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14 juillet 2011

Primaire socialiste 2012 (3)

De l’importance des listes de soutiens.

La phase des déclarations de candidatures s’est achevée hier à minuit. A moins d’un retour rapide de DSK, blanchi des accusations portées contre lui, ou d’une participation d’une autre formation politique (le MRC via Chevènement), non soumis au calendrier socialiste, la primaire comptera bel et bien six candidats.

Si l’on met de côté le cas de Jean-Michel Baylet, tous les candidats socialistes à la primaire appuient leurs candidatures sur le soutien de très nombreux élus. Aubry et Hollande affichent les plus importantes listes de soutiens, quand Montebourg, Royal et Valls plafonnent et cherchent à compenser par le recrutement de « volontaires ».

Alors que la primaire est ouverte à tous les français, ce sont les sympathisants de gauche qui choisiront le candidat en octobre prochain, la course au soutien d’élus détonne quelque peu. On se croirait dans la préparation d’un congrès. Pourtant, après réflexions, j’analyse quelques raisons justifiant la constitution de telles listes.

Tout d’abord, pour être candidat (socialiste) à la primaire, un certain nombre de parrainages sont requis. Mais comme pour la présidentielle, en avoir bien plus que le minimum requis n’est pas interdit (de mémoire, en 2007 Royal affichait 11 000 parrainages alors que seuls 500 suffisent). De telles listes sont donc très utiles pendant la phase des déclarations des candidatures.

Ensuite, une liste de soutiens assez importante montre qu’une dynamique collective s’est crée autour du candidat. Un bon candidat, c’est quelqu’un qui fédère autour de lui, en particulier des gens de sensibilité et d’horizons différents, que ces soutiens soient par intérêt ou par conviction. Un manque de soutiens peut décourager certaines candidatures (Moscovici par exemple).

Enfin, de nombreux militants socialistes choisiront leur candidat en fonction de ses soutiens, non qu’une consigne leur soit donné en ce sens mais parce que beaucoup sont à l’écoute de leurs élus (locaux, nationaux). Or les militants constituent la fourchette basse du corps électoral de la primaire, et restent les meilleurs relais des candidats (via le tractage, le porte à porte, les affiches, la présence sur les marchés etc).

L’inconnu de ces primaires reste la participation électorale des français de gauche. La mobilisation des militants et volontaires auprès de ces derniers sera déterminante. Mais c’est par leur style, l’approche politique, leur choix des thèmes et des priorités que les six candidats se démarqueront les uns des autres. Un messager est une condition nécessaire, mais avoir un message est encore plus déterminant.

Note 1 : Moscovici, candidat ?

Note 2 : Le PRG participera à la primaire socialiste

28 juin 2011

Primaire socialiste 2012 (1)

Pierre Moscovici réflechie à une possible candidature.

J’inaugure par ce billet, une nouvelle série de notes consacrée cette fois à la primaire socialiste. Celle-ci, ouverte à tous les sympathisants de gauche, est prévue le 9 et 16 octobre prochain. D’ici le vote, je vous ferais part, plus ou moins régulièrement, de mes observations et réflexions sur la campagne des candidats, et in fine, de celui ou celle que je choisirai de soutenir.

Précisons, pour ceux qui débarqueraient, que j’ai été un adversaire des primaires comme mode de désignation, pour un parti donné, de son candidat à l’élection présidentielle. Je m’en suis expliqué dans cette note. Je redoute toujours autant les conséquences de ce mode de désignation sur la vie interne des partis comme sur la politique en général. Mais les militants ont tranché.

Jusqu’au mois de mai dernier, j’avais un candidat de cœur et de raison : Dominique Strauss-Kahn. J’ai rejoint le PS par sympathie pour ses idées, que j’ai découvert via son blog, au contact de militants et sympathisants socialistes très proches de ces dernières. Au-delà de la pensée social-démocrate qu’il incarnait au PS, c’était l’homme que j’appréciais, ses analyses, son intelligence, son libéralisme politique et culturel.

