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24 janvier 2010

Quand Lionel raconte une part de notre histoire...

Certaines situations politiques ne manquent pas d'ironie. Alors qu'en mai 2007, un certain candidat Sarkozy nous proposait de « construire la France d'après », presque trois ans après, la France justement, semble empreinte d'une certaine nostalgie. Comme si les perspectives du futur seraient trop sombres pour qu'on s'y attarde, le débat politique est aujourd'hui en partie marqué par un retour sur l'histoire et certains de ses acteurs contemporains.

Pour s'en convaincre, il suffit de voir le succès du premier tome de l'autobiographie de Jacques Chirac ou encore l'émotion et le débat suscité par la disparition de Philippe Séguin, deux personnages politiques qui ont marqués plus ou moins la vie politique des quarante dernières années. A un autre niveau, le monologue sur l'Identité nationale contribue à un débat sur nos origines respectives.

Hasard du calendrier, c'est dans ce contexte de retour vers le passé que parait en librairie le dernier livre de Lionel Jospin : Lionel raconte Jospin. A travers une série de dialogues avec Patrick Rotman et Pierre Favier, le dernier Premier Ministre socialiste que la France a connue, relate une partie de sa jeunesse et revient sur sa longue expérience politique.

En attendant de pouvoir dévorer le livre - dès qu'un de mes potes l'aura fini - j'ai patienté en regardant le documentaire en deux parties, diffusé dernièrement sur France 2. Dans la mesure où ma conscience politique est née l'année où Jospin s'est fait éliminer dès le premier tour de l'élection présidentielle, j'éprouve de fait, toujours une certaine sympathie pour le personnage. Et le 21 avril 2002 suscite encore un questionnement sur la démocratie.

Dans la première partie du documentaire, il est question de la période qui va de l'enfance de Lionel à la réélection de François Mitterrand en 1988. Du fait des éléments traités (l'enfance, la famille, le lycée, sa passion pour le sport, son entrée à l'ENA, son passage à l'OCI, sa période de professorat, son arrivée au PS, son travail auprès de Mitterrand, son rôle de Premier secrétaire), cette première partie du documentaire est à mon avis la plus personnelle. Mais pas non plus trop intime, le personnage restant discret et austère, fidèle à l'image qu'on se fait de lui.

La seconde partie qui aborde la période 1988-2002 se regarde surtout en tant qu'histoire collective, celle du socialisme français et de la politique française en général, analysée sommairement par un homme qui a plus ou moins occupé un rôle de premier plan. Le second septennat de Mitterrand est quand même rapidement survolé.

On a droit à quelques commentaires sur son passage à l'Education nationale, ou sur ses rapports avec Mitterrand lors de la guerre du Golf ou lors du référendum de Maastricht. Quelques mots aussi sur le congrès de Rennes (à l'origine du différend Jospin-Fabius et l'éclatement de la mitterrandie), sur l'arrivée de Cresson à Matignon, puis sur Bernard Tapis. Par contre, la mort de Bérégovoy n'est même pas abordée...

Cette seconde période se concentre surtout sur sa candidature à l'élection présidentielle de 1995 (du désistement de Delors et de l'organisation des premières primaires socialiste à la campagne présidentielle et son échec face à Chirac) puis son passage à Matignon entre 1997-2002 (rapports au sein de la gauche plurielle, rapports au sein du gouvernement, rapports avec Chirac et la droite de l'époque). Le documentaire finit sur son analyse de la défaite et les raisons de son départ définitif de la vie politique.

Plusieurs choses m'ont marqués dans ce documentaire :

D'abord, le phrasé de Jospin. Son verbe, y est très retenu, très pensé et très structuré. Il a une voix et une locution très personnelle et bien reconnaissable. Elle attire l'attention je trouve. En tout cas j'aime bien l'écouter.

Ensuite, on ne peut s'empêcher de remarquer une certaine neutralité dans ses propos par rapport à certains responsables politiques socialistes ou de la gauche en général, à l'exception de Mitterrand et de Tapis. Points de portraits flatteurs ou de petites phrases désobligeantes à l'égard de Rocard, Fabius, Chevènement, Aubry, Royal ou DSK... les trois derniers ne sont même pas cités il me semble.

