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10 février 2009

S'engager aujourd'hui

Ce mois ci, cela va faire deux ans que j’ai rejoint le Parti Socialiste français. Certes, au regard d’un certain nombre de camarades de section qui affichent pas moins de trente ans de militantisme au compteur, mon expérience fait pâle figure. Il est évident que j’ai encore beaucoup de chemin à parcourir. Pourtant, à l’heure où le militantisme tend à se résumer de plus en plus à une adhésion furtive et une consommation compulsive (j’aime, j’adhère/ j’aime pas, je me casse), j’ai le sentiment que passer le cap des deux ans, ça relève presque de l’exploit aujourd’hui.

Entreprendre cette démarche d’adhésion à un parti politique n’est pas chose facile. Elle ne va pas de soi dans nos sociétés modernes, où l’individualisme et la méfiance portés aux institutions collectives (parti politiques, syndicats, et même le tissu associatif) fragilisent l’engagement dans les causes collectives. Sur ce point le gaullisme, le stalinisme et le paternalisme social ont largement participés à entretenir cette culture politique anti-partisane et anti-syndicaliste, comme la « bureaucratisation » observée à toute organisation qui s’institutionnalise. Aussi décider de s’engager et franchir le pas est un acte qui coûte.

Il coûte parce qu’il faut se battre contre trois regards. D’abord se battre contre le regard qu’on porte soi même sur les organisations collectives, cette crainte continuelle d’être endoctriner et/ou de se faire manipuler. C’est là un travail sur soi même, et sur ses représentations mentales. Ensuite se battre contre le regard des autres, celui qui exprime autant cette méfiance sur les organisations collectives que sur les gens qui les peuplent jugés partisans, donc corporatiste, donc pas « objectif ». Enfin, et c’est là une difficulté supplémentaire, il faut savoir affronter le regard de gens qu’on vient justement rejoindre. Ces derniers, imprégnés de la culture de l’institution (soit l’ensemble de pratiques et de croyances), voient avec circonspection et méfiance ces petits nouveaux justement non initiés aux pratiques et codes de languages admis. A bien des égards, l'engagement est un rituel d'initiation. Par ailleurs, lorsqu’on s’engage il faut savoir que cela coûte financièrement (cotisation, voiture pour déplacement, repas, apéros) et en terme de temps investis.

*

Le moins que je puisse dire c’est que j’ai mis du temps à rejoindre le plus vieux parti de France. Pourtant mon intérêt pour la politique est ancien. C’est d’abord par l’apprentissage de l’histoire et des sciences économiques et sociales – qu’on voudrait d’ailleurs aujourd’hui supprimer – que j’ai compris que la politique, c'est-à-dire le processus de décision publique, avait, quelque soit le champ qu’il occupe (l’économie, la santé, l’éducation etc), des conséquences sérieuses dans nos vies quotidiennes. C’est ensuite, je crois, mon séjour à Djibouti qui a marqué l’éveil de ma conscience politique. La découverte du tiers-monde, et plus précisément d’une société partagée entre ses traditions et les conditions matérielles de l’Occident, m’ont appris à m'interroger sur certaines choses, comme à en relativiser d'autres. Mais les inégalités sociales de cette République bananière, véritable dictature déguisée, liant la problématique économique et politique, m'ont conduit à épouser une lecture marxiste du monde moderne. Mes compagnons de classe m'appelaient "little bolcho"... Mais autant je considérais la logique révolutionnaire comme moyen de conquête du pouvoir, autant la logique réformiste commandait l’exercice du pouvoir (via les coopératives, les conventions collectives progressistes, et des nationalisations décentralisées).

En fait, c’est principalement la découverte du blog de Dominique Strauss-Kahn qui m’a rapproché du Parti Socialiste. Les analyses et commentaires de l’actualité que faisait l’ancien ministre de l’économie du gouvernement Jospin sur son blog m’ont convaincu de la justesse et de toute l’actualité de la social-démocratie, courant de pensée qu’on dit facilement dépassé. La lecture d’un certain nombre d’ouvrages de Michel Rocard m’a conforté dans une lecture politique très « deuxième gauche ». Ma formation académique, centrée sur l’économie et la sociologie politique, m’a familiarisé aussi avec ce courant d’idées. Mais c’est bien le contact, certes virtuel mais quasi-quotidient, avec un certain nombre de militants, pas forcément encartés depuis des lustres d'ailleurs, qui m’a fait franchir le pas et rejoindre le Parti socialiste. J'ai eu d'ailleurs grand plaisir à en rencontrer certains dans la vie réelle.