Son éviction, dans les circonstances que l’on sait, me peine beaucoup. Il était en train de composer son équipe pour la primaire et la présidentielle et plancher avec celle-ci un projet complémentaire à celui du PS, inspiré d’expériences à l’étranger. Lié avec Aubry, Fabius et bien d’autres, sa candidature semblait ouvrir la voie à un rassemblement large (certes pas unanime) des socialistes. Ce n’est pas en soi un objectif mais dans une campagne présidentielle, la cohésion est primordiale.

DSK empêché, la donne politique au PS s’en trouve changé, plus ouverte aussi. Aujourd’hui, 28 juin, marque l’ouverture officielle des candidatures à la primaire. Martine Aubry a fait acte de candidature, précédée plus ou moins récemment par François Hollande, Arnaud Montebourg, Manuel Valls et Ségolène Royal. On aura mi juillet la liste définitive des candidats, après vérification faite du nombre de parrainage requis.

Pierre Moscovici pourrait être le sixième candidat. Il devrait décider, avec son équipe Besoin de Gauche, de sa (non)-candidature jeudi ou vendredi. Il laisse planer le doute sur ses intentions, regrettant l’absence d’une candidature authentiquement « réformiste, social-démocrate et européenne », qualités qu’il trouve ni chez François Hollande, ni chez Martine Aubry, les « deux favoris » de la primaire.

A mon sens le PS est aujourd'hui très majoritairement de tendance réformiste et social-démocrate, sur le plan de la pratique gouvernementale et sur le plan des idées. Si l'on regarde les motions de Reims, sur le plan des idées, les motions A (Delanoé, Hollande, Moscovici), D (Aubry, Fabius, Cambadélis), E (Royal, Peillon, Collomb) s'inscrivent grosso modo dans cette mouvance.

Ceci ne signifie pas dire qu'il n'y a pas de différences entre ces motions et les personnes qui les portaient alors. La trajectoire politique (constance ou pas), la pratique gouvernementales (plus ou moins dirigiste ou pas) et certaines propositions, parfois insolites, suffisent à distinguer ces personnalités et à les juger à l’aune du référentiel soc-dem.

A la différence d'autres courants, le courant Socialisme et Démocratie puis Besoin de Gauche (mais en bien moins performant) revendique cette culture social-démocrate (d’inspiration anglo-saxonne ET scandinave) et a su structuré la pensée soc-dem au sein du PS. Aujourd’hui, la spécificité de Besoin de Gauche (les amis de Moscovici) me semble être l’Europe, et franchement au PS où le sujet a du mal à passer, ce n’est pas rien.

L'aile-gauche, l'autre tendance que j'appelle social-républicaine et qu'incarnait à merveille Jean-Luc Mélenchon, pèse à peine 20%. Et malgré quelques postes à forte visibilité, cette tendance est divisée (Hamon, Emmanuelli, Montebourg, Filoche) et sans « doctrine » structurée, incapable de s’imposer ou de peser durablement sur la ligne majoritaire du PS.

Alors en dépit de toute la sympathie que j’ai pour Pierre Moscovici - j’aime son sérieux, son ton posé, sa nuance - je ne le vois pas aujourd’hui porter autre chose qu’une candidature de témoignage. Sur le fond, hormis peut être la question européenne, je ne vois pas comment il pourra se distinguer de François Hollande et de Martine Aubry, aux yeux des sympathisants de gauche susceptibles de voter à la primaire citoyenne.

Sur la forme, Moscovici n’est pas actuellement organisé pour mener une campagne de primaire. Son réseau d’élus est plutôt réduit (aurait-il les parrainages nécessaires) et son courant semble peu structuré et mal animé. Ses partisans sont peut être concentrés sur quelques zones géographiques, affaiblissant par là les moyens de relayer ses idées et sa candidature.

Par rapport à d’autres candidats - Aubry et Hollande pour le soutien des élus, Montebourg et Royal pour le soutien des « volontaires de terrain » - les lacunes de Pierre Moscovici sont importantes. Et si une campagne électorale, fut-elle « interne », est affaire de rythme et d’interactions, je vois mal comment il pourrait rattraper son retard. Je crois en réalité que les tergiversations de Pierre masquent son prochain ralliement à François Hollande.

