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04 novembre 2008

75ème Congrès du PS (3)

Dans cette troisième note sur le congrès de Reims, je m’attarderai sur deux thèmes de réflexions qui m’occupent l’esprit depuis quelques jours : la question du leadership d’une part et l’étrange notion de « guerre de religions » au PS d’autre part.

Le leadership.

Avant que la crise financière ne finisse par éclipser le congrès du PS comme sujet d’actualité, les média s’intéressaient à la bataille interne des socialistes uniquement sous l’angle du leadership. Pour eux un parti est inaudible parce qu’il n’a pas de leader. Les questions de programme, de propositions, de méthode les importent bien peu, encore plus quatre ans avant les prochaines présidentielles. Soit...

Depuis un certain temps déjà, je m’interroge sur la notion de leader et sur le rôle qu’il doit occuper dans une organisation (comme l’est le PS) et le fonctionnement de celle-ci. Ni adepte de l’autogestion comme mode organisation sociale par excellence, ni pourfendeur pavlovien de l’autorité, j’ai malgré tout un mal fou à comprendre le besoin de « chefitude » que certains aiment exprimer sur d’autres, et dans lequel d’autres ont besoin de se placer vis-à-vis de certains. Autant par respect des conventions sociales je me soumets aisément au rapport d’autorité (étudiant vis-à-vis du professeur, malade vis-à-vis du docteur, enfant vis-à-vis des parents etc), autant je n’aime pas me faire commander.

Mais qu’est-ce qu’un leader ? Deux réponses me viennent en tête : une personne qui occupe un poste clé dans une organisation hiérarchique donnée et/ou une personne qui montre une capacité certaine d’influence et d’animation d’un groupe donné. Alors que le premier tire sa qualité de leader de la légitimité d’un poste ou d’un statut, le second la revendique de l’expérience sociale. Biens sûr il y a surement d’autres définitions plus appropriées.

Les principaux candidats plus ou moins déclarés au poste de Premier secrétaire conçoivent différemment le leadership. Bertrand Delanoë et Ségolène Royal me semble vouloir accéder au poste Premier secrétaire pour revendiquer le « leadership bureaucratique » comme source de leur autorité politique. Ils mettront en avant le vote des militants et/ou le ralliement des responsables fédéraux comme source de légitimité. Martine Aubry semble concourir au « leadership bureaucratique » pour mieux mettre en valeur son « leadership de la pratique sociale ».

Sur le rôle du leader dans l’organisation et le fonctionnement du PS, là aussi on note des divergences. Royal envisage(ait) de créer une sorte de dyarchie politique au PS : elle serait présidente du parti avec en dessous une sorte de secrétaire général qui s’occuperait, avec une direction pleine de nouvelles têtes, des affaires internes du PS pendant qu’elle parlerait aux « vrais gens ». Delanoë a une vision plus managériale : il faut un « vrai » chef qui sache initier des projets et trancher les décisions, un chef accompagné d’une direction resserrée où les gens ont intérêt à se bouger le fion s’ils veulent rester en place. Une véritable culture du résultat en somme. Martine Aubry semble privilégier une direction plus collégiale où on fixerait ensemble la position du PS et on la défendrait ensemble à l’extérieur.

Cependant entre ce que les trois affichent et ce qu’ils feront effectivement demain s’ils sont à la tête du PS, il peut y avoir des écarts abyssaux. Pour l’instant je me sens proche de la conception collégiale de la motion D. Je conçois le Premier secrétaire comme une sorte de super animateur, capable de faire travailler collégialement une majorité des forces du parti dans une direction et un secrétariat général rénové, resserré et qui sert à quelque chose.

« Guerre de religions » au PS

L’expression sonne mal lorsqu’on la rapproche du nom d’un parti politique laïc. Mais elle a un sens. La réflexion qui suit se base sur les propos entendus d’un intervenant de l’émission politique « Déshabillons-les » de la chaine LCP. L’émission que j’avais vu concernait le style Aubry, jugé comme « l’anti-Royal ». Les commentateurs analysaient les différences des mots employés, des expressions faciales et autres entre les deux dames du PS.

