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12 décembre 2008

L'épreuve du miroir

Ces dernières semaines, comme ça arrive à tout un chacun dans sa vie au quotidien, j’ai connu des hauts et des bas, j’ai passé des jours avec et des jours sans. En repensant à ces sautes d’humeurs, qui peuvent se succéder dans la même journée, je me fascine du mystère des méandres de l’âme. Il est assez difficile pour les expliquer de distinguer ce qui vient de l’environnement collectif dans lequel on baigne, de ce qui a trait à sa propre personnalité.

Cette année universitaire est censé être notre dernière année d’étude. J’ai le sentiment que pour beaucoup de monde, quelque soit le module choisit, c’est une année de trop. Pourtant, je trouve paradoxal de voir la saturation de certains amis par rapport à cette année studieuse supplémentaire, au regard de leur difficulté à se projeter dans l’après, c'est-à-dire leur vie professionnelle. Pour beaucoup, il semble que « demain est un autre jour ».

Je suis dans une filière qui prépare aux concours de la haute fonction publique. En discutant avec les uns et les autres, il ressort une impression de frustration collective. Une frustration qui cache autant une certaine insatisfaction par rapport à l’enseignement reçu et à l’(in)organisation de la filière, qu’une certaine incertitude par rapport à l’avenir. Entre la crise économique et financière qui assombrie les perspectives professionnelles et les divers chamboulements, décidés par l’actuelle majorité politique, en vue de transfigurer l’Etat (et donc ça concerne les concours d’accès aux métiers de celui-ci), on a l’impression qu’on arrive au mauvais moment.

Alors que nous sommes appelés peu ou prou à être les futurs représentants de l’élite administrative et politique de ce pays, ma génération est comme qui dirait, atteint de sinistrose. Ma génération a peur de l’avenir, peur du monde qui vient. Symptôme d’une société en perte de sens, et qui ne sait plus imaginer et donner une perspective à sa progéniture. Symptôme, peut être, d’une génération narcissique qu’on a plus ou moins trop bien couvé et qui se réveille soudainement. Symptôme, peut être, d’une crise même des élites, à supposer bien sûr qu’on accepte cette terminologie pour une (petite) bourgeoisie de province, classes moyennes à la dérive, que nous sommes. Il faut savoir passer l’épreuve du miroir, tout en sachant qu’un miroir ne reflète qu’un reflet, qu’une image possible….

A mon niveau, j’ai le sentiment d’être complètement décalé, trop souvent décalé. Non que je ne connaisse pas les doutes et inquiétudes de mes camarades, leurs interrogations sont aussi les miennes, car j’ai aussi mes propres démons… La vérité, c’est que je me rends compte d’un certains nombres de choses sur mes compagnons de promo qui sont, comme le dit une amie, à vous faire désespérer de la nature humaine.

D’abord, notre incapacité à travailler en groupe. Il nous a été sommé de faire 5,6 groupes de six afin de travailler les différents exposés. Riche expérience que celle-ci. Je ne connais presque pas de groupe où les membres ne s’entendent pas super bien. Une amie vient de tomber dans une quasi dépression parce qu’elle a été mis à l’écart par les gens de son groupe et que ceux-ci n’ont pas hésité à lui faire maintes réflexions désobligeantes. Moi-même, je me suis pris le bec avec certaines filles de mon groupe. Toujours des problèmes de communication et d’esprit collégial entre les singes que nous sommes. Et puis certain(e)s ont trop le goût du leadership. Quand dans certaines prépas, on organise des soirées à thèmes sur telle ou telle discipline, nous on daigne s’envoyer quelques mails et nos parties d’exposés sans vraiment lire celles des autres. Je me souviendrai toujours de cette phrase d’un prof de socio « Un français est plus productif qu’un japonais. Mais dix japonais qui travaillent ensemble sont plus productifs que dix français ensemble».

