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01 octobre 2011

Le secret

Dans un petit studio au centre ville, les pinceaux à la main, mon oncle et moi discutons de choses et d’autres. Au fil des ans, sur les chantiers d’été, nous avons noués une solide relation de confiance lui et moi. D’un ton grave, il me dit que sa famille (entendez ici lui, son épouse et ses filles) a quelque chose à nous annoncer. Un peu surpris, je lui demande si c’est très grave. Il me répond qu’il préfère laisser la personne concernée l’annoncer. Je comprends instantanément que sa fille cadette est enceinte. Il acquiesce.

Gros choc. A 21 ans, là voilà enceinte de trois mois. Ce n’est pas accidentel mais bel et bien voulu. Il me dit qu’elle a souhaité m’en parler plusieurs fois mais qu’elle craignait ma réaction et celle de la famille. Et là je revisite nos conversations depuis deux mois et revois ses allusions, ses questions anodines mais désormais trop évidentes. « Qu’est ce que tu dirais si j’étais enceinte ? ». Pour rigoler, j’ai joué au puritain de service « ah pas avant le mariage ma petite ! ». Puis bien plus tard, je lui ai dis qu’elle était trop jeune. Ca l’a coupé dans son élan…

Réalisant soudainement que mon opinion pouvait compter pour elle – on a beau être proches elle ne m’a jamais demandé conseil pour quoi que ce soit, et je n’ai pas l’impression d’avoir des avis trop tranchés en général – je me dis que j’ai un peu merdé. Mais en même temps, je n’exprimais qu’un point de vue sur ce que je pensais n’être qu’un projet lointain. Très sensible aux regards des autres, en plus dans une famille (mais c’est aussi un fait de société) où l’on juge à l’emporte pièce, ma cousine a pris la chose très à cœur.

Le soir même de cette annonce informelle, je n’en ai pas dormi de la nuit. Déjà il n’est pas facile d’admettre que sa cousine va donner la vie dans les mois à venir, et dès lors devenir une autre femme. Et pour l’instant j’ai du mal à partager/ exprimer la joie et le bonheur d’un tel événement, tant cela m’apparait précipité. Je ne veux et je n’ai pas à le lui dire, ça la blesserait et après tout c’est son choix, c’est sa vie. Mais je n’ai pas non plus envie de faire semblant devant elle.

Certes ils se connaissent depuis cinq ans, vivent ensemble depuis deux, ont une situation professionnelle plutôt stable, les familles proches bien présentes. Mais je reste un peu inquiet tant leurs rythmes et leurs centres d’intérêts semblent différents (elle casanière, lui très indépendant), sans parler du fait que les deux sont de confessions différentes. Bon, c’est une affaire de couple et jusqu’ici ils ont l’air de s’être accommodé aux croyances de chacun. Mais quid de l’enfant ? Quelle liberté aura-t-il en la matière ?

D’un autre côté, j’ai conscience de raisonner par rapport à ma situation, celle d’un mec qu’est pas du tout prêt à vivre en couple et à avoir des gosses. Et réfléchir en termes de bonnes ou mauvaises situations, du moment opportun ou non, conduit peut être à écarter les sentiments, les désirs personnels, le projet de vie propre à chacun etc. Il n’y a pas de modèle à suivre. Il n’y a pas non plus de certitudes dans la vie. Le seul bon moment est celui ressentie par chacun. A nous de respecter son choix, à elle aussi de l'assumer…

25 septembre 2011

Apartés

De Bruce Springsteen, je ne connaissais que quelques chansons classiques, genre Born in the USA, Philadelphia ou Dancing in the dark. Pas grand-chose en fait. Pour découvrir l’étendue du répertoire du Boss, j’ai d’abord écouté The essential of Bruce Springsteen, trois bons CD, sur deezer. J’ai accroché sur certaines chansons, d’autres non.

Puis le site a fait la promotion de The promise, un album qui reprenait quelques unes de ses chansons de la fin des années 70, un peu retravaillé musicalement. Je suis de suite tombé sous le charme de la chanson éponyme. Et après quelques dizaines d’écoutes, l’album a très vite rejoint mon répertoire musical de référence.

Je ne me lasse pas d’écouter l’album en boucle. La voix de Bruce Springsteen, assez particulière, est littéralement envoutante. Chaque écoute de cette musique, à la fois rythmée et apaisante, me donne l’impression de planer. Enfin, la lecture des textes donne une dimension mélancolique et romantique de cette Amérique des années 70.

