21 août 2008
Notes de vacances
Déjà la fin de mes congés ! Je n’ai pas vu les jours passés. En attendant la reprise du travail ce lundi, je profite de mes derniers jours dans les Pyrénées. Au total quinze jours tranquilles comme d’habitudes.
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Ayant achetés une dizaine de livres en début de l’été, deux d’entre eux ayant fait l’objet de notes sur le blog là et là, j’ai donc essayé d’avancer dans mes lectures en retard. Je viens de finir La guerra civil española de Pierre Vilar, intéressant résumé de cette tragédie qui a marqué le XXème siècle et l’histoire espagnole. J’aurai l’occasion d’en reparler prochainement.
Et quand je ne lis pas un livre, je lis le journal. Un ami, abonné au Monde, m’a donné quelques numéros récents. Et puis je ne cache pas mon plaisir chaque fois que je le peux, d’acheter El Pais, le principal quotidien espagnol, dont chaque numéro m’occupe bien 2,3 jours. Si on peut lire gratuitement ces deux quotidiens sur l’internet, il faut savoir de temps à autre, quand on en a les moyens bien sûr, contribuer à la survie financière de la presse écrite. C’est à cette fin que j’ai décidé de faire un don de 20 euros à L’Humanité qui connaît à nouveau des difficultés financières. Bien que ce ne soit pas un journal que je lis souvent, son approche des faits d’actualités reste originale dans le paysage médiatique français. Cette originalité mérite d’être sauvée*.
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Prenant mon courage à deux mains, j’ai décidé de faire un peu d’exercice. Comme j’ai pris quelques kilos ces deux dernières années et que j’ai arrêté le sport depuis le lycée, je me suis dit qu’il fallait bien se prendre en main à un moment donné. Je m’en vais donc courir une bonne demi-heure chaque matin en parcourant à peu près 3 kilomètres. C’est peut être pas beaucoup mais mieux vaut commencer doucement et repousser ses limites petit à petit. Et avec ça je marche près de 2h, 5 à 7 kilomètres.
En parlant de sport, je ne peux m’empêcher d’écrire quelques lignes sur les Jeux Olympiques de Pékin. Je dois avouer que j’aime assez peu regarder le sport à la télé. Malheureusement la passion de mon oncle monopolise le petit écran. Je regarde bien quelques épreuves tantôt côté français, tantôt côté espagnol, mais je ne peux m’empêcher de penser à la dimension politique de ces J.O. La cérémonie d’ouverture en est la caricature même : images travaillées à l’ordinateur (feux d’artifices, pollution masquée), imposture sur la jeune chinoise qui chantait. Les employés de relations clientèles recrutées pour l’occasion l’ont été sur des critères discriminants (taille, beauté), amenant des chinoises à subir des opérations pour gagner quelques centimètres ou être plus photogéniques. Les sportifs, dont l’âge et le nombre d’heure d’entrainement laisse planer le doute, sommés de s’excuser publiquement si d’aventure ils ne pourraient participer à une épreuve.
Tout est fait pour donner une belle image de la Chine au monde entier. Sans parler du problème du Tibet, je pense que ces J.O. ne doivent pas faire oublier l’entreprise politico-mercantile qu’est le C.I.O et la nature politique du régime chinois (qui combine le pire du communisme et du capitalisme).
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En allant faire quelques courses en Espagne, on m’a expliqué que je pouvais demander la nationalité espagnole. Le sujet m’avait déjà interpellé lors des débats en Espagne sur la loi sur la mémoire historique. J’avais appris, et l’avait dit à Den, que les fils et petits-fils d’exilés républicains espagnols pouvaient demander, dans un délai de deux ans, la nationalité espagnole.
Mon histoire de famille m’écarte du dispositif car la venue de mes grands parents paternels en France n’était pas motivée par des raisons politiques mais économiques. Bref. Il s’avère que le fait que mes grands parents soient espagnols et que mes parents soient nés là bas me permettrait de revendiquer la nationalité espagnole.