Par ailleurs, on peut mesurer son attachement à défendre coute que coute son bilan à Matignon que ce soit sur le plan économique, politique, sociétal ou sécuritaire. Et du coup, l'épisode du 21 avril semble pour lui rester une douloureuse expérience, encore mal digéré. Les quelques concessions faites sur ses lacunes masquent mal son sentiment d'injustice. Pour l'autocritique on repassera...

Il y a également l'attachement affiché et répété à la famille socialiste en général et au Parti Socialiste en particulier. Cela ne laisse pas indifférent les militants socialistes, surtout les plus anciens. Cet attachement sentimental à cette vielle et belle famille force pour moi le respect. Mais du coup il dégage une image d'un homme de parti qui écorne celle d'homme d'Etat, qu'il a été. Sans parler du fait que par moment, il donne l'impression de vouloir figer le socialisme dans le temps, en le réduisant à la période où il exerçait des responsabilités.

Il faudra bien pourtant que celui qui s'était octroyé un droit d'inventaire sur les années Mitterrand finisse par accepter de laisser à une nouvelle génération ce droit à juger les années Jospin. Le tout étant de construire une critique « objective » et non systématique de ces cinq années là. A bien des égards, son bilan législatif est remarquable. Les résultats sont cependant plus nuancés.

Enfin, on pouvait retrouver dans les images d'archives, les principales personnalités socialistes de nos jours, à l'époque où elles occupaient des responsabilités sous le second mandat de Mitterrand et plus encore sous le gouvernement Jospin. Et si je n'ai pas coutume de porter de jugement sur l'âge et l'image de nos responsables politiques, je dois bien reconnaitre que j'ai été stupéfait de voir que certains ont pris un coup de vieux.

Cela doit nous rappeler que la gauche ne doit pas avoir les yeux rivés sur la « dream team » de la période 1997-2002, et que plus on restera attaché à cette période, dont il convient de tirer profit du meilleur, plus le décalage avec la société dans le présent se sentira. Il revient à la gauche d'écrire une nouvelle page de son histoire, et ce faisant de bâtir un nouveau chapitre de celle de notre République.

29 août 2009

Réflexion sur les primaires ouvertes à gauche

Depuis la défaite de la gauche à l’élection présidentielle de 2007, et dans un contexte de crise de leadership prolongé au sein du premier parti de gauche face à l’hyper présidence Sarkozy, on a vu émergé et s’imposer dans le débat public le projet de primaires à la française afin de faire émerger le futur challenger au Président en 2012.

C’est d’abord la Fondation Terra Nova qui en 2008, a lancé le débat par la publication d’un essai, intitulé Pour une primaire à la française, et co-écrit par Olivier Duhamel et Olivier Ferrand. Reprise par certaines personnalités socialistes (Moscovici, Royal, Valls, Hamon) à l’occasion du congrès de Reims, inscrite dans certaines motions (C, D, E au moins), l’idée sera, au travers du débat parti de militants contre parti de supporters, un des enjeux du congrès. Enfin, en juin dernier, après la défaite des socialistes aux élections européennes, Arnaud Montebourg, secrétaire national à rénovation, a publié une note sur le sujet et appelle les socialistes à adopter ce système de désignation en vue de la prochaine présidentielle.

Depuis, les principaux responsables du PS se sont succédés dans les média pour s’exprimer en faveur des primaires et demander à la direction de s’engager sur ce point: Pierre Moscovici a lancé une pétition après les européennes ; Arnaud Montebourg appelle la direction à adopter le projet de primaires pour faire tomber les murs ; Vincent Peillon et ses amis, réunis à Merseille, "veulent aller vite" ; Manuel Valls parle de question de vie ou de mort ; Bertrand Delanoë et Laurent Fabius – jusqu’ici connus pour leur peu d’enthousiasme sur le sujet – ont finit par s’incliner. Et voilà que Martine Aubry s’engage clairement sur le sujet, tout en évitant de trancher la question du périmètre des primaires : le seul PS ou toute la gauche.

A titre personnel, malgré une lecture sérieuse des rapports susmentionnés et de nombreuses discussions avec des camarades plutôt favorables au projet, je ne suis pas convaincu de l’intérêt des primaires. Tout en reconnaissant la qualité des travaux de réflexion (A), je pense que ce système apporte plus de problèmes qu’il n’en résout (B).

 

- A -

L’intérêt de l’essai de Terra Nova est triple.