Puis j’ai entendu un « Aubry fait partie des hollandais ». Ce n’était pas une référence à François Hollande, le premier secrétaire du PS, mais à la culture protestante. Ce qui m’importe ici c’est moins la pratique religieuse de tel ou tel responsable politique, que le lien entre la culture peu ou proue religieuse et la pensée politique. Car mon sentiment est que la culture religieuse dans laquelle on baigne plus ou moins dans sa jeunesse structure pour partie (et seulement pour partie, je me garde bien de tirer des relations de causes à effet), la manière qu’un individu a de penser, de vivre et de faire la politique.

Bien qu’on observe depuis une trentaine d’année un recul du fait religieux dans notre société, l’histoire montre que politique et religion se croisent. La sociologie électorale met en évidence la tendance politique de chaque communauté religieuse (à noter que les tendances évoluent dans le temps et dans l’espace) et l’étude de l’histoire des idées ne peut faire l’impasse sur l’apport des religions et de leur contestation.

Au risque de faire trop de raccourcis schématiques, l’histoire tend à montrer que le protestantisme, par ses origines mêmes, constitue une certaine forme de pensée critique alors que le catholicisme (et ses institutions) rejoint les forces conservatrices (*). On voit que les deux religions, tout en partageant un tronc commun, n’utilisent pas vraiment le même modèle de pensée et ne privilégient pas les mêmes valeurs.

La culture protestante se base pour l’essentiel sur les notions d’individualisme et de responsabilité. La grande place accordée à l’individualité conduit naturellement à la reconnaissance et à la défense de libertés, notamment politiques, par rapport au pouvoir arbitraire du souverain puis de l’Etat. La responsabilité, qui vient du refus du concept du « pêché avoué à demi pardonné » de l’Eglise catholique (**), va déboucher sur les valeurs de probité et d’éthique : il faut être irréprochable, l’austérité et l’ascétisme sont de mises et l’expression des sentiments réprouvé (***). Par ailleurs, le protestantisme s’accompagne de la distinction entre le bien et le juste ce qui amène à une autre conception de la justice que celle de la pensée catholique.

De son côté, la culture catholique privilégie la notion de communauté qui dépasse les individus qui la compose en même temps qu’elle écarte (par la violence physique ou symbolique) ceux n’en faisant pas partie. Elle exprime un certain attachement à l’ordre moral et au respect de celui-ci. L’apparence et le symbolique sont très importants. L’humilité et la compassion sont mises en avant.

C’est par ces différences de culture politique, que des gens comme Michel Rocard et Lionel Jospin ne s’entendent pas bien avecdes Ségolène Royal et d’autres. A côté de ces deux cultures fortement inspiré par des valeurs peu ou prou religieuses, je note une troisième culture, plus républicaine et libérale, que représente DSK.

(*) Lorsqu’on regarde nos voisins européens on remarque que les protestants sont plutôt sociaux-démocrates et les catholiques plutôt conservateurs.

(**) Il se matérialise sur le principe : des dons contre ton salut.

(***) Ces valeurs seraient à l’origine du capitalisme.

23:14 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : ps, média, dsk, rocard, jospin, royal, aubry

29 septembre 2008

Michel Rocard sur France Inter

« No comment… Il soutient Delanoë », « Ah la vieillesse, quel naufrage !», « Il doit chercher un poste », « Il ne représente plus personne. Qui écoute encore ce type!? », « Dehors les vieux éléphants !», « Il ne s’est pas remis de son accident cérébral », « C’est un frustré !» etc.

C’est là un condensé des commentaires que j’entends et lis ici ou là sur la personne de Michel Rocard.

Je pense que c’est révélateur de l’état délétère du climat politique dans notre pays. Ca illustre aussi, tristement, toute la considération qu’on porte, dans nos sociétés, aux personnes d’un certain âge, qu’elles soient engagées en politique ou pas.

A ce titre, j’estime que le nouveau look « d’jeuns » de Ségolène Royal, et plus encore les arguments employés par ses soutiens dans le cadre du congrès (jouer la carte du rajeunissement) est réellement inquiétant.

Je trouve tout cela assez triste et pitoyable.