Comme c’est par internet que je me suis ré-intéressé à la politique, c’est pas ce biais, que j’ai adhéré au PS. Je fais donc partie de ces militants à 20 euros. J’ai adhéré en février 2007, alors que j’étais en mobilité académique à Barcelone, après avoir, non sans mal c’est vrai, dépassé les réserves que j’éprouvais pour la candidate du parti. J’ai fait la connaissance de ma première section socialiste qui réunissait à Barcelone une douzaine de récents militants socialistes. Avec les moyens et difficultés qui étaient les nôtres, nous avons fait campagne. C’était une ambiance tout à fait conviviale et la campagne n’empêchait pas des débats animés et réguliers.

Puis la gauche a perdu les élections présidentielles et législatives. Et, entre l’ouverture opérée par le sarkozysme triomphant post-victoire et le débat douloureux (et sans fin) sur la responsabilité des uns et des autres dans les deux défaites électorales, le PS a traversé une longue période de turbulence qui correspondait aussi à la bataille pour la succession de François Hollande, premier secrétaire du parti depuis 11 ans. Nommé au FMI, DSK a fermé son blog, laissant sans repères ses partisans, dont je suis, et sans espace de discussion quelques centaines d’intervenants irréguliers.

*

C’est à partir de mon retour en France durant l’été 2007 que j’ai déchanté un peu sur le militantisme. J’ai été transféré de ma section de Barcelone à celle de ma commune, via les fédérations, dont la première réunion, mi octobre, correspondra à la présentation des candidats à la candidature socialiste pour les municipales de 2008. Je découvre alors une section vieillissante, démobilisée et surtout divisé par des animosités personnelles qui paralysent le tout et qui rejoignent qu’occasionnellement la division née des courants du parti. Le lendemain, on désigne alors le premier de socialistes, mais je me vois refusé le droit de voter par l’un des candidats sous prétexte que je n’ai pas ma carte d’électeur, même si je reste persuadé que c’est parce qu’il m’a vu discuter avec l’autre candidat la veille (que je connaissais pas). M’apprêtant à voter blanc je n’insiste pas et joue le simplet.

La candidat qui m’a refusé le droit de voter perd le vote des militants et fera campagne au sein d’un collectif citoyen, avec des communistes et quelques personnes de la société civile, et contre son parti. Le candidat vainqueur, GF, veut que je l’aide dans la campagne municipale et que j’intègre la liste. Par respect du vote du parti et extérieur à toutes ces histoires personnelles, je décide de le soutenir tout en me refusant d’intégrer la liste (c’est là un autre niveau d’engagement auquel je n’ai pas pu me résoudre). La section ne se réunissant pas, GF sera durant ces quelques mois ma seule relation avec elle. En dépit d’une hospitalité certaine, j’irai souvent chez lui me tenir au courant des avancées, je mesure au fur et à mesure les limites du personnage : désigné par défaut par ses camarades ceux-ci ne se pressent pas pour composer la liste et faire campagne ; têtu comme une mule, il ne cherchera pas à faire l’union avec le collectif (qui finiront par présenter leur liste) ; enfin il n’a montré aucune capacité d’analyses ou de synthèses (lors de nos réunions) et n’a pas le contact humain facile.

La campagne sera un désastre. La composition de la liste sera tardive et laborieuse, les réunions de travail interminables et pas toujours fructueuses. Et surtout les décisions arrêtées collectivement ne seront pas forcément respectées. A cela, il faut ajouter les susceptibilités égocentriques des uns et des autres. La dimension humaine tout simplement. Un meeting sera organisé mais l’absence de public n’inquiéta personne, pire ça en soulagera certains. En résumé, ce fut une campagne de bureaux et précipitée. J’en prends ma part de responsabilité. Le verdict sera sans appel : le maire ump sera élu dès le premier tour. Mais si la campagne fut mal gérée, l’après sera encore pire. Car GF, comme on peut tous un peu l’être, est susceptible et n’acceptera pas les critiques a posteriori. Et en dépit d’une promesse de fonder une association pour rassembler les gens de la liste afin de garder le contact et travailler déjà pour la suite, rien ne sera fait, insultant par ce fait ces rares et délicieuses personnes qui ont osés s’engager.