15 mai 2011

Désintégration ?

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J'apprends ce matin l'arrestation de DSK par la police de New York pour agression sexuelle présumée. Certains cachent mal leur plaisir de voir le "candidat favori" du PS et de la gauche face à Sarkozy, tomber. François Bayrou, Bernard Debré et Marine Le Pen sortent les couteaux et piétinent au passage le principe de présomption d'innocence.

De toute façon dans la sphère politico-médiatique d'aujourd'hui, on est présumé coupable d'entrée. Et si par chance, on est lavé de toutes accusations par la justice, il restera des soupsons, des non-dits, comme quoi la justice n'aurait pas fait son travail correctement. Le mal est fait.

Et maintenant ? Soit, on découvre dans les deux mois qui viennent qu'il s'agit d'un coup monté, et alors DSK pourra concourir aux primaires, plus ou moins renforcé ou affaibli selon l'impact de l'affaire sur les consciences. Soit, l'affaire n'est pas réglée ou pire, sa culpabilité est avérée, et alors c'est fini pour lui... et pour nous en 2012.

12:14 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : dsk, média

08 avril 2011

Mémoire vivante - Michel Rocard

Mémoire vivante - Michel Rocard.jpgLa note de lecture qui suit remonte à octobre 2006. Le Parti Socialiste organisait ses primaires pour désigner son candidat à la magistrature suprême. Sans être militant, je soutenais déjà Dominique Strauss-Kahn et les idées social-démocrates, autrefois incarné par Michel Rocard et Jacques Delors.

J'ai fait le choix de ne pas retoucher mon texte même si, sans avoir relu le livre, j'aurai certainement une autre façon de voir et présenter les choses aujour'hui. J'ai trouvé intéressant de pouvoir relire les enseignements que j'avais tiré des propos de Rocard, à l'aune de la crise internationale et de la présidence Sarkozy surtout. Si j'ai pris d'avantage de distances avec le personnage Rocard et quelques unes de ses analyses, je reste fidèle à ses idées.

A noter que Michel Rocard est revenu sur son parcours personnel et politique dans deux ouvrages: Si la gauche savait (2005), Si ça vous amuse. Chroniques des mes faits et méfaits (2010).

*

Ce livre d'entretien avec Michel Rocard date de 2001. Bien que l’homme ait surtout marqué l’actualité politique des années quatre-vingt, donc une période que je n’ai pas connu du fait de mon jeune âge, j’éprouve à son égard une grande admiration mêlé d’un immense respect. Cet homme que les média d’aujourd’hui ont un peu oublié fait pourtant parti de ceux qui ont marqué l’histoire de la gauche française ces 40 dernières années.

Certaines mauvaises langues ne voient en lui qu’un perdant sous prétexte qu’il ne serait pas devenu président de la République, poste qu’il aurait convoité pendant tant d’années alors que « tout » (la popularité dans les sondages ; la compétence) le prédisposé à ce destin. D’autres voient en lui une occasion manqué, constituant un « certain regret ». Le regret de n’avoir pu rénover le socialisme français (notamment faire émerger une social-démocratie française assumée), le regret de n’avoir pu inculquer une nouvelle méthode de gouvernement à une classe politique de plus en plus coupé des réalités, le regret de n’avoir pu rassembler les français pour moderniser notre société.

Et si certains éprouvent ce regret, c’est bien que l’état actuel des choses (la décrépitude du Parti Socialiste français ; la crise socio-politique du CPE, le non au T.C.E…) ne nous poussent pas à l’optimisme. Le livre ne raconte pas seulement le vécu d'un des plus atypiques hommes politiques français de ces trente dernières années, mais il expose nombre de ses pensées et réflexions. Et on comprend alors toute la modernité de son engagements, de son raisonnement, de sa méthode.