En début d’année, on nous a encouragés, via la constitution des groupes, à partager entre nous, par voie orale ou par mail, toute information susceptible d’aider tout le groupe. La direction souhaitait voir émerger une émulation collective. Mais comme nous passons des concours différents, nous n’avons pas les mêmes objectifs. On se demande nos notes pour se comparer et voir qui est un possible concurrent. En quatrième année, une fille avec qui j’ai commencé par sympathiser par un simple sourire et un simple bonjour, m’a dit que chez elle, certains travaillaient peu au sein des groupes pour mieux bosser de leurs côtés pour les concours.

Incapacité de coopérer. Pas plus tard que hier j’ai demandé, par mail, à ce qu’on s’envoie nos exposés en vue de la semaine de concours blanc de la semaine prochaine. J’ai donné l’exemple en envoyant deux des exposés de notre groupe. Tous ne jouent pas le jeu, loin de là ! Triste exemple de la théorie du passager clandestin…. Par ailleurs, nous avons avec nous des prep’externe qui ne sont pas dans nos listes de mails. Et quand j’ai vu l’une d’entre eux s’acharner à prendre des notes de nos exposés, je me suis rendu compte qu’ils ne recevaient pas nécessairement nos mails. Je lui ais proposé de le lui envoyer, en lui recommandant d’envoyer les docs aux autres. Pareil, j’essaye d’envoyer mes notes à cette amie malade le plus souvent possible, qui, touchée par cette délicate attention, se confie à moi alors que nous n’étions pas bien proche avant

Mais si je me sens parfois décalé par rapport à mes semblables, on me dit aussi décalé par rapport à d’autres. Cet après midi, j’ai retrouvé la nouvelle monitrice de mon autoécole dans le bus. Et en discutant elle me faisait part de son insatisfaction dans ce job qu’elle venait tout juste de commencer. Elle m’explique son projet d’apicultrice et le combat « politique » qui va avec. Elle a montée des ruches sur un terrain que des amis mal-logés squattent. Elle m’avoue alors être énervée par l’aspect très bourgeois, très classe moyenne, de ses élèves. « Tous des clones » disait-elle. Ils sont pas « naturels » dans leur comportement, tranchait-elle. J’essayais de les excuser mais elle en rajoutait une couche en faisant une comparaison avec son expérience sur Paris et Lyon. Et là elle me sort que je fais partie des 10% à être naturels… Je fais mon sourire en coin de toujours mais dans ma tête c’est confus. C’est un étrange compliment, si compliment il y a. Elle connait aussi mon parcours scolaire et mes objectifs professionnels.

Et maintenant je débranche mon cerveau et m’éloigne du miroir… dans tous les sens du terme ;-)

06 septembre 2008

Le mépris

Ce lundi j’entame ma dernière semaine de travail saisonnier. En repensant à ces six étés passés dans le domaine de la peinture et de la pose du sol, je mesure le chemin parcouru - avec ses rencontres et ses aléas - et prend conscience de l’expérience – tant professionnelle qu’humaine -acquise au fur et à mesure. La satisfaction du patron et de mon chef d’équipe, tous les deux de ma famille, sonne comme une reconnaissance pour un non-manuel, à la base, comme moi.

Terminant en principe mes études l’été prochain, je ressens comme un pincement au cœur en constatant que c’est certainement la dernière fois que je travaille dans ce secteur. Il me faudra chercher un métier du côté de l’action publique, secteur qui me tient à cœur et qui a été à la base du choix de mon parcours universitaire. Je sais que dans cette optique, mon expérience professionnelle dans le bâtiment ne m’aidera pas beaucoup, quand elle ne me sera pas cyniquement et socialement reprochée.