Sans nos quatre élus, l’association sera bel et bien crée, après un repas rassemblant une grande majorité des colistiers. A l’occasion de l’élection du conseil d’administration, au cours d’un autre repas, je me porterai candidat au poste de secrétaire (ni président, ni trésorier) et ne récolterait qu’une voix… la mienne! L’exemple typique de ces gros moments de solitude. J’ignorai simplement l’accord officieux qui prévoyait ce poste à une certaine personne. Mais bon prince, ils créeront et m’accorderont le poste de secrétaire adjoint. Un an après, la relation avec nos élus s’est un peu améliorée mais les deux seuls représentants du PS refusent de nous reconnaitre. Aujourd'hui l'association n'avance pas., les gens ne semblant pas vouloir s'investir. L'argent nous manque. GF, dans sa haine contre le collectif, préférera s’entendre avec le maire pour obtenir quelques commissions que réellement s’opposer. Ni remerciement des électeurs, ni compte rendu régulier. Le mépris total.

Et puis il y a eu le 75ème congrès du parti, au cours duquel les militants sont appelés à renouvelés toutes les instances : sections, fédérations et conseil national. J’en ais fait des notes , et . Je suis très content de la victoire de Martine Aubry et du travail entrepris depuis deux mois. Certes, il y a des choses à améliorer (la réactivité, la cohésion, la coordination) mais le PS semble enfin en marche. Au niveau local, nous avons enfin changés de secrétaire de section. Le précédent, partisan de Royal, n’ayant pas souhaité se représenter, et en l’absence de candidatures concurrentes, c’est un camarade d’origine grecque et soutenant la motion C, qui a été désigné secrétaire de section. Fort de son expérience au sein du PASOK comme au sein du PS, il s’est donné l’objectif de recoller les morceaux et de remettre la section en ordre de marche. Son soucie d’une représentativité totale de chaque courant (et « clan ») l’a conduit à proposer, pour la composition de la commission administrative, des postes à chaque motion, en fonction du résultat de celles-ci au niveau local. Ca n’a pas été forcément bien compris et un clan, celui du candidat malheureux en interne, n’a pas souhaité jouer le jeu. En tout cas, son souci d’un travail régulier et de procédures délibératives collectives à la fois claires et ouvertes, change radicalement avec les pratiques d’avant. Je suis désormais secrétaire adjoint en charge de la communication internet.

*

Ces deux années, au grès de mes rencontres – virtuelles ou réelles – et de mes lectures, je pense avoir appris sur moi-même et sur les autres. J’ai eu cette chance de rencontrer des gens qui m’ont beaucoup appris, de par leurs expériences rapportées ou par leurs réflexions. Je pense ici à tous mes camarades et amis du net. J’ai pu mieux saisir le comportement humain en groupe : les problèmes de communication et de partage de sens peuvent très vite mettre à mal la cohésion et le fonctionnement du groupe. Et quand il y a des intérêts personnels et des ambitions derrières, ça complique d’avantage le vivre-ensemble. Plusieurs logiques se superposent, coexistent et s’entretiennent entre elles.

Je me rends compte qu’il est difficile de faire travailler une section quand vous êtes vu comme un étranger, jeune qui plus est, ou quand les membres ont perdu l’habitude de faire quelque chose en commun. Les différences de niveaux de formation peuvent créer de la méfiance et une certaine mésentente. Enfin le facteur démographique, le PS a une base militante de plus en plus âgée, révèle aussi les différences de préoccupation (certains pensent à leurs retraites quand moi j’ai pas encore commencé à bosser). Mais si beaucoup ont perdus la motivation et l’intérêt des réunions de section, rédaction et diffusion de tracts (exercice nouveau pour moi), ils n’en ont pas moins une mémoire militante que le PS est en train de perdre sans se rendre compte la richesse qu’elle représente. Mais j’ai bien peur que ce soit là quelque chose de recherché.

Je ne suis pas un militant modèle. Je doute régulièrement sur la durabilité future de mon engagement comme de mon apport réel, à mon modeste niveau, dans un parti où l’on se haït beaucoup. C’est par respect pour les luttes et combats passés que je garde à l’esprit l’importance de l’engagement. Et puis un bon ami m’a dit un jour, approximativement, que « le PS de demain c’est ce que vous les jeunes décidez d’en faire aujourd’hui ».

10 janvier 2009

Tintin revisité

Tintin a parait-il fêté ses 80 ans.

J'ai trouvé ici ces quelques images des aventures revisitées du

célèbre reporter de Petit Vingtième.

Ci dessous, les images qui m'ont le plus fait rire.


Tintin2.JPGTintin1.JPG

Tintin5.JPGTintin6.JPG

(NB: J’espère retrouver fin janvier un peu plus de liberté pour écrire et partagermes modestes réflexions avec vous. Mais en attendant...Airbeit !...)