D’abord, il s’intéresse à la manière dont un parti politique se désigne un leader. Pour cela, les auteurs retracent l’histoire des primaires à gauche en revenant sur les désignations des candidats socialistes à la présidentielle depuis 1981. Bien que la première primaire socialiste date de 1995 – elle opposait alors Henri Emmanuelli à Lionel Jospin – il s’avère que les statuts du PS, en soumettant le choix du candidat socialiste aux militants, offrait dès le départ la possibilité d’organiser les primaires. C’est le retrait de la candidature de Michel Rocard face à celle de François Mitterrand qui a empêché le recours aux primaires en 1981.

Ensuite il fait état des expériences de primaires à l’étranger (américaines, italiennes, anglaises et dans une moindre importance espagnoles, grecques et allemandes) pour déterminer les bien faits et leurs limites, et inspirer le modèle des primaires françaises. Il en ressort ce tableau :

Enfin, l’essai propose aux socialistes de choisir en deux types de primaires : d’une part une « primaire présidentialiste », ouverte aux sympathisants socialistes et organisée peu avant la prochaine présidentielle sur le modèle du Parti Démocrate américain, et d’autre part une « primaire parlementariste », ouverte aux seuls militants et organisée juste après la dernière présidentielle sur le modèle du Parti conservateur anglais. La première doit désigner le candidat socialiste à la présidentielle quand la deuxième doit désigner le principal leader de l’opposition pour toute la législature. Les auteurs font part de leur préférence pour la première solution.

ps,gauche,aubry,rocard,mitterrand,jospin,royal

 

Le rapport Montebourg retient l’hypothèse de « primaires présidentialistes » ouvertes à tous les partis de gauche qui souhaitent y participer, et qui dans ce cas, les co-organiseraient du début (élaboration de la charte et des règles communes) jusqu’à la fin (désignation et campagne commune). Le principal intérêt du rapport réside dans l’exposition des principes qui doivent guider le choix et l’organisation des primaires ; et dans l’édiction de règles, claires et précises, encadrant le processus électoral des primaires.

Souhaitant éviter la répétition des erreurs de la dernière primaire socialiste, les auteurs du rapport Montebourg prévoient une campagne des primaires de six mois. En préalable, le PS organiserait une campagne de mobilisation pour constituer un premier fichier de sympathisants, base du réseau social de la primaire. La campagne se ferait en deux temps : la phase des éliminatoires, et le scrutin nominal à deux tours pour les deux derniers candidats.

Participerait aux éliminatoires, tout candidat revendiquant un certain nombre de parrainages de grands élus (la liste devant être définie bien avant la campagne et plus large que celle de 2006 qui limitait drastiquement le nombre théorique de candidats) ou de signatures d’un certain % de militants/sympathisants (à définir également).

Les éliminatoires se dérouleraient sur trois/quatre tours :

- au premier, on retiendrait les candidats ayants obtenu au moins 5% des suffrages exprimés,

- au second, ceux ayant obtenu au moins 10% des suffrages,

- au troisième, ceux revendiquant plus de 15% des suffrages,

- au quatrième tour, on ne garderait que les deux principaux.

 

Les éliminatoires doivent assurer « le rassemblement des candidats et de leur projet en équipe autour du vainqueur » par l’appel et l’engagement des candidats éliminés dans le soutien actif aux candidats restants. Le scrutin nominal à deux tours pour les deux derniers candidats durerait un à deux mois et devra déterminer le candidat unique des partis participants à la primaire.

Voilà en résumé, le projet des primaires du rapport Montebourg-Ferrand. Je ne peux que saluer la qualité du travail de  réflexions et propositions, très détaillées, de ces deux textes. Je partage en outre l'idée qu'il convient, si on adopte le principe de primaires, de poser le cadre et les règles du jeu bien avant le début de la primaire. Cela ne peut que faciliter la participation de tous les possibles candidats et déminer à l'avance tout procés de "jeu de dés pipés".

 

- B -

Cela étant dit, je reste sceptique devant ce gros et beau projet. Mais dire cela ne signifie pas, comme me rétorquent certains mauvais esprits, que je sois pour le statut quo, que ce soit sur le fonctionnement actuel du PS ou sur e processus de désignation du candidat. Ne soutenant a priori personne dans les candidats déclarés ou probables – je ne renie en rien ma sympathie et ma proximité politique et intellectuelle avec DSK – ma position n’est pas guidée par le calcul politique.