Une première partie du livre est consacré à sa jeunesse, à ses parents, à ses études… On comprends de suite que c’est un certain niveau. Son père (qui a contribué à l’élaboration de la bombe atomique française), son grand père et son arrière grand père ont tous les 3 fait Polytechnique… d’où ses capacités en mathématiques qui l’aideront à étudier l’économie. Lui-même a fait Sciences po puis l’ENA puis l’Inspection des finances (grand corps d’Etat).Il raconte sa relation avec son père (qui ne lui pardonne pas d’avoir délaissé les sciences exactes pour sciences po) et sa mère (qui lui inculque les principes protestants). Il est fait mention des événements (la guerre, l’occupation), des rencontres (un ouvrier, un prêtre protestant) qui l’ont amené à tenter la voie politique. A une époque où le communisme est très en vogue, surtout chez les jeunes, Michel Rocard préfère s’en tenir à l’écart (il comprendra très vite le sectarisme des militants PC) sans pour autant adhérer à la SFIO (ancien PS) vieillissante et empêtrée dans les guerres de décolonisations.

Dans une autre partie, l'ancien Premier Ministre revient sur ses activités militantes et politiques à l'occasion de la guerre d'Algérie. Effectuant son service militaire en Algérie il contribuera par l'intermédiaire d'un rapport à informer l'opinion publique sur les pratiques de la torture par l'armée française. Anti-colonialiste dans l'âme, il se définit comme un militant des droits de l'homme (et donc socialiste par logique…sa logique) et non l'inverse.

Sont également abordés son choix d'intégrer l'Inspection des finances (un des grands corps d'État) à la sortie de l'ENA, et les informations et savoirs faire qu'il en retire en terme de culture économique et fiscale ("connaissance du réel", ex: impact d'une nouvelle mesure fiscale auprès de commerçants).

Mai 68 est un autre des grands événements où Michel Rocard s'est illustré. Il nous explique alors la création du PSU (parti socialiste unifié, en référence à l'œuvre de Jaurès lorsqu'il fonda le PSU-SFIO), et le rôle de celui-ci dans l'anticipation et l'accompagnement des mouvements estudiantins et ouvriers. Dans un souci de respect de l'ordre public, soucieux d'éviter les affrontements entre manifestants et CRS, il ira jusqu'à annuler des manifestations. Il revient sur ses relations avec Daniel Cohn-Bendit, avec Pierre Mendès-France (à l'occasion de la grande réunion de Charléty) et bien sur, François Mitterrand (jugé "hors jeux" par rapport aux événements).

Au travers de deux autres chapitres, il relate son adhésion au PS dirigé alors par Mitterrand, et son expérience gouvernementale après la victoire de la gauche en 1981. Il revient sur ses divergences avec François Mitterrand tant en termes de culture politique (le fameux clivage "première/deuxième gauche") que de choix stratégiques à adopter. Par exemple s'il adhère à l'union de la gauche avec les communistes, il conteste en parties le programme commun de gouvernement (dont les nationalisations à 100%) que sous-tend l'union PS-PC. Il regrette vivement la surenchère idéologique adopté par le PS, le manque de "parler vrai" des politiques face aux citoyens, que le PS payera dès 1983…

Il nous fait part de son expérience gouvernementale.  Qu'il soit au ministère du Plan, de l'agriculture ou à Matignon, il applique la méthode Rocard que l'on pourrait résumer par le triptyque " déminer- dialoguer- solutionner". En rentrant dans le détail, il nous explique comment ministre de l'agriculture il a contribué avec le conseil des ministres de l'agriculture au niveau européen, à réformer la PAC (entre autres). Sur son passage à Matignon, il nous explique en large et en travers comment il a obtenu les accords de paix de Nouméa, comment est né l'idée de RMI et comment il l'a négociée et mise en application très rapidement (je dis "il" mais bien sur l'entreprise est collective). Il aborde la question de la mise en place de la CSG (contribution sociale généralisée) et de la réforme de l'assurance maladie (négociation entamée avec lui, rompue à l'arrivée d'Edith Cresson). Autres réformes à son actif, la "réforme" de la langue française (sujet en apparence anodin mais bien complexe), le sauvetage de Renault (fusion avec Volvo), le changement de statut des PTT (devenu distinctement La Poste et France Télécom), un début de réforme de la justice. S'il regrette de ne pas avoir fait la baisse du temps de travail, il s'enorgueillit d'avoir entamé la réforme lente et discrète de l'assurance maladie et du système de retraites; regrettant qu'Edith Cresson en ait interrompue la négociation ou bien la méthode des Premiers Ministres Balladur et Juppé par rapport aux retraites.