Mais ce qui me navre encore plus, c’est de voir des sympathisants de Michel Rocard -qu’ils soient de la première heure ou plus récents, séduits par la « figure morale » qu’il a représenté dans la gauche non communiste - se détacher de lui, feintant de ne plus le comprendre, regrettant sa soit disant sympathie pour l’Ennemi.

Certes, le bonhomme joue parfois à contre courant et se plait à jouer la provocation, seule manière d’exister (encore un peu) dans un système médiatique qui ne s’encombre pas des réflexions de fond et d’événements (et comportements) a-conflictuels.

Aussi il est de bon ton de « casser du Rocard ». Pour ma part je ne crois pas justifiées les critiques qu’on adresse à l’ancien Premier Ministre pour ses propos sur le discours de Sarkozy.

Quand on connait un peu Michel Rocard, c'est-à-dire sa pensée et ses prises de positions depuis quelques années, ce qu’il a dit hier n’a rien de surprenant. Comment ose-t-on dire qu’il a trahi ses idées et son camp ?

Il faut relire Les moyens d'en sortir (1996) pour comprendre son analyse sur l'évolution du capitalisme ces 30 dernières années, c'est-à-dire le passage d’une économie de plein emploi et de forte croissance à une économie instable et aux emplois précaires, avec les conséquences que cela implique.

Il faut revoir cette émission, où face à Sarkozy il disait déjà qu'une économie non-régulée par les pouvoirs publics ce n'était pas viable ni socialement, ni économiquement. Il y pourfendait déjà les thèses monétaristes et néo-libérales.

Il faut relire sa « contribution» au congrès du Mans où il priait les socialistes français, alors empêtrés dans un congrès sans fond, de prendre la mesure du changement économique pour y apporter les bonnes mesures.

Il faut relire Mémoire Vivante – Michel Rocard pour imaginer l’état des mentalités sur le sujet de la pauvreté alors qu’il mettait en place le RMI, et comprendre aujourd’hui sa satisfaction à voir la droite enfin reconnaître les limites du système économique.

Il faut relire Peut-on réformer la France pour voir que tout en ne ménageant pas ses critiques vis à vis de Sarkozy et vis-à-vis des droites, il sait garder de l'estime pour ses adversaires. Il est évident que dans un pays de haine politique comme le notre, c’est dur à admettre.

Il faut relire l'ArticleLeMonde22Mai.doc publié dans Le Monde et signé par plusieurs premiers ministres (dont Rocard) et ministres de l'économie socialistes/sociaux-démocrates, appelant à réguler l'économie financière, pour comprendre sa satisfaction d'entendre dans la bouche de Sarkozy "le laisser-faire c'est fini" ainsi que l’idée d'un nouveau Bretton Woods.

Il faut se rappeler qu'il a conduit un gouvernement d'ouverture en 1988 pour comprendre l’emploi de l’expression « non-sectaire » pour qualifier la démarche de Sarkozy après sa victoire. Sans compter, pour l’anecdote, que lors de son accident cérébral en Inde, les premiers à l’avoir appelés sont Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy.

Il faut relire l'article au JDD, et non la version tronquée de l'AFP, pour saisir ce qu'il reconnait à l'adversaire politique et les points sur lesquels il ne cède pas.

Enfin je pense que Michel Rocard voit surtout en Sarkozy le Président de la République qui assume actuellement la présidence de l’Union et qui a voix au chapitre dans les réunions du G8. Selon moi, derrière quelques qualificatifs généreux, c’est un véritable appel à Sarkozy à agir par ces leviers.

(On peut aussi voir une autre vidéo de Michel Rocard

http://www.lefigaro.fr/le-talk/2008/10/13/01021-20081013ARTFIG00549-rocard-ne-briguera-pas-de-nouveau-mandat-europeen-.php   )

« No comment… Il soutient Delanoë », « Ah la vieillesse, quel naufrage !», « Il doit chercher un poste », « Il ne représente plus personne. Qui écoute encore ce type!? », « Dehors les vieux éléphants !», « Il ne s’est pas remis de son accident cérébral », « C’est un frustré !» etc.

C’est là un condensé des commentaires que j’entends et lis ici ou là sur la personne de Michel Rocard.