04 novembre 2008

75ème Congrès du PS (3)

Dans cette troisième note sur le congrès de Reims, je m’attarderai sur deux thèmes de réflexions qui m’occupent l’esprit depuis quelques jours : la question du leadership d’une part et l’étrange notion de « guerre de religions » au PS d’autre part.

Le leadership.

Avant que la crise financière ne finisse par éclipser le congrès du PS comme sujet d’actualité, les média s’intéressaient à la bataille interne des socialistes uniquement sous l’angle du leadership. Pour eux un parti est inaudible parce qu’il n’a pas de leader. Les questions de programme, de propositions, de méthode les importent bien peu, encore plus quatre ans avant les prochaines présidentielles. Soit...

Depuis un certain temps déjà, je m’interroge sur la notion de leader et sur le rôle qu’il doit occuper dans une organisation (comme l’est le PS) et le fonctionnement de celle-ci. Ni adepte de l’autogestion comme mode organisation sociale par excellence, ni pourfendeur pavlovien de l’autorité, j’ai malgré tout un mal fou à comprendre le besoin de « chefitude » que certains aiment exprimer sur d’autres, et dans lequel d’autres ont besoin de se placer vis-à-vis de certains. Autant par respect des conventions sociales je me soumets aisément au rapport d’autorité (étudiant vis-à-vis du professeur, malade vis-à-vis du docteur, enfant vis-à-vis des parents etc), autant je n’aime pas me faire commander.

Mais qu’est-ce qu’un leader ? Deux réponses me viennent en tête : une personne qui occupe un poste clé dans une organisation hiérarchique donnée et/ou une personne qui montre une capacité certaine d’influence et d’animation d’un groupe donné. Alors que le premier tire sa qualité de leader de la légitimité d’un poste ou d’un statut, le second la revendique de l’expérience sociale. Biens sûr il y a surement d’autres définitions plus appropriées.

Les principaux candidats plus ou moins déclarés au poste de Premier secrétaire conçoivent différemment le leadership. Bertrand Delanoë et Ségolène Royal me semble vouloir accéder au poste Premier secrétaire pour revendiquer le « leadership bureaucratique » comme source de leur autorité politique. Ils mettront en avant le vote des militants et/ou le ralliement des responsables fédéraux comme source de légitimité. Martine Aubry semble concourir au « leadership bureaucratique » pour mieux mettre en valeur son « leadership de la pratique sociale ».

Sur le rôle du leader dans l’organisation et le fonctionnement du PS, là aussi on note des divergences. Royal envisage(ait) de créer une sorte de dyarchie politique au PS : elle serait présidente du parti avec en dessous une sorte de secrétaire général qui s’occuperait, avec une direction pleine de nouvelles têtes, des affaires internes du PS pendant qu’elle parlerait aux « vrais gens ». Delanoë a une vision plus managériale : il faut un « vrai » chef qui sache initier des projets et trancher les décisions, un chef accompagné d’une direction resserrée où les gens ont intérêt à se bouger le fion s’ils veulent rester en place. Une véritable culture du résultat en somme. Martine Aubry semble privilégier une direction plus collégiale où on fixerait ensemble la position du PS et on la défendrait ensemble à l’extérieur.

Cependant entre ce que les trois affichent et ce qu’ils feront effectivement demain s’ils sont à la tête du PS, il peut y avoir des écarts abyssaux. Pour l’instant je me sens proche de la conception collégiale de la motion D. Je conçois le Premier secrétaire comme une sorte de super animateur, capable de faire travailler collégialement une majorité des forces du parti dans une direction et un secrétariat général rénové, resserré et qui sert à quelque chose.

« Guerre de religions » au PS

L’expression sonne mal lorsqu’on la rapproche du nom d’un parti politique laïc. Mais elle a un sens. La réflexion qui suit se base sur les propos entendus d’un intervenant de l’émission politique « Déshabillons-les » de la chaine LCP. L’émission que j’avais vu concernait le style Aubry, jugé comme « l’anti-Royal ». Les commentateurs analysaient les différences des mots employés, des expressions faciales et autres entre les deux dames du PS.

Puis j’ai entendu un « Aubry fait partie des hollandais ». Ce n’était pas une référence à François Hollande, le premier secrétaire du PS, mais à la culture protestante. Ce qui m’importe ici c’est moins la pratique religieuse de tel ou tel responsable politique, que le lien entre la culture peu ou proue religieuse et la pensée politique. Car mon sentiment est que la culture religieuse dans laquelle on baigne plus ou moins dans sa jeunesse structure pour partie (et seulement pour partie, je me garde bien de tirer des relations de causes à effet), la manière qu’un individu a de penser, de vivre et de faire la politique.