Ceci me fait penser au mépris que certaines personnes affichent vis-à-vis de ces métiers et des gens qui y travaillent. Je pense à un de mes cousins qui s’est fait snobé toute une soirée par un couple, dès lors qu’il avait dit sa profession. Je pense à ce triste témoignage de certains ouvriers vis-à-vis de la gente féminine : « quand tu dis que t’es peintre, tu fais fuir les filles ». Je pense à certains cadres du bâtiment (archi, conducteurs de travaux etc.) qui prennent les ouvriers pour des buses et à qui ils refusent de fournir un sanitaire sur un chantier. « Quoi ! Mais vous chiez vous ? » Doivent-ils penser. Je pense à cette boutade entres camarades étudiants, mais qui ne m’est pas concernée, sur l’option professionnelle si on ne trouve rien après notre diplôme: "si je trouve rien, tu m'embaucheras comme peintre".

Ce qui me surprend en fait, c’est que je croyais que le mépris venait plutôt de gens « d’en haut » alors que des gens « d’en bas » affichent aussi un certain mépris. Signalons déjà qu’entre gens du bâtiment, on ne se fait pas de cadeau, je pense à certains commentaires entre corps de métiers, ou à des propos à caractère ethnique.

Mais je pensais à cette expérience toute personnelle, fraiche de ce vendredi. Nous travaillions dans un quartier populaire, dans une maison individuelle, toute proche de barres HLM. Nous refaisions le plafond chez une mamie de 82 ans, veuve et isolée, qui nous tapait la causette. Comme c’est moi qui ait les clés du camion (alors que je ne le conduis pas), j’ai l’impression d’être Saint Pierre, je vais y chercher du matériel. J’ai fait plusieurs allés retours sans histoires.

Là, je cherche quelque chose dans le camion quand j’entends la voix d’un d’homme me dire :

- « Oh ! Ca vous plait comme boulot ? »

Je me retourne et répond benoitement :

-  Oui, bien sûr…

-  Mais c’est un métier de merde !

La réponse me laisse sur le cul comme on dit. J’observe l’homme. Il a un visage dur, peu souriant. Outre qu’il dégage un air antipathique, il semble tout à fait sérieux.

- Ah ! Et vous !? Vous faites quoi monsieur dans la vie ?

- Moi, je travaille pas…

Je n’arrive pas à me rappeler s’il avait ajouté quelque chose ou pas.

- Ah… fis-je, avec un sourire en coin.

- Ah bien sûr ! Vous valez plus que moi, c’est ça hein ? dit-il d’un air offusqué.

- Pas du tout… Non mais attendez, vous arrivez ici et me dites que mon métier c’est de la merde !

- C’est pas ce que j’ai dit !

- Si ! Vous m’avez dit que je faisais un métier de merde !

- C’était pas la première chose que j’ai dite, je vous ai demandé si ça vous plaisez…

- Eh bien oui, ça me plait ! – et j’ajoute plus loin - Même si je fais ça que l’été.

Un temps de silence.

- Et les gens, ils vous accueillent bien ? ils sont contents ? me demande-t-il.

L’expression du visage a changé. Il sourit. Je vois pas bien où il veut en venir.

- Ca dépend… dis-je en haussant les épaules

On dirait qu’il rigole. J’ignore si c’est de moi ou de lui-même en pensant à nos premiers échanges

- Oui… C’est compliqué ! Répète-t-il en hochant la tête. Il sourit toujours

- Voilà. Allez, au revoir.

Et je m’en vais.

Voulait-il dire que peintre est un métier peu valorisant - et dans ce cas c'est un jugement - ou bien peu valorisé - et là c'est un regret - ? La doute est permi. On passe à la limite du mépris à la méprise. Mais en réalité, il n'était pas question pour moi de laisser insulter cette profession que j'exerce l'été. Par principe.

18:33 Publié dans Récit de vie | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : bâtiment

29 août 2008

Des rencontres et des adieux

Lorsque j’ai débarqué sur la blogosphère politique il y a deux ans de ça au moins, je n’imaginais pas à quel point quelques échanges virtuels pouvaient fonder des liens bien réels.

