationalistes castillan dans le genre FN (1).

Mais à côté de ces parti de stature nationale, on retrouve des partis nationalistes/ régionalistes, affirmant leur revendication identitaire dans un certain nombre de Communauté Autonome :

  • Convergencia i Unio (CiU), parti nationaliste catalan, de droite modéré (influence démocrate chrétien),
  • Esquera Republicana Catalunya (ERC) parti nationaliste de gauche catalan (seul parti revendiquant la République
  • Initiativa per Catalaunya – Verds (ICV), qui est l’antenne catalane d’Izquierda Unida,
  • Partido Nationalista Vasco (PNV), parti de droite chrétienne basque,
  • Coalicion Canaria, spécifique aux îles Canaries,
  • Bloc National Gallego (BNG), parti régionaliste de gauche en Galice
  • Etc...

La liste est loin d’être complète. Certains mouvements et partis régionalistes n’ont pas d’existence parlementaire mais ont une certaine influence locale. C’est l’exemple du Parti Socialiste Andalou (PSA) ou de Parti Aragonais etc.

On peut mentionner aussi l’existence du Parti des Socialistes Catalans (PSC), autonome et distinct du PSOE mais qui reste son représentant en terre catalane.

La présence des ces partis nationalistes n’est pas sans conséquence sur le jeu politique espagnol.

Tout d’abord, bien qu’ils ne présentent de candidats que dans un nombre limité de circonscriptions, ils obtiennent autant, voir plus de sièges, qu’Izquierda Unida pourtant troisième parti d’Espagne en termes de vote.

Ensuite, ces partis identitaires mais de sensibilité de gauche ou de droite selon les cas, concurrencent les trois partis de stature nationale. C’est pourquoi le PP fait de faibles scores en Catalogne et au Pays Basques, où les électeurs ont le choix entre plusieurs droite; ou que le PSOE est fortement concurrencé (via le PSC) par ICV et ERC.

Enfin, ces partis nationalistes départagent le PSOE et le PP, en fonction des alliances conclues, lorsque ceux-ci n’obtiennent qu’une majorité relative. C’est ainsi qu’en 1993 Felipe Gonzalez, n’ayant pas obtenu une majorité absolu pour son 4ème manda, du s’allier avec les nationalistes catalan CiU. Ces derniers se rangèrent derrière Aznar lors des élections générales anticipées de 1996. Dernier exemple en date, José Luis Zapatero a du composer avec l’appui de divers partis nationalistes pour s’assurer une majorité.

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Au regard de ce rapide panorama, il faut donc prendre un peu de distance avec les machines à sondages qui annoncent tambour battant, une victoire socialiste par majorité absolue. En effet le système électoral et partisan joue structurelement en faveur de la droite.

Le Parti Populaire possède un double avantage: Représentant le seul parti de droite au niveau national, il ne risque aucune concurrence sur son flan droite, et bénéficie d'une assez faible volatilité des électeurs entre les deux grands partis pour ne pas être concurrencé sur le centre. Par la suite, le PP (dont le nombre de militants dépasse celui du PSOE, officiellement 600 000 contre 400 000) sait mobiliser ses électeurs. Dans une autre mesure, il bénéficie de l'appuie d'une partie des milieux économiques et médiatiques, qui financent via des dons sa campagne électorale.

De son côté le PSOE est concurrencé sur sa gauche, au niveau national via Izquierda Unida, au niveau régional via les partis nationalistes de gauche. S'il peut se prévaloir d'un bon bilan, un problème patent d'infrastructures (l'affaire de l'AVE reliant Barcelone - Madrid) et la question de l'immigration (et donc de l'intégration) et des nationalismes (notamment catalan) peut lui être fatal. Malgré tout, dans l'hypothèse de résultats serrés entre le PSOE et le PP nécessitant l'arbitrage des partis nationalistes, il est en meilleure position de recevoir ces appuis, que ne l'est le parti conservateur.

(1) Rappelons que la Parti Populaire a été longtemps présidé par Manuel Fraga, ancien ministre de l’information de Franco.

ERRATUM: quelques articles en complément sur ces élections...

http://www.lemonde.fr/europe/article/2008/03/07/jose-luis...

http://www.lemonde.fr/europe/article/2008/03/07/mariano-r...

http://www.lemonde.fr/europe/article/2008/03/08/les-trent...

05 mars 2008

Débat Zapatero - Rajoy

Ce dimanche il n’y a pas que les français qui vont aller voter. Nos voisins espagnols sont appelés à élire une nouvelle assemblée nationale (las Cortes) qui désignera de facto, le prochain locataire de La Moncloa , le Matignon espagnol.