Je pense que c’est révélateur de l’état délétère du climat politique dans notre pays. Ca illustre aussi, tristement, toute la considération qu’on porte, dans nos sociétés, aux personnes d’un certain âge, qu’elles soient engagées en politique ou pas.

A ce titre, j’estime que le nouveau look « d’jeuns » de Ségolène Royal, et plus encore les arguments employés par ses soutiens dans le cadre du congrès (jouer la carte du rajeunissement) est réellement inquiétant.

Je trouve tout cela assez triste et pitoyable.

Mais ce qui me navre encore plus, c’est de voir des sympathisants de Michel Rocard -qu’ils soient de la première heure ou plus récents, séduits par la « figure morale » qu’il a représenté dans la gauche non communiste - se détacher de lui, feintant de ne plus le comprendre, regrettant sa soit disant sympathie pour l’Ennemi.

Certes, le bonhomme joue parfois à contre courant et se plait à jouer la provocation, seule manière d’exister (encore un peu) dans un système médiatique qui ne s’encombre pas des réflexions de fond et d’événements (et comportements) a-conflictuels.

Aussi il est de bon ton de « casser du Rocard ». Pour ma part je ne crois pas justifiées les critiques qu’on adresse à l’ancien Premier Ministre pour ses propos sur le discours de Sarkozy.

Quand on connait un peu Michel Rocard, c'est-à-dire sa pensée et ses prises de positions depuis quelques années, ce qu’il a dit hier n’a rien de surprenant. Comment ose-t-on dire qu’il a trahi ses idées et son camp ?

Il faut relire Les moyens d'en sortir (1996) pour comprendre son analyse sur l'évolution du capitalisme ces 30 dernières années, c'est-à-dire le passage d’une économie de plein emploi et de forte croissance à une économie instable et aux emplois précaires, avec les conséquences que cela implique.

Il faut revoir cette émission, où face à Sarkozy il disait déjà qu'une économie non-régulée par les pouvoirs publics ce n'était pas viable ni socialement, ni économiquement. Il y pourfendait déjà les thèses monétaristes et néo-libérales.

Il faut relire sa « contribution» au congrès du Mans où il priait les socialistes français, alors empêtrés dans un congrès sans fond, de prendre la mesure du changement économique pour y apporter les bonnes mesures.

Il faut relire Mémoire Vivante – Michel Rocard pour imaginer l’état des mentalités sur le sujet de la pauvreté alors qu’il mettait en place le RMI, et comprendre aujourd’hui sa satisfaction à voir la droite enfin reconnaître les limites du système économique.

Il faut relire Peut-on réformer la France pour voir que tout en ne ménageant pas ses critiques vis à vis de Sarkozy et vis-à-vis des droites, il sait garder de l'estime pour ses adversaires. Il est évident que dans un pays de haine politique comme le notre, c’est dur à admettre.

Il faut relire l'ArticleLeMonde22Mai.doc publié dans Le Monde et signé par plusieurs premiers ministres (dont Rocard) et ministres de l'économie socialistes/sociaux-démocrates, appelant à réguler l'économie financière, pour comprendre sa satisfaction d'entendre dans la bouche de Sarkozy "le laisser-faire c'est fini" ainsi que l’idée d'un nouveau Bretton Woods.

Il faut se rappeler qu'il a conduit un gouvernement d'ouverture en 1988 pour comprendre l’emploi de l’expression « non-sectaire » pour qualifier la démarche de Sarkozy après sa victoire. Sans compter, pour l’anecdote, que lors de son accident cérébral en Inde, les premiers à l’avoir appelés sont Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy.

Il faut relire l'article au JDD, et non la version tronquée de l'AFP, pour saisir ce qu'il reconnait à l'adversaire politique et les points sur lesquels il ne cède pas.

Enfin je pense que Michel Rocard voit surtout en Sarkozy le Président de la République qui assume actuellement la présidence de l’Union et qui a voix au chapitre dans les réunions du G8. Selon moi, derrière quelques qualificatifs généreux, c’est un véritable appel à Sarkozy à agir par ces leviers.