Je reste encore étonné par la diversité des opinions (au sens de point de vue), la multitude des profils et des caractères, les différences de situations sociaux-professionnelles, que j’ai pu croiser. C’est étrange que la politique, domaine à dimension conflictuelle par nature, puisse permettre de créer des liens.

Je pense à tous les militants, jeunes et moins jeunes, qui m’ont donné envie de rejoindre le PS. Merci Alice, Aiglon, Selene, Tonio, Bloggy Bag, Mund’… un long étcéra, avec qui s’est crée une certaine camaraderie à distance, camaraderie que je ne retrouve d’ailleurs pas vraiment en section.

En dérivant et en s’éloignant des sujets proprement politiques, on peut apprendre à connaître une part de l’être de ce que j’appelle les « électrons libres ». Une pensée pour Cyp, Cath, Quidam, Den et Buzz.

Il y a ceux avec qui les contacts sont difficiles au départ mais avec qui on finit par bien s’entendre. Je pense d’abord à Antoine T. alias Rebelle. Mais je voulais surtout parler de PaysanBio, Electeur Papounet, Belgo ou dans une moindre mesure, Loic56.

L’échange sur le net ne laisse pas toujours entrevoir la dimension humaine et l’identité de certains intervenants. C’est ce que j’appelle « los vilanos ». Ils s’expriment souvent par l’invective et le mépris. Ils ont leurs idées fixes. Leur comportement est souvent violent.

Enfin, il y a ceux qu’on côtoie sans bien connaître (Duong, Bernard3, Lubo etc). Le temps et le contexte ne permettent pas toujours de se découvrir les uns, les autres. Une certaine pudeur joue peut être, et comme on dit, on montre aux autres qu’une facette de notre âme. Tout dépend aussi de nos motivations, de ce qu’on recherche dans l’échange… Mais en tout cas nait une certaine amitié.

Nihad Youssri, dit Nihadyou, faisait partie de ceux là. Je l’ai rencontré sur le blog de Moscovici où il défendait avec un incroyable enthousiasme et beaucoup de persévérence la démarche du député du Doub.

J’ai appris son décès hier après midi. Au début du mois à peine, il parlait de son état de santé (on lui avait découvert quelque chose de mauvais mais soignable) qui annonçait son absence sur le blog dans les mois à venir. Il partait suivre un traitement. Nous pensions le revoir bientôt. La maladie l’a finalement emporté.

Comme d’autres intervenants du blog, je le connaissais peu en dehors de ses interventions parfois agaçantes mais toujours pleines d’espérances et marquées de respect pour les autres. C’était un intervenant très actif. On peut lire l’émotion des autres intervenants ici et (Pierre Moscovici a eu la délicatesse de lui rendre un hommage). Il va nous manquer.

Sa disparition m’attriste beaucoup. J’ai la gorge noué en y pensant. Je n’imaginais que ça pouvait m’affecter à ce point… Il est parti très vite et bien jeune : 51 ans. C’est l’âge de mon père. Il laisse orphelin un adolescent de 15 ans. Mes pensées vont pour sa famille.

Adieu l’artiste…

09 août 2008

Retrouvailles entre amis

 

Me voilà revenu d’Orléans où j’ai rendu une petite visite de cinq jours à des amis. Après quasiment deux mois de travail en peinture, avec une dernière semaine bien sous pression, j’avais envie de bouger quelques jours en vacances dans ces « grandes vacances ».

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Je suis donc allé voir mes anciens compagnons de Terminale ES, cela faisait bien deux ans que nous ne nous étions pas vu. Mes amis J. et S., fiancés depuis 3 ans, m’ont merveilleusement accueillit ces quelques jours dans leur petit appartement (« petit » pour 3 personnes sur une longue durée mais correct pour un couple) et ont eut la délicatesse de contacter d’autres collègues pour qu’on se voit pendant mon séjour.