Enfin les deux derniers chapitres abordent l'après Matignon, à savoir son bref passage à la direction du PS et son engagement européen en tant que député européen auprès de Yasser Arafat notamment.

Tout au long de l'entretient, Michel Rocard développe sa réflexion sur bien des sujets. Le rôle et les responsabilités de l'élu, les affaires, la mondialisation et l'évolution du capitalisme, les relations Nord-Sud, l'Europe politique sont tour à tour abordées.

Ce que j'ai retenu de Michel Rocard en termes de mode de gouvernement :

- Ne pas penser obligatoire en terme de clivages… idée que l'on retrouve dans son discours de politique générale devant l'Assemblée Nationale en 1988. "Je rêve d'une politique où l'on soit attentif à ce qui est dit plutôt qu'à qui le dit". D'ailleurs on ne peut être que frappé de voir, tout au long de l'entretien, Michel Rocard rendre hommage à divers hommes politiques en particulier ceux avec qui il n'est pas d'accord (Juppé, Chevènement etc.).

- Le rôle de l'élu n'est pas d'inventer, il n'en a ni le temps ni les facultés (au sens de formation), mais de sélectionner/arbitrer les mesures proposées par les techniciens de l'économie et du social. On serait tenter d'y voir une justification de l'Énarchie et de la technocratie confisquant le pouvoir au élus, moi j'y vois plutôt une légitimation de l'élu professionnel. Personnellement j'aime bien comparer un élu à un artiste. L'élu est essentiellement devenu un interprète… mais rien ne l'interdit de composer !

- Une volonté ferme de dialogue, de concertation longue et continue entre les acteurs concernés, les plus à même à apporter une solution aux problèmes/phénomènes qu'ils vivent au quotidien. En ce sens, la décentralisation poussée est préférée au jacobinisme et son centralisme.

- Tant qu'on préférera le spectaculaire au discret, l'immédiat au durablele symbolique au concret, la loi dictée par l'État au contrat négocié parles acteurs sociaux… alors aucune réforme n'est envisageable en France. Et une réforme sera d'autant plus accepté que les coûts seront partagé par toute la société.

Au regard de cette éthique, au regard de cette rigueur d'esprit… est-il possible de dire si aujourd'hui les prétendants à la présidence de la République soient acquis à ce mode de gouvernance ?

30 novembre 2010

Pourquoi il faut écouter DSK

Dernièrement en Allemagne, à l’occasion d’une conférence réunissant les banquiers centraux, DSK s’est exprimé sur la situation économique européenne. Il a relancé le débat sur l’intégration européenne par ses propositions.

D’abord, il appelle à « créer des conditions égales pour les travailleurs européens, en particulier dans le domaine de la fiscalité du travail, systèmes de prestations sociales et la portabilité des prestations, et de la législation de protection de l’emploi ».

Ensuite, il propose de « créer une autorité budgétaire centralisée, aussi indépendante politiquement que la Banque centrale européenne ». Cette autorité fixerait les orientations budgétaires de chaque pays membre et allouerait les ressources provenant du budget central pour mieux atteindre le double objectif de stabilité et de croissance. La Commission pourrait jouer un tel rôle.

Enfin, il recommande « d’aller au-delà de l’actuel budget de l’UE, strictement limité par les traités, pour aller vers un système qui utilise des instruments plus transparents au niveau européen, comme une TVA européenne, ou une taxation et tarification du carbone ».

En gros, Dominique Strauss-Kahn propose simplement de :

1)   Parachever le marché européen de l’emploi afin de permettre une réelle mobilité des travailleurs entre Etats membres.

2)   Constituer une politique budgétaire européenne, orientant davantage les politiques nationales plus qu’elle ne les remplace,  pour mieux équilibrer la politique économique européenne.