Je pense que le principal défaut de ce projet de primaires reste d’avoir pris la présidentielle de 2012 (ou l’élection présidentielle en général) comme point de départ de la réflexion. La présidentielle reste dans le cadre de la Vème République, qu’on le veuille ou non, l’élection centrale du jeu politique et institutionnel. Pour autant, si on observe bien, cette élection n’occupe le temps politique qu’entre deux et huit mois sur une législature de cinq ans ; les deux mois correspondent à la durée légale de la campagne officielle, le reste étant la période où apparaissent, s’affirment et se déclarent les principaux futurs candidats.

Que des hommes et des femmes y songent bien avant et s’y préparent au sein de partis politiques ne doit pas nous faire oublier qu’entre l’élection du président et la prochaine présidentielle, c’est le temps de l’action gouvernementale. L’objet de la présidentielle, suivie des législatives, reste la désignation par le peuple français d’une équipe et d’une majorité politique en vue d’appliquer un programme. On se présente aujourd’hui pour agir demain.

A trop vouloir anticiper et préparer à l’avance la grande échéance, on court le risque de monopoliser le débat politique sur ce seul thème, et de le saturer, a fortiori lorsque l’enjeu est réduit à une question de personnes. Ce n’est pas sans conséquences sur le jeu démocratique. L’action gouvernementale peut s’en trouver paralysée (bataille de succession entre plusieurs possibles candidats de la majorité ; bataille de réélection qui impose de lever le pied dans le rythme des réformes). Et une exposition médiatique et politique trop hâtive et prolongée des aspirants peut leur etre nuisible, que ceux-ci sortent du bois deux, trois, quatre ans avant.

En ce sens, le projet des primaires n’est pas sans risques. Une campagne interne de six mois, utile pour que chaque candidat développe ses idées et son projet et qu’une personnalité s’en dégage avec une certaine étoffe de présidentiable, a l’inconvénient d’exposer trop longtemps le candidat qui après sa désignation doit encore passer l’épreuve de la campagne officielle. Ses forces et faiblesses, mis en évidence durant cette pré-campagne, seront exploitées par ses futurs adversaires. Une campagne interne fondée sur la différenciation des candidats et de leurs projets pose la question de la réconciliation, une fois le candidat désigné.

Une campagne interne de six mois peut s’avérer trop nombriliste si les questions de personnes supplantent les questions de fond (risque de démotivation voir de rejet des français) ou si les valeurs et les problématiques privilégiées par les candidats sont trop marquées politiquement pour mobiliser un électorat peu politisé. Enfin, il ne faut pas oublier les risques de surenchères de la part des candidats, sous l’effet de logiques internes (se donner une posture) ou sous l’effet des sondages d’opinion (qu'ils portent sur les personnes ou sur des enjeux précis).

Par ailleurs je suis sceptique vis-à-vis du projet des primaires parce qu’il me semble que la réflexion sur ce sujet ne s’est pas accompagné d’une réflexion sur le rôle des partis politiques et des militants dans le processus électoral et le système politique. Et si cette réflexion a eu lieu, alors je crains que je n’en partage pas les conclusions.

Le système des primaires a pour objectif la désignation d'un candidat en lui donnant une meilleure légitimité que celle acquise par un vote de quelques 200 000 militants. Dans l'idéal, chaque candidat avance avec sa tendance et son projet, et les militants/sympathisants arbitrent. Mais alors que vont devenir nos congrès internes si la question du programme et du leadership est réglé à la fin ? A quoi sert le Parti Socialiste (ou tout autre parti) pendant le temps qui sépare la dernière présidentielle de la primaire pour la prochaine ?

Les partis politiques sont des machines électorales qui servent à désigner des candidats et à faire la campagne de ces derniers à partir des ressources (financières, médiatique, symboliques, logistiques, humaines) dont ils jouissent en tant qu’organisation. Mais ce sont aussi des lieux de vies, de socialisation politique en interne (formation des militants) et en externe (vecteur de sensibilisation et de politisation de l’électorat). On ne peut pas se contenter de la première partie de la définition.