 

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Si le temps a été un peu couvert et pluvieux les deux premiers jours, le soleil et la chaleur était au rendez-vous le reste du temps. Bien que S. travaillait cette semaine, ne nous laissant du coup que le midi et la soirée pour se retrouver tous ensemble, on s’est bien amusés. Pas besoin de se prendre la tête à faire un planning bien définis et surchargés pour savoir s’occupés : bien souvent ça marche au feeling.

 

On s’est baladé dans le centre ville d’Orléans. On a été au cinéma voir Wall-E. On a été boire un coup ou deux dans un bar. J. et moi sommes très cinéphiles, il m’a fait découvrir une série (How I Met Your Mother) et quelques bons films de sa grande collection de DVD. On a joué à la wii, en faisant des parties de boxe, de tennis et de guitare (si ! si !). Le tout en discutant.

 

J’ai bien sûr eu l’occasion de revoir nos autres amis. Le planning des uns et des autres ne coïncidant pas vraiment, selon les contraintes professionnelles et personnelles de chacun, on aura vu les amis sur trois journées. Er. et Em, l’autre couple, sont venu samedi soir. A. nous a invités chez lui à Châteaudun me donnant l’occasion de revoir la ville où j’ai passé un an de ma vie et mon bac. A. et J. m’ont fait comprendre que ma culture cinématographique asiatique laissait à désirer ;-) Enfin, M. a fait l’effort en pleine semaine de venir de Paris pour quelques heures à peine et repartir ensuite, montrant encore une fois sa disponibilité et son sens de l’amitié.Orléans10.JPG

 

Au final une petite semaine bien sympathique. Ca fait plaisir de voir un peu ce que deviennent les uns, les autres. Certains continuent les études quant d’autres travaillent déjà. Certains sont en couples, d’autres (parfois les mêmes) font construire ou s’apprêtent à acheter un appart. Quand je pense qu’on était encore en terminale il y a cinq ans de ça, je me dis qu’on a parcouru bien du chemin depuis.

 

Le plaisir des retrouvailles me laisse toutefois un arrière goût d’amertume sur les chances de continuer à nous revoir dans les années qui viennent. Car finalement chacun construit sa vie avec sa moitié et/ou dans son univers, et le temps et la distance qui nous séparent, encore une fois, viennent éroder la pierre précieuse de l’amitié…

23:50 Publié dans Récit de vie | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : mémoire

28 juillet 2008

Le spectateur concerné

La fin de ma 4ème année universitaire a été marquée par un « conflit social » au sein de mon école. Portant sur les frais d’inscriptions, les étudiants, avec les représentants syndicaux étudiants à leurs têtes, se sont opposés au choix du conseil d’administration (C.A) de l’établissement de les faire augmenter jusqu’à 700 euros. Le mouvement s’est ainsi traduit par une série d’assemblées générales (qui voyait grossir le nombre d’étudiants à chaque séance) votant le blocage puis l’occupation de l’établissement, entrainant immédiatement la direction à prononcer la fermeture administrative de l’école. Au total près de 3 semaines perdues.

Je reviens aujourd’hui sur cet épisode car il m’apparait, avec du recul et bien des réflexions, riches d’enseignements sur les motivations et les stratégies individuelles et collectives. Bien entendu les propos qui vont suivre relèvent d'observations toutes personnelles, forcément entachées par ma subjectivité d'observateur participant.

 

Les acteurs.

Il convient d’avoir en tête l’existence de 3 principaux acteurs : les syndicats, la direction et les étudiants.

Du côté des représentants étudiants, on compte deux groupes: un syndicat étudiant d’un côté, un rassemblement d’étudiants de l’autre. Le syndicat en question a une sensibilité politique que je classerai plutôt à l’extrême gauche, proche, sans peut être vraiment le revendiquer, de la LCR. Il a longtemps jouit d’un monopole de la représentation étudiante en n’ayant aucune listes concurrentes à affronter lors des élections des représentants au C.A. Sur ce point je reste choqué de savoir que le moindre vote recueillit par cette unique liste lors des élections suffit à la légitimer, le vote blanc, seule alternative à ce vote, n’étant d'aucune valeur. Peut être en réaction à cette situation de monopole et en désaccord avec la ligne défendue par le syndicat, un groupe d’étudiants (apolitiques ?) a fondé une liste aux dernières élections et obtenus quelques représentants.