Les deux face à face télévisé prévus entre les deux principaux chefs de partis, ont bien eu lieu les lundi 25 février et 4 mars. Il est possible de retrouver la retranscription du premier débat ici. Prologo.pdf

C’est la deuxième élection générale depuis la tenue des premières élections espagnoles en 1977 (soit un total de 9 élections législatives), qui voit s’affronter lors d’un duel télévisé, les chefs des deux premiers partis d’Espagne.

La pratique de tels débats parait aller de soit dans des pays qui possèdent un scrutin présidentiel comme les Etats-Unis ou la France lors du second tour. Mais pour un régime parlementaire où s’affrontent une dizaine de partis, ce face-à-face en campagne, entre les deux plus grandes forces politiques du pays, pose le problème de l’égalité de tous les partis face au temps médiatique.

Mais la présence de partis nationalistes régionaux, concourant aux côtés des partis d’envergue nationale espagnole, au suffrage universel mais dans la seule zone géographique où s’exprime ces identités, semble justifier cette inégalité de traitement. Pour autant c’est oublier la présence du troisième parti d’envergure nationale. En réalité, ces duels télévisés sont la conséquence d’un système électoral à tendance bipartisan, qu’ils contribuent à renforcer.

Les débats ont bien eu lieux. Ils ont vu s’opposer José Luis Zapatero, président socialiste sortant du gouvernement espagnol, à Marinao Rajoy, chef du premier parti d’opposition. Deux personnalités, deux projets

Le premier débat a montré selon moi une Espagne politiquement crispée. Le ton des deux candidats était quand même assez violent, chacun accusant l’autre, non seulement de mensonges, mais d’indignité par rapport au pays et aux citoyens. C’est aussi un duel très tourné sur le passé puisque chaque candidat a renvoyé l’autre à ses actions politiques passées. Mariano Rajoy, comme à son habitude depuis 4 ans, a dépeint une Espagne brisée par 4 ans de gestion socialiste. Zapatero à de son côté renvoyer son adversaire à ses responsabilités durant les années Aznar.

La stratégie de Rajoy semble « normale » (comme chef d'opposition) même si elle s’en trouve en pratique affaiblie par une violence, une arrogance et une excessivité insoutenable. Celle de Zapatero n’élève pas le débat, même si elle a un sens certain lorsqu’on voit Rajoy assumer fièrement les dérapages du gouvernement Aznar (guerre en Irak, mensonge vis-à-vis de l’attentat du 11 Mars 2004). Zapatero a su défendre son bilan mais s’est parfois perdu dans les statistiques, qui accumulés sur un laps de temps aussi court, conduit à l’overdose. Enfin, Rajoy a centré ses interventions à critiquer la gestion socialiste en ce qui concerne l’immigration (la régularisation massive des travailleurs immigrés), du terrorisme basque (négociation avec l’ETA) et l’organisation politique de l’Espagne (en gros le Statut de la Catalogne ). D’après moi, elles sont exagérées mais elles mobiliseront sûrement son électorat droitier.

Le second débat m’a paru plus détendu et surtout plus intéressant. Les deux candidats ont tour à tour présentés leurs propositions en matière économique, de questions sociales, d’éducation, de logement etc. Les sujets européens, d’environnement ou de politique étrangère (notamment vis-à-vis de l’Amérique Latine) ont été à peine abordés. Le candidat conservateur a de nouveau lancé le débat sur le terrorisme, l’immigration et l’organisation statutaire de l’Espagne, mais avec peut être moins d’agressivité. Mais Zapatero m’a semblé dominer le face-à-face, tant par ses propositions (plus nombreuses que celle du candidat conservateur), que par ses répliques aux diverses attaques. Rajoy a paru parfois désorienté et lent à réagir aux réponses-attaques du président du gouvernement.

Maintenant, la campagne continue jusqu’au 9 mars prochain. Je souhaite pour ma part une victoire socialiste pour un second mandat de Zapatero.

27 février 2008

Débat Solbes - Pizarro sur l'économie

L'économie semble être devenue un enjeu important dans cette campagne électorale, ce qui ne surprend pas tellement étant donné le ralentissement observé ces derniers mois en réactions aux turbulences financières de l'été dernier.

Aussi dans l'attente du grand face à face télévisé (qui a eu lieu lundi soir), les deux grands partis politiques espagnols (à savoir le PSOE et le PP) se sont mis d'accord pour organiser un premier débat sur les questions strictement économiques.