Il faudrait que j’aille demander quelques renseignements au consulat espagnol. Mais pour l’instant je réfléchis à l’opportunité et au sens d’une telle démarche. Au fond la question qui importe c’est de savoir si je me sens suffisamment espagnol pour demander à appartenir à la communauté hispanique.
22:03 Publié dans Réflexion du jour | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : espagne, communisme, capitalisme, média, pyrénées
13 août 2008
Sale temps pour les Travaillistes anglais.
Depuis leur lourde défaite aux dernières municipales il y a quelques mois de cela, les travaillistes anglais s’interrogent. A en croire la presse britannique qui relaye (et amplifie) les débats internes, officiels et officieux, nos camarades outre-manche semblent douter de l’autorité de Gordon Brown comme leader et chef de gouvernement, comme en ses capacités à porter le Labour vers une 4ème victoire, lors des législatives prévues en 2010.
Un an après son arrivée au 10 Downing Street, le Matignon britannique, Gordon Brown est perçu par les travaillistes comme une charge et le responsable de leur mauvaise situation. Aussi, suite aux élections de mai, et sur fond de sondages défavorables, des voix s’élèvent pour demander un changement de leader le plus tôt possible. L’idée semble prendre du chemin. La « disponibilité » de David Miliband, jeune ministre des affaires étrangères, et la publication d’une note de Tony Blair sur la stratégie de son successeur, apportent du grain à moudre à la machine médiatique et autres détracteurs du Premier Ministre.
Il est surprenant de voir comment en France, des journaux comme Le Monde, rendent compte de la situation politique outre-manche. Le manque de charisme, un problème de communication ou des hésitations dans la prise de décisions seraient les tares d’un Gordon Brown, usé par 10 ans de pouvoir au côté du si « incroyable et charismatique » Tony Blair, face au « jeune » et communiquant David Cameron, chef de file d’un Parti Conservateur supposé « recentré ».
Sans doute ces arguments ont une part de vérité.
Sur le plan de la communication publique, c’est vrai que Gordon Brown offre souvent un regard fermé et peu souriant, ce qui est peut être dû à la cécité de son œil gauche. Pour avoir écouté une petite partie d'un de ses discours, son ton semble monotone et sa gestuelle limitée et répétitive. Mais s’il y a bien quelques électeurs qui font un choix politique sur la « forme » du candidat, on peut espérer qu’ils ne constituent pas encore la majorité.
Sur le plan des hésitations ou des erreurs politique du gouvernement Brown, on peut en citer quatre. D'abord les revirements en septembre-octobre dernier sur la convocation d’élection générale anticipée. Ensuite, à peu près au même moment, la reprise par le gouvernement d’une proposition fiscale des Tories, donnant le sentiment de gouverner au hasard. En troisième lieu, la décision bien tardive de nationaliser la Northern Bank alors même que les problèmes de financement de la banque semblaient connus depuis 5-6 mois. Enfin une réforme fiscale touchant les plus modeste, votée lorsqu’il était ministre de l’économie et reniée lorsqu’il se retrouve Premier Ministre.
Mais la personnalisation du débat politique tend par essence à nier la dimension collective du processus de décision comme le contexte économique et social dans lequel ces individus et la société se développe. Aussi les errements politiques du gouvernement travailliste au cours des derniers mois, ne doivent pas faire oublier le contexte économique de cette dernière année : la crise de l’immobilier et le fort ralentissement de l’économie britannique qu’elle implique.
Alors même que les (néo)-travaillistes ont bâti leur réputation de bon gestionnaire de l’économie sur fond d’une croissance économique forte et constante au cours des 10-15 dernières années, l’intensité de la crise économique récente met à mal bien des croyances. Pour le dire autrement, nos amis britanniques sont peut être en train de comprendre que leur modèle de croissance ces 10-15 dernières années - fondé sur la spéculation immobilière, la forte financiarisation de l’économie et le surendettement des ménages - avait une dimension artificielle. Et maintenant que la crise est là, les victimes – fort nombreuses – se rendent compte des faibles marges de manœuvres et d’actions de leur gouvernent sur une économie qui se purge.