Pour certaines chansons, on sent dans les personnages mis en scène – j’ignore s’il y a une part d’autobiographie dans les textes – une impression d’étouffement, de tristesse, de rêves interrompus, contrebalancé par le besoin de s’échapper, de s’évader, de surpasser. Pour se sentir vraiment vivant.

*

J’ai parfois le sentiment de vivre une vie en suspend. D’être comme le hamster dans sa cage tournant sans fin dans sa roue. Une impression bizarre d’être immobilisé, figé quand tout/tous bouge(nt) autour de soi. J’en ressens dès fois de la rancœur, comme agacé des chances et facilités de certains, quand soi même on galère, même si en fait une apparence de réussite peut cacher d’énormes difficultés voir même une fragilité.

Mais le plus souvent, c’est plus une forme de tristesse ou de sentiment de vide qui m’assaillie. Voilà deux, trois ans que je poursuis le même objectif, réussir un concours, pour être enfin un peu indépendant et commencer ma vie professionnelle. Mais dans cette course sans fin, le moyen fini par devenir une fin en soi. Et on en perd tout repère et tout sens.

Je croyais sincèrement que cette année serait la bonne. C’était pourtant bien partie, je cumulais les admissibilités, mais l’oral c’est une autre paire de manche. Faut savoir se vendre et charmer le jury, mais quand on est réservé et quelque peu inexpérimenté, on ne peut pas faire illusion bien longtemps. Retour donc à la case départ.

Mais depuis cet été, j’ai commencé un travail de chargé de mission dans une association qui s’occupe de la question du logement des jeunes, et qui souhaite se transformer en coopérative. Je suis donc chargé d’étudier le statut juridique et d’opérer la transformation. C’est plutôt pas mal. Je découvre ainsi l’univers de l’économie solidaire. J’acquiers enfin de l’expérience. On verra.

*

Le PS est en pleine organisation des primaires. Dans ma section, ça ne passionne pas les militants. Jeudi, lors de notre dernière réunion de section, on était tout juste cinq pèlerins. J’y suis allé pour rendre compte d’une réunion de formation à la fédé sur les modalités de la primaire.

Mon secrétaire de section, surbooké professionnellement, souhaite que je le remplace à la tête de la section. De façon inattendue, il a vanté plusieurs fois mes mérites à l’assemblée, comme pour mieux surligner par contraste, les limites de George, un camarade borné, à l’esprit conflictuel, qui nous pose problèmes et qui continuera d’en poser.

En 2008, j’ai pensé un temps me présenter au secrétariat de la section. Mais pour avoir secondé activement et depuis 3 ans mon sec-sec, politiquement éloignés mais loyaux et respectueux l’un de l’autre, j’ai compris que le poste était des plus ingrats. Trop de conflits à gérer, trop d’apathie à combattre, trop de défections, de quoi vous démoraliser.

J’aurai beaucoup appris de mon sec-sec, son sens de l’éthique et de la transparence, de ses (nos) erreurs aussi. Toutes les bonnes volontés du monde ne suffisent pas à animer un collectif, si les autres ne suivent pas. Mais un parti, à la différence d’une association normale, n’a pas « d’obligations de résultats » qui le pousserait à l’action.

Si j’avais une quelconque ambition politique, si j’étais sur de rester dans le coin durablement, je pourrai m’y lancer. Mais à dire vrai, je suis trop attaché à ma liberté et à celle des autres. On reste dans le milieu associatif, basé sur le volontariat. Je ne souhaite pas être redevable envers quiconque, disons au point de se voir abdiquer sa liberté d’action et de penser.

Sur la primaire elle-même, je suis un minimum les débats et le discours de chaque candidat. Orphelin de mon seul candidat de cœur, DSK, j’aborde cette compétition interne avec beaucoup de distance. On est loin de la passion et de l’ambiance de 2006. C’est moins conflictuel qu’alors mais c’est aussi moins enthousiasmant. Pour moi, ça sera Martine Aubry, par raison, par défaut.

Je terminerai cette note un peu brouillonne sur les réseaux sociaux. Je me suis engagé en politique via la blogosphère, et j’adorais les débats de 2006-2007, la sensibilité de chacun. Des amitiés se sont crées. Je pleure à chaque fois qu’un blogueur jette l’éponge. Une tranche de vie commune disparait alors. Les possibilités d’échanges diminuent. Reste l’impression d’un monologue qui m'insupporte de plus en plus.