Ce débat a eu lieu la semaine dernière. Pedro Solbes, ministre socialiste de l'économie et des finances et second vice- président du gouvernement, s'est vu confronté à Manuel Pizarro, ex-PDG d'une grande banque espagnole et probable ministre de l'économie dans un gouvernent de droite.

Je pense que la stratégie de la droite visant à critiquer les résultats économiques du PSOE ces 4 dernières années est peu pertinente. Emettre des doutes ou faire des contre propositions sur la façon d'agir dans les mois à venir pour faire face au ralentissement prévisible de l'économie espagnole aurait été plus avisé.

Sans vouloir sanctifier l'action du gouvernement de Zapatero on peut dire quand même que l'économie espagnole s'est assez bien portée ces 4 dernières années. Voyez plutôt: Taux de croissance moyen du PIB de 3%, excédent budgétaire pendant 4 ans, réduction de la dette à 30% du PIB, création de 2 à 3 millions d'emplois en 4 ans, réduction du chômage à 8,2 %, réduction des prélèvements obligatoires etc. On en serait presque jaloux :)

Et cette santé économique s'est accompagnée d'une série de mesures sociales tel que l'augmentation du SMIC de 400 à 600 euros, une revalorisation des minimums retraites et autres prestations sociales (allocation chômage et sociale, bourses, congés paternités etc), un vaste plan pour lutter contre la dépendance d'un certain nombre de citoyens. La liste est longue.

L'Espagne revient de très loin. Ce pays s'est métamorphosé en l'espace de 30 ans de façon extraordinaire, politiquement, socialement, culturellement et économiquement parlant. Et aujourd'hui il est dans les mieux placés au niveau européen. Pour autant tout n'est pas rose au pays de Cervantes. J'ai fait part précédemment des analyses du professeur Vicenç Navarro sur le sous-développement social de l'Espagne, même si l'action des socialistes a permis de réduire l'écart avec la moyenne européenne de l'UE-15.

De la même façon, le miracle économique espagnol ne doit pas faire illusion. L'Espagne a connu un cycle de croissance soutenue, de 1994 jusqu'à nos jours, essentiellement basé sur le boom de l'immobilier et un taux d'intérêt propice aux affaires. Mais si les indicateurs macroéconomiques précédemment cités sont tout à fait positifs, il ne faut pas oublier que l'Espagne connait un faible niveau de productivité (compensé par une durée hebdomadaire et annuel de travail plus importante), un taux d'inflation élevé (2 à 3%) et un déficit de la balance de paiement qui révèle un problème de compétitivité (même si l'Espagne a pénétré et s'est installé sur beaucoup de secteurs).

Mes quelques connaissances économiques m'amène à dire que l'Espagne est dans une bonne position à court et moyen terme, mais qu'elle doit mieux prendre en compte (ils m'ont pas attendu pour le faire bien entendu) ses lacunes structurelles. Cependant la crise financière de l'été dernier risque de casser le cycle de croissance espagnol. Le secteur immobilier est un des moteurs de cette croissance, via l'endettement des ménages espagnols pour l'acquisition de leurs logements. Or les taux d'emprunt ne sont pas fixes mais variables au taux d'intérêt directeur (grosso modo). Tant que le taux d'intérêt directeur (décidé par la BCE) est bas, les remboursements mensuels sont faibles et les ménages espagnols conservent un certain pouvoir d'achat. Mais toute augmentation du taux (comme il vient de se produire) se traduira par une hausse des intérêts à rembourser, ce qui laisse supposer dans le cadre d'une économie d'endettement, une contraction de la demande interne, donc de la consommation (donc une réduction des activités qui ne favorise pas l'emploi et les revenus).

Bien sûr, ce ne sont que des remarques générales à partir de modèles économiques simplifiés. Il y a beaucoup d'aspects de la finance que j'écarte et dont je n'y comprends rien. Du reste, l'Espagne a des marges de manœuvres suffisantes (budgétaires en particulier) pour faire face à une crise. Reste la question de la sensibilité sociale pour soutenir les laissés pour compte et les égarés des divers revirements du capitalisme financier...

25 février 2008

Elections générales en Espagne

Jeudi dernier a commencé en Espagne la campagne offici-elle de deux semaines pour les élections générales (i.e législatives) du 9 mars prochain.

Je trouve incroyable de voir à quel point la presse française, en matière de question internationale, est tellement concentrée sur les primaires américaines qu'elle en oublie ce qui se passe de l'autre côté des Pyrénées. Quel contraste avec la presse espagnole, du moins son principal quotidien El Pais, qui parle assez souvent des affaires françaises !