Bien qu’on observe depuis une trentaine d’année un recul du fait religieux dans notre société, l’histoire montre que politique et religion se croisent. La sociologie électorale met en évidence la tendance politique de chaque communauté religieuse (à noter que les tendances évoluent dans le temps et dans l’espace) et l’étude de l’histoire des idées ne peut faire l’impasse sur l’apport des religions et de leur contestation.

Au risque de faire trop de raccourcis schématiques, l’histoire tend à montrer que le protestantisme, par ses origines mêmes, constitue une certaine forme de pensée critique alors que le catholicisme (et ses institutions) rejoint les forces conservatrices (*). On voit que les deux religions, tout en partageant un tronc commun, n’utilisent pas vraiment le même modèle de pensée et ne privilégient pas les mêmes valeurs.

La culture protestante se base pour l’essentiel sur les notions d’individualisme et de responsabilité. La grande place accordée à l’individualité conduit naturellement à la reconnaissance et à la défense de libertés, notamment politiques, par rapport au pouvoir arbitraire du souverain puis de l’Etat. La responsabilité, qui vient du refus du concept du « pêché avoué à demi pardonné » de l’Eglise catholique (**), va déboucher sur les valeurs de probité et d’éthique : il faut être irréprochable, l’austérité et l’ascétisme sont de mises et l’expression des sentiments réprouvé (***). Par ailleurs, le protestantisme s’accompagne de la distinction entre le bien et le juste ce qui amène à une autre conception de la justice que celle de la pensée catholique.

De son côté, la culture catholique privilégie la notion de communauté qui dépasse les individus qui la compose en même temps qu’elle écarte (par la violence physique ou symbolique) ceux n’en faisant pas partie. Elle exprime un certain attachement à l’ordre moral et au respect de celui-ci. L’apparence et le symbolique sont très importants. L’humilité et la compassion sont mises en avant.

C’est par ces différences de culture politique, que des gens comme Michel Rocard et Lionel Jospin ne s’entendent pas bien avecdes Ségolène Royal et d’autres. A côté de ces deux cultures fortement inspiré par des valeurs peu ou prou religieuses, je note une troisième culture, plus républicaine et libérale, que représente DSK.

(*) Lorsqu’on regarde nos voisins européens on remarque que les protestants sont plutôt sociaux-démocrates et les catholiques plutôt conservateurs.

(**) Il se matérialise sur le principe : des dons contre ton salut.

(***) Ces valeurs seraient à l’origine du capitalisme.

23:14 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : ps, média, dsk, rocard, jospin, royal, aubry

09 juillet 2008

La flamme et la cendre

La flamme et la cendre.jpegCeux qui me connaissent un tant soit peu savent l’intérêt que je porte à la vie politique en général et à la chose publique en particulier. Mais contrairement à une idée reçu, je ne suis pas un féru des livres écrits par nos responsables politiques (les écrivent-ils vraiment ? c’est un autre débat) ou ayant trait à la vie politique (par exemple « Les prétendants »). Je les trouve trop souvent circonstanciés, et du coup trop fades, sans grand intérêts sur le plan des idées. Mais il y a bien quelques exceptions.

Je viens d’achever la lecture de La Flamme et la Cendre, écrit par Dominique Strauss-Kahn et paru en janvier 2002. On me demandera pourquoi avoir attendu autant de temps alors que l’auteur n’est plus sur le devant de la scène et qu’il a écrit d’autres ouvrages depuis. La vérité c’est que pour moi, il y a les livres promotionnels - qui ne durent que le temps d’une campagne - et les livres de réflexions – qui savent rester d’actualité bien des années après. Ce n’est pas une question d’auteur qu’on apprécie ou non (et on sait que j’apprécie DSK ou Rocard), puisque j’estime que 365 jours, Journal contre le renoncement,  du même auteur, fait partie des livres promotionnels qui ne marquent pas leurs temps.

Il convient de replacer le contexte dans lequel l’auteur a écrit cette oeuvre. Nommé Ministre de l’économie et des finances en 1997 dans le gouvernement Jospin (il y fait figure de « poids-lourds »), il démissionne en novembre 1999 lorsqu’il est mis en cause dans des affaires judiciaires (conclues en non-lieux en 2001). Sa carrière politique interrompue en pleine lancée, on conviendra qu'il y a des situations plus malheureuses, il profite d'être dans le creu de la vague pour prendre le temps de réfléchir, le temps d’écrire. Il en ressort un livre singulier, authentique et très personnel.