Acter le principe de primaires en fin de législature pour régler les problèmes de leadership, c’est instaurer la crise permanente de leadership. Car si l’enjeu du programme et du leadership peut se régler par une primaire, quel intérêt auront les responsables politiques de ménager le parti et sa direction, voir d’y travailler en son sein, si tout est réglé/tranché à la fin ? On n’est pas prêt de sortir des luttes internes. On a bien vu en 2006, que dans l’attente de la désignation des candidats par le système des primaires, chaque présidentiable s’est bien gardé de (trop) participer à la rédaction du projet, pour se garder quelques cartouches au moment de la campagne interne.

Le rapport Montebourg explique que le projet de primaires revalorisera le rôle des militants qui vont assumer la logistique des primaires sur le terrain, accessoirement en défendant leurs idées et leur leader. Il me semble que cela privilégie une logique de supporters (tout est ramené à la personne qu’on soutien) à la logique de militants (syndical, associatif, mutualiste), même s’il convient de reconnaitre que cette dernière est de moins en moins exploitée et favorisée. Un camarade FFE avait écrit une fois: "le PS est un parti d'élu qui ne sait pas quoi faire de ses militants". J'ai tendance à croire, qu'avec le système des primaires, ils souhaitent s'en débarrasser.

Je ne suis pas certain que les penseurs du projet de primaires aient forcément réfléchit et évalué les effets des primaires sur le rôle et le fonctionnement des parti et des militants. Dans ce sens, le débat sur les primaires ressemble à mon avis à celui sur le quinquennat. On justifie les primaires pour régler la question du leadership comme on justifiait hier le quinquennat pour mettre fin aux situations de cohabitation. Seulement, on n’a pas pensé que le quinquennat changerait le rythme politique et renforcerait la figure du président sur le Parlement. Or, comme disait Mendes-France, "gouverner, c'est prévoir".

Il me semble qu’avec les primaires, on va encore accélérer le rythme polico-médiatique en le centrant toujours plus sur les présidentielles. La démocratie ce n'est pas que les élections, c'est aussi le débat d’idées, les mobilisations sociales, les batailles parlementaires etc.

 

Pour conclure ces long propos, ije n’exclue pas de me tromper dans mon diagnostic et dans ma position. J’avais écrit l’an dernier que la forme des partis politiques étaient peut être désuètes et qu’à une organisation de type bureaucratique, il fallait peut être rechercher une organisation en réseau. Il est possible que l’engagement politique, qui n’est pas une spécialité française que ce soit en politique, dans le monde syndical ou associatif, soit à géométrie variable. Comme me disait Belgo, un jeune va peut être s’engager auprès des écolos sur tel enjeu, auprès des socialistes sur telle question, et auprès de gens de droite sur tel autre question. Aux partis de s'adapter. Il est possible aussi qu’avec le système des primaires, les partis politiques connaissent une nouvelle jeunesse en renouant des liens avec des milieux sociaux qui se sont éloignés de la politique. Pour l’instant, j’en doute.

C’est pourquoi sur le sujet des primaires, je préférerai encore la seconde solution qu'avait préconisé Terra Nova dans son essai: une primaire en interne et en début de législature. Mais cela implique une réforme de nos statuts et du fonctionnement de nos congrès (ne plus découpler vote de motion et vote du Premier secrétaire, rehausser le taux de représentativité à 10% ou donner un bonus à la motion arrivée en tête).

09 mai 2009

La lucha contra las 65 horas en el Parlamento europeo

 

Pour une majorité de gauche au Parlement européen

Votez P.S.E le 7 juin prochain !

13 août 2008

Sale temps pour les Travaillistes anglais.

Depuis leur lourde défaite aux dernières municipales il y a quelques mois de cela, les travaillistes anglais s’interrogent. A en croire la presse britannique qui relaye (et amplifie) les débats internes, officiels et officieux, nos camarades outre-manche semblent douter de l’autorité de Gordon Brown comme leader et chef de gouvernement, comme en ses capacités à porter le Labour vers une 4ème victoire, lors des législatives prévues en 2010.

Un an après son arrivée au 10 Downing Street, le Matignon britannique, Gordon Brown est perçu par les travaillistes comme une charge et le responsable de leur mauvaise situation. Aussi, suite aux élections de mai, et sur fond de sondages défavorables, des voix s’élèvent pour demander un changement de leader le plus tôt possible. L’idée semble prendre du chemin. La « disponibilité » de David Miliband, jeune ministre des affaires étrangères, et la publication d’une note de Tony Blair sur la stratégie de son successeur, apportent du grain à moudre à la machine médiatique et autres détracteurs du Premier Ministre.