Pour autant, le manque de charisme, les divers errements politiques du gouvernement Brown ou la crise économique ne suffisent pas à expliquer les récents résultats électoraux et l’impopularité du Labour dans les sondages d’opinion. Ils ne font qu’occulter la fragilisation progressive des bases de soutient du New Labour ces 11 dernières années. Lorsqu’on parle de la « Troisième voie » (ou Blairisme), on entend souvent ce type de phrase : « le social-libéralisme non seulement ça marche économiquement mais ça paye politiquement ».
Je ne veux pas entrer ici dans le procès du blairisme sur le plan économique et social. Rappelons simplement que les travaillistes ont eu le mérite d’avoir 1) restauré et régulièrement augmenté le SMIC, 2) augmenté les dépenses sociales (en proportion du PIB) notamment en matière de santé et de d’éducation, 3) augmenté la quantité d’emplois publics.
Ce qui reste intéressant dans la phrase, c’est la deuxième partie : « ça paye politiquement ». Combien de fois ne l’avons-nous pas entendu pour condamner « l’archaisme » de la politique du gouvernement Jospin ? En somme le jospinisme ne pouvait être un modèle : il était économiquement et politiquement inefficace. Les socialistes français se complairaient à critiquer les travaillistes anglais alors qu’ils ne seraient même pas foutus de gagner 2 fois une élection. Certes, le New Labour a remporté 3 élections mais la victoire est moins éclatante qu'on a aimé le dire.
La victoire du Labour dépend en partie du mode de scrutin britannique : un scrutin majoritaire à un tour avec un bonus pour le parti qui arrive en tête. Ce système conduit à un puissant et imperturbable bipartisme. Malgré la présence d’une multitudes de partis (dont nationalistes régionaux), seuls comptent les 3 premiers : Labour, Tories et les Liberals Democrats.
Si maintenant on regarde le nombre de voix recueillis par le Labour depuis 1974, on voit que le Labour a perdu près de 3 millions de voix entre 1997 et 2001, donc avant la Guerre en Irak argument souvent cité pour expliquer l’impopularité de Blair, et un peu plus d’un million de voix entre 2001 et 2005. Soit 4 millions de voix de perdu en 10 ans.
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Labour |
Tories |
||
1974 : |
11,457,079 |
39.2 % |
10,462,565 |
35.8 % |
1979 : |
11,532,218 |
36.9 |
13,697,923 |
43.9 |
1983 : |
8,456,934 |
27.6 |
13,012,316 |
42.4 |
1987 : |
10,029,270 |
30.8 |
13,760,935 |
42.2 |
1992 : |
11,560,484 |
34.4 |
14,093,007 |
41.9 |
1997 : |
13,518,167 |
43,21 |
9,600,943 |
30.7 |
2001 : |
10,737 967 |
40,99 |
8,357,615 |
31.7 |
2005 : |
9,562,122 |
35.3 |
8,772,598 |
32.3 |
Bien que je manque de sources et de données, il semble que les travaillistes aient perdu du terrain au sein des classes moyennes et des classes populaires, et des régions traditionnellement travaillistes sont passés aux mains des nationalistes écossais (de réputation plus progressiste) ou gallois. D’autre part, on sait que Tony Blair en réformant le Labour a grandement fragilisé les liens qu’entretenaient les travaillistes avec les syndicalistes. Ceci pourrait expliquer le retour de grèves dans le monde éducatif. Enfin, le nombre de militants travaillistes s'est éffondré au cours des dernières années, affaiblissant du coup les bases de soutient du parti.