Quatre grands sujets sont abordés, tous subdivisés en plusieurs chapitres. Le livre commence par une réflexion sur le socialisme comme doctrine politique. Effectuant une perspective historique, l'auteur explique la fameuse dialectique "réforme/révolution", le poids du marxisme et son questionnement face aux problèmes actuels. Il développe la notion des 3 socialismes: celui de la redistribution, celui de la production et celui de l'émancipation (c'est à dire celui consistant à lutter contre les inégalités à la racine).

DSK traite dans une seconde grande partie le vaste sujet de la mondialisation. Après avoir énumérés les différents points de vue critiques émis sur le processus de globalisation, il explique en quoi c'est un processus irréversible qui n'a pas que de mauvais aspects. Il dit notamment que la lutte pour l'environnement est un facteur de mondialisation, et argumente à cet effet sur l'intérêt du nucléaire et du système des "droits à polluer" (à côté du système des éco-taxes). Enfin il appelle de ses voeux une régulation de la mondialisation (il aborde ici les limites pratiques de la taxe Tobbin) au niveau européen et des instances internationales (dont le FMI, l'OMC, l'OIT, le G8 etc) qu'il souhaite réformer pour une nouvelle "gouvernance mondiale". Il aborde là la question de l'architecture du système international, de la légitimité démocratique et l'arbitrage.

En troisième partie vient l'Europe. Il rappelle que l'histoire de la construction européenne repose sur deux dynamiques: la délégation de prérogatives nationales vers l'échelon communautaire (Commission et Parlement) et l'harmonisation (notamment au niveau du marché intérieur). Il rappelle d'autre part la spécificité du modèle social européen fondé sur une mutualisation des risques permises par le welfare state. Le reste de son propos sur le sujet européen concerne la monnaie unique et ce qu'elle implique politiquement sur les instances européennes. Rappelons qu'en 2002, l'euro remplace tout juste nos monnaies nationales. Il milite donc pour une gouvernance économique européenne qui coordonerait la politique monétaire de la BCE et les politiques budgétaires des Etats (via l'Ecofin). Cette partie est d'autant plus intérressante qu'il nous livre son expérience et relate ses combats (souvent soldés par des semi-échecs) auprès de ses partenaires européens pour faire avancer l'idée.

Enfin, il consacre le dernier chapitre à la France. Il fait le point sur son action à Bercy notamment sur la question des privatisations, de la réforme fiscale du gouvernement Jospin, et enfin de la politique industrielle. Son soucis ayant été de booster la croissance économique pour relancer l'emploi. Par la suite, il analyse le dialogue social dans notre pays en rapport à la dialectique "loi/contrat". Il émet une critique sur la méthode choisit pour le passage aux 35 heures mais ne critique pas la proposition en elle même. Il émet quelques propositions sur la refonde de la démocratie sociale en France. Il aborde le sujet épineux de la réforme de l'Etat et du statut de la fonction publique (dont la haute-fonction publique) en énoncant quelques principes clés pour une bonne méthode de réforme. Il termine par une réflexion sur les instutions françaises (le régime présidentiel, la réhabilitation du Parlement, la fabriquation des lois, la structure territoriale, le vote des immigrés).

En refermant le livre je me suis rappellé pourquoi j'ai soutenu - et je soutient encore - la démarche de Dominique Strauss-Kahn. Avec un soucis de pédagogie et d'équilibre dans ses propos*, il éclaire le lecteur sur les enjeux auxquels la France est confrontée, avec la méthode - la sociale-démocratie - pour les traiter. Il est même ironique de voir à quel point ce qu'il a pu écrire à l'époque est toujours d'actualité, et comment certains responsables politiques (à gauche comme à droite) ont repris ses positions.

Le livre m'a plu parce qu'il s'adresse à l'intellectuel des gens, mais je peux concevoir que la forme de l'analyse retenu par DSK ne soit pas la plus appropriée pour la compréhension du citoyen lamba peu initié à l'économie, la sociologie ou le droit. Je veux dire par là qu'étudiant ces disciplines là, le discours ne m'est pas étrangé. Enfin, je terminerai par un regret: dommage que l'auteur n'est pas su dans son engagement politique depuis 2002, mettre en avant et de façon aussi claires, ses idées et ses prises de positions. Peut être qu'alors, on aurait pu éviter le phénomène Ségolène Royal.

* Ce qui ne veut pas dire que je sois d'accord sur tout; J'estime que son argumentaire sur le nucléaire passe sous silence la gestion des déchets dans le temps, un temps qui dépasse largement celui d'une vie humaine.

09 avril 2008

L'impasse

C’est bien sûr le titre du dernier ouvrage de Lionel Jospin. Mais c’est surtout la situation dans laquelle je me trouve intellectuellement dès lors que je me penche sur le 75ème Congrès du Parti Socialiste, prévu en novembre prochain.