3)   Augmenter le budget européen en le dotant de ressources fiscales propres

Bien sûr, certains en France n’ont pas manqué de voir dans ses propositions une « atteinte intolérable à la souveraineté » des Peuples et des Etats pour le seul profit des « technocrates bruxellois », signe que DSK serait « au service des financiers »… Je passe sur la logorrhée souverainiste.

J’ai toujours du mal à comprendre comment on peut contester le manque de moyens des institutions européennes voir leurs inactions face à la crise économique, et venir crier au scandale dès lors qu’on propose justement de donner à l’Europe les moyens d’agir sur l’économie ?

Les souverainistes de droite n’aiment pas l’Europe et veulent quitter l’euro, je ne partage pas leurs vues mais au moins il y a une logique dans leur refus de l’intégration. Les souverainistes de gauche font parfois mouche dans leurs critiques de l’Europe mais rejettent tout ce qui pourrait en corriger les travers.

Je n’aime pas ces eurosceptiques de gauche qui critiquent l’Europe au nom d’une Europe idéale, sans jamais se montrer capable de se projeter à cette échelle pour apporter des solutions. De l’autre côté, les européistes présentent l’Europe pour ce qu’elle n’est pas (encore) et tardent trop à en faire ce qu’elle devrait être : une fédération d’Etats-nations.

Confier la politique budgétaire communautaire (soit l’exécution du budget de l’UE et la responsabilité du maintien de la discipline budgétaire des Etats) à la Commission, ne me parait pas dénué de sens économique. Et au regard des évolutions des traités, la logique ne serait pas bureaucratique mais bel et bien politique. Le fameux traité de Lisbonne ouvra la voie à une forme de régime parlementaire à l'échelle européenne, avec un Président de la Commission et une Commission issue des élections européennes et responsable devant le Parlement.

On voit bien que les négociations actuelles sur le budget communautaire sont de plus en plus lourdes et compliquées. Elles dépendent des accords d’une part des 27 Etats membres au sein des Conseil des Ministres et du Conseil européen (Chef d’Etat et de gouvernement), et d’autre part de la Commission européenne et du Parlement européen. Et les traités actuels limitent les capacités du budget européen (1% du PIB).

Quant au Pacte de Stabilité et de Croissance et les réformes structurelles qui tiennent lieu d’harmonisation des politiques économiques des Etats membres, leur conception comme leur application finale dépend des influences politiques et économiques des Etats membres (avec des logiques sous-jacentes des gros Etats contre les petits, ceux du centre contre ceux de la périphérie, les Etats fondateurs contre les derniers arrivants etc).

Cette absence de réelle politique budgétaire communautaire contraste, en même temps qu’elle affaiblie, avec la mise en oeuvre d’une politique monétaire unique, gérée par la BCE. De fait nous avons créé une union économique et monétaire déséquilibrée. Et autant la mise en place de l’euro a assurée une convergence entre les économies des Etats-membres, autant l’incapacité à nous coordonner fiscalement et budgétairement depuis l’entrée de l’euro, tend à raviver les divergences.

Depuis longtemps les économistes rappellent qu’une zone monétaire optimale ne peut être viable qu’à la condition que les facteurs de productions (capital et travail) soient parfaitement mobiles, et qu’elle puisse faire face aux chocs asymétriques (qui à la différence des chocs symétriques n’impactent pas de la même façon tous les pays de la zone). Or pour des raisons culturelles et politiques (réglementation sociale et fiscale), le travail n’est pas mobile en Europe. Et la politique budgétaire des Etats membres n’est pas coordonnée pour faire face aux chocs asymétriques.

Cela explique autant une partie des problèmes économiques de l’Europe que sa difficulté actuelle à régler la crise de la dette publique en Grèce et en Irlande. La spéculation sur la dette publique est certainement exagérée – les Etats ont la signature la plus sûre – mais les déficiences économiques des Etats qu’elle met en lumière, sont bien antérieures à l’agitation actuelle des marchés. La spéculation joue ici autant comme élément déclencheur qu’élément d’amplification de la crise.