Dans cette note j'ai voulu montrer que la crise que traverse actuellement le Parti Travailliste Anglais trouve ses sources non dans les faiblesses personnelles du leader, mais l’affaiblissement progressif, au cours des 10 dernières années, des bases sociales et électorales du parti. Cela résultant de l’action politique du parti au pouvoir, qui a pu décevoir une partie de l’électorat, comme de la longévité du parti au pouvoir (10 ans). En l’état, facteurs conjoncturels comme structurels annoncent une défaite aux élections générales de 2010.
22:22 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : europe, labour, social-démocratie, élections, gauche, brown, média, jospin
09 août 2008
Retrouvailles entre amis
Me voilà revenu d’Orléans où j’ai rendu une petite visite de cinq jours à des amis. Après quasiment deux mois de travail en peinture, avec une dernière semaine bien sous pression, j’avais envie de bouger quelques jours en vacances dans ces « grandes vacances ».
Je suis donc allé voir mes anciens compagnons de Terminale ES, cela faisait bien deux ans que nous ne nous étions pas vu. Mes amis J. et S., fiancés depuis 3 ans, m’ont merveilleusement accueillit ces quelques jours dans leur petit appartement (« petit » pour 3 personnes sur une longue durée mais correct pour un couple) et ont eut la délicatesse de contacter d’autres collègues pour qu’on se voit pendant mon séjour.
Si le temps a été un peu couvert et pluvieux les deux premiers jours, le soleil et la chaleur était au rendez-vous le reste du temps. Bien que S. travaillait cette semaine, ne nous laissant du coup que le midi et la soirée pour se retrouver tous ensemble, on s’est bien amusés. Pas besoin de se prendre la tête à faire un planning bien définis et surchargés pour savoir s’occupés : bien souvent ça marche au feeling.
On s’est baladé dans le centre ville d’Orléans. On a été au cinéma voir Wall-E. On a été boire un coup ou deux dans un bar. J. et moi sommes très cinéphiles, il m’a fait découvrir une série (How I Met Your Mother) et quelques bons films de sa grande collection de DVD. On a joué à la wii, en faisant des parties de boxe, de tennis et de guitare (si ! si !). Le tout en discutant.
J’ai bien sûr eu l’occasion de revoir nos autres amis. Le planning des uns et des autres ne coïncidant pas vraiment, selon les contraintes professionnelles et personnelles de chacun, on aura vu les amis sur trois journées. Er. et Em, l’autre couple, sont venu samedi soir. A. nous a invités chez lui à Châteaudun me donnant l’occasion de revoir la ville où j’ai passé un an de ma vie et mon bac. A. et J. m’ont fait comprendre que ma culture cinématographique asiatique laissait à désirer ;-) Enfin, M. a fait l’effort en pleine semaine de venir de Paris pour quelques heures à peine et repartir ensuite, montrant encore une fois sa disponibilité et son sens de l’amitié.
Au final une petite semaine bien sympathique. Ca fait plaisir de voir un peu ce que deviennent les uns, les autres. Certains continuent les études quant d’autres travaillent déjà. Certains sont en couples, d’autres (parfois les mêmes) font construire ou s’apprêtent à acheter un appart. Quand je pense qu’on était encore en terminale il y a cinq ans de ça, je me dis qu’on a parcouru bien du chemin depuis.
Le plaisir des retrouvailles me laisse toutefois un arrière goût d’amertume sur les chances de continuer à nous revoir dans les années qui viennent. Car finalement chacun construit sa vie avec sa moitié et/ou dans son univers, et le temps et la distance qui nous séparent, encore une fois, viennent éroder la pierre précieuse de l’amitié…
23:50 Publié dans Récit de vie | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : mémoire
28 juillet 2008
Le spectateur concerné
La fin de ma 4ème année universitaire a été marquée par un « conflit social » au sein de mon école. Portant sur les frais d’inscriptions, les étudiants, avec les représentants syndicaux étudiants à leurs têtes, se sont opposés au choix du conseil d’administration (C.A) de l’établissement de les faire augmenter jusqu’à 700 euros. Le mouvement s’est ainsi traduit par une série d’assemblées générales (qui voyait grossir le nombre d’étudiants à chaque séance) votant le blocage puis l’occupation de l’établissement, entrainant immédiatement la direction à prononcer la fermeture administrative de l’école. Au total près de 3 semaines perdues.