Laminé aux dernières élections présidentielles et législatives (même si pour ce dernier scrutin, il enregistre une progression du nombre de députés par rapport à 2002), le premier parti d’opposition semble reprendre quelques couleurs après les victoires aux dernières municipales. Elections dont l’enjeu et les résultats, il faut l’avouer, m’ont laissés grandement indifférent, à l’exception notable des cas de Toulouse et de Metz.

Dans le fonctionnement et l’histoire d’un parti politique comme le Parti Socialiste, un congrès est un évènement majeur. C’est par ces grandes réunions qu’est arrêté officiellement - après tout un long processus sur plusieurs mois d’élaboration de contributions, de motions puis de vote des militants - la ligne politique du parti. Et c’est à partir de cette ligne politique qu’est composée la direction du parti puis qu'ensuite est désigné le Premier secrétaire, le grand chef des socialistes. Tels sont les enjeux du prochain congrès.

En tant que militant socialiste je suis donc appelé à me déterminer par rapport à une ligne politique, matérialisée par une motion, portée par un certains nombres de personnes signataires mais réduite symboliquement au premier d’entre eux. Or lorsque j’observe le champ politique du PS, la confusion envahit mon esprit mais l’amertume aussi.

Un parti politique, je l’ai déjà dit dans une note précédente, est un champ de lutte, une organisation mue par une dynamique entropique et neg-entropique, à la fois interne et externe. On veut que ce congrès aboutisse à une clarification entre diverses tendances qui s’affrontent plus ou moins violement. Mais on veut aussi qu’un leader apparaisse et s’impose tant à l’intérieur pour calmer la cacophonie et la pluralité de tête et de paroles, qu’à l’extérieur, sur le champ médiatique et politique.

De ces deux exigences ressort d’une part, un rejet unanime de toute synthèse telle que pratiqué lors du dernier congrès (mais qui a été une pratique courante dans l’histoire du PS) et d’autre part, une concentration du prisme médiatique sur la fameux duel Ségolène Royal // Bertrand Delanoë.

Ces deux tendances ne me satisfont pas. La première tend à la multiplication des courants à tendance identitaire, légitime mais « sectaire » dès lors que toute discussion et/ou négociation avec un autre groupe est perçue comme une compromission des valeurs et une dilution de son identité. La seconde, parce qu’elle est imposée et disproportionnée par la classe médiatique, personnifie le débat à l’extrême et tue tout débat d’idées et essaie d'analyses.

Dans les deux cas je suis mal à l’aise. La non-candidature de personnes de valeurs telle que Michel Rocard, Lionel Jospin et Dominique Strauss-Kahn, font de Martine Aubry et Pierre Moscovici mes préférences par défaut. Et la multiplication des courants revendiquant chacun sa spécificité fait oublier certaines convergences et similitudes de pensées et renvoit le problèmes des idées au second plan.

Il y a un vrai clivage idéologique au sein du PS. Le Parti est divisé essentiellement en deux tendances. Une tendance sociale-républicaine et une tendance sociale-démocrate. Schématiquement les points de discorde, ça donne ça :

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A parti de là se superpose toute une panoplie de courants :

 

1. Ligne sociale-républicaine (au sens large):

  • Force Militante – Démocratie socialiste (Marc Dolez et Gérard Filoche)
  • Pour la République Sociale (Jean Luc Mélenchon)
  • Nouveau Parti Socialiste (Henri Emmanuelli, Benoit Hamon)

2.   Ligne sociale-démocrate (au sens large):

  • le courant fabiusien (Fabius, Weber, Bartolone)
  • le courant hollandais – jospinistes (Hollande, Jospin, Delanoë)
  • Socialisme et Démocratie (DSK, Moscovici, Rocard)
  • Désir d’Avenir (Royal, Sapin, Peillon)

Sont un peu à part Rénover Maintenant d’Arnaud Montebourg et Manuel Valls.

D'après moi, le PRS de Mélenchon et S&D de DSK représentent le mieux, les deux lignes idéologiques du parti. Ce sont les deux courants qui offrent le mieux une idéologie structurée, identifiée et opérationnelle. A côté, les autres courants apportent leurs spécificités propres tout en partageant l'essentiel d'un des deux courants phares. Ils sont parfois même mieux structurés et implantés dans les fédérations mais n'équivalent pas PRS et S&D sur le plan idéologique.