Bien que les marchés insistent en apparence sur le niveau de déficit et de dette publique de la Grèce, c'est bien le secteur privé qui pose problème. Et sur ce point, l'Irlande, le Portugal ou encore l’Espagne sont dans des situations bien différentes. L’Irlande et l’Espagne ont assurés cette dernière décennie, leur croissance sur un modèle qui a fini par exploser avec la crise de subprimes. La Grèce et le Portugal souffrent eux d’une spécialisation économique intra-zone qui leur est défavorable, partiellement compensé jusqu’ici par des aides structurelles communautaires et des conditions de refinancement leur autorisant quelques excès en matière de finances publiques.

A tout cela, ajoutons les effets explosifs de la politique économique de l’Allemagne et les soubresauts des monnaies internationales. L’Allemagne a le mérite de s'être spécialisée dans les secteurs à haute valeur ajoutée, ce qui favorise ses exportations, principale source de sa croissance aujourd’hui. Le hic c’est que ses performances commerciales viennent aussi d’une politique de compression des salaires, ce qui pénalise la demande interne et les autres économies de la zone. L’Europe est par ailleurs victime des chinois, qui refusent toute appréciation du yuan, et des Etats-Unis qui organise la dépréciation du dollar pour se relancer.

L’insuffisante intégration économique de la zone euro, tant l’harmonisation fiscale et sociale que la coordination des politiques budgétaires et monétaires, fragilise la zone euro. Sous la pression des marchés, l’ensemble des pays de la zone s’orientent vers des plans d’austérité non coordonnés, dont l’application aura en l’état, pour effet d’accentuer la récession et augmenter le risque de dérive de leurs dettes publiques.

En l’état actuel des choses, l’union économique et monétaire (UEM) est dans une impasse : elle ne peut pas se sauver en laissant un de ses membres quitter le club ; et elle ne survivra pas si elle n’avance pas vers plus d’’intégration économique.

Certains avancent l’idée de faire sortir de l’UEM les Etats les plus secoués par les marchés. En revenant à leur ancienne devise, ces Etats pourraient atténuer le coût de l’ajustement économique en laissant la monnaie se déprécier (baisse de valeur par rapport aux autres monnaies). Le problème c’est que le retour à l’ancienne devise a un coût économique, financier et politique pour le pays qui s’y aventurerait, sans aucune garantie des gains liés à la dépréciation (contexte internationale de guerre des monnaies). Quant à l’UEM, elle perdrait en crédibilité.

Mais de l’autre côté, vouloir sauver l’euro sans davantage d’intégration économique semble voué à l’échec à moyen terme. Cela se traduit aujourd’hui par l’adoption de fonds de stabilisation et de garantie en faveur des pays fortement exposés au risque de solvabilité, en échange d’un plan d’ajustement de grande ampleur. Or la politique d’austérité (véritable déflation organisée) n’aura pour effet que de casser la reprise actuelle (bien timide) et d’affaiblir, par des coupes budgétaires sans discernement, la croissance potentielle à moyen long terme. Ceci renforçant la dépression économique et donc les risques de faillite qu’elle était censée éviter.

Dans cette histoire, le rôle du FMI a quelque chose de paradoxal. Habituellement, il intervient auprès des Etats en situation délicate – il est alors le prêteur en dernier ressort, c'est-à-dire quand plus personne ne veut prêter aux Etats – et de fait les remèdes qu’il préconise sont douloureux. On le traite de « bourreaux des peuples ». Mais là, par la voix de son directeur général, il est en train de nous dire comment éviter de faire appel à lui. Tant que rien n’est fait dans le sens d’une plus grande intégration de la zone euro, la menace d’une (ou plusieurs) intervention(s) en urgence du FMI ne saurait être exclue…

Erratum:

Par manque de connaissances suffisantes sur le sujet, j'ai volontairement laissé de côté la question de la réforme du système financier. Je pense en revanche qu'il faut inverser la tendance actuelle (mais pas nouvelle) à la financiarisation des stratégies d'entreprises, responsables d'opérations de court terme au détriment de stratégies de long terme, précisément celles dont a besoin l'Europe pour faire face à la concurrence étrangère.

Autre précision, il va de soi que pousser la zone euro vers plus d'intégration économique passe par des réformes structurelles, susceptibles de heurter certaines sensibilités nationales.

00:10 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : dsk, économie, europe