Je reviens aujourd’hui sur cet épisode car il m’apparait, avec du recul et bien des réflexions, riches d’enseignements sur les motivations et les stratégies individuelles et collectives. Bien entendu les propos qui vont suivre relèvent d'observations toutes personnelles, forcément entachées par ma subjectivité d'observateur participant.
Les acteurs.
Il convient d’avoir en tête l’existence de 3 principaux acteurs : les syndicats, la direction et les étudiants.
Du côté des représentants étudiants, on compte deux groupes: un syndicat étudiant d’un côté, un rassemblement d’étudiants de l’autre. Le syndicat en question a une sensibilité politique que je classerai plutôt à l’extrême gauche, proche, sans peut être vraiment le revendiquer, de la LCR. Il a longtemps jouit d’un monopole de la représentation étudiante en n’ayant aucune listes concurrentes à affronter lors des élections des représentants au C.A. Sur ce point je reste choqué de savoir que le moindre vote recueillit par cette unique liste lors des élections suffit à la légitimer, le vote blanc, seule alternative à ce vote, n’étant d'aucune valeur. Peut être en réaction à cette situation de monopole et en désaccord avec la ligne défendue par le syndicat, un groupe d’étudiants (apolitiques ?) a fondé une liste aux dernières élections et obtenus quelques représentants.
Du côté de la direction, je me bornerai à dire qu’elle est majoritairement de sensibilité de gauche. Bien qu’elle fasse un travail remarquable pour faire vivre et évoluer l’école, sa capacité de communication est à désirer, particulièrement sur le sujet de la maquette de la 5ème année.
L’ensemble des étudiants forment le troisième groupe d’acteur. Un groupe assez hétérogène qui réunit une multitude d’individus, au raisonnement et lunette sociale propre, derrière une « culture d’institution » et une expérience commune.
Les différentes étapes du mouvement.
A l’approche de la séance du C.A devant entériner la décision d’augmenter les frais d’inscriptions, le syndicat a fait passer une pétition pour sensibiliser et mobiliser les étudiants sur la question.
Le jour du vote, rassemblement des étudiants en colère devant la salle du conseil pour manifester son désaccord. La direction décide d’organiser une réunion d’information qui précèdera l’Assemblée Générale (A.G).
La réunion d’information permet à la direction d’expliquer ses choix. L’A.G. vote contre l’augmentation des frais d’inscriptions et décide le blocage.
Des étudiants tentent l’occupation des lieux. Affrontement contre les forces de sécurité privée.
Fermeture administrative de l’école. La direction occupe l’établissement nuit et jour.
Nouvelle A.G : débat sur l’opportunité de négociations ou la poursuite du blocage. L’A.G vote le blocage, la direction décide de reporter les premiers devoirs sur tables et fait fermer l’établissement.
Le corps enseignant témoigne de sa solidarité de la direction. La direction met sur pied un forum internet pour entretenir le dialogue.
Troisième A.G : Après 4 heures de débat dans un amphi bondé, le blocage est maintenu. La direction fait fermer l’établissement.
Une rumeur court sur le net : la continuité du mouvement mettrait en péril l’organisation des examens, les devoirs sur tables étant suspendus.
La direction officialise le contenu de la rumeur et décide l’organisation d’un référendum unique pour statuer sur la continuité ou non des cours.
Le référendum a lieu : une très grande majorité des étudiants décident la continuation des cours. Fin du mouvement. Vacances.
Les positions et les moyens d’actions.
Le syndicat combat la loi SRU (qui ne s’appliquerait pas à notre école de part notre statut) et défend l’enseignement 100% public et l’égalité des chances entre étudiants. Ce positionnement suppose le refus de tout financement extérieur privé, de tout échelonnement des frais d’inscriptions selon le revenu des parents, et une participation élevée des étudiants aux finances de l’école.