Il est surprenant de voir comment en France, des journaux comme Le Monde, rendent compte de la situation politique outre-manche. Le manque de charisme, un problème de communication ou des hésitations dans la prise de décisions seraient les tares d’un Gordon Brown, usé par 10 ans de pouvoir au côté du si « incroyable et charismatique » Tony Blair, face au « jeune » et communiquant David Cameron, chef de file d’un Parti Conservateur supposé « recentré ».

Sans doute ces arguments ont une part de vérité.

Sur le plan de la communication publique, c’est vrai que Gordon Brown offre souvent un regard fermé et peu souriant, ce qui est peut être dû à la cécité de son œil gauche. Pour avoir écouté une petite partie d'un de ses discours, son ton semble monotone et sa gestuelle limitée et répétitive. Mais s’il y a bien quelques électeurs qui font un choix politique sur la « forme » du candidat, on peut espérer qu’ils ne constituent pas encore la majorité.

Sur le plan des hésitations ou des erreurs politique du gouvernement Brown, on peut en citer quatre. D'abord les revirements en septembre-octobre dernier sur la convocation d’élection générale anticipée. Ensuite, à peu près au même moment, la reprise par le gouvernement d’une proposition fiscale des Tories, donnant le sentiment de gouverner au hasard. En troisième lieu, la décision bien tardive de nationaliser la Northern Bank alors même que les problèmes de financement de la banque semblaient connus depuis 5-6 mois. Enfin une réforme fiscale touchant les plus modeste, votée lorsqu’il était ministre de l’économie et reniée lorsqu’il se retrouve Premier Ministre.

Mais la personnalisation du débat politique tend par essence à nier la dimension collective du processus de décision comme le contexte économique et social dans lequel ces individus et la société se développe. Aussi les errements politiques du gouvernement travailliste au cours des derniers mois, ne doivent pas faire oublier le contexte économique de cette dernière année : la crise de l’immobilier et le fort ralentissement de l’économie britannique qu’elle implique.

Alors même que les (néo)-travaillistes ont bâti leur réputation de bon gestionnaire de l’économie sur fond d’une croissance économique forte et constante au cours des 10-15 dernières années, l’intensité de la crise économique récente met à mal bien des croyances. Pour le dire autrement, nos amis britanniques sont peut être en train de comprendre que leur modèle de croissance ces 10-15 dernières années - fondé sur la spéculation immobilière, la forte financiarisation de l’économie et le surendettement des ménages - avait une dimension artificielle. Et maintenant que la crise est là, les victimes – fort nombreuses – se rendent compte des faibles marges de manœuvres et d’actions de leur gouvernent sur une économie qui se purge.

Pour autant, le manque de charisme, les divers errements politiques du gouvernement Brown ou la crise économique ne suffisent pas à expliquer les récents résultats électoraux et l’impopularité du Labour dans les sondages d’opinion. Ils ne font qu’occulter la fragilisation progressive des bases de soutient du New Labour ces 11 dernières années. Lorsqu’on parle de la « Troisième voie » (ou Blairisme), on entend souvent ce type de phrase : « le social-libéralisme non seulement ça marche économiquement mais ça paye politiquement ».

Je ne veux pas entrer ici dans le procès du blairisme sur le plan économique et social. Rappelons simplement que les travaillistes ont eu le mérite d’avoir 1) restauré et régulièrement augmenté le SMIC, 2) augmenté les dépenses sociales (en proportion du PIB) notamment en matière de santé et de d’éducation, 3) augmenté la quantité d’emplois publics.

Ce qui reste intéressant dans la phrase, c’est la deuxième partie : « ça paye politiquement ». Combien de fois ne l’avons-nous pas entendu pour condamner « l’archaisme » de la politique du gouvernement Jospin ? En somme le jospinisme ne pouvait être un modèle : il était économiquement et politiquement inefficace. Les socialistes français se complairaient à critiquer les travaillistes anglais alors qu’ils ne seraient même pas foutus de gagner 2 fois une élection. Certes, le New Labour a remporté 3 élections mais la victoire est moins éclatante qu'on a aimé le dire.

La victoire du Labour dépend en partie du mode de scrutin britannique : un scrutin majoritaire à un tour avec un bonus pour le parti qui arrive en tête. Ce système conduit à un puissant et imperturbable bipartisme. Malgré la présence d’une multitudes de partis (dont nationalistes régionaux), seuls comptent les 3 premiers : Labour, Tories et les Liberals Democrats.