Du côté de la direction, je me bornerai à dire qu’elle est majoritairement de sensibilité de gauche. Bien qu’elle fasse un travail remarquable pour faire vivre et évoluer l’école, sa capacité de communication est à désirer, particulièrement sur le sujet de la maquette de la 5ème année.

L’ensemble des étudiants forment le troisième groupe d’acteur. Un groupe assez hétérogène qui réunit une multitude d’individus, au raisonnement et lunette sociale propre, derrière une « culture d’institution » et une expérience commune.

 

Les différentes étapes du mouvement.

A l’approche de la séance du C.A devant entériner la décision d’augmenter les frais d’inscriptions, le syndicat a fait passer une pétition pour sensibiliser et mobiliser les étudiants sur la question.

Le jour du vote, rassemblement des étudiants en colère devant la salle du conseil pour manifester son désaccord. La direction décide d’organiser une réunion d’information qui précèdera l’Assemblée Générale (A.G).

La réunion d’information permet à la direction d’expliquer ses choix. L’A.G. vote contre l’augmentation des frais d’inscriptions et décide le blocage.

Des étudiants tentent l’occupation des lieux. Affrontement contre les forces de sécurité privée.

Fermeture administrative de l’école. La direction occupe l’établissement nuit et jour.

Nouvelle A.G : débat sur l’opportunité de négociations ou la poursuite du blocage. L’A.G vote le blocage, la direction décide de reporter les premiers devoirs sur tables et fait fermer l’établissement.

Le corps enseignant témoigne de sa solidarité de la direction. La direction met sur pied un forum internet pour entretenir le dialogue.

Troisième A.G : Après 4 heures de débat dans un amphi bondé, le blocage est maintenu. La direction fait fermer l’établissement.

Une rumeur court sur le net : la continuité du mouvement mettrait en péril l’organisation des examens, les devoirs sur tables étant suspendus.

La direction officialise le contenu de la rumeur et décide l’organisation d’un référendum unique pour statuer sur la continuité ou non des cours.

Le référendum a lieu : une très grande majorité des étudiants décident la continuation des cours. Fin du mouvement. Vacances.

 

Les positions et les moyens d’actions.

Le syndicat combat la loi SRU (qui ne s’appliquerait pas à notre école de part notre statut) et défend l’enseignement 100% public et l’égalité des chances entre étudiants. Ce positionnement suppose le refus de tout financement extérieur privé, de tout échelonnement des frais d’inscriptions selon le revenu des parents, et une participation élevée des étudiants aux finances de l’école.

De par sa position monopolistique, le syndicat est se trouve en position d’organiser la gestion d’une A.G. On retrouvera souvent un membre du syndicat dans le personnel gérant les assemblées étudiantes (président, assistants, comptage des voix). Ils dominent souvent quantitativement le débat, avec une aisance orale évidente, en raison aussi de l’intervention normal des représentants étudiants proche du syndicat. Ils savent orienter le débat en présentant des propositions de votes à l’assemblée, et en sachant esquiver les questions qui dérangent. Ainsi ils feront éclipser la proposition de débat sur la révision des frais d’inscriptions en fonction des revenus.

La direction justifie son choix par le coût financier qu’entraine la création d’une 5eme année. L’Etat ayant maintenu sa dotation au cours des dernières années, les professeurs s’étant démêlés à signer des partenariats avec le secteur privée en échange de financement, les revenus de la taxe professionnelle étant limité, le direction jure n’avoir d’autres remèdes que celui de faire participer un peu plus les étudiants.