28 août 2011

Visa pour l’image 2011

Depuis 23 ans, chaque année en cette fin de période estivale, Perpignan accueille le Festival International de Photojournalisme dit Visa pour l’image. L’occasion de revisiter l’actualité de ces derniers mois, riche en événements, les uns chassant les autres à un rythme effréné, mais aussi de découvrir quelques expositions intéressantes.

La première fois que je suis venu, c’était en 2006. Je me souviens encore bien des quelques des expositions que j’avais vu: le commandant Massoud, la région de Tchernobyl et la vie difficile des populations qui y vivent, la Louisiane dévastée par Katrina, le Chili sous Pinochet, l’enterrement de soldats américains tombés en Irak. Pas eu l’occasion d’y retourner depuis.

Mon oncle et ma tante m’ont proposé d’y aller samedi. Timing idéal, c’était le premier jour du festival, du coup pas trop de monde sur les différents sites. Ce qui laisse plus de temps pour apprécier les photos et les sujets exposés. Au-delà des révolutions arabes et de Fukushima, qui ont dominés l’actualité, il y avait des expositions sur la guerre civile au Soudan et en Somalie.

Parmi les thèmes moins actuels, citons les FARC en Colombie, la guerre des cartels au Guatemala, les familles de victimes des guerres des bandes en Californie, Haïti dévasté. Des images très dures parfois. Beaucoup d’émotions « immortalisées » aussi. Je m’attardais parfois à scruter les traits de visages de ces inconnus, victime du destin ou de la nature humaine.

On compte aussi des sujets moins glauques, voir drôles, comme ces barons de la pègre londonienne, maitres de la nuit et de ses excès mais qui frisent presque le cliché ; ou encore ces britanniques lambda en tenue ou position aussi excentriques que ridicules, et dont on aime tant se moquer. Plus apaisant, des photos sous marines de la banquise ou de récifs de corail.

Le thème qui m’a peut être le plus marqué reste les patients des services de psychiatrie chinois, pris en photo entre 1989 et 1990. C’est quasiment des prisons, des lieux d’enfermement où l’on parque les gens plus qu’autre chose. Et la photo qui m’a le plus ému est celle d’une vielle femme et d’un enfant dont elle n’est pas parente, fuyant les combats et la famine au Soudan. J’ai admiré (imaginé) cette sorte d’instinct maternel ou de solidarité.

Sur toutes les photos couvrant les révoltes et les guerres civiles, je me suis beaucoup interrogé sur le regard et l’état d’esprit du photographe. Il y a du courage à côtoyer des guerriers sur le champ de bataille, au péril de sa vie. C’est les lettres de noblesse du photo journalisme. Mais face à la misère, la détresse ou la mort en action, comment réagissent-ils en leur fort intérieur ?

Une interrogation qui m’a fait me rappeler l’histoire du Peintre des batailles, d’Arturo Perez- Reverte, à propos d’un ancien photographe de guerre, désormais reclus dans sa tour d’ivoire en attendant la mort.

08 janvier 2011

Voeux 2011

Un ami de mes parents a envoyé les vœux suivants

« Chers Amis. Tous ceux qui pour 2010 m’ont souhaité beaucoup d’argent et de bonheur, sachez que ça n’a pas marché. Alors pour 2011, pour faire plus simple, envoyez-moi directement l’argent. Pièces, billets, chèques, j’accepte aussi les cartes bleues. lol. Bonne année à tous ! »

J’ai trouvé ça rigolo et original. Du coup j'en profite, avant que le mois de janvier ne s'achève, pour vous souhaiter une bonne année 2011, pleine de succès personnels et collectifs.

Bien content d'avoir fermer la page 2010, une année marquée pour ma part par deux enterrements, des conflits familiaux, quelques désilusions et échecs personnels.

Ainsi va la vie, beaucoup d'épreuves mais aussi des petits moments de bonheurs quand on sait les saisir sans trop réfléchir au comment du pourquoi.

J'ai envie d'affronter cette nouvelle année avec optimisme et zenitude. Pour l'instant c'est le cas.