Si maintenant on regarde le nombre de voix recueillis par le Labour depuis 1974, on voit que le Labour a perdu près de 3 millions de voix entre 1997 et 2001, donc avant la Guerre en Irak argument souvent cité pour expliquer l’impopularité de Blair, et un peu plus d’un million de voix entre 2001 et 2005. Soit 4 millions de voix de perdu en 10 ans.
 

 

Labour

Tories

1974 :

11,457,079

39.2 %

10,462,565

35.8 %

1979 :

11,532,218

36.9

13,697,923

43.9

1983 :

8,456,934

27.6

13,012,316

42.4

1987 :

10,029,270

30.8

13,760,935

42.2

1992 :

11,560,484

34.4

14,093,007

41.9

1997 :

13,518,167

43,21

9,600,943

30.7

2001 :

10,737 967

40,99

8,357,615

31.7

2005 :

9,562,122

35.3

8,772,598

32.3

Bien que je manque de sources et de données, il semble que les travaillistes aient perdu du terrain au sein des classes moyennes et des classes populaires, et des régions traditionnellement travaillistes sont passés aux mains des nationalistes écossais (de réputation plus progressiste) ou gallois. D’autre part, on sait que Tony Blair en réformant le Labour a grandement fragilisé les liens qu’entretenaient les travaillistes avec les syndicalistes. Ceci pourrait expliquer le retour de grèves dans le monde éducatif. Enfin, le nombre de militants travaillistes s'est éffondré au cours des dernières années, affaiblissant du coup les bases de soutient du parti.

Dans cette note j'ai voulu montrer que la crise que traverse actuellement le Parti Travailliste Anglais trouve ses sources non dans les faiblesses personnelles du leader, mais l’affaiblissement progressif, au cours des 10 dernières années, des bases sociales et électorales du parti. Cela résultant de l’action politique du parti au pouvoir, qui a pu décevoir une partie de l’électorat, comme de la longévité du parti au pouvoir (10 ans). En l’état, facteurs conjoncturels comme structurels annoncent une défaite aux élections générales de 2010.

09 juillet 2008

La flamme et la cendre

La flamme et la cendre.jpegCeux qui me connaissent un tant soit peu savent l’intérêt que je porte à la vie politique en général et à la chose publique en particulier. Mais contrairement à une idée reçu, je ne suis pas un féru des livres écrits par nos responsables politiques (les écrivent-ils vraiment ? c’est un autre débat) ou ayant trait à la vie politique (par exemple « Les prétendants »). Je les trouve trop souvent circonstanciés, et du coup trop fades, sans grand intérêts sur le plan des idées. Mais il y a bien quelques exceptions.

Je viens d’achever la lecture de La Flamme et la Cendre, écrit par Dominique Strauss-Kahn et paru en janvier 2002. On me demandera pourquoi avoir attendu autant de temps alors que l’auteur n’est plus sur le devant de la scène et qu’il a écrit d’autres ouvrages depuis. La vérité c’est que pour moi, il y a les livres promotionnels - qui ne durent que le temps d’une campagne - et les livres de réflexions – qui savent rester d’actualité bien des années après. Ce n’est pas une question d’auteur qu’on apprécie ou non (et on sait que j’apprécie DSK ou Rocard), puisque j’estime que 365 jours, Journal contre le renoncement,  du même auteur, fait partie des livres promotionnels qui ne marquent pas leurs temps.

Il convient de replacer le contexte dans lequel l’auteur a écrit cette oeuvre. Nommé Ministre de l’économie et des finances en 1997 dans le gouvernement Jospin (il y fait figure de « poids-lourds »), il démissionne en novembre 1999 lorsqu’il est mis en cause dans des affaires judiciaires (conclues en non-lieux en 2001). Sa carrière politique interrompue en pleine lancée, on conviendra qu'il y a des situations plus malheureuses, il profite d'être dans le creu de la vague pour prendre le temps de réfléchir, le temps d’écrire. Il en ressort un livre singulier, authentique et très personnel.