Pour avoir vécu 6 mois en Espagne et ainsi étudié la politique espagnole, je trouve que le système politique espagnol est tout ce qui a de plus original (bien que proche du modèle britannique). J'y reviendrai plus en détail dans les jours qui viennent. J'avoue que ça me tient à cœur.

Un des enjeux de cette élection est de savoir si la majorité socialiste sortante, menée par le Président du Gouvernement José Luis Zapatero, sera reconduite (et si oui, dans quelle proportion) ou sanctionnée alors au profit de la droite, dirigée par Mariano Rajoy.

Bien que je ne sois pas électeur espagnol et tout en sachant certaines limites de la gestion socialiste des 4 dernières années, je n'hésite pas à dire que "Yo tambien estoy con Zapatero". Ces élections me tiennent d'autant plus à cœur que j'avais (presque) l'occasion, en tant que militant socialiste, d'aller faire campagne sur Madrid avec d'autres jeunes socialistes européens.

Ce soir à 20h30 sur les chaines espagnoles, aura lieu le premier débat télévisé entre les deux principaux candidats. Le second se fera dans une semaine me semble-t-il.

 

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José Luis Rodrigues Zapatero y Mariano Rajoy

D'un point de vue historique ce sera la deuxième grand face à face télévisé opposant le président du conseil et son premier opposant. Aux Etats Unis lors des primaires comme aux élections présidentielles, le débat télévisé confrontant les principaux candidats est une pratique assez naturelle. En France, c'est devenu une coutume depuis 1974 pour l'entre deux tours des élections présidentielles, à l'exception de 2002 pour les raisons que l'on sait.

Or en Espagne, le précédent grand débat télévisé (et le premier de l'Espagne démocratique) s'est tenu en 1993. Le socialiste Felipe Gonzalez était alors président du gouvernement (i.e Premier Ministre, le Chef d'Etat étant le roi Juan Carlos 1er) et postulait pour un 4ème mandat. Son concurrent était alors José Maria Aznar, el bigote pour reprendre l'expression de ma mère, chef du Parti Populaire qu'il a contribué à moderniser et "recentrer". L'Espagne connaissait alors une double crise: économique d'abord avec la récession provoquée par une série d'attaques spéculatives contre les monnaies européennes, et de confiance politique ensuite, puisque éclataient les premières affaires de corruption. Le charismatique Felipe Gonzalez se lançait en campagne donné perdant. Les deux débats télévisés lui permirent, du moins on le dit, de l'emporter au final.

Aussi 3 ans plus tard lorsque Felipe Gonzales provoqua des élections anticipées, il proposa un nouveau duel télévisé. Mais Aznar, se souvenant du précédent exercice, refusa net. Et en 1996, le Parti Populaire l'emporta après 14 ans d'opposition. Par la suite, "los "populares" Aznar puis Rajoy (le successeur d'Aznar après ses deux mandats consécutifs) refusèrent toute confrontation télévisuelle: en 2000 contre le socialiste Joaquim Almunia, et en 2004 contre Zapatero.

14 janvier 2008

La fin des organisations politiques ? (2)

Je reviens sur les remarques qui m’ont été faites à ma note « la fin des organisations politiques ? », auxquelles je n’ai pas répondu par manque de temps.

Après plusieurs relectures, je suis toujours intrigué par la façon dont mes propos ont été perçus et interprétés. J’ai peut être fait trop long ou bien abordant plusieurs points à la fois, le fil conducteur de ma réflexion ne semble pas aller de soit. Le titre n’est sans doute pas non plus adéquat.

J’ai abordé la question des média en faisant le lien avec la politique. Pour moi, l’arrivée des média de masse (presse écrite, radio, cinéma puis télévision) a entraîné un changement conséquent dans les stratégies de communications des partis politiques. La communication politique c’est ce qui permet à une organisation donnée de diffuser ses idées, ses analyses, son programme, ses actions à des citoyens- électeurs.

Dans les années 1900, Jean Jaurès utilisait L’Humanité pour défendre la cause du socialisme humaniste et républicain. Des années 30 jusqu’au années 50, c’est au tour de la radio de prendre le relais, et le programme radio d’alors n’avait sûrement rien à voir avec les émissions d’aujourd’hui. Je passe sur la sinistre utilisation nazi et soviétique des moyens de communication au service d’idéologies totalitaires. De 1950 au années 1980, l’arrivée de télé et sa lente autonomie, puis ses évolutions programmatiques, change encore plus la donne. Parler deux heures à la télévision permet d’atteindre une cible politique plus large et à moindre frais, que de longues heures de coûteux meeting (avec une dimension de proximité différente que celle de la télévision).