A partir du moment où la multiplication des courants et des candidatures au poste de Premier secrétaire rend improbable - mais pas impossible - la victoire de l'un de ces groupes par majorité absolue, il faut peut être chercher du côté de ceux qui divisent le moins et qui tentent de faire un pas vers les autres.

Sur le plan des idées, je suis plus sur une ligne sociale-démocrate et m'identifie plus facilement à Socialisme et Démocratie de DSK et Michel Rocard qu'à tout autre groupe. Le problème c'est que les choses ont évolués du côté de SD depuis le départ de DSK. J'aurai souhaité une motion SD avec une identité sociale-démocrate affichée, mais ça ne sera surement plus le cas.

Je pourrai me rabattre idéologiquement sur Royal ou Delanoé mais ça m'est tout simplement impossible, tant leurs comportements, leurs attitudes et leurs pratiques politiques ne me conviennent pas. J'écarte l'hypothèse Jean Luc Mélanchon pour qui j'ai toutefois une certaine sympathie et dont j'éprouve toujours un peu de curiosité pour ses analyses politiques.

Il y a aussi cet OPNI que sont les Reconstructeurs. Ce mouvement crée à l'initiative de Jean Christophe Cambadélis et Laurent Baumel, tente un rapprochement sur le plan des idées avec Martine Aubry, les amis de Laurent Fabius et Arnaud Montebourg. Pour certains, vu le positionnement politique de Montebourg et de Fabius, en particulier sur l'Europe, un tel rapprochement parait contre-nature voir opportuniste. A dire vrai, je ne suis pas dupe sur ces personnalités dont certains choix et interventions ne m'ont pas toujours plu. Mais j'ai de l'estime pour le combat de Montebourg contre la corruption ou son projet de nouvelle république qu'il faudrait réactualiser. Le cas Fabius est plus difficile à cerner: c'est une bête politique hors pair, un homme d'Etat intelligent, bon parleur mais avouons-le, un peu cynique. Sa culture très typé ENA le rapproche de cette approche politique centré sur l'Etat mais son expérience gouvernementale me le fait classer malgré tout parmi les sociaux-démocrates.

Le doute est permis sur le cas Larrouturou. L'auteur d'Urgence sociale et du Livre noir du libéralisme, qui fait signer via le net une pétition appelant le PS à se remettre au boulot, tiens des propos rafraichissants. Ses constats, analyses et ses propositions face à la crise économique actuelle sont diversements appréciables mais laisse à penser que la "rénovation" peut porter sur les idées et non seulement sur les hommes. Et si ces critiques sur le fonctionnement interne du PS et la vie politique actuelle semblent correctes, sa capacité à interferrer dans l'histoire semble marginale. Il a le défaut de sa qualité : une certaine candeur politique. Il ne semble pas en mesure de jouer sur les "tares" du PS pour le faire avancer. Son influence reste modeste.

Je suis donc face à une impasse.

- L'enjeux du prochain congrès reste l'élection d'une nouvelle direction et d'une nouvelle stratégie politique, ce qui éveille l'appétie politique de certain(e)s et pousse les média à se centrer sur la seule question du leader.

- Mais ce qui est aussi au coeur du de la bataille du prochain congrès, c'est notre capacité collective à poser les bases d'une refondation idéologique telle que le Parti Socialiste en a connu à 3 reprises dans son histoire (Congrès de 1905, le Congrès de Tours en 1920 et le Congrès d'Epinay en 1971).

- Cette refondation devra tour à tour aborder la question 1) de la structure et du fonctionnement interne du PS (status, processus de décision interne, adhésion et formation des militants, relation avec société civile et le PSE etc) 2) réevaluer notre corpus idéologique et nos grilles de lectures de nos sociétés du XXIème siècle et en tirer des solutions 3) élaborer une stratégie politique (dont la question des alliances électorales).

- Mais j'ai la désagréable impression qu'on est loin du compte et qu'il me faut me déterminer malgré tout pour la moins mauvaise option au risque d'en voir gagner une qui me serait insupportable d'un point de vue de mes valeurs. 

C'est donc par défaut, sans illusion, mais à raison, que je penche plutôt pour la démarche des Reconstructeurs dans la volonté de rassembler une majorité la plus large qui soit, sur un socle social-démocrate stable mais à rénover.

J'attends encore de voir ce que ça va donner, en particulier sur le champ des idées. Je lirai bien sur toutes les motions. Nous verrons d'ici novembre comment les choses évoluent. Je verrai d'ici là si je choisis le combat, la planque, ou la fuite... Car si l'avenir du PS n'est que ce que nous en faisons aujourd'hui, mon avenir ne dépend pas du PS... pas encore du moins.