Quatre grands sujets sont abordés, tous subdivisés en plusieurs chapitres. Le livre commence par une réflexion sur le socialisme comme doctrine politique. Effectuant une perspective historique, l'auteur explique la fameuse dialectique "réforme/révolution", le poids du marxisme et son questionnement face aux problèmes actuels. Il développe la notion des 3 socialismes: celui de la redistribution, celui de la production et celui de l'émancipation (c'est à dire celui consistant à lutter contre les inégalités à la racine).

DSK traite dans une seconde grande partie le vaste sujet de la mondialisation. Après avoir énumérés les différents points de vue critiques émis sur le processus de globalisation, il explique en quoi c'est un processus irréversible qui n'a pas que de mauvais aspects. Il dit notamment que la lutte pour l'environnement est un facteur de mondialisation, et argumente à cet effet sur l'intérêt du nucléaire et du système des "droits à polluer" (à côté du système des éco-taxes). Enfin il appelle de ses voeux une régulation de la mondialisation (il aborde ici les limites pratiques de la taxe Tobbin) au niveau européen et des instances internationales (dont le FMI, l'OMC, l'OIT, le G8 etc) qu'il souhaite réformer pour une nouvelle "gouvernance mondiale". Il aborde là la question de l'architecture du système international, de la légitimité démocratique et l'arbitrage.

En troisième partie vient l'Europe. Il rappelle que l'histoire de la construction européenne repose sur deux dynamiques: la délégation de prérogatives nationales vers l'échelon communautaire (Commission et Parlement) et l'harmonisation (notamment au niveau du marché intérieur). Il rappelle d'autre part la spécificité du modèle social européen fondé sur une mutualisation des risques permises par le welfare state. Le reste de son propos sur le sujet européen concerne la monnaie unique et ce qu'elle implique politiquement sur les instances européennes. Rappelons qu'en 2002, l'euro remplace tout juste nos monnaies nationales. Il milite donc pour une gouvernance économique européenne qui coordonerait la politique monétaire de la BCE et les politiques budgétaires des Etats (via l'Ecofin). Cette partie est d'autant plus intérressante qu'il nous livre son expérience et relate ses combats (souvent soldés par des semi-échecs) auprès de ses partenaires européens pour faire avancer l'idée.

Enfin, il consacre le dernier chapitre à la France. Il fait le point sur son action à Bercy notamment sur la question des privatisations, de la réforme fiscale du gouvernement Jospin, et enfin de la politique industrielle. Son soucis ayant été de booster la croissance économique pour relancer l'emploi. Par la suite, il analyse le dialogue social dans notre pays en rapport à la dialectique "loi/contrat". Il émet une critique sur la méthode choisit pour le passage aux 35 heures mais ne critique pas la proposition en elle même. Il émet quelques propositions sur la refonde de la démocratie sociale en France. Il aborde le sujet épineux de la réforme de l'Etat et du statut de la fonction publique (dont la haute-fonction publique) en énoncant quelques principes clés pour une bonne méthode de réforme. Il termine par une réflexion sur les instutions françaises (le régime présidentiel, la réhabilitation du Parlement, la fabriquation des lois, la structure territoriale, le vote des immigrés).

En refermant le livre je me suis rappellé pourquoi j'ai soutenu - et je soutient encore - la démarche de Dominique Strauss-Kahn. Avec un soucis de pédagogie et d'équilibre dans ses propos*, il éclaire le lecteur sur les enjeux auxquels la France est confrontée, avec la méthode - la sociale-démocratie - pour les traiter. Il est même ironique de voir à quel point ce qu'il a pu écrire à l'époque est toujours d'actualité, et comment certains responsables politiques (à gauche comme à droite) ont repris ses positions.

Le livre m'a plu parce qu'il s'adresse à l'intellectuel des gens, mais je peux concevoir que la forme de l'analyse retenu par DSK ne soit pas la plus appropriée pour la compréhension du citoyen lamba peu initié à l'économie, la sociologie ou le droit. Je veux dire par là qu'étudiant ces disciplines là, le discours ne m'est pas étrangé. Enfin, je terminerai par un regret: dommage que l'auteur n'est pas su dans son engagement politique depuis 2002, mettre en avant et de façon aussi claires, ses idées et ses prises de positions. Peut être qu'alors, on aurait pu éviter le phénomène Ségolène Royal.

* Ce qui ne veut pas dire que je sois d'accord sur tout; J'estime que son argumentaire sur le nucléaire passe sous silence la gestion des déchets dans le temps, un temps qui dépasse largement celui d'une vie humaine.