La relation du politique au média a changé en parallèle à l’apparition et l’évolution de la classe médiatique et/ou journalistique. J’hésite presque à dire que les choses sont encore plus « compliqués » depuis que cette classe médiatique s’est autonomisée (i.e qu’elle a acquis une certaine légitimité cathodique). Mais en même temps, la relation des citoyens à l’objet politique s’est trouvé transformée. Et je dis que les média n’y sont pas pour rien, même si j’admets qu’il y a d’autres facteurs explicatifs.

La présence régulière et toujours croissante des média (qui traitent de moins en moins de la chose politique au profit d’activités dit de « loisirs », soit de distractions...ce qui en dit long) tout au long de nos vies, change complètement notre façon de voir tout en marquant nos vies. On ne voit pas les choses de la même façon selon que le cinéma correspond à une sortie exceptionnelle en famille ou selon qu’il soit notre sortie hebdomadaire entre copains. Il y a 40 ans, la télévision restait un produit de luxe et la programmation était limitée en nombre d’heures comme en types d’émissions. Aujourd’hui la télévision est en général une chose qui fait partie de notre quotidien. C’est peut être encore plus vraie pour ma génération. Les valeurs transmissent par la télévision (et ses divers programmes) ont évolués avec le temps, du coup, le référentiel n’est pas le même selon les générations. Il suffit de voir avec la clope, l’idéal de la famille ou encore la figure du mâle. Bien sûr, chaque individu intériorise différemment les valeurs et les normes.

L’arrivée d’Internet va changé encore plus, au travers de ce qu’en font les utilisateurs bien entendu (la machine en soit ne véhicule rien), les valeurs et normes de nos sociétés contemporaines. Je ne dis pas forcément en bien ou en mal, même si selon mes valeurs, il y a beaucoup de risques. J’ai entendu dire qu’il y a de plus en plus de cas de divorce parce qu'on passe trop de temps sur le net. Autre exemple, l’immigrant qui a accès au net peut rester en contact quasi sans interruption avec sa famille resté au pays. Vous vous doutez que ça n’a rien à voir avec les fameuses lettres qui mettaient des mois à arriver. Ca crées des conditions d'expériences différents d'une génération à une autre.

Ce changement pratique dans le vie quotidienne et des valeurs transmisses et admises en société fait que le rapport à la politique est différent. C’est différent d’être socialisé politiquement au travers de meeting que vos parents-militants contribuaient à préparer (un exemple absolument pas personnel) que d’être initié à la politique via une émission télé-politique. La socialisation politique dépend beaucoup des parents (la famille). Mais elle dépend aussi des événements qui animent votre époque et vous touche de près, physiquement comme votre conscience. Le Front Populaire, l’Occupation, les guerres de décolonisation, le Gaullisme, Mai 68, Mai 81, la Marche des Beurs, les manifs anti-CIP ou CPE, la présence de Le Pen au 2nd tour en 2002, la guerre en Irak… tous ces événements touchent différemment les individus selon sa position sociale et les normes et codes de son milieux, et forgeront en lui une conscience et des convictions politiques types. Mais je me garde bien de tomber dans un déterminisme social.

Concernant la dépolitisation que vous avez abordés sur le forum des Pots Aux Roses, elle peut être comprise comme un refus de s’identifier aux représentations (mentales, par exemple, la clivage gauche/droite) et pratiques des acteurs politiques traditionnels (soit les acteurs institutionnalisés comme les partis politiques ou syndicats). En somme, on ne se reconnaît plus/pas dans les idées, les pratiques et actions défendues par telle organisation politique. Par contre la dépolitisation comme refus de donner un caractère politique (en dehors du clivage gauche/droite) à une action sociale/sociétale (comme un mouvement social, lobbying de telle association), est en lui-même, un acte/ choix politique.

Sur la comparaison entre organisme humain et organisme social, il faut en effet éviter 2 écueils : d’abord celui de voir le tout comme la somme des partis qui la composent ; ensuite de voir le tout supplanter voir écraser l’individu. Une différence importance que je n’ai pas mentionné mais qui rejoins ces pièges à éviter, c’est que l’être humain est doté d’une conscience autonome là où une organisation en est dépourvu, sauf comme on l’a dit, à travers de ses membres. Oui, une institution ne vit qu’au travers des membres qui la composent. Pour autant, une institution est subjectivé autant qu’elle est le produit d’objectivation (c'est à dire qui s'impose à l'individu sur la plan des représentations).

23:05 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : média, gauche