De par sa position monopolistique, le syndicat est se trouve en position d’organiser la gestion d’une A.G. On retrouvera souvent un membre du syndicat dans le personnel gérant les assemblées étudiantes (président, assistants, comptage des voix). Ils dominent souvent quantitativement le débat, avec une aisance orale évidente, en raison aussi de l’intervention normal des représentants étudiants proche du syndicat. Ils savent orienter le débat en présentant des propositions de votes à l’assemblée, et en sachant esquiver les questions qui dérangent. Ainsi ils feront éclipser la proposition de débat sur la révision des frais d’inscriptions en fonction des revenus.
La direction justifie son choix par le coût financier qu’entraine la création d’une 5eme année. L’Etat ayant maintenu sa dotation au cours des dernières années, les professeurs s’étant démêlés à signer des partenariats avec le secteur privée en échange de financement, les revenus de la taxe professionnelle étant limité, le direction jure n’avoir d’autres remèdes que celui de faire participer un peu plus les étudiants.
La direction et le personnel enseignant jouissent de l’argument d’autorité : ce sont nos enseignants, c’est eux qui décident en général l’orientation de l’école… donc quelque part de notre avenir collectif. Ils disposent d’informations (dont comptables) que les étudiants n’ont pas, et les diffusent à doses déterminés, au moment opportun avec l’explication qu’il convient. Pour relativiser les arguments étudiants, la direction a indirectement accusé les étudiants de 4eme année, dont certains syndicalistes, de mettre financièrement l’école dans la merde en partant faire leur 5eme année dans un autre établissement (oubliant au passage qu’elle a encouragé, faute de donner suffisamment d’informations sur leur projet de 5eme année de l’école, les étudiants à voir ailleurs). Je passe sur l’argument moral de la directrice qui a mit en avant sa situation de mère et ses origines sociales populaires qui ont laissés de marbre bien des étudiants. La direction a surtout un moyen d’action clé : la menace du report des examens.
Enfin les étudiants. Chacun ayant sa conception des choses, le raisonnement et le comportement adopté dépend de la situation sociale de chacun et de la hiérarchie subjective des priorités. A de rares exceptions près, personne ne voulait payer plus. Certains voulaient un moratoire repoussant à dans deux ans la fameuse hausse. Seraient-ils encore là dans deux ans ? Certains aimaient mettre en avant leur situation difficile et prédisaient ne plus pouvoir manger de viandes si la hausse avait lieux d’entrée ou échelonnée dans le temps. Certains étaient contre les frais d’inscriptions mais n’étaient pas prêt à s’investir dans le mouvement. Les vacances approchant, certains ont peut être voté contre le blocage parce qu’ils avaient déjà réservés leurs billets de train ou d’avion. Le possible report des examens a sans doute inquiété nombre d’étudiants qui avaient programmés leurs grandes vacances. D’autres ont peut être craint pour la réputation de l’établissement. Lors des votes en A.G quelques uns ont proposés de reporter la date de retour des mémoires, que d’autres étudiants ont refusés n’étant pas concernés, mais bien content que la même A.G vote le report des devoirs sur tables.
Et moi dans tout ça ?
Ma situation de boursier m’écarte a priori de toute hausse des frais d’inscriptions, mais j’ai signé la pétition par solidarité pour les autres.
Alors que les étudiants se réunissaient en nombre devant la salle du conseil le jour où le C.A entérine la hausse, j’étais un des rares étudiants présents à la conférence sur l’Affaire Borrel avec la femme du magistrat assassiné.
Je ne porte pas dans mon cœur l’esprit du syndicat en question même si je connais et apprécie certains de leurs membres.
Certains arguments de la direction m’ont paru raisonnables, d’autres beaucoup moins. Parmi ceux là : « on est une des écoles les moins chères de France »… comme si le montant des frais d’inscriptions était un indicateur de la qualité de l’enseignement.