La direction et le personnel enseignant jouissent de l’argument d’autorité : ce sont nos enseignants, c’est eux qui décident en général l’orientation de l’école… donc quelque part de notre avenir collectif. Ils disposent d’informations (dont comptables) que les étudiants n’ont pas, et les diffusent à doses déterminés, au moment opportun avec l’explication qu’il convient. Pour relativiser les arguments étudiants, la direction a indirectement accusé les étudiants de 4eme année, dont certains syndicalistes, de mettre financièrement l’école dans la merde en partant faire leur 5eme année dans un autre établissement (oubliant au passage qu’elle a encouragé, faute de donner suffisamment d’informations sur leur projet de 5eme année de l’école, les étudiants à voir ailleurs). Je passe sur l’argument moral de la directrice qui a mit en avant sa situation de mère et ses origines sociales populaires qui ont laissés de marbre bien des étudiants. La direction a surtout un moyen d’action clé : la menace du report des examens.

Enfin les étudiants. Chacun ayant sa conception des choses, le raisonnement et le comportement adopté dépend de la situation sociale de chacun et de la hiérarchie subjective des priorités. A de rares exceptions près, personne ne voulait payer plus. Certains voulaient un moratoire repoussant à dans deux ans la fameuse hausse. Seraient-ils encore là dans deux ans ? Certains aimaient mettre en avant leur situation difficile et prédisaient ne plus pouvoir manger de viandes si la hausse avait lieux d’entrée ou échelonnée dans le temps. Certains étaient contre les frais d’inscriptions mais n’étaient pas prêt à s’investir dans le mouvement. Les vacances approchant, certains ont peut être voté contre le blocage parce qu’ils avaient déjà réservés leurs billets de train ou d’avion. Le possible report des examens a sans doute inquiété nombre d’étudiants qui avaient programmés leurs grandes vacances. D’autres ont peut être craint pour la réputation de l’établissement. Lors des votes en A.G quelques uns ont proposés de reporter la date de retour des mémoires, que d’autres étudiants ont refusés n’étant pas concernés, mais bien content que la même A.G vote le report des devoirs sur tables.

 

Et moi dans tout ça ?

Ma situation de boursier m’écarte a priori de toute hausse des frais d’inscriptions, mais j’ai signé la pétition par solidarité pour les autres.

Alors que les étudiants se réunissaient en nombre devant la salle du conseil le jour où le C.A entérine la hausse, j’étais un des rares étudiants présents à la conférence sur l’Affaire Borrel avec la femme du magistrat assassiné.

Je ne porte pas dans mon cœur l’esprit du syndicat en question même si je connais et apprécie certains de leurs membres.

Certains arguments de la direction m’ont paru raisonnables, d’autres beaucoup moins. Parmi ceux là : « on est une des écoles les moins chères de France »… comme si le montant des frais d’inscriptions était un indicateur de la qualité de l’enseignement.

Les débats en A.G étaient confus, les uns répondant aux interventions des autres qui répondaient eux même à celles de tiers. Les raisonnements m’ont souvent paru limités et finalement un peu égoiste. Les propositions modérées (i.e souhaitant négocier avec la direction) étaient bien souvent hués, et leurs auteurs traités de « bisounours ». Les partisans de la lutte voulaient sans doute donner à ce mouvement une ampleur et un enjeu qui n’était pas ceux posés au départ.

La direction a joué sur le comportement grégaire de certains élèves en brandissant le risque des reports d’examens. Pour le coup, tant par esprit de contradictions que par dégout pour la méthode, j’ai voté non au référendum.

J’ai eu le sentiment d’être à l’écart des préoccupations de mes camarades, mon esprit critique et peut être trop modéré m’empêchant de choisir un camp.

Finalement j’ai été un spectateur concerné plus qu’un spectateur engagé… Encore se pose le problème de l’engagement dans une cause collective. Serai-je finalement trop individualiste ou bien, comme m'a dit quelqu'un, "trop conscient pour être inconscient" ?