(On peut aussi voir une autre vidéo de Michel Rocard

http://www.lefigaro.fr/le-talk/2008/10/13/01021-20081013ARTFIG00549-rocard-ne-briguera-pas-de-nouveau-mandat-europeen-.php   )

27 septembre 2008

Début de polémique: l'itw de Rocard au Parisien

Début de polémique au PS après les propos tenus par Michel Rocard, dans un entretien au Parisien, sur le discours de Sarkozy à Toulon. Voir l’article du Nouvel Obs ici.

Réputé pour son « parler-vrai » et ses prises de positions parfois à contre courant de celles généralement tenues par les principaux dirigeants socialistes, l’ancien Premier Ministre de François Mitterrand surprent toujours, autant qu’il agace certains.

J’ai pour ma part, et c’est pas nouveau, une grande admiration pour ce monsieur. Ca ne m’empêche pas d’être en désaccords avec ses choix et certaines de ces argumentations. En l’espèce, si je regrette son optimisme sur le RSA, je pense qu’on lui fait encore un mauvais procès.

 

Pour qui a lu ses récents livres et suivit ses interviews, les positions de Michel Rocard ne sont pas surprenantes. Je dirai même qu’ils sont dans la continuité de ce qu’il défend depuis des années, en particulier sur les changements de l’économie mondiale et la dangerosité des thèses néolibérales dérégulatrices souvent défendues par les droites américaines et européennes. A ce titre il ne peut qu’applaudir les propos de Sarkozy d’en finir avec le « laisser-faire » et « laissez-passer ».

Mais il ne faut pas oublier qu’on est en période de congrès et que certains socialistes vont user de la sortie de Rocky pour attaquer la motion A, dont le premier signataire est Bertrand Delanoë et dont Michel Rocard est signataire.

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JDD. Sarkozy est-il de gauche?

Michel Rocard. Evidemment non ! Le fait d’être de droite ou de gauche est l’affaire de toute une vie, d’une continuité, d’une grille de choix permanente. Les amitiés et les relations de M. Sarkozy sont clairement dans le grand capital, clairement à droite. Et sa ligne politique aussi : on le voit dans l’inhumanité avec laquelle il traite le problème de l’immigration.

Mais c’est un homme de droite qui a de fortes pulsions réformatrices. Il a envie de changer des choses. Et en tant que président de la République il veut maintenir la cohésion sociale en France. Je rappelle que le revenu de solidarité active (RSA) est une idée sur laquelle nous avons nous-mêmes beaucoup travaillé au Parti socialiste. Et ce RSA correspond trait pour trait à l’allocation compensatrice de revenu que les groupes de réflexion du PS avaient soumise à Lionel Jospin lorsqu’il était Premier ministre.


Le RSA est donc bien une mesure de gauche ?


C’est d’abord une mesure sociale intelligente. Pourquoi vouloir tout étiqueter et classer ? Je suis content de voir resurgir ce revenu de solidarité, mais cela ne fait pas pour autant du président un homme de gauche. La droite française défend de manière inconditionnelle un régime économique nommé capitalisme. Or ce régime a subi depuis trente ans une formidable révolution interne. La croissance et le plein-emploi ont disparu. Le quart de la population est précaire, chômeur ou pauvre. Que même des hommes politiques de droite se rendent compte qu’il y a là une erreur d’aiguillage du capitalisme, c’est la moindre des choses ! Cela n’en fait pas des hommes de gauche pour autant, mais cela rend des convergences possibles.


Quel est le principal critère qui empêche, selon vous, de considérer Nicolas Sarkozy comme quelqu’un de votre camp ?


Cela a toujours été le critère fiscal. Le paquet fiscal a confirmé que Nicolas Sarkozy est un homme de droite.

Mais là, il veut s’en prendre aux parachutes dorés, donc pénaliser les plus riches…

Je l’espère bien ! Henry Ford, qui fut un grand industriel, et qui incarnait la droite paternaliste, disait qu’il ne fallait pas trop de règles dans le capitalisme, mais qu’il fallait, du coup, une éthique. Il trouvait scandaleux que les grands patrons se payent plus de 40 fois le salaire moyen des gens qu’ils commandent. Nous sommes passés aujourd’hui à 300 ou 350 fois plus ! L’équité a disparu, le système n’est plus vendable à des électeurs. Et Sarkozy le comprend parfaitement.