Les débats en A.G étaient confus, les uns répondant aux interventions des autres qui répondaient eux même à celles de tiers. Les raisonnements m’ont souvent paru limités et finalement un peu égoiste. Les propositions modérées (i.e souhaitant négocier avec la direction) étaient bien souvent hués, et leurs auteurs traités de « bisounours ». Les partisans de la lutte voulaient sans doute donner à ce mouvement une ampleur et un enjeu qui n’était pas ceux posés au départ.
La direction a joué sur le comportement grégaire de certains élèves en brandissant le risque des reports d’examens. Pour le coup, tant par esprit de contradictions que par dégout pour la méthode, j’ai voté non au référendum.
J’ai eu le sentiment d’être à l’écart des préoccupations de mes camarades, mon esprit critique et peut être trop modéré m’empêchant de choisir un camp.
Finalement j’ai été un spectateur concerné plus qu’un spectateur engagé… Encore se pose le problème de l’engagement dans une cause collective. Serai-je finalement trop individualiste ou bien, comme m'a dit quelqu'un, "trop conscient pour être inconscient" ?
23:57 Publié dans Récit de vie | Lien permanent | Commentaires (12)
09 juillet 2008
La flamme et la cendre
Ceux qui me connaissent un tant soit peu savent l’intérêt que je porte à la vie politique en général et à la chose publique en particulier. Mais contrairement à une idée reçu, je ne suis pas un féru des livres écrits par nos responsables politiques (les écrivent-ils vraiment ? c’est un autre débat) ou ayant trait à la vie politique (par exemple « Les prétendants »). Je les trouve trop souvent circonstanciés, et du coup trop fades, sans grand intérêts sur le plan des idées. Mais il y a bien quelques exceptions.
Je viens d’achever la lecture de La Flamme et la Cendre, écrit par Dominique Strauss-Kahn et paru en janvier 2002. On me demandera pourquoi avoir attendu autant de temps alors que l’auteur n’est plus sur le devant de la scène et qu’il a écrit d’autres ouvrages depuis. La vérité c’est que pour moi, il y a les livres promotionnels - qui ne durent que le temps d’une campagne - et les livres de réflexions – qui savent rester d’actualité bien des années après. Ce n’est pas une question d’auteur qu’on apprécie ou non (et on sait que j’apprécie DSK ou Rocard), puisque j’estime que 365 jours, Journal contre le renoncement, du même auteur, fait partie des livres promotionnels qui ne marquent pas leurs temps.
Il convient de replacer le contexte dans lequel l’auteur a écrit cette oeuvre. Nommé Ministre de l’économie et des finances en 1997 dans le gouvernement Jospin (il y fait figure de « poids-lourds »), il démissionne en novembre 1999 lorsqu’il est mis en cause dans des affaires judiciaires (conclues en non-lieux en 2001). Sa carrière politique interrompue en pleine lancée, on conviendra qu'il y a des situations plus malheureuses, il profite d'être dans le creu de la vague pour prendre le temps de réfléchir, le temps d’écrire. Il en ressort un livre singulier, authentique et très personnel.
Quatre grands sujets sont abordés, tous subdivisés en plusieurs chapitres. Le livre commence par une réflexion sur le socialisme comme doctrine politique. Effectuant une perspective historique, l'auteur explique la fameuse dialectique "réforme/révolution", le poids du marxisme et son questionnement face aux problèmes actuels. Il développe la notion des 3 socialismes: celui de la redistribution, celui de la production et celui de l'émancipation (c'est à dire celui consistant à lutter contre les inégalités à la racine).