05 novembre 2010

Au revoir Mamie

Mes deux grand-mères nous ont quittées cette année. L’une s’est éteinte en février dernier, dans un hôpital en Espagne, malade d’une cirrhose à quatre-vingt cinq ans. L’autre est partie « chez elle » un premier novembre, une fin d’après midi. C’était la mère de mon père et elle venait de fêter ses quatre vingt huit ans.

Nous l’avons enterrée cette après midi dans les Pyrénées. Elle repose désormais au côté de sa mère, à proximité du caveau où sont enterrés deux cousins et mes deux autres grands-parents. Pour des raisons que je n’expliciterai pas ici, les obsèques se sont déroulées dans une ambiance tendue, où la division a supplanté la communion.

Lorsque survient un décès, les proches tendent à ne retenir le jour des obsèques que les qualités du défunt et les bons moments vécus ensemble. J’ignore franchement ce qui dans cette attitude relève du processus psychologique du deuil qui commence et ce qui renvoi à la convention sociale des adieux mis en scène et de la mémoire sélective.

Cela ne révèle pas la personnalité du défunt dans toute sa complexité. Et faire état de cette complexité, c’est aussi signifier la particularité de la relation qui unie la communauté des vivants au défunt. Et si j’éprouve ce soir le besoin de souligner la part d’ombres et de lumières qui habitaient ma grand-mère, ce n’est que pour mieux penser la relation finalement distante que j’entretenais avec cette femme.

A là différence de mon autre grand-mère, la mère de mon père n’a jamais été une personne très expressive. Elle m’a toujours paru distante, parfois même indifférente. En tant que mère de huit enfants, grand-mère de 21 petits-enfants et arrière grand-mère de 11 enfants, elle a toujours eu des préférences. Celles-ci s’exprimaient dans son comportement et dans la différence de valeur des présents qu’elle offrait. Elle manquait terriblement de tact dans ses gestes et ses paroles.

L’amour d’un fils pour sa mère lui fait pardonner beaucoup de ses torts – l’inverse est tout aussi vrai, et ma grand-mère a aussi encaissé les maladresses de ses enfants – mais s’il n’est pas rancunier, il n’est pas pour autant amnésique. Ces maladresses sont autant de blessures dans l’âme qu’il lui faut panser et dépasser. Or les cicatrices sont indélébiles, on choisit juste de les couvrir ou non. Idem pour le petit fils.

Enfin, pétrie d’une culture traditionnelle de la famille et du rôle de la femme dans celle-ci, elle avait assigné un rôle à chacun de ses filles. L’ainée devait, alors que les parents partaient travailler, s’occuper de ses petits-frères, devenant de facto une mère de substitution. La benjamine devait héberger les parents et les accompagner jusqu’au dernier souffle. A la mort de Papy, Mamie s’est installée chez ma tante et y a vécu jusqu’à son dernier souffle. Elle n’a jamais voulu aller ailleurs. Aucun autre enfant n’a pu profiter seul, d’un moment d’intimité avec elle.

Indifférence, préférences et éloignement. Dès lors, comment évoquer au moment de ses obsèques un moment de complicité qui n’a pas eu lieu ? L’absence de souvenirs est ici plus douloureux que le souvenir du souvenir. Peut être est-ce une question de temps. J’ai l’impression d’avoir côtoyé sa vie plus que d’en avoir fait partie. Cruel constat. Signe aussi de mon propre échec à n’avoir pas su/pu tisser du lien avec elle.

Mais tout ceci ne saurait résumer ma grand-mère. Car c’est aussi une femme pleine de courage. Elle a rompu les liens avec sa famille (d’une certaine condition sociale) pour partir vivre avec mon grand-père qui était un homme marié (on est alors sous le franquisme). Dans les années cinquante, elle a quitté son pays pour venir vivre et travailler en France. Elle a du faire face à bien des préjugés.

Par-dessus tout, elle a du assumer une famille de huit enfants avec un homme au caractère difficile, qui avait le vin mauvais et qui était capable de claquer le salaire de la semaine au bistrot avec ses amis. Elle a passé sa vie à bosser sans compter, sans broncher, en encaissant beaucoup. Cela n’excuse pas sa façon d’agir sur d’autres points, mais il serait injuste d’oublier les sacrifices auxquels elle a consentie.

Au revoir Mamie. Reposes en paix.

00:11 Publié dans Récit de vie | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : mémoire, espagne