Sarkozy cherche-t-il à brouiller les pistes entre droite et gauche ?

Disons que c’est un homme de droite ouvert. La crise est suffisamment grave pour qu’on respecte ce qu’en dit le président sans y voir, en plus, de la manoeuvre politicienne.

Quelles autres mesures d’inspiration de gauche, comme le RSA, lui souffleriez-vous ?

Pour sortir de la crise, il faut s’attaquer aux paradis fiscaux, développer une régulation financière beaucoup plus ferme, s’attaquer aux rémunérations excessives, limiter les OPA et probablement interdire qu’elles servent à dépecer les entreprises. Sur tout ça, il peut y avoir une grande convergence entre une droite réformatrice et intelligente ce qui est le cas de Nicolas Sarkozy et une gauche non révolutionnaire. S’il y a un sommet mondial, comme il le demande, il y aura sûrement des gouvernements de gauche qui y participeront.

Son épouse Carla peut-elle l’inspirer ?

Oui. C’est d’ordre privé mais c’est tout à fait possible, on est toujours influencé par ceux qu’on aime. La composition du gouvernement avant même l’épisode Carla Bruni avait montré que ce n’est pas un homme sectaire.

09 juillet 2008

La flamme et la cendre

La flamme et la cendre.jpegCeux qui me connaissent un tant soit peu savent l’intérêt que je porte à la vie politique en général et à la chose publique en particulier. Mais contrairement à une idée reçu, je ne suis pas un féru des livres écrits par nos responsables politiques (les écrivent-ils vraiment ? c’est un autre débat) ou ayant trait à la vie politique (par exemple « Les prétendants »). Je les trouve trop souvent circonstanciés, et du coup trop fades, sans grand intérêts sur le plan des idées. Mais il y a bien quelques exceptions.

Je viens d’achever la lecture de La Flamme et la Cendre, écrit par Dominique Strauss-Kahn et paru en janvier 2002. On me demandera pourquoi avoir attendu autant de temps alors que l’auteur n’est plus sur le devant de la scène et qu’il a écrit d’autres ouvrages depuis. La vérité c’est que pour moi, il y a les livres promotionnels - qui ne durent que le temps d’une campagne - et les livres de réflexions – qui savent rester d’actualité bien des années après. Ce n’est pas une question d’auteur qu’on apprécie ou non (et on sait que j’apprécie DSK ou Rocard), puisque j’estime que 365 jours, Journal contre le renoncement,  du même auteur, fait partie des livres promotionnels qui ne marquent pas leurs temps.

Il convient de replacer le contexte dans lequel l’auteur a écrit cette oeuvre. Nommé Ministre de l’économie et des finances en 1997 dans le gouvernement Jospin (il y fait figure de « poids-lourds »), il démissionne en novembre 1999 lorsqu’il est mis en cause dans des affaires judiciaires (conclues en non-lieux en 2001). Sa carrière politique interrompue en pleine lancée, on conviendra qu'il y a des situations plus malheureuses, il profite d'être dans le creu de la vague pour prendre le temps de réfléchir, le temps d’écrire. Il en ressort un livre singulier, authentique et très personnel.

Quatre grands sujets sont abordés, tous subdivisés en plusieurs chapitres. Le livre commence par une réflexion sur le socialisme comme doctrine politique. Effectuant une perspective historique, l'auteur explique la fameuse dialectique "réforme/révolution", le poids du marxisme et son questionnement face aux problèmes actuels. Il développe la notion des 3 socialismes: celui de la redistribution, celui de la production et celui de l'émancipation (c'est à dire celui consistant à lutter contre les inégalités à la racine).

DSK traite dans une seconde grande partie le vaste sujet de la mondialisation. Après avoir énumérés les différents points de vue critiques émis sur le processus de globalisation, il explique en quoi c'est un processus irréversible qui n'a pas que de mauvais aspects. Il dit notamment que la lutte pour l'environnement est un facteur de mondialisation, et argumente à cet effet sur l'intérêt du nucléaire et du système des "droits à polluer" (à côté du système des éco-taxes). Enfin il appelle de ses voeux une régulation de la mondialisation (il aborde ici les limites pratiques de la taxe Tobbin) au niveau européen et des instances internationales (dont le FMI, l'OMC, l'OIT, le G8 etc) qu'il souhaite réformer pour une nouvelle "gouvernance mondiale". Il aborde là la question de l'architecture du système international, de la légitimité démocratique et l'arbitrage.

En troisième partie vient l'Europe. Il rappelle que l'histoire de la construction européenne repose sur deux dynamiques: la délégation de prérogatives nationales vers l'échelon communautaire (Commission et Parlement) et l'harmonisation (notamment au niveau du marché intérieur). Il rappelle d'autre part la spécificité du modèle social européen fondé sur une mutualisation des risques permises par le welfare state. Le reste de son propos sur le sujet européen concerne la monnaie unique et ce qu'elle implique politiquement sur les instances européennes. Rappelons qu'en 2002, l'euro remplace tout juste nos monnaies nationales. Il milite donc pour une gouvernance économique européenne qui coordonerait la politique monétaire de la BCE et les politiques budgétaires des Etats (via l'Ecofin). Cette partie est d'autant plus intérressante qu'il nous livre son expérience et relate ses combats (souvent soldés par des semi-échecs) auprès de ses partenaires européens pour faire avancer l'idée.

Enfin, il consacre le dernier chapitre à la France. Il fait le point sur son action à Bercy notamment sur la question des privatisations, de la réforme fiscale du gouvernement Jospin, et enfin de la politique industrielle. Son soucis ayant été de booster la croissance économique pour relancer l'emploi. Par la suite, il analyse le dialogue social dans notre pays en rapport à la dialectique "loi/contrat". Il émet une critique sur la méthode choisit pour le passage aux 35 heures mais ne critique pas la proposition en elle même. Il émet quelques propositions sur la refonde de la démocratie sociale en France. Il aborde le sujet épineux de la réforme de l'Etat et du statut de la fonction publique (dont la haute-fonction publique) en énoncant quelques principes clés pour une bonne méthode de réforme. Il termine par une réflexion sur les instutions françaises (le régime présidentiel, la réhabilitation du Parlement, la fabriquation des lois, la structure territoriale, le vote des immigrés).

En refermant le livre je me suis rappellé pourquoi j'ai soutenu - et je soutient encore - la démarche de Dominique Strauss-Kahn. Avec un soucis de pédagogie et d'équilibre dans ses propos*, il éclaire le lecteur sur les enjeux auxquels la France est confrontée, avec la méthode - la sociale-démocratie - pour les traiter. Il est même ironique de voir à quel point ce qu'il a pu écrire à l'époque est toujours d'actualité, et comment certains responsables politiques (à gauche comme à droite) ont repris ses positions.

Le livre m'a plu parce qu'il s'adresse à l'intellectuel des gens, mais je peux concevoir que la forme de l'analyse retenu par DSK ne soit pas la plus appropriée pour la compréhension du citoyen lamba peu initié à l'économie, la sociologie ou le droit. Je veux dire par là qu'étudiant ces disciplines là, le discours ne m'est pas étrangé. Enfin, je terminerai par un regret: dommage que l'auteur n'est pas su dans son engagement politique depuis 2002, mettre en avant et de façon aussi claires, ses idées et ses prises de positions. Peut être qu'alors, on aurait pu éviter le phénomène Ségolène Royal.

* Ce qui ne veut pas dire que je sois d'accord sur tout; J'estime que son argumentaire sur le nucléaire passe sous silence la gestion des déchets dans le temps, un temps qui dépasse largement celui d'une vie humaine.

17 juin 2008

Les moyens d'en sortir

livre-71-vr.jpgHasard de l’agenda politico- médiatique, au moment où l’on parle d’une n-ième réforme des 35 heures, puis tout récemment, de la décision prise par le conseil des ministres européens du travail sur un relèvement de la durée maximale de travail (aujourd’hui de 48h hebdomadaire, elle serait portée à 65 heures dans certains secteurs), je viens de finir de lire Les moyens d’en sortir, de Michel Rocard.

Au début des années quatre vingt dix, la France (et l’Europe et les pays développés en général) fait face à un chômage très important. Le taux de chômage atteint les 12% de la population active en 1993. En réponse à ce fléau social apparaît dans le débat économique et politique l’idée de réduire massivement le temps de travail.

C'est là que parait le livre de Michel Rocard en 1996. En faisant quelque part le point sur les discutions de l'époque, l'ancien premier ministre contribue également au débat en proposant une méthode de mise en oeuvre d'une politique de réduction du temps de travail.

Comme souvent dans les interventions et publications du député européen, les propos sont précis, fournis (en références d'enquêtes et publications), nuancés et rigoureux. C'est que l'homme du "parler vrai" tient à sa réputation. Il emprunte beaucoup au livre La fin du travail de Jeremy Rifkin, tout en l'adaptant au cas européen et surtout français. Il est intérressant de remarquer qu'à son tour, Pierre Larrouturou, auteur d'Urgence sociale, réutilise de nombreux raisonnements de Rocard et Rifkin.

Les trois premiers chapitres exposent le diagnostic de la situation économique et technologique des Trentes glorieuses jusqu'au années quatre vingt dix. La perspective historique de l'évolution économique et technologique des 50 dernières années est très instructive. Elle est complétée par une comparaison entre le Japon, les Etats-Unis et l'Europe en ce qui concerne les politiques adoptées face (à l'apparition du) chômage.

J'en retiens que la mécanisation, l'automatisation et récemment l'informatisation conduisent à réduire le temps nécessaire à l'acte de production. Si à cela on ajoute le fait que la tertiarisation de l'économie ne semble compenser ni quantitativement, ni qualitativement les emplois perdus par la désindustrialisation (mûe par le besoin de compétitivé et l'assechement des principaux marchés de biens de consommations), l'humain se voit confronté à un avenir sans travail. Ce qui n'est pas sans poser problèmes dans une société où l'identité sociale reste marquée par le travail que tout un chacun occupe à un moment donnée de sa vie. Il semble que cette étrange perspective ait été décelée par certains philosophes (Arendt) et économistes (Keynes).

Après avoir réalisé dans un quatrième chapitre un bilan des aides à l'emploi, principal paliatif auquel les sociétés ont recours contre le chômage, Rocard énumère une liste d'angoisses et d'obstacles auquel il tente de répondre. Il fait alors (entre autre) le point sur les expériences de réduction de temps de travail de 1936 (les 40 heures) et de 1981 (les 39 heures) et leur conséquences tant économiques que dans la nature et la teneur des relations entre partenaires sociaux. Il apporte aussi des éléments de réponses face aux inquiétudes économiques (qui finance une telle mesure?), méthodologiques (loi ou négociation ?) ou psychologiques (problèmes des qualifications et du recrutements).

Le chapitre 6 est centré sur la méthode à utiliser pour mener à bien une politique de réduction de temps de travail. Il est notamment question du coût d'une telle réforme et de la "négociation souple" comme outil préférentiel à sa mise en application. Le chapitre 7 apporte des compléments et des réponses aux différents arguments portés tour à tour par ce qu'il nomme les sceptiques (économistes libéraux), les volontaristes (une partie de la gauche et des syndicats) et les prudents (chefs d'entreprises et syndicalistes). Enfin le dernier chapitre pose la question de la finalité d'une telle mesure en terme de choix de société. Pour Michel Rocard, ce doit être l'occasion de lutter contre l'exclusion, assurer un développement durable, développer de nouvelles formes d'activités (là il aborde le tiers secteurs) et de récréer le lien politique.

C'est pas une nouveauté pour ceux qui me connaissent mais j'apprécie généralement les propos de Michel Rocard. Autant dire que le livre, de par sa qualité, m'a plu. Et si je persiste à croire que le diagnostic posé reste d'actualité, l'expérience des 35 heures (avec les effets économiques et sociaux non prévus et non désirés) laisse le doute sur l'efficacité et la tenabilité dans le temps d'une telle réforme et de ses bienfaits. Mais je doute encore plus que la politique visant à faire travailler plus ceux qui ont un boulot, améliore la situation de l'ensemble des citoyens.