DSK traite dans une seconde grande partie le vaste sujet de la mondialisation. Après avoir énumérés les différents points de vue critiques émis sur le processus de globalisation, il explique en quoi c'est un processus irréversible qui n'a pas que de mauvais aspects. Il dit notamment que la lutte pour l'environnement est un facteur de mondialisation, et argumente à cet effet sur l'intérêt du nucléaire et du système des "droits à polluer" (à côté du système des éco-taxes). Enfin il appelle de ses voeux une régulation de la mondialisation (il aborde ici les limites pratiques de la taxe Tobbin) au niveau européen et des instances internationales (dont le FMI, l'OMC, l'OIT, le G8 etc) qu'il souhaite réformer pour une nouvelle "gouvernance mondiale". Il aborde là la question de l'architecture du système international, de la légitimité démocratique et l'arbitrage.
En troisième partie vient l'Europe. Il rappelle que l'histoire de la construction européenne repose sur deux dynamiques: la délégation de prérogatives nationales vers l'échelon communautaire (Commission et Parlement) et l'harmonisation (notamment au niveau du marché intérieur). Il rappelle d'autre part la spécificité du modèle social européen fondé sur une mutualisation des risques permises par le welfare state. Le reste de son propos sur le sujet européen concerne la monnaie unique et ce qu'elle implique politiquement sur les instances européennes. Rappelons qu'en 2002, l'euro remplace tout juste nos monnaies nationales. Il milite donc pour une gouvernance économique européenne qui coordonerait la politique monétaire de la BCE et les politiques budgétaires des Etats (via l'Ecofin). Cette partie est d'autant plus intérressante qu'il nous livre son expérience et relate ses combats (souvent soldés par des semi-échecs) auprès de ses partenaires européens pour faire avancer l'idée.
Enfin, il consacre le dernier chapitre à la France. Il fait le point sur son action à Bercy notamment sur la question des privatisations, de la réforme fiscale du gouvernement Jospin, et enfin de la politique industrielle. Son soucis ayant été de booster la croissance économique pour relancer l'emploi. Par la suite, il analyse le dialogue social dans notre pays en rapport à la dialectique "loi/contrat". Il émet une critique sur la méthode choisit pour le passage aux 35 heures mais ne critique pas la proposition en elle même. Il émet quelques propositions sur la refonde de la démocratie sociale en France. Il aborde le sujet épineux de la réforme de l'Etat et du statut de la fonction publique (dont la haute-fonction publique) en énoncant quelques principes clés pour une bonne méthode de réforme. Il termine par une réflexion sur les instutions françaises (le régime présidentiel, la réhabilitation du Parlement, la fabriquation des lois, la structure territoriale, le vote des immigrés).
En refermant le livre je me suis rappellé pourquoi j'ai soutenu - et je soutient encore - la démarche de Dominique Strauss-Kahn. Avec un soucis de pédagogie et d'équilibre dans ses propos*, il éclaire le lecteur sur les enjeux auxquels la France est confrontée, avec la méthode - la sociale-démocratie - pour les traiter. Il est même ironique de voir à quel point ce qu'il a pu écrire à l'époque est toujours d'actualité, et comment certains responsables politiques (à gauche comme à droite) ont repris ses positions.
Le livre m'a plu parce qu'il s'adresse à l'intellectuel des gens, mais je peux concevoir que la forme de l'analyse retenu par DSK ne soit pas la plus appropriée pour la compréhension du citoyen lamba peu initié à l'économie, la sociologie ou le droit. Je veux dire par là qu'étudiant ces disciplines là, le discours ne m'est pas étrangé. Enfin, je terminerai par un regret: dommage que l'auteur n'est pas su dans son engagement politique depuis 2002, mettre en avant et de façon aussi claires, ses idées et ses prises de positions. Peut être qu'alors, on aurait pu éviter le phénomène Ségolène Royal.
* Ce qui ne veut pas dire que je sois d'accord sur tout; J'estime que son argumentaire sur le nucléaire passe sous silence la gestion des déchets dans le temps, un temps qui dépasse largement celui d'une vie humaine.
23:48 Publié dans Livres | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : gauche, europe, social-démocratie, dsk